1Le catalogue de l’exposition Robert Cottingham: Fictions in the Spaces Between présentée à la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois en 2019 tisse entre les travaux du peintre américain et différents mouvements artistiques les liens qui permettent de mieux comprendre les sujets traités par l’Hyperréalisme. A travers la biographie de l’artiste, Pauline Créteur explique que face aux luttes émancipatrices des années 1960, l’art avance de nouvelles visions des Etats-Unis : « La croyance au rêve américain se fissure et l’Hyperréalisme, comme un autre versant du Minimalisme et de l’Art conceptuel, commence à déployer des paysages vides de présence humaine et des scènes froides, sans émotions » (p. 113). De nombreux artistes comme John Baeder, Don Eddy ou Audrey Flack ont en effet donné à voir des lieux et des objets qui semblaient abandonnés, mais l’austérité proposée par les artistes minimalistes ou conceptuels paraît subie chez les hyperréalistes. Les bijoux étincelants et les voitures confortables séduisent encore, seul leur aspect trop parfait interroge le spectateur troublé par « un mélange d’amour et de détestation » pour reprendre les mots de William C. Steiz (Camille Morineau, « Les vraies fausses images de Robert Cottingham », p. 5). Par cet apport théorique riche, le catalogue éclaire de façon précise l’œuvre d’un artiste qui, à l’instar de Ralph Goings, peint encore dans les années 2010 des enseignes américaines des années 1930 et 1940 à partir de ses photographies. En diversifiant ses motifs, Robert Cottingham semble insister sur le caractère étrangement inoxydable de l’American Way of Life : les nouveaux flacons de parfum, les anciennes machines à écrire et les pièces mécaniques sont les éléments qui permettent à l’artiste de donner forme à une recherche persistante de l’efficacité à l’américaine. La sensibilité que l’on devine dans cette quête prend toute son ampleur dans ses dessins au crayon et à la mine de plomb. Ces ébauches, datant de la fin des années 1960, illustrent «la lenteur méditative à laquelle ses dessins ont clairement vu le jour » (Marco Livingstone, « Robert Cottingham entre les lignes », p. 43). D’une manière générale, Robert Cottingham trouve une source inépuisable d’optimisme entre sa jeunesse et celle de son pays. Malgré le caractère agressif des enseignes aux néons mettant au défi ceux qui tentent de les contempler, le peintre coupe et associe les mots pour en créer de nouveaux et échappe ainsi, par le jeu, au contrôle du monde publicitaire pour faire de l’Amérique des années 1930 le symbole éternel de l’euphorie. L’abstraction toute relative qui se déploie dans ces œuvres et qui offre à cette approche hyperréaliste toute sa complexité, ne serait alors pas à voir comme une façon d’embellir la réalité, passée ou présente, mais plutôt comme la tentative d’y trouver un instant de répit.