Jean-Yves Jouannais, L’Usage des ruines : portraits obsidionaux
Paris : Verticales, 2012, 149p. 21 x 14cm
ISBN : 9782070138586. _ 14,90 €
Texte intégral
1L’essai signé par Jean-Yves Jouannais dresse une galerie éclectique de portraits. Artistes et militaires confondant tragiquement l’art de la guerre et la création artistique, mais aussi personnages errants ou au contraire immobilisés voire dissous au milieu des décombres, tous souffrent à leur manière de la fièvre obsidionale, la folie des habitants d’une ville assiégée. De la Mésopotamie aux lendemains du 11 septembre, de l’Asie à la Pologne, les récits brefs se succèdent dans une temporalité comme dans une géographie éclatée, à l’image des paysages en ruines dans lesquels ils se situent.
2Le livre est placé explicitement sous le signe de W. G. Sebald, et tout particulièrement de son essai De la destruction comme élément de l’histoire naturelle,sur le silence des écrivains allemands à propos de la destruction des villes par les alliés. De fait, l’Allemagne en ruines est omniprésente, de la rêverie cynique de Victor Hugo devant la façade du château d’Heidelberg à Victor Klemperer échappant à la déportation lors d’un bombardement, d’Albert Speer concevant ses architectures pour qu’elles donnent de belles ruines, à Kurt Schwitters dont le Merzbau est réduit à l’état de « décombres de décombres », ou encore Irma Schrader, double négatif de Kurt Schwitters tentant désespérément de dégager les décombres de son cinéma pour que le réel n’obstrue pas la rediffusion des films de propagande nazie. La manière dont les récits articulent la recherche de précision historique à des destins romanesques n’est pas sans évoquer, bien que souffrant parfois de la comparaison, les Anneaux de Saturne.
3L’usage des ruines gagne davantage à résonner avec les performances de l’Encyclopédie des guerres, à laquelle se consacre Jean-Yves Jouannais depuis 2008. Il suit le même rythme de récits courts, volontairement décousus et inégaux, et où un certain pathos se mêle à la jubilation érudite de l’autodidacte.
Pour citer cet article
Référence électronique
Julie Sissia, « Jean-Yves Jouannais, L’Usage des ruines : portraits obsidionaux », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 01 juin 2014, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/critiquedart/8218 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/critiquedart.8218
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page