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Dossier

L’ipséité et l’Être comme Inconcevable : le projet de l’anthropologie religieuse de Simon Frank

Elena Karpenko
p. 123-133

Notes de l’auteur

Статья выполнена при поддержке ЦФИ НИУ-ВШЭ в рамках проекта « Субъективность и идентичность » Т-59 [Cet article a bénéficié du soutien du programme ЦФИ НИУ-ВШЭ dans le cadre du projet « Subjectivité et identité »].

Texte intégral

  • 2 Il s’agit d’un épisode étrange de la Révolution bolchévique ; en septembre 1922, sur l’ (...)
  • 3 C’est une expression que Frank a répétée toute sa vie d’après les souvenirs de sa fille (...)

1Né juif, orthodoxe converti par la raison du cœur, expatrié en 1922 avec beaucoup d’autres professeurs russes dans ce que l’on a appelé le « paquebot des philosophes »2, Simon Frank (1877-1950) est venu d’Allemagne en France en 1937, puis en Angleterre en 1945 – il est enterré à Londres. Sa biographie correspond à ses recherches philosophiques, car elle illustre une pensée toujours en mouvement et qui eut l’intention de fonder et d’optimiser – éthiquement s’entend – la vie telle qu’elle est, malgré le tragique de l’existence, la Révolution, la guerre et l’exil. Reprenant le thème traditionnel dans la Patristique de la vie comme « voie », la vita comme via, Frank parlait souvent de « la vie comme d’un voyage »3.

  • 4 En 1908, Frank traduit l’essai de Simmel « Kant et Goethe » dans la revue Russkaja Mysl (...)
  • 5 Windelband, comme Rickert, est un penseur néo-kantien qui a beaucoup influencé Frank ; (...)
  • 6 Ce recueil de sept articles dirigé par M. Guerchenzon était consacré à l’intelligentsia(...)

2À la fin du XIXe siècle, étudiant à la faculté de droit à l’université de Moscou, Frank s’initie aux idées marxistes, puis, vers 1898 il embrasse une carrière académique et part à Berlin. Pendant deux ans il suit les cours de Georg Simmel (1858-1918)4 et étudie notamment les travaux de Wilhelm Windelband (1848-1915)5 et d’Heinrich Rickert (1863-1936). En revenant en Russie il écrit des essais pour des revues et des recueils philosophiques et politiques. En collaborant avec N. Berdiaev, P. Struve, S. Boulgakov et E. Troubetzkoï pour le recueil Les problèmes de l’idéalisme, édité à Moscou sous la direction de P. Novgorodzev en 1902, Frank publie son premier texte philosophique « Friedrich Nietzsche et l’éthique de l’amour pour l’éloigné » ; puis, dans le célèbre recueil Вехи (Jalons)6 dirigé par M. Guerchenzon en 1909, paraît l’article « L’éthique du nihilisme ».

  • 7 En 1948, Étienne Gilson cite en bonne part l’ouvrage de Frank dans ses analyses sur les (...)
  • 8 Traduction anglaise : S. Frank, Man’s Soul: An Introductory Essay in Philosophical Psyc (...)

3En 1912 Frank occupe le poste de privat-docent à l’université de Saint-Pétersbourg ; en 1915 il publie sa première thèse Предмет знания – traduction française en 1937 sous le titre La connaissance et l’être – où sont ébauchés les principaux points de son futur système métaphysique7. En 1917 Frank soutient sa thèse de doctorat proprement dite, Душа человека: опыт введения в философскую психологию (L’âme de l’homme : introduction à la psychologie philosophique)8, ce qui lui permet d’occuper la fonction de doyen du département d’histoire et de philologie à l’université de Saratov où lui et sa famille vont endurer les années de la guerre civile jusqu’à l’automne 1921. Au mois d’août 1922 Simon Frank, accusé d’être contre-révolutionnaire, devait quitter la Russie sans possibilité de retour.

  • 9 À l’université de Berlin (1931-1933) il travaille au département de philologie slave.
  • 10 Voir В. К. Кантор, Жизнь и судьба С.Л. Франка, p. 9.
  • 11 Traduction anglaise : S. Frank, The Spiritual Foundations of Society: An Introduction t (...)

4En Allemagne où les Frank se sont fixés, il enseigne beaucoup pendant une quinzaine d’années donnant des cours sur la philosophie et sur la littérature russe, en russe et en allemand9 ; il écrit et publie – surtout à Paris car les éditeurs en Allemagne s’y opposent – quelques textes que l’on peut dire de vulgarisation – « Крушение кумиров » (« La chute des idoles ») en 1925 et « Смысл жизни » (« Le sens de la vie ») en 1926, Paris –, puis un texte destiné aux jeunes immigrés russes10 qui porte sur la philosophie sociale : « Духовные основы общества »11 (« Les fondements spirituels de la société », Paris, 1930).

