Sociabilité de groupe des étudiants français à l’université de Bologne à la fin du XIIIe siècle
Résumés
Les étudiants français présents à l’université de Bologne au Moyen Âge sont relativement méconnus. Une source exceptionnelle, les Memorialia Communis, ensemble de volumes contenant l’enregistrement d’actes notariés passés sur le territoire de la ville, permet d’appréhender plus précisément ces individus, notamment pour la fin du XIIIe siècle. La présence concomitante de plusieurs étudiants dans les mêmes actes, allant jusqu’à l’intervention de groupes d’étudiants, trace les contours d’une forme de sociabilité particulière. Elle donne une image contrastée de la communauté française, une petite partie des étudiants appartenant véritablement à une communauté, à un réseau étendu et dense, tandis que la majorité d’entre eux apparaît plus isolée.
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- 1 Fin du XIIIe siècle pour la première, XIVe siècle pour la seconde. Sur la constitution et le fonct (...)
- 2 Aire régionale ou nationale selon les universités ; cf. J. Verger, « La mobilité étudiante au Moye (...)
- 3 Cette caractéristique a été abondamment soulignée par l’historiographie bolonaise. Cf., entre autr (...)
- 4 La venue d’étudiants étrangers se vérifie en réalité dès la première moitié du XIIe siècle, avant (...)
- 5 Sur le coût des études, notamment dans une université éloignée, cf. J. Verger, « Géographie univer (...)
- 6 Un acte de la nation germanique donne la liste des nations ultramontaines à cette date : Allemagne (...)
1Attestée vers 1230, après la reconnaissance des privilèges étudiants par la Commune, l’université de Bologne voit coexister deux universités juridiques, celle des étudiants citramontains et celle des étudiants ultramontains, tandis que l’université des arts et celle de théologie sont plus tardives1. D’emblée, le Studium bolonais constitue un centre d’attraction pour des étudiants étrangers, au-delà de son aire de recrutement naturelle2. Cette caractéristique se renforce ensuite à mesure que Bologne s’affirme comme centre principal des études juridiques3. Le prestige des maîtres bolonais, conjugué à la situation géographique favorable de la ville et aux conditions privilégiées assurées aux membres du Studium par la Commune explique l’afflux d’étudiants étrangers4. Le statut social et financier des étudiants en droit, généralement supérieur à celui des artistes ou des théologiens, doit aussi leur permettre d’assumer le coût du déplacement et du séjour à Bologne5. Pour les encadrer, le système des nations prend une place particulière : six dès le début du XIIIe siècle, elles sont treize en 1265 pour la seule université ultramontaine, dont la composition reflète la diversité des origines6.
- 7 F. Landogna, « Maestri e scolari pisani nello Studio di Bologna tra il secolo XII e la metà del XI (...)
- 8 B. M. Marti, The Spanish College at Bologna in the Fourteenth Century, Philadelphie, 1966, 394 p. ; (...)
- 9 A. Allaria, « English Scholars at Bologna during the Middle Ages », The Dublin Review, 112, 1893, (...)
- 10 G. Forchielli, « Il collegio ungarico-illirico di Bologna », Notter Antal Emlékkönyvböl Dolgozatok (...)
- 11 G. C. Knod, Deutsche Studenten in Bologna (1289-1562), Berlin, 1899, xxv-765 p. P. Silvani, « La N (...)
- 12 E. Friedländer, C. Malagola, éd., Acta nationis Germanicae…, op. cit.
- 13 « La "Nation" de Bourgogne à l’université de Bologne du XIIIe au XVIe siècle », Mémoires de la Soc (...)
- 14 Cf. G. Cencetti, Gli archivi dello Studio bolognese, Bologne, 1938, 134 p. (Pubblicazione del R. A (...)
- 15 Notamment dans son « Plan de recherche pour l’établissement d’un Corpus des étudiants européens (j (...)
- 16 A. I. Pini, « “Discedere turba volens”… », art. cit., p. 52-53.
2Nombre de travaux ont été consacrés à ces étudiants, issus des péninsules Italienne7 ou Ibérique8, d’Angleterre9, d’Europe centrale10. Les étudiants du monde germanique sont particulièrement bien connus11, ayant été en grande partie identifiés grâce aux actes et à la matricule de leur nation, la seule pour laquelle de tels documents sont conservés12. La situation est tout autre pour les étudiants français, même si Sven Stelling-Michaud donne quelques indications sur ceux issus des régions de confins avec la Suisse, en particulier les Bourguignons13. Il est vrai qu’on ne dispose pas pour appréhender ce groupe d’une matricule ou des actes d’une nation, et le fonds du Studium ne conserve que peu de documents antérieurs à la fin du XIVe siècle14. Mais S. Stelling-Michaud a longuement présenté les autres sources, particulièrement riches, qui permettent d’étudier les populations étudiantes de Bologne15, tandis que les fonds exploitables pour une approche centrée sur la vie étudiante ont été analysés par Antonio Ivan Pini16.
Une source exceptionnelle : les Memorialia Communis
- 17 Analyse détaillée de l’histoire et de la forme de ces registres par G. Tamba, « I memoriali del co (...)
- 18 L. Frati, Dei monumenti istorici pertinenti alle provincie della Romagna, Ser. 1 : Statuti, t. 1-3 (...)
- 19 Certains actes sont cependant exclus, tels que les contrats d’apprentissage et surtout les actes r (...)
- 20 Cf. L’Archivio dell’ufficio dei Memoriali : inventario, a cura di L. Continelli, vol. I : Memorial (...)
3Les registres de la Commune de Bologne, les Memorialia Communis17, constituent la plus importante de ces sources. Couvrant la période 1265-1436, ces trois cent vingt-deux volumes in-folio conservés aux Archives d’État à Bologne contiennent l’enregistrement des actes passés devant notaire prescrit par les statuts municipaux de 126518. Tous les contrats concernant des affaires d’une valeur supérieure à vingt livres bolonaises ou indéterminée (donations, ventes, achats, locations, emprunts, cautionnements, procurations, dots, testaments, etc.) devaient y être enregistrés dans les jours suivant la signature, sous peine de nullité19. Les enregistrements sont très précis : nom des parties, objet et valeur du contrat, nature de l’acte, nom du notaire, nom et qualité des témoins, lieu et date de rédaction. Ils évoluent même vers une copie quasi complète de l’acte, et les statuts de la Commune de 1335 stipulent que l’enregistrement doit comporter les dates de lieu et de temps, le nom des contractants, des témoins et du notaire et totum tenorem ipsius instrumenti20.
- 21 Cf. G. Orlandelli, « I Memoriali bolognesi come fonte per la storia dei tempi di Dante », Dante e (...)
- 22 Le travail de S. Stelling-Michaud, L’université de Bologne…, s’appuie en particulier sur ce fonds (...)
