1L’émergence d’une esthétique pop en Italie entre les années 1950 et 1970 a cristallisé d’importants débats au sein des milieux artistiques et institutionnels, amplifiés par la presse spécialisée et généraliste. L’originalité de cette étude réside justement dans son attention, non pas au Pop Art comme ensemble homogène d’expériences esthétiques, mais plutôt comme catégorie linguistique adoptée et réinterprétée par les artistes et les critiques d’art pour désigner un ensemble très diversifié de pratiques. Adoptant une perspective philologique nourrie par un vaste éventail de sources primaires, cet ouvrage aborde ces modes d’identification au travers de deux axes principaux. Le premier souligne la cohabitation entre une terminologie apparue dès 1962 en référence au contexte britannique et d’autres dénominations alors présentes dans le contexte italien (art populaire, nouvelle figuration, avant-garde), insistant ainsi sur des éléments linguistiques et artistiques propres à cette situation. Prêtant ensuite attention aux trajectoires d’artistes liés à cette tendance mais aussi à d’autres figures plus transversales, le second axe met en évidence le caractère changeant et souvent contradictoire des modes d’identification et d’auto-identification. L’ouvrage est particulièrement intéressant dans sa reconstruction de la relation ambiguë au Pop états-unien et à son marché qui tout en provoquant la curiosité des artistes italiens et même l’implantation de certains d’entre eux aux Etats-Unis, est progressivement envisagé, notamment à partir du milieu des années 1960, comme un contre-modèle contesté, dont l’influence façonne en creux la définition d’une spécificité italienne. Celle-ci s’affirme au moyen de motifs visuels liés à une culture artistique historique, mais aussi par le biais d’une dimension politique dont les critiques marxistes se font les porte-voix, insistant sur le caractère anticapitaliste de cet art et son engagement à gauche (communiste ou du côté des mouvements extra-parlementaires). En prenant ses distances avec d’autres approches récentes envisageant le Pop Art comme un phénomène global, Ginevra Addis a le mérite d’articuler une histoire différenciée des lectures qu’il a suscité et propose une méthodologie susceptible d’être appliquée à d’autres contextes nationaux.