1Ce court et stimulant essai de Reine Prat se situe à la croisée de son engagement féministe et de son expérience d’inspectrice générale de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle au ministère de la Culture et de la Communication. Des rapports qu’elle a rédigés (en 2006 et en 2009) à ce poste sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts du spectacle, elle nous livre différentes informations factuelles et statistiques mais aussi des perspectives sur les causes structurales qui ont mené à l’effacement des femmes dans le monde de la culture. Si elle souligne l’importance de la langue dans ce processus, elle s’intéresse plus spécifiquement, en tant que spécialiste des arts vivants, à la responsabilité des conventions théâtrales. Ces présupposés idéologiques sont fondateurs d’iniquités qui vont de l’attribution stéréotypées des rôles à la pauvreté des femmes à la tête de la direction de Théâtres nationaux.

2Gageons que l’ouvrage saura trouver un écho large tant par son style à la fois clair et précis que par la lisibilité des exemples, puisés non seulement dans les réponses gouvernementales mais dans l’actualité (du harcèlement des étudiantes dans les écoles d’art et son traitement par l’ANdEA au Mouvement #MeToo etc.).

3Le parti pris du dialogue entre les sources se retrouve dans l’approche de l’auteure qui pense que les inégalités des hommes et des femmes ne seront résolues qu’à poser l’autre question, structurante : « pourquoi nos plateaux sont si blancs ? »

4Eliane Viennot, Elsa Dorlin, Achille Mbembe, Giovanna Zapperi, et d’une manière plus générale les pensée intersectionnelle et décoloniales, constituent donc les outils qui permettent à l’auteure de formuler des interprétations et enjeux qui s’appuient sur un féminisme décolonial, ouvrant à la possibilité d’employer des méthodes radicales comme les groupes de travail non-mixtes. Revenant sur cette matrice qui fait de l’inégalité homme femme un héritage de la modernité, cet essai révèle que dans le cas des femmes, c’est au XIX^e siècle et non durant la période moderne, que s’est mis en place ce qui a conduit à « l’effacement programmé des femmes » (p. 17).