- 23 Chartularium studii Bononiensis. Documenti per la storia dell’Università di Bologna dalle origini f (...)
- 24 Thèses dirigées par G. Orlandelli dans les années 1960 : G. Fiorentini pour le Memoriale XIII ; M. (...)
- 25 S. et S. Stelling-Michaud, Les juristes suisses à Bologne…, op. cit. : regestes p. 193-246 pour la (...)
- 26 Un barème est prévu selon le montant et la nature de la transaction. Cf. G. Fasoli, P. Sella, éd., (...)
- 27 Cf. G. Tamba, « I memoriali del comune… », art. cit.
- 28 Cf. L’Archivio dell’ufficio dei Memoriali…, op. cit.
4Amplement exploité par les historiens de la capitale émilienne21, ce fonds irremplaçable pour l’histoire de la ville et de ses habitants s’avère également précieux pour l’étude du Studium. De nombreux actes passés par des étudiants, achats de manuscrits, locations de logement et surtout emprunts d’argent, figurent dans ces registres, permettant une approche des hommes, des aspects économiques et même intellectuels du Studium22. Pour la période 1265-1270 et la première moitié de 1286, les actes concernant le monde universitaire ont été publiés dans le Chartularium Studii Bononiensis23. D’autres dépouillements et transcriptions des actes concernant l’Université et les étudiants ont été réalisés dans le cadre de thèses24, tandis que des regestes et éditions ont été publiés par Sven et Suzanne Stelling-Michaud25. Seule une faible partie des memorialia est cependant rendue accessible par ce biais, et le dépouillement des autres registres eux-mêmes reste nécessaire. Des limites apparaissent toutefois rapidement, notamment en raison de variations dans la qualité et l’exhaustivité des enregistrements. Une réforme de 1285 lie la taxe à payer pour l’enregistrement au coût de la transaction enregistrée26 . Pour éviter le paiement, les contractants semblent dès lors subdiviser les transactions pour en réduire le coût et rester sous la limite de 20 livres bolonaises, en passant par exemple non un contrat de location pour deux bœufs, mais deux contrats séparés pour un bœuf chacun27. De telles pratiques peuvent expliquer que les membres du Studium, qui à la fin du XIIIe siècle passent très souvent des actes collectifs pour des sommes importantes, se fassent plus rares dans les registres postérieurs. En outre, une certaine décadence du bureau des Memorialia à partir du milieu du XIVe siècle entraîne une détérioration de la qualité des enregistrements28. La réduction du nombre d’actes enregistrés concernant maîtres et étudiants et la baisse de qualité des enregistrements conduisent à privilégier l’étude de la fin du XIIIe siècle, et plus particulièrement la période 1265-1285.
- 29 Sur les variations du nombre de notaires, voir L. Scarabelli, Relazione dell’importanza e dello st (...)
- 30 Rubrique XLIII des statuts de 1265 (L. Frati, Dei monumenti istorici…, op. cit., III, p. 628) : in (...)
- 31 Les registres semestriels ont ensuite été reliés en gros volumes, numérotés de 1 à 208. Chaque ann (...)
- 32 Cf. ci-dessus note 30.
5L’office d’enregistrement des actes est assuré par des notaires députés par la Commune. Leur nombre peut varier29, mais il y en a au moins un pour chacun des quatre quartiers de la ville, et un super cambio civitatis, qui enregistre les actes passés entre les marchands et changeurs bolonais et étrangers d’une part et les étudiants d’autre part30. Ils restent en fonction un semestre, au terme duquel ils remettent deux copies de leur registre. Chaque registre est constitué d’environ 50 à plus de 150 feuillets31, qui comprennent en moyenne 8 à 20 enregistrements chacun. Dans les premiers temps, les statuts prévoyant que des titres marginaux doivent identifier la nature du contrat sont respectés : le dépouillement peut ainsi se concentrer sur les actes les plus susceptibles d’impliquer des étudiants, les emprunts d’argent ou les copies de manuscrits, et survoler ceux où l’intervention d’un étudiant est moins probable – les mutations foncières ou les contrats de location de bétail notamment. Une priorité peut également être donnée aux registres ad Cambium, qui doivent en principe contenir toutes les transactions financières des étudiants32. Même si ce n’est en réalité pas toujours le cas et si certaines de leurs transactions sont enregistrée dans les registres par quartier, la proportion d’étudiants dans les registres ad Cambium est bien plus importante que dans les autres. L’enregistrement, assez succinct dans un premier temps, se fait vite plus complet. L’état civil des contractants et témoins est indiqué précisément : le nom, suivi généralement de celui du père, éventuellement les grades universitaires et la fonction dans la hiérarchie ecclésiastique. Il est ainsi possible de repérer d’emblée les scolares. Mais une telle description n’est pas systématiquement présente ou exhaustive et certains membres de l’Université peuvent (doivent immanquablement) échapper au recensement opéré sur cette base.
Les « étudiants français »
- 33 Statuts de 1432, qui reprennent les dispositions antérieures (C. Malagola, Statuti delle universit (...)
- 34 La définition de l’étudiant « français », bien que délicate, est toutefois relativement homogène a (...)
- 35 Un exemple où la distinction est possible : Simon de Peroceio passe en janvier 1270 un acte d’empr (...)
- 36 Cf. E. Friedländer et C. Malagola, éd., Acta Nationis Germanicae…, op. cit., p. 4 : les membres de (...)
- 37 Un exemple parmi d’autres : Jean de Grasse, fils de Raymond de Grasse, qui emprunte de l’argent en (...)
- 38 Sur les fonctionnements divers des noms de lieu et la difficulté à discerner si un tel nom est ind (...)
- 39 La problématique de l’origine des étudiants est également présentée pour les Espagnols par P. Tamb (...)
6Parmi les actes des Memorialia communis se rapportant aux membres du Studium, le repérage des « étudiants français » pose des problèmes spécifiques. On peut retenir comme membres du corpus les étudiants des nations de France – c’est-à-dire d’Île-de-France –, de Provence, de Picardie, de Touraine et Maine, de Normandie et du Poitou. La nation de Bourgogne peut quant à elle être prise en compte partiellement : elle comprend en effet au XIIIe siècle le duché de Bourgogne, le duché de Bourbon, le Beaujolais et le diocèse de Lyon, ainsi que le comté de Savoie, exclu ici du champ d’investigation33. Par souci de clarté des identifications, la nation germanique est totalement exclue du recensement, y compris pour le comté de Bourgogne : la sélection entre étudiants teutonici identifiés plus précisément et ceux pour lesquels seule cette épithète est connue paraît en effet trop hasardeuse34. La nation n’est cependant pas toujours une donnée opérante pour l’identification des étudiants, car elle ne figure pas systématiquement dans les enregistrements. Les étudiants peuvent tout aussi bien donner le nom de leur ville d’origine, ou celui de leur diocèse. La prudence s’impose ici, car il n’est pas toujours possible de déterminer si le diocèse indiqué est celui d’origine ou celui dans lequel l’étudiant peut détenir un bénéfice ecclésiastique35. À cet égard, la mention de la nation d’appartenance est plus sûre dans la mesure où les statuts universitaires fixent le rattachement à une nation en fonction du lieu d’origine et non du lieu de résidence36, mais encore faudrait-il supposer qu’ils sont parfaitement appliqués pour affirmer que l’indication de la nation est toujours fiable. Enfin, une trop grande confiance ne peut être accordée aux indications géographiques figurant dans les noms, y compris lorsqu’un même toponyme figure dans le nom de l’étudiant et dans celui de son père37. Il est en effet souvent délicat de distinguer un nom à deux éléments d’un nom accompagné d’un surnom, qui peut fort bien être patronymique, et renvoyer à l’origine de la famille plus que de l’étudiant lui-même38. Au prix de vérifications et recoupements, lorsqu’ils sont possibles, ces noms fournissent cependant un indice assez probant de rattachement au territoire français39.
