Natacha Pugnet, L’Effacement de l’artiste : essais sur l’art des années 1960 et 1970 ; Figures de l’artiste
Bruxelles : La Lettre volée, 2012, 286p. ill. 21 x 15cm, (Essais)
ISBN : 9782873173708. _ 28,00 €
Paris : L’Harmattan, 2012, 163p. 22 x 14cm, (Ouverture philosophique)
ISBN : 9782336003238. _ 17,00 €
Sous la dir. de Miguel Egaña. Textes de Frédéric Chevreux, Fabien Danesi, Anna Guilló, Stéphanie Jamet-Chavigny, Michel Paoli, Natacha Pugnet, Yann Toma
Texte intégral
1L’analyse du mythe de l’artiste romantique forgé par Giorgio Vasari connaît un regain d’intérêt ces dernières années, dans la lignée des écrits d’Ernst Kris et Otto Kurz. L’ouvrage collectif dirigé par Miguel Egana revient sur la démythification de l’artiste à travers l’étude des fameuses postures de Joseph Beuys ou des processus de mythification d’Andy Warhol par le critique Arthur Danto, sans que soient néanmoins analysées les sources de cette « inflation » philosophique. En effet, l’enjeu n’est pas de proposer une énième lecture des postures artistiques, mais bien d’envisager le discours critique qui en permet l’avènement. En ce sens, l’auto-mythification de Guy Debord analysée par Fabien Danesi apporte un premier lot de réponse : confronté à la médiatisation de son rôle de héros dans la nouvelle société de consommation, l’artiste doit construire ses propres filiations artistiques pour échapper au passé lénifiant et au futur spectaculaire. Ce tournant explique sûrement la posture de l’artiste-philosophe ou entrepreneur, analysée respectivement par Anna Guillo et Yann Toma. L’omnipotence du moi est le revers de ce changement, un moi non plus romantique mais autocritique et centré sur la parole, une « autopoïétique » (p. 82) pour reprendre ce barbarisme de Natacha Pugnet.
2La contribution de cette dernière à l’ouvrage collectif est consacrée aux jeux de doublures artistiques et constitue une bonne entrée en matière pour apprécier son autre essai sur L’Effacement de l’artiste. L’analyse des pratiques des années 1960 et 1970 est nourrie des théories de Roland Barthes et Michel Foucault sur le statut et la mort de l’artiste-auteur. Déjà, la critique américaine de Craig Owens et Hal Foster avait eu recours à la French Theory pour interpréter les systèmes de reproductibilité de l’image. Natacha Pugnet privilégie le rejet de l’expression, du style, de la subjectivité, de l’intention, bref du statut démiurgique de l’artiste. La thèse séduit par son attention accordée aux gestes et aux matériaux employés qui conditionnent la poïétique de l’œuvre. Elle trouve néanmoins ses limites dans le foisonnement d’exemples, de Supports-Surfaces au Minimalisme et à l’Art conceptuel, pour finir par un retour du « je » (p. 247) surprenant. Un double écueil se profile au final dans les deux ouvrages : une image de l’artiste romantique parfois bien obsolète, déterminée par l’absence d’historiographie qui permettrait de sortir du mythe de l’autonomie artistique, corollaire de celui de l’artiste.
Pour citer cet article
Référence électronique
Damien Delille, « Natacha Pugnet, L’Effacement de l’artiste : essais sur l’art des années 1960 et 1970 ; Figures de l’artiste », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 01 juin 2014, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/critiquedart/8101 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/critiquedart.8101
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page