1Ce catalogue d’exposition de la Staatsgalerie de Stuttgart confronte les premières années de travail de Georg Baselitz, Sigmar Polke, Gerhard Richter et Anselm Kiefer. Il est l’aboutissement d’un postulat, d’un projet porté par l’historien de l’art allemand Götz Adriani, contemporain de ces artistes, autour de ces quatre figures majeures de la scène artistique allemande de l’après-guerre, et de thèmes tels que l’identité nationale ou le trauma sociétal. Dans son introduction (« From Economic Miracle to Art Boom. An Era of German Art and History », p. 10-23), Götz Adriani expose les raisons de ce choix orienté autour de la jeunesse et de la formation de ces artistes dans les années 1960, à un moment essentiel où se structure l’Allemagne divisée – tous ces artistes sauf Anselm Kiefer viennent d’Allemagne de l’Est. Croisant politique sociale et artistique, il s’attarde sur le paysage institutionnel de l’Allemagne de l’Ouest et l’idée de renouveau qui domine, de l’émergence de la foire d’art contemporain de Cologne (Art Cologne) en 1967 au rôle de collectionneurs tels que Karl Ströher ou Peter Ludwig. Outre une sélection iconographique d’une grande qualité, de la reproduction des œuvres aux images documentaires, Götz Adriani privilégie la parole des artistes. Ce catalogue se présente ainsi sous la forme de généreux entretiens qui parfois contrecarrent l’historien de l’art. Georg Baselitz (« Georg Baselitz 1960 to 1969 », p. 24-87) porte ainsi le regard acéré qui le caractérise sur la société allemande et sur le postulat de Götz Adriani selon lequel ces quatre artistes participeraient à une régénérescence de l’art allemand. De son arrivée à Berlin Ouest en 1956 à son regard sur Cobra en passant par l’enseignement d’Hann Trier, de son manifeste Pandemonium à sa découverte de la peinture siennoise, il évoque ses premières œuvres et son rapport à l’histoire et à l’histoire de l’art, tout en souhaitant conserver une distance. Pour Gerhard Richter (« Gerhard Richter 1962 to 1969 », p. 88-177), le lien le plus évident est celui avec Sigmar Polke qu’il rencontre à l’académie des beaux-arts de Düsseldorf, après avoir quitté l’Allemagne de l’Est. Intervient le rapprochement avec le Pop Art et une volonté d’affiner ce mouvement en lui donnant plus de subtilité dans le contexte allemand. Il en est de même pour Sigmar Polke (« Sigmar Polke 1963 to 1969 », p. 178-229). Anselm Kiefer (« Anselm Kiefer 1969 to 1977 », p. 230-287) approfondit la connaissance de ses premières œuvres, de l’enseignement de Joseph Beuys à sa relation aux images ou à la dimension mémorielle de l’art. La confrontation avec l’histoire n’est pas chose aisée, la chronologie qui couvre la période de 1960 à 1977 en annexe constitue un outil complémentaire utile, ces artistes ayant joué un rôle majeur dans la transformation de la société, par leur travail critique, sensible et mémoriel.