- 40 André de Languselles, fils de Hugues de Languelles, passe en juin 1273 un acte d’emprunt avec douz (...)
- 41 Un acte d’août 1273 nous apprend ainsi qu’André de Languselles est originaire du diocèse de Nîmes (...)
- 42 Robert d’Argence, fils de Réginald de Moneta, intervient dans plusieurs actes en 1273 et 1275 (Reg (...)
7L’autre élément de l’expression, « étudiant », s’avère tout aussi problématique : au-delà de ceux qui sont explicitement qualifiés de scolares, comment distinguer les Français étudiants de ceux engagés à Bologne dans d’autres activités ? La mention d’appartenance à une nation, du type provincialis ou burgundius est insuffisante. La nature des actes passés peut constituer un indice, lorsqu’il s’agit d’un achat ou d’une commande de manuscrit notamment. Les « fréquentations » du personnage en sont un autre : un Français figurant dans le même acte que des étudiants peut également appartenir au Studium. Mais ce n’est qu’une probabilité et pour s’en assurer des recoupements sont nécessaires, entre actes enregistrés dans les Memorialia en premier lieu40. C’est également par le biais de recoupements qu’il est parfois possible d’affirmer d’un écolier qu’il est français ou de préciser son origine, grâce à une mention explicite41, ou de façon indirecte42.
- 43 Si Stephanus filius domini Johannis de Crexiacho et Stephanus filius domini Johannis de Glisiacho (...)
- 44 Au contraire de ce qu’il a été possible à Thierry Kouamé de déterminer pour les élèves du collège (...)
- 45 Exemples : dominus Guillelmi Fulchi de Poscheriis ; dominus Johannes Bonfilii de Lunello.
- 46 Bertrandus de Langusellis, du diocèse de Nîmes, intervient ainsi dans trois actes en 1273 (Reg. 22 (...)
- 47 Simon de Porozeio et Simon de Brione, associés dans un acte du 22 janvier 1270 (Reg. 11, fol. 171v(...)
- 48 Guillelmus Pagani filius domini Bernardi, ou encore Jacobus filius domini Bomundi de Systaricho.
- 49 Maurandus, Sancti Saturnini de Toloxa canonicus ou encore Johannes, Montis Andronis archipresbiter(...)
- 50 Base largement inspirée de travaux prosopographiques antérieurs. Cf. O. Mattéoni, « Une base de do (...)
8Les recoupements entre actes présentent cependant eux-mêmes quelque difficulté. Sur quelle base les opérer ? La seule homonymie ne saurait suffire, d’autant que les incertitudes orthographiques la rendent parfois difficilement identifiable ou quelque peu hasardeuse43. La contemporanéité, avérée dans la plupart des cas, n’est pas un critère d’identification assez discriminant44. Sont considérés comme des critères nécessaires pour une identité possible, en plus de la contemporanéité : homonymie totale d’un nom composé45 ; ou homonymie et origine concordante46 ; ou homonymie et présence concomitante dans un acte avec les mêmes personnages47. L’identité probable est définie par l’homonymie du prénom, du nom et du nom du père48 ; ou par l’homonymie associée à une même fonction49. La réunion de la contemporanéité, de l’homonymie, et de plus de deux autres critères définit également une identité probable. Avec ses limites et ses incertitudes, la base informatique constituée à partir de ces données50 permet de tracer un premier portrait des étudiants français présents à l’université de Bologne à la fin du XIIIe siècle, ou du moins d’une partie d’entre eux, et d’entreprendre l’analyse de leurs relations.
La sociabilité des étudiants
9La typologie des actes passés sur le territoire de Bologne dans lesquels interviennent des étudiants français comme partie ou témoins est assez restreinte : pour l’essentiel, transactions financières (emprunt, promesse de remboursement ou au contraire reconnaissance de remboursement, reconnaissance d’encaissement, substitution de débiteur, garantie, etc.), contrats d’écriture, ventes, achats ou transports de livres, constitutions de procureur, arbitrages, locations de pension, cessions de droits. Ces actes, et notamment ceux de nature financière, sont souvent collectifs, associant plusieurs emprunteurs qui s’engagent solidairement à rembourser une dette, ou plusieurs encaisseurs qui reconnaissent avoir reçu une somme. Des étudiants se trouvent ainsi associés, entre eux ou avec des personnes extérieures au Studium, de façon ponctuelle ou récurrente. L’analyse des relations ainsi établies, de leur nature, de leur fréquence, de leurs explications éventuelles aussi, permet d’approcher l’une des formes de sociabilité des étudiants.
- 51 Registres de parchemin de respectivement 226, 356 et 252 feuillets, correspondant à 10 memoriali s (...)
- 52 C’est le taux le plus important pour les années dépouillées ; à titre de comparaison, l’année 1272 (...)
- 53 Les limites précises des nations sont difficiles à déterminer d’après les statuts ; cf. E. Friedlä (...)
10L’année 1273 constitue un bon sondage pour cette analyse. Elle est documentée par les registres 21, 22 et 2351, dans lesquels ont été relevés 342 actes impliquant des étudiants français52, dont 291 voient intervenir des étudiants explicitement définis comme tels. Ce corpus correspond à 806 occurrences d’étudiants français, qui sont le fait de 146 étudiants différents. Pour 80 % d’entre eux, la nation d’appartenance n’est pas précisée. Les diocèses de rattachement donnent toutefois une vue assez précise pour près de 70 % des étudiants de l’année. Les Provençaux sont les plus nombreux (près de 40 % de l’ensemble des étudiants de l’année) ; les Poitevins viennent en deuxième position (14,4 %), devant les Français d’Île-de-France (5,5 %), les Picards et les Bourguignons (3,4 % chacun), tandis que la présence d’étudiants originaires du Maine, de Normandie ou de Bretagne est plus anecdotique53. Le groupe apparaît d’emblée hétérogène quant à sa présence dans les registres : environ 30 % des étudiants interviennent dans un seul acte au cours de l’année, tandis que 18 % sont documentés par plus de 9 enregistrements. Entre ces deux pôles, un quart des étudiants intervient dans 2 ou 3 actes et un autre quart dans 4 à 8 actes.