  • 12 Voir Л. Бинсвангер, Воспоминания о С. Л. Франке // Сборник памяти С. Л. Франка, Мюнхен (...)

5Comme points importants dans la biographie philosophique de Frank des années 1930 les historiens indiquent d’une part sa rencontre avec Max Scheler, qui a évalué – l’un des premiers en dehors du cercle heideggerien – l’importance philosophique de Sein und Zeit et, d’autre part, l’amitié et la correspondance avec Ludwig Binswanger12. Ces années-là (exactement entre 1936-1937) il prépare la publication en allemand de son œuvre principale Das Unergründliche. Mais les Frank sont chassés d’Allemagne par les nazis et le philosophe ne peut survivre que grâce à une petite bourse de la Caisse nationale de la recherche scientifique, obtenue par N. Berdiaev. Cela lui permet de refaire en russe presque à nouveaux frais l’ouvrage Das Unergründliche, et de le publier en russe à Paris en 1939 sous le titre Непостижимое.

6Le 30 août 1950, étant proche de la mort, Frank écrit pour la dernière fois à son ami Ludwig Binswanger :

  • 13 La correspondance entre Frank et Binswanger compte cinq cents lettres ; en russe on n’a (...)

[…] Je vous écris fortement impressionné par un nouveau livre de Heidegger – Holzwege. Je pense que cela fait événement dans l’histoire de l’esprit européen, et c’est surtout significatif pour moi-même. Vous savez bien ce qui m’a éloigné autrefois de Heidegger : c’est son point de vue sur la clôture de l’âme […] à l’opposé de mon intérêt pour la vie métaphysique. Tout le sens de ce livre se révèle en ce que Heidegger trouve dans la liberté (ins Freie) la vraie voie de l’être […]. Par ce fait même, ma propre thèse est implicitement confirmée : ce qui est humain dans l’homme, c’est sa divino-humanité13.

7Même si, en interprétant le dernier Heidegger, Frank a eu sans doute tort, son projet ontologique n’en mérite pas moins d’être considéré et sa philosophie de la religion mieux connue en France.

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  • 14 Toutes les citations sont données dans la traduction de P. Caussat : S. Frank, L’inconc (...)
  • 15 Ce terme est traduit en anglais de deux façons : par B. Jakim par « unknowable » (The U (...)
  • 16 Sur ce point, voir P. Ehlen, « Nikolaus von Kues und Simon Frank », in Cusanus-Rezeptio (...)
  • 17 Frank traduit cette expression : « Недостижимое достигается через посредство его недост (...)
  • 18 P. Ehlen nomme les thèmes où ce rapprochement est évident : le concept de « divino-huma (...)

8Mon objet est de présenter la thèse de Frank – l’« humain dans l’homme, c’est sa divino-humanité » – d’après son livre le plus considérable Непостижимое14 (L’inconcevable15. Introduction ontologique à la philosophie de la religion) – comme dit Frank dans l’avant-propos : « l’aboutissement d’une évolution philosophique déjà longue » (p. 35/247). Pour mieux comprendre sa manière de penser il faut se rendre compte d’abord que dans le traité nous trouvons très peu de références directes sur les auteurs et les idées contemporaines car, écrit-il, « j’ai évité de citer les points de vue d’autres auteurs ainsi que d’exposer mes vues critiques à leur égard » (p. 36/247). Il indique comme l’origine de sa pensée le platonisme, surtout Plotin, Denys l’Aréopagite et saint Augustin, puis Franz Baader, Vladimir Soloviev et c’est finalement Nicolas de Cuse que Frank nomme « mon unique maître en philosophie » (p. 36/248)16. Pour Frank, sa propre pensée, exposée dans son livre, « ne veut être rien d’autre, pour l’essentiel, que le développement systématique […] du principe fondamental de sa conception du monde, de l’expression spéculative qu’il donne à la vérité chrétienne universelle » (p. 36/248). En soulignant cette filiation Frank prend comme épigraphe une citation de Idiota de sapientia (1450) : « […] attingitur inattingibile inattingibiliter »17. Il faut comprendre cette influence comme étant plutôt spirituelle que conceptuelle18, à l’idée de coincidentia oppositorum près qui, elle, structure fortement le projet ontologique de Frank.

  • 19 Frank reprend ce terme heideggerien de façon volontairement allusive : « La philosophie (...)

