• 1 Cette question est à la base de tout projet de thèse par la pratique artistique – contexte dans leq (...)
• 2 Selon les mots de Cally Spooner : « When I wrote it, my goal was to write something that you would (...)

1« If words are used, and they proceed from ideas about art, then they are art and not literature. » Cette phrase d’introduction signée Sol LeWitt pose d’emblée l’articulation – ou la tension – qui régit les deux volumes de David Maroto. Chacun à leur manière, l’une analytique, l’autre plus expérimentale, ces ouvrages interrogent, à travers le sujet du « roman d’artiste », ce qui relève de l’écrit d’art et de l’écrit sur l’art1. A première vue, l’artiste, chercheur et écrivain semble donc avoir choisi de faire un distinguo entre ces deux genres. D’un côté A New Medium adopte une posture académique traditionnelle mettant en perspective plusieurs cas d’études. Dans cet ouvrage, ce ne sont pas tant les romans publiés par des artistes qui intéressent l’auteur, que les projets artistiques qui poursuivent, de plus ou moins loin, cet objectif. Le roman est, chez eux·elles, une forme narrative, fictionnelle, dans laquelle ils·elles se projettent – amenant David Maroto à employer le terme de « fantasme » au sens freudien. Les projets de Benjamin Seror, Cally Spooner, Mai-Thu Perret, Goldin+Senneby dont l’ouvrage fait l’analyse, consistent en effet en des scénarios soutenant la réalisation d’un désir de roman. Les processus ou dispositifs d’écriture – qui cheminent entre la performance, l’enregistrement radio, le récit collectif, la sculpture – comptent plus que la finalisation du livre en lui-même, souvent laissée en suspens, parfois obsolète. Tout en étant motivés par une idée assez traditionnelle de ce qu’est cette forme littéraire millénaire (pour caricaturer : une somme narrative facilement identifiable par un public plus large que celui de l’art contemporain, potentiellement vendue chez WHSmith2), ces projets réinventent de facto ce qui fait « roman ». Si ce premier volume constitue le volet théorique de l’investigation de David Maroto, The Fantasy of the Novel en constitue la pratique. Ou comment écrire un roman d’artiste qui intégrerait en sa propre narration une investigation sur la nature et la création d’un dit roman d’artiste. Ce « métaroman » s’articule autour de l’accompagnement d’un livre en cours d’écriture de l’artiste Alex Cecchetti, Taman Shud. David Maroto, coproducteur du projet et administrateur de la fiction qu’il crée autour de ce roman en cours, joue soudain un rôle central dans sa propre recherche. Au point de s’y mettre en scène comme un détective à la recherche des tenants et aboutissants du projet comme de la position qu’il y occupe. Au-delà d’une mise à l’épreuve des idées soulevées dans le premier ouvrage, ce second volet tend à envisager ce que ce « nouveau médium » fait à l’accompagnement critique, au curating et à la théorie en elle-même, poursuivant l’idée de porosité entre les postures et les situations d’énonciation. En ce sens, face aux deux tomes, on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait pu être un seul et unique volume – non scindé – œuvrant dans le corps d’une même écriture à la réalisation d’une forme critique et artistique, expérimentale et théorique.