Relations entre étudiants
11L’hétérogénéité est plus marquée encore concernant les relations mises en lumière par ces actes. Tous les étudiants, à une exception près, entrent en relation avec au moins une autre personne. Pour un même étudiant, on compte de 4 à 222 relations – terme employé au sens « d’entrée en relation » et non de personnes différentes avec lesquelles se font les entrées en relation. Ces personnes seront désignées ici sous le terme de « connaissances » et sont quant à elles de 3 à 127 pour un même étudiant. La « norme » semble cependant se situer entre 4 et 11 relations, près de 25 % des étudiants se situant dans cette catégorie. Si l’on réduit la focale aux seules relations entre étudiants, on constate qu’environ 90 % des membres du corpus (130) figurent dans les mêmes actes que d’autres étudiants, un même individu pouvant compter de 1 à 89 relations étudiantes. La majorité (environ 60 %) se contente toutefois de 1 à 10 relations. Un même étudiant peut cumuler jusqu’à 44 connaissances différentes parmi les autres étudiants français. Un quart de l’ensemble des étudiants de l’année se contente de 1 à 3 connaissances, un deuxième quart de 4 à 9 connaissances, et un troisième quart de 10 à 21 connaissances. Le reste d’entre eux se répartit entre étudiants isolés (environ 10 % sans connaissances étudiantes) et très entourés (14,5 % ont plus de 21 étudiants différents parmi leurs connaissances).
- 54 Berengarius de Bociacis connaît par exemple 42 étudiants différents : avec 22, il se contente d’un (...)
12Au-delà de leur diversité, ces relations paraissent assez lâches : seuls 19 % entrent plus de deux fois en relation avec le même étudiant. Quelques nuances doivent cependant être apportées à cette impression de dispersion. En effet, les sociabilités en jeu sont cumulatives : plus on a de connaissances étudiantes, plus on les fréquente. Parmi ceux qui connaissent 15 étudiants ou plus, environ 30 % entrent en relation avec eux au moins deux fois, le chiffre montant à 37 % pour ceux qui fréquentent 20 étudiants ou plus, alors qu’il n’est que de 11,5 % pour ceux qui en fréquentent moins de 10. Le cumul s’établit aussi dans l’architecture même de la sociabilité : les mêmes individus ont de nombreuses relations uniques et des relations denses, combinant les aspects quantitatif et qualitatif en un réseau solide54. Le contraste apparaît donc fort entre un petit groupe d’étudiants très bien insérés dans des réseaux nombreux et denses (environ un quart du corpus) et une forte majorité qui paraît plus isolée.
13On manque d’éléments pour cerner les raisons de l’entrée en relation de deux étudiants, l’origine géographique ne constituant pas un critère véritablement déterminant. Certes la concordance de nations est fréquente, un quart des étudiants partageant la même nation avec plus de 80 % de leurs connaissances, mais pas systématique : un autre quart d’entre eux ne la partagent avec aucune de leurs connaissances. Et pour le diocèse, la concordance apparaît plus épisodique : plus de 55 % des étudiants n’ont parmi leurs connaissances aucun compatriote, seuls 8,5 % d’entre eux comptent plus de 50 % d’étudiants issus du même diocèse qu’eux parmi leurs connaissances étudiantes.
Réseaux de relations
14Au-delà des relations inter-personnelles, une première approche des réseaux qu’elles dessinent consiste à envisager les connaissances communes à deux étudiants. L’analyse se fonde ici sur 741 « duos » constitués dans les actes et prend en compte les étudiants que chacun des membres du duo fréquente, indépendamment ou ensemble. La cohérence du petit milieu des étudiants apparaît d’emblée : seuls 2,5 % des duos n’ont aucune connaissance commune. Un peu plus d’un quart partagent 1 à 5 connaissances, un deuxième quart entre 6 et 9, le troisième quart se situant entre 10 et 16. Enfin on retrouve un petit ensemble de relations insérées dans un réseau très dense (22 % à plus de 17 connaissances communes, dont 5,5 % à plus de 22). Le nombre des connaissances communes est naturellement fonction du nombre de connaissances de chaque étudiant. Ceux qui ne fréquentent que deux autres étudiants n’ont jamais qu’une connaissance commune avec chacun, ceux qui en fréquentent une dizaine partagent en moyenne 5 à 6 connaissances avec chacun ; ceux qui en fréquentent une vingtaine partagent en moyenne 9 à 10 connaissances avec chacun ; à plus de 30 connaissances, il y a en général 15 connaissances communes. Il existe cependant des exceptions : Sycardus Gaschy de Serviano par exemple, qui fréquente 21 étudiants différents, ne partage en moyenne que 6 connaissances avec chacun. Et surtout, les réalités que recouvrent ces moyennes sont contrastées : Bernardus Marthesii, qui connaît 26 étudiants différents, a en moyenne 14 connaissances communes avec chacun, mais en réalité une seule avec certains et jusqu’à 20 ou 21 avec d’autres.
