1L’actuelle crise des migrants fait écho aux événements passés relatifs aux déplacements de populations en contexte de guerre ou d’occupation de territoires, bouleversant les cadres théoriques liés aux migrations en histoire de l’art. C’est dans l’optique de renouveler les méthodologies que le propos de l’ouvrage aborde son objet à la suite du panel Home, exile and the politics of belonging associé à la conférence AAH en 2017, dont il reproduit les communications. Dans l’introduction, les perspectives ouvertes par Marsha Meskimmon et Maria Photiou sur les façons de penser les migrations dans l’art sont riches du socle théorique qu’offrent les travaux antérieurs de la première en particulier, sur les féminismes transnationaux et les notions de domesticité/maison. Ainsi, sont convoquées les investigations sur l’exil menées par Edward Saïd et Hamid Naficy, pour qui les migrations matérialisent un double processus de déracinement et de réinstallation au fort potentiel réflexif sur le savoir artistique. Mais les auteures considèrent la façon dont la migration défie les « récits conventionnels de l’art sur les frontières et l’appartenance » (p. 3) dans un contexte intersectionnel. Elles postulent que la position de genre notamment est constitutive des réponses artistiques apportées par les femmes aux questions de migration. A lire les différents textes qui portent sur des contextes géographiques vastes, de la Chypre à la Palestine, où la question de la circulation n’est pas exclue (Iran/Allemagne), les artistes femmes rendent poreuses les frontières entre les gestes activistes qui balisent les déconstructions artistiques des récits hégémoniques (activisme mémoriel, réflexion sur la différence culturelle et l’identité) et les matérialités spécifiques subversives de l’art textile et des techniques porteuses d’un potentiel communicationnel, participatif. C’est autour de l’art textile, décrit comme métaphore de la migration (p. 36) que les auteures des différents chapitres se répondent de même que les artistes qui travaillent à visualiser les enchevêtrements entre les espaces et les histoires que convoquent les migrations. En creux se profile une histoire de ce matériau à la dimension subversive, dont parlait Rozsika Parker en 1984 avec The Subversive Stitch: Embroidery and the Making of the Feminine, dans ses usages renouvelés aujourd’hui, quand il s’agit pour les artistes de dire les transferts, mais aussi de faire de l’art - à partir des récits personnels d’exil - un outil d’activisme, capable de formuler des demandes d’égalité et de justice sociale.