Le Diable au corps (XIVe-XVIe siècle)
Texte intégral
1Le dossier de la démonologie n’est jamais définitivement refermé. Pour l’époque de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, il offre un moyen essentiel de pénétrer les mentalités. Parce que la possession est avant tout une incarnation du Mal, nous avons décidé d’aborder cette question en partant du corps sorcier.
2Béatrice Delaurenti découvre chez Nicole Oresme une réflexion sur la « voix de sorcière ». L’enquête révèle que, pour le théologien, la voix tire son pouvoir non de son origine démoniaque, mais des virtualités merveilleuses de la nature.
3Franck Mercier montre qu’au milieu du XVe siècle, la Chrétienté, se sentant menacée, exerce sa force répressive sur le corps individuel du sorcier ou de la sorcière, mais conjecture aussi un complot satanique constitutif d’un corps collectif : si le mythe du sabbat prend davantage de consistance, c’est que l’on craint qu’à côté de la société chrétienne en mal d’unité ne se constitue une entité collective qui serait son envers. Ce faisant, Franck Mercier propose une synthèse de la place accordée au corps dans l’imaginaire de la démonologie, dont il met en évidence les implications théologico-politiques.
4Christine Pigné s’interroge sur l’extraordinaire succès du Malleus Maleficarum (1486) de Jacques Sprenger et Henry Institoris, devenu le manuel de ceux qui persécutaient les sorcières: en s’appuyant sur un ouvrage de Thomas d’Aquin dont les historiens n’avaient pas jusqu’ici souligné l’importance, le traité De Malo, elle montre que le livre des inquisiteurs rhénans fournit à la répression un cadre théorique acceptable, parce qu’il conçoit la sorcière selon une représentation conforme à la pensée thomiste.
5En partant du cas de Saül, un des quelques exemples de possédés qu’offre la Bible, Bruno Méniel montre qu’aux XVe et XVIe siècles, le discours du démonologue s’articule avec celui du théoricien politique, du théologien et du médecin.
6Ces éclairages très différents soulignent la rationalité profonde d’un vaste délire collectif, que l’avènement de la modernité tardera encore longtemps à dissiper.
Pour citer cet article
Référence papier
Bruno Méniel, « Le Diable au corps (XIVe-XVIe siècle) », Cahiers de recherches médiévales , 13 | 2006, 167.
Référence électronique
Bruno Méniel, « Le Diable au corps (XIVe-XVIe siècle) », Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 27 novembre 2009, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/2607 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.2607
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