Sociabilités de groupe
Des actes collectifs
15Les actes enregistrés dans lesquels interviennent des étudiants sont, on l’a dit, fréquemment collectifs. Les groupes qui y sont constitués représentent un cadre privilégié d’expression de la sociabilité des étudiants. En 1273, 36 % des actes voient intervenir un groupe d’au moins trois étudiants. Il s’agit très majoritairement de groupes réduits, de 3 à 5 étudiants (78,8 % des actes comportant des groupes). Les groupes de 6 à 8 étudiants représentent environ 17 % de ces actes, tandis que les groupes importants, de plus de 10 étudiants, restent exceptionnels (4 % des actes comportant des groupes). Une distinction importante doit être opérée selon la nature de l’acte enregistré, et selon le montant de la transaction. Certaines opérations sont particulièrement favorables à la constitution de groupes. Si l’on considère les typologies documentées par un nombre d’actes suffisant pour être représentatives :
Action |
Nombre |
Proportion |
Constitution de procureur |
8 |
3 sur 4 |
Promesse de remboursement |
140 |
1 sur 2 |
Substitution de débiteurs |
36 |
2 sur 5 |
Reconnaissance de remboursement |
8 |
1 sur 4 |
Reconnaissance d’encaissement |
62 |
1 sur 6 |
Contrat d’écriture |
7 |
1 sur 7 |
Vente de livres |
58 |
1 sur 10 |
|
|
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16Les constitutions de procureurs, peu nombreuses, et qui sont presque exclusivement le fait de groupes de trois étudiants, sont difficiles à analyser. Les autres typologies sont plus parlantes : ce sont principalement les emprunts d’argent, au moment de la promesse d’un remboursement ou lorsqu’un nouvel intervenant se substitue à l’un des débiteurs initiaux, qui suscitent le regroupement d’étudiants. Les actes d’emprunt proprement dits comportent bien plus souvent que les autres actes l’intervention d’un groupe, et plus souvent aussi des groupes plus nombreux : 65,7 % des emprunts de groupes sont le fait de groupes de 3 à 5 étudiants, 27,4 % correspondent à des groupes de 6 à 8 étudiants et 6,8 % à des groupes de plus de 10 individus. Les substitutions de débiteurs, qui interviennent en général quand l’un des débiteurs initiaux quitte Bologne pour « regagner sa patrie », se font souvent en présence de l’un ou de plusieurs des « co-débiteurs », mais pas de façon systématique et rarement avec tous les acteurs de l’acte d’emprunt initial. Cela explique que ces actes ne soient jamais le fait de groupes de plus de 5 étudiants. Si l’on renverse l’analyse, la prédominance des emprunts d’argent dans les « actes de groupe » apparaît également : ils représentent 58,5 % de l’ensemble. Ils s’avèrent même déterminants pour la constitution des groupes importants : 49,5 % des actes des groupes de 3 à 5 étudiants, 95,4 % de ceux des groupes de 6 à 8 étudiants, et 100 % de ceux des groupes de plus de 10 étudiants.
17Les transactions financières étant le cadre privilégié de regroupement d’étudiants, l’examen de leur montant peut aider à comprendre le fonctionnement des groupes. Le montant de la transaction est connu pour 318 actes.
Montant |
Nombre d’actes |
Pourcentage d’actes |
Proportion d’actes |
moins de 50 |
80 |
31 |
1 sur 25 |
de 50 à 100 |
92 |
25 |
1 sur 11 |
de100 à 200 |
77 |
42 |
2 sur 7 |
de 200 à 300 |
22 |
64 |
3 sur 7 |
de 300 à 500 |
23 |
65 |
7 sur 15 |
plus de 500 |
24 |
33 |
3 sur 8 |
|
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18Sans surprise, les transactions de plus forte valeur comportent plus souvent des groupes. La composition même des groupes suit de façon encore plus marquée le montant de la transaction : plus il est élevé, plus les groupes sont importants. Les actes portant sur une somme de plus de 500 livres semblent atypiques, mais leur nature explique la – relativement – faible proportion de groupes qu’ils comportent : il s’agit souvent de substitutions de débiteurs ou de reconnaissances d’encaissement, dont on a vu qu’elles ne sont pas les plus propices à la formation de groupes.
Composition des groupes
19L’intervention concomitante de plusieurs étudiants dans un même acte, motivée par certains types de transactions, surtout lorsqu’elles sont d’un montant élevé, répond-elle à des critères de regroupement particulier ? y a-t-il véritablement des groupes constitués intervenant dans plusieurs actes ? En l’état, en fondant l’analyse uniquement sur un sondage d’une année, force est de répondre par la négative. Pour l’année 1273, 123 actes de groupe sont identifiés, qui correspondent à 557 occurrences d’étudiants français. La nation d’appartenance peut être identifiée dans 504 cas. Dans 87 % d’entre eux, la nation est commune avec au moins un autre membre du groupe. Mais il n’est pas pour autant possible d’affirmer que le critère d’origine est déterminant : dans plus de 40 % des cas, la nation est commune à seulement deux ou trois étudiants, dans un peu plus d’un quart des cas seulement elle est commune à cinq étudiants ou plus. De plus, il faut rappeler que près de 40 % des étudiants « français » de l’année appartiennent à la nation de Provence, ce qui ne permet pas de déterminer le caractère plus ou moins discriminant de la nation d’appartenance dans la constitution d’un groupe. Pour ce qui est du diocèse, le caractère non discriminant est plus clair encore. Il est identifié pour 438 occurrences d’étudiants : dans seulement 42,5 % des cas le diocèse est commun avec au moins un autre membre du groupe et dans seulement 5 % des cas il est commun à cinq étudiants ou plus. Des contrastes apparaissent cependant selon la taille du groupe. La tendance à s’associer à des compatriotes est ainsi plus forte dans les groupes plus nombreux : on ne compte que 36 % de diocèses communs dans les groupes de 3 étudiants, plus de 51 % dans les groupes de 5, et 70 % dans les groupes de 6. Il y a ensuite une légère baisse, puis le taux monte à 75 % pour le groupe de 12 étudiants. L’effet cumulatif déjà observé entre, à nouveau, en jeu : appartenir à un groupe important signifie d’emblée que l’on est dans la catégorie d’étudiants qui ont des connaissances nombreuses, qui ont généralement aussi des relations suivies avec ces connaissances, et qui sont aussi ceux qui fréquentent de façon plus marquée des compatriotes.
- 55 Cf. P. Kibre, The Nations in the Medieval Universities, Cambridge (Massachusetts), Mediaeval Acade (...)
- 56 Pour Beringarius et Bertrandus de Langusellis.
20Les limites des registres d’actes notariés apparaissent cependant ici : ils ne permettent pas de comprendre véritablement le fonctionnement de la sociabilité qu’ils mettent en lumière. La nation peut certes être un cadre de la vie quotidienne des étudiants55, mais elle n’en est manifestement qu’un parmi d’autres, et le hasard des rencontres dans la ville, au cours des leçons, parmi les connaissances des étudiants fréquentés, doit aussi expliquer certains rapprochements. Dans un petit nombre de cas, l’explication est toutefois claire : c’est l’appartenance familiale qui est commune. Parmi les étudiants de l’année 1273, 12 interviennent dans le même acte que leur frère. Le plus souvent, le nombre d’occurrences communes se limite à trois, mais il va pour certains jusqu’à douze actes en commun56, ce qui peut représenter plus de 40 % de leurs relations. Les raisons de la plus ou moins grande stabilité d’un groupe s’avèrent tout aussi difficiles à déterminer. La stabilité est en réalité exceptionnelle, ce qui n’a rien d’étonnant pour un sondage portant sur une seule année. L’intervention à l’identique d’un groupe dans un deuxième acte ne s’observe que pour un groupe de 4 étudiants, et pour trois groupes de 3 – l’un de ces derniers groupes intervenant même une troisième fois ensemble. Le plus souvent, les regroupements apparaissent mouvants, avec quelques étudiants qui se retrouvent ensuite, avec de nouveaux partenaires, en des combinaisons multiples.
- 57 Cf. en particulier A. I. Pini, « “Discedere turba volens”… », art. cit.,ici p. 50-51.
- 58 Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, on suppose une population étudiante d’environ 2 000 à 2 20 (...)