9L’inconcevable expose systématiquement l’ontologie de l’expérience religieuse comprise comme l’ouverture (ou dialectiquement le but final) de l’ontologie fondamentale19. Pour Frank cette expérience religieuse n’est pas une expérience mystique à proprement parler, qui pourrait être décrite dans sa phénoménalité au moyen des métaphores poétiques. Une expérience mystique est opposée au raisonnement en tant qu’il s’agit de deux intentions différentes par rapport à la réalité. Pour le raisonnement, la réalité est conçue par les notions « claires et distinctes » tandis que pour une expérience mystique « la réalité est plus et autre qu’une totalité des contenus et connexions connus et compréhensibles » (p. 54/269), la réalité a sa propre validité interne de laquelle « notre propre vie » soit réfléchie.

  • 20 N. Lossky dans son Histoire de la philosophie russe interprète le système de Frank comm (...)

10Selon Frank, l’expérience religieuse est « la connaissance vivante » (« живое знание »), « la connaissance intuitive de l’être »20, autrement dit la connaissance qui est fondée dans l’étant concret ou plus exactement dans la vie concrète. L’inconcevable traite les modes et les formes de cette expérience qui ne se constituent pas à partir de certains dogmes, mais à partir des épreuves de la réalité de l’être-soi envers de l’Être inconcevable, s’ouvrant « dans le vrai vécu religieux par opposition au monde figé, clair et distinct des notions théologiques […] » (p. 45/260).

11Comment avoir accès à cette expérience ? Comment peut-elle être méditée ? et comment pourrait-elle être considérée en tant que le point fondamental du projet métaphysique ? Ces trois questions forment le discours même de Frank qui se compose de trois parties, examinant certaines modalités de l’être, structuré par l’inconcevable, compris comme indétermination ontique de la réalité. Car la réalité est d’un autre ordre qu’un simple « milieu » ambiant, que la totalisation des contenus explicites de notre expérience ordinaire, c’est un « savoir mystique » qui vise ainsi une expérience intégrale :

  • 21 En russe : « Это – пока лишь гипотетическое допущенное нами – начало непостижимого мы п (...)

C’est de ce principe d’inconcevable – pour l’heure avancé à titre d’hypothèse présomptive – que nous allons tenter de suivre les avatars dans les trois strates de l’être : 1) dans le monde qui nous environne ou – par extension – dans ce qui s’offre à nous en tant qu’être objectal […] 2) dans notre être propre, en tant que, d’une part, il se manifeste comme la « vie intérieure » de chacun de nous et en tant que, d’autre part, il s’exprime par rapport à la vie intérieure des autres hommes et au fondement « spirituel », « enfoui » plus profondément encore, de notre vie psychique et 3) dans cette strate de la réalité qui, en tant que fondement originaire et uni-totalité, garantit pour ainsi dire l’unité et assure le bien – fondé de ces deux mondes différents et hétérogène. (p. 54/269)21

  • 22 С. Франк, Предмет знания, 1915 ; trad. fr. : La connaissance et l’être, Paris, Aubier, (...)

Les principales considérations de Frank sur les rapports de l’inconcevable et du monde objectif avaient déjà été publiées22 ; il reprend cependant son argumentation à partir, disons, « des modes de la connaissance ». Le raisonnement c’est le mode de connaître ce qui nous entoure ou, selon Frank – il indique les termes allemands –, les deux niveaux de l’Umwelt et du Mitwelt. C’est le monde des res, de « ceci qui est ceci qui n’est pas cela ». Ce monde, considéré comme objectif (actuel), et connu selon la logique de raison, Frank le nomme actualité (предметная действительность). Néanmoins c’est la possibilité même du raisonnement qui se fonde sur l’intuition vitale de l’être du monde et de l’être-soi dans ce monde.

  • 23 En russe : « Направленность взора на неизвестное есть условие возможности всякого позна (...)

L’orientation prise par le regard vers de l’inconnu est la condition de possibilité de toute connaissance […] cette orientation primordiale du regard ne peut disparaître en tant que telle, elle ne peut être abandonnée ou surmontée, parce qu’elle est l’attitude fondamentale de ce que nous appelons précisément « processus cognitif ». Notre connaissance ne peut jamais être totalement achevée, immédiatement arrêtée, elle ne se réduit pas à une composante reposant statiquement sur elle-même ; la connaissance est toujours, au contraire, un processus cognitif, une tension visant à éclairer « l’obscurité » qui nous environne. (p. 60/274)23

12La connaissance des objets du monde peut-être exprimée au moyen de la formule : « ceci est A » ou « A n’est pas B » où ce est indique que l’être de A (ou de B) ne dépend pas de ce qu’on en sait. Mais quel est l’état ontologique de ce « ne… pas » ? Selon Frank ce « ne… pas » constitue la connexion entre la connaissance et l’être et donc c’est la possibilité ontologique de la négation en sa fonction logique qui détermine notre connaissance de l’objet concret :

  • 24 En russe : « Всякое “это” имеет наряду с собой и “иное” – все иное вообще; (...)