21Le Studium de Bologne a dès son origine rassemblé des étudiants d’horizons variés et parfois lointains. La connaissance de ces hommes, de leurs parcours et de leurs sociabilités participent de la compréhension d’un milieu intellectuel et humain particulier. Une bonne appréhension des groupes d’étudiants, en particulier étrangers, est d’autant plus importante que la figure de l’étudiant est centrale dans ce Studium, dont l’organisation institutionnelle originale a servi de modèle à nombre d’universités57. Les Memorialia offrent de cette population un aperçu précieux, bien qu’incomplet et soumis à de nombreuses limites. L’analyse des relations qu’ils permettent montre la présence à Bologne en 1273 d’étudiants français assez nombreux – 146 ont été identifiés58 –, majoritairement issus de la nation provençale et tous, à une exception près, insérés dans des relations. Pour certains, une minorité, elles dépassent le caractère ponctuel ou anecdotique : il existe entre eux un véritable réseau, cohérent, dense et étendu. Pour autant, et même si l’existence d’actes collectifs est très caractéristique des enregistrements notariés considérés, il paraît difficile de parler, à l’échelle de la seule année 1273, de véritables solidarités de groupes – le simple intérêt financier d’un gros emprunt motivant le plus souvent l’acte collectif. La notion de sociabilité de groupe est, de même, inopérante, dans la mesure où ces associations sont très mouvantes et ne constituent en réalité qu’une des manifestations d’une sociabilité complexe et contrastée, dont la plus grande partie nous échappe.
Notes
1 Fin du XIIIe siècle pour la première, XIVe siècle pour la seconde. Sur la constitution et le fonctionnement du studium de Bologne, voir en particulier A. Sorbelli, Storia dell’Università di Bologna, Bologne, Zanichelli, 1940, vol. 1 : Il medioevo (sec. XI-XV), 328 p.
2 Aire régionale ou nationale selon les universités ; cf. J. Verger, « La mobilité étudiante au Moyen Âge », Éducations médiévales. Histoire de l’éducation, 50, 1991, p. 65-90, à la p. 74. Pour une définition concise de « l’étudiant étranger », voir É. Mornet et J. Verger, « Heurs et malheurs de l’étudiant étranger », L’étranger au Moyen Âge, XXXe Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur public, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 217-232, à la p. 217.
3 Cette caractéristique a été abondamment soulignée par l’historiographie bolonaise. Cf., entre autres, G. Zaccagnini, La vita dei maestri e degli scolari nello Studio di Bologna nei secoli XIII e XIV, Genève, Olschki, 1926, 239 p., aux p. 2-3 et A. Sorbelli, Storia dell’Università…, op. cit., p. 209 sq.
4 La venue d’étudiants étrangers se vérifie en réalité dès la première moitié du XIIe siècle, avant même l’affirmation du Studium ; cf. A. I. Pini, « "Discedere turba volens" : studenti e vita studentesca a Bologna dalle origini alla metà del Trecento », Studenti e università degli studenti dal XII al XIX secolo, dir. G. P. Brizzi, A. I. Pini, Bologne, 1988 (Studi e memorie per la storia dell’università di Bologna, nouv. sér., t. 7), p. 45-136, ici p. 62 sq. Sur les privilèges accordés aux membres du Studium par la Commune, cf. P. Kibre, Scholarly privileges in the Middle Ages : the rights, privileges and immunities of scholars and universities at Bologna, Padua, Paris and Oxford, Cambridge (Massachusetts), Mediaeval Academy of America, 1962, xvi-446 p.
5 Sur le coût des études, notamment dans une université éloignée, cf. J. Verger, « Géographie universitaire et mobilité étudiante au Moyen Âge. Quelques remarques », Écoles et vie intellectuelle à Lausanne au Moyen Âge, éd. A. Paravicini Bagliani, Lausanne, Université de Lausanne, 1987 (Études et documents pour servir à l’histoire de l’université de Lausanne, 12), p. 9-23, ici p. 17. Sur la corrélation entre le statut social ou l’aisance personnelle et la distance parcourue jusqu’au centre d’études, cf. J. Verger, « La mobilité étudiante au Moyen Âge », art. cit., p. 84.
6 Un acte de la nation germanique donne la liste des nations ultramontaines à cette date : Allemagne, France, Picardie, Bourgogne, Espagne, Provence, Angleterre, Touraine et Maine, Normandie, Poitou, Catalogne, Hongrie et Pologne ; cf. E. Friedländer et C. Malagola, éd., Acta Nationis Germanicae Universitatis Bononiensis, Berlin, 1887, p. 347-348.
7 F. Landogna, « Maestri e scolari pisani nello Studio di Bologna tra il secolo XII e la metà del XIV », Archivio Storico Italiano, 318, 1926, p. 173-231 ; G. Orlandelli, « Studenti delle regioni sabaude e piemontesi a Bologna nel primo venticinquennio del secolo XIV », La Valle d’Aosta. Relazioni e comunicazioni presentate al XXXI Congresso storico subalpino d’Aosta 9-11 settembre 1956, Cuneo, 1959, p. 929-943.
8 B. M. Marti, The Spanish College at Bologna in the Fourteenth Century, Philadelphie, 1966, 394 p. ; C. Mesini, « Gli spagnoli a Bologna prima della fondazione del Collegio di Egidio Albornoz (1364-1369) », El Cardenal Albornoz y el Colegio de España. Publicaciones del Real Colegio de España en Bolonia, vol. 2, 1972, p. 41-71 (Studia Albornotiana, XII).
9 A. Allaria, « English Scholars at Bologna during the Middle Ages », The Dublin Review, 112, 1893, p. 66-83 ; R. J. Mitchell, « English Law Students at Bologna in the Fifteenth Century », The english historical review, 51, 1936, p. 270-287.
10 G. Forchielli, « Il collegio ungarico-illirico di Bologna », Notter Antal Emlékkönyvböl Dolgozatok az egyházi jogbol és a vele kapesolatos jogterületekröl. Szerkesetette : Angyal Pál, Baranyay Jusztin, Mora Mihály, Budapest, 1941, p. 208-226 ; C. Malagola, « I Polacchi nello studio di Bologna », Bologna Album-Storico, Bologne, 1882, p. 17-38.
11 G. C. Knod, Deutsche Studenten in Bologna (1289-1562), Berlin, 1899, xxv-765 p. P. Silvani, « La Nazione germanica nello studio bolognese », La Strenna delle Colonie Scolastiche Bolognesi, 43, 1940, p. 117-135. Pour les étudiants originaires du territoire de la Suisse actuelle, membres pour la plupart de la nation germanique, voir S. Stelling-Michaud, L’université de Bologne et la pénétration des droits romain et canonique en Suisse aux XIIIe et XIVe siècles, Genève, 1955, 322 p. ; S. et S. Stelling-Michaud, Les juristes suisses à Bologne (1255-1300). Notices biographiques et regestes des actes Bolonais, Genève, 1960, 329 p. (Travaux d’humanisme et renaissance, 38).
12 E. Friedländer, C. Malagola, éd., Acta nationis Germanicae…, op. cit.
13 « La "Nation" de Bourgogne à l’université de Bologne du XIIIe au XVIe siècle », Mémoires de la Société pour l’histoire du droit des pays bourguignons, 18, 1956, p. 7-43.
14 Cf. G. Cencetti, Gli archivi dello Studio bolognese, Bologne, 1938, 134 p. (Pubblicazione del R. Archivio di Stato in Bologna, 3).
15 Notamment dans son « Plan de recherche pour l’établissement d’un Corpus des étudiants européens (juristes, médecins, théologiens) ayant étudié à Bologne de 1270 à 1500 », Bolletino storico-bibliografico subalpino, 54, 1956, fasc. 1, p. 191-195.
16 A. I. Pini, « “Discedere turba volens”… », art. cit., p. 52-53.
17 Analyse détaillée de l’histoire et de la forme de ces registres par G. Tamba, « I memoriali del comune di Bologna nel secolo XIII. Nota di diplomatica », Rassegna degli archivi di Stato, 1987, p. 235-290.
18 L. Frati, Dei monumenti istorici pertinenti alle provincie della Romagna, Ser. 1 : Statuti, t. 1-3 : Statuti di Bologna dall’anno 1245 all’anno 1267, Bologne, 1869-1880, III, p. 625-631.
19 Certains actes sont cependant exclus, tels que les contrats d’apprentissage et surtout les actes rédigés par les notaires en qualité d’officiers de l’administration.
20 Cf. L’Archivio dell’ufficio dei Memoriali : inventario, a cura di L. Continelli, vol. I : Memoriali (1265-1436), t. I : 1265-1333, Bologne, Istituto per la storia dell’Università, 1988, xli-215 p. (Universistatis Bononiensis Monumenta, 4), introduction, p. xxiii.
21 Cf. G. Orlandelli, « I Memoriali bolognesi come fonte per la storia dei tempi di Dante », Dante e Bologna nei tempi di Dante, Bologne, 1967, p. 193-205. Sur l’utilisation de ce fonds par les historiens, cf. G. Tamba, « I memoriali del comune… », art. cit., p. 237 sq.
22 Le travail de S. Stelling-Michaud, L’université de Bologne…, s’appuie en particulier sur ce fonds essentiel, dont l’importance pour les questions économiques a été soulignée par L. dal Pane, « Lo "Studio" e l’economia della città », Atti del convegno internazionale di studi accursiani. Bologna, 21-26 ottobre 1963, éd. G. Rossi, Milan, Giuffrè, 1968, t. 1, p. 41-53, ici p. 45. L’étude de G. Orlandelli, Il libro a Bologna dal 1300 al 1330, documenti. Con uno studio su il contratto di scrittura nella dottrina notarile bolognese, Bologne, Zanichelli, 1959, 152 p., permet quant à elle de connaître les outils intellectuels des étudiants grâce à l’exploitation des Memoriali.
23 Chartularium studii Bononiensis. Documenti per la storia dell’Università di Bologna dalle origini fino al secolo XV pubblicati per opera della Commissione per la storia dell’Università di Bologna, éd. G. Zaccagnini, L. Colini-Baldeschi, R. Ferrara, G. Tamba, M. Zaghini, Bologne, 1907-1987, 15 vol.
24 Thèses dirigées par G. Orlandelli dans les années 1960 : G. Fiorentini pour le Memoriale XIII ; M. L. Setti pour le Memoriale XVII ; F. Friggeri pour le Memoriale XX. Des réserves doivent cependant être émises sur certaines transcriptions et le recours aux originaux est parfois préférable. Liste détaillée des registres ayant fait l’objet d’un dépouillement et d’une publication dans G. Tamba, « In margine all’edizione del XIV volume del Chartularium Studii Bononiensis », Atti e memorie della Deputazione di storia patria per le province di Romagna, nouv. sér., 33, 1982, p. 151-168, n. 2, p. 151-152.
25 S. et S. Stelling-Michaud, Les juristes suisses à Bologne…, op. cit. : regestes p. 193-246 pour la période 1265-1300 et p. 280-286 pour 1301-1330 ; édition de 24 actes p. 251-267.
26 Un barème est prévu selon le montant et la nature de la transaction. Cf. G. Fasoli, P. Sella, éd., Statuti di Bologna dell’anno 1288, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1937-1939, 2 vol. (Studi et testi della Biblioteca Vaticana e dell’Archivio segreto, 73 et 85), II, p. 78-81, lib. VII, cap. XXIX.
27 Cf. G. Tamba, « I memoriali del comune… », art. cit.
28 Cf. L’Archivio dell’ufficio dei Memoriali…, op. cit.
29 Sur les variations du nombre de notaires, voir L. Scarabelli, Relazione dell’importanza e dello stato degli Archivi bolognesi, Bologne, 1874, p. 16.
30 Rubrique XLIII des statuts de 1265 (L. Frati, Dei monumenti istorici…, op. cit., III, p. 628) : inter mercatores et campsores bonon. et merchatores et campsores forenses et scolares, de hiis solummodo que pertineant ad merchadandiam et cambium inter eos, et ad mutuum cum scolaribus contrahendum. Sur l’organisation de cette fonction, cf. V. Franchini, « L’istituto dei Memoriali in Bologna nel secolo XIII », L’Archiginnasio, 9, 1914, p. 95-106, et W. Cesarini-Sforza, « Sull’ufficio bolognese dei « Memoriali » (sec. XIII-XIV) », L’archiginnasio, 9, 1914, p. 379-392.
31 Les registres semestriels ont ensuite été reliés en gros volumes, numérotés de 1 à 208. Chaque année est documentée par deux ou trois volumes reliés. Sur la diplomatique de ces registres, cf. G. Tamba, « I memoriali del comune… », art. cit., p. 235-290.
32 Cf. ci-dessus note 30.
33 Statuts de 1432, qui reprennent les dispositions antérieures (C. Malagola, Statuti delle università e dei collegi dello studio bolognese, Bologne, Zanichelli, 1888, p. xxiv-524, réimpr. 1988, p. 47-177, ici p. 70).
34 La définition de l’étudiant « français », bien que délicate, est toutefois relativement homogène au point de vue des modes d’identification bolonais (nation et diocèse). Sven Stelling-Michaud, dans sa définition de l’étudiant « suisse », originaire des régions à l’intérieur des frontières politiques actuelles du pays, a rencontré d’autres difficultés, devant prendre en considération des étudiants des nations germanique, bourguignonne et lombarde ; cf. L’université de Bologne et la pénétration des droits…, op. cit.