Tout ceci est accompagné d’un autre – et de tout le reste comme autre en général ; plus encore, il n’est concevable que dans et par cette liaison : ceci signifie précisément ceci et non un autre, quelque chose qui implique de manière constitutive la relation de différence, c’est-à-dire la relation à de l’autre, la liaison de négation avec de l’autre. (p. 68/284)24

  • 25 En russe : « Но наше знание потенциально объемлет бесконечность, что именно и обозначае (...)
  • 26 Voir p. 83/209.
  • 27 Aristote, De l’âme, livre III, chap. 8, ligne 431 b 21.
  • 28 M. Heidegger, Être et temps [1927], Paris, Gallimard, 1986 (trad. par F. Vezin), p. 38.

La relation de différence, implique virtuellement que toute connaissance pose à la fois un objet connu et un horizon d’in-connaissance si l’on peut dire (ce paragraphe se termine par une référence à l’ignorance socratique et à l’Oracle de Delphes) : « notre conscience enveloppe en puissance l’infini, ce qui signifie précisément que l’infini est présent en elle ou pour elle en tant qu’infini obscur, non découvert, non transparent » (p. 69/286)25. Le rapport à Dieu comme infini en acte est donc médiatisé par le rapport à l’infini en puissance que recèle tout processus cognitif. Toute « intentionnalité » (Frank utilise le terme même de Husserl)26 se constitue face à un horizon obscur : ce qui se donne à ma conscience n’apparaît que sur fond d’inconnu et d’éloigné. À la suite d’Heidegger dans Sein und Zeit, Frank cite une phrase célèbre du De anima d’Aristote : « Enveloppant une multiplicité infinie, l’être-soi est en même temps fini, délimité par de l’autre ; il est quelque chose qui, en un sens, est tout et qui, en même temps, ne laisse pas d’être seulement une nature unique. “L’âme, dit Aristote, est d’une certaine façon, ‘tout’” [душа есть некоторым образом “все”] ; mais elle n’est “tout” précisément que “d’une certaine façon” ; car il est vrai de dire en même temps qu’elle n’est pas tout, elle est seulement quelque chose d’unique » (p. 220/468-469). La phrase d’Aristote ἡ ψυχὴ τὰ ὄντα πώς ἐστι πάντα, « l’âme est en quelque façon tous les étants »27, indique certainement dans le traité De l’âme la relation d’assimilation qui est au cœur des processus de connaissance, tant sensoriels, qu’intellectuels. L’âme devient ce qu’elle sent ou ce qu’elle pense. Heidegger cite la phrase au paragraphe 4 d’Être et temps pour indiquer le rapport essentiel de l’homme, ou plutôt du Dasein, au sens de l’être : « La primauté ontique-ontologique du Dasein a déjà été vue de bonne heure, mais sans que le Dasein lui-même fût pour autant saisi dans sa structure ontologique spécifique ou qu’il fît au moins problème d’une façon qui aurait pris cette structure pour but. Aristote dit ἡ ψυχὴ τὰ ὄντα πώς ἐστι. L’âme (de l’homme) est d’une certaine manière l’étant »28. On le voit l’interprétation de Frank et celle d’Heidegger sont toutes opposées : Heidegger souligne le verbe ἐστι (« est »), alors que Frank insiste sur l’adverbe πώς (« en quelque manière » / « некоторым образом ») et sur le fait que l’âme n’est pas toutes choses au sens plein du terme être. Au contraire ! En cherchant à comprendre ou à sentir un étant, l’âme conçoit aussi tout ce qu’elle n’est pas et ne sent pas. C’est là le cœur de l’argumentation de Frank : la saisie de notre finitude est une ouverture à la « transascendance de Dieu ».

*

13L’être en tant qu’inconcevable se montre dans l’actualité, et plus particulièrement, dans les « vides » du langage qui s’expriment en locutions neutres : en français il y ail est…, en allemand es gibt. On peut en effet se demander qui est le sujet de ces locutions ? quel est le mode d’être de ce à quoi renvoient ces expressions ? Selon Frank, l’