35 Un exemple où la distinction est possible : Simon de Peroceio passe en janvier 1270 un acte d’emprunt, où il est qualifié d’écolier à Bologne, du diocèse de Sens (Reg. 11, fol. 171v) ; en août de la même année, un autre acte d’emprunt le voit cette fois défini comme chanoine de Chartres (Reg. 11, fol. 237r).
36 Cf. E. Friedländer et C. Malagola, éd., Acta Nationis Germanicae…, op. cit., p. 4 : les membres de la nation germanique sont définis comme omnes qui nativam Alemanicam habent linguam, licet alibi domicilium.
37 Un exemple parmi d’autres : Jean de Grasse, fils de Raymond de Grasse, qui emprunte de l’argent en mars 1273 (Reg. 22, fol. 96r).
38 Sur les fonctionnements divers des noms de lieu et la difficulté à discerner si un tel nom est individuel ou familial, cf. M. Bourin et P. Chareille, « Le choix anthroponymique : entre hasards individuels et nécessités familiales », Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne, dir. M. Bourin et P. Chareille, t. 3, Tours, 1995, p. 219-241.
39 La problématique de l’origine des étudiants est également présentée pour les Espagnols par P. TamburriBariain : « Spagnoli a Bologna (1299-1330) : organizzazione e identità di una comunità studentesca », Rivista storica italiana, vol. 111, fasc. 1, 1999, p. 155-219, ici p. 180-183.
40 André de Languselles, fils de Hugues de Languelles, passe en juin 1273 un acte d’emprunt avec douze « co-emprunteurs », dont neuf sont qualifiés de scolaris (Reg. 22, fol. 148r). Dans un autre acte de mai 1273, son statut d’écolier est explicitement formulé (Reg. 22, fol. 139r).
41 Un acte d’août 1273 nous apprend ainsi qu’André de Languselles est originaire du diocèse de Nîmes (Reg. 23, fol. 61v).
42 Robert d’Argence, fils de Réginald de Moneta, intervient dans plusieurs actes en 1273 et 1275 (Reg. 22, fol. 131v ; Reg. 23, fol. 90v, fol. 126v, fol. 128r ; Reg. 27, fol. 171r) sans que son origine ne soit mentionnée. Il est en revanche précisé à plusieurs reprises qu’il est frère de Guillaume et Pierre d’Argence. Tous deux figurent dans d’autres actes, dont certains précisent que Guillaume est originaire du diocèse d’Angoulême (Reg. 11, fol. 240v, entre autres).
43 Si Stephanus filius domini Johannis de Crexiacho et Stephanus filius domini Johannis de Glisiacho sont très probablement un seul et même écolier (Reg. 19, fol. 116r et Reg. 23, fol. 55r), il n’en va pas de même de Bernardus Marchesii (Reg. 24, fol. 234v, entre autres occurrences) et de Bernardus Marchisii, filius domini Poncii (Reg. 26, fol. 186r).
44 Au contraire de ce qu’il a été possible à Thierry Kouamé de déterminer pour les élèves du collège de Dormans-Beauvais : parmi quatre critères d’identification – homonymie, contemporanéité, origine géographique et autres concordances – la réunion de deux critères concordants lui permet de définir une identité possible et celle de trois critères une identité probable. Cf. T. Kouamé, Le collège de Dormans-Beauvais à la fin du Moyen Âge : stratégies politiques et parcours individuels à l’université de Paris (1370-1458), Leiden/Boston, Brill, 2005, p. xxvi.
45 Exemples : dominus Guillelmi Fulchi de Poscheriis ; dominus Johannes Bonfilii de Lunello.
46 Bertrandus de Langusellis, du diocèse de Nîmes, intervient ainsi dans trois actes en 1273 (Reg. 22, fol. 139r et fol. 148r ; Reg. 23, fol. 36v).
47 Simon de Porozeio et Simon de Brione, associés dans un acte du 22 janvier 1270 (Reg. 11, fol. 171v), sont possiblement identifiables aux Simon de Poroceio, fils de Jean, chanoine de Cambrai, et Simon de Brione, du diocèse de Sens, chanoine d’Évreux, qui sont déjà associés dans un acte du 28 octobre 1269 (Reg. 10, fol. 95r).
48 Guillelmus Pagani filius domini Bernardi, ou encore Jacobus filius domini Bomundi de Systaricho.
49 Maurandus, Sancti Saturnini de Toloxa canonicus ou encore Johannes, Montis Andronis archipresbiter.
50 Base largement inspirée de travaux prosopographiques antérieurs. Cf. O. Mattéoni, « Une base de données informatisée pour l’étude prosopographique du personnel politique de la principauté bourbonnaise à la fin du Moyen Âge : présentation et exploitation », Medieval Prosopography. History and Collective Biography, 19, 1988, p. 99-109 ; T. Kouamé, Le collège de Dormans-Beauvais…, op. cit.
51 Registres de parchemin de respectivement 226, 356 et 252 feuillets, correspondant à 10 memoriali semestriels.
52 C’est le taux le plus important pour les années dépouillées ; à titre de comparaison, l’année 1272 fournit 200 actes et l’année 1271, 337 actes.
53 Les limites précises des nations sont difficiles à déterminer d’après les statuts ; cf. E. Friedländer et C. Malagola, éd., Acta Nationis Germanicae…, op. cit., p. 348. Les actes des Memoralia montrent que la nation de Provence est très étendue, puisque sont considérés comme s’y rattachant des étudiants des diocèses de Toulouse, Narbonne ou encore Béziers, ce qui contribue à expliquer sa supériorité numérique.
54 Berengarius de Bociacis connaît par exemple 42 étudiants différents : avec 22, il se contente d’une relation, mais fréquente de façon plus importante voire assidue les autres, cumulant cinq relations avec trois de ses connaissances et même douze relations avec Guilielmus de Bociacis, qui n’est autre que son frère.
55 Cf. P. Kibre, The Nations in the Medieval Universities, Cambridge (Massachusetts), Mediaeval Academy of America, 1948, 240 p.
56 Pour Beringarius et Bertrandus de Langusellis.
57 Cf. en particulier A. I. Pini, « “Discedere turba volens”… », art. cit.,ici p. 50-51.
58 Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, on suppose une population étudiante d’environ 2 000 à 2 200 individus par an ; cf. A. I. Pini, « “Discedere turba volens”… », art. cit., p. 66.
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Référence papier
Cécile Fabris, « Sociabilité de groupe des étudiants français à l’université de Bologne à la fin du XIIIe siècle », Cahiers de recherches médiévales , 18 | 2009, 75-88.
Référence électronique
Cécile Fabris, « Sociabilité de groupe des étudiants français à l’université de Bologne à la fin du XIIIe siècle », Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 18 | 2009, mis en ligne le 15 décembre 2012, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/11686 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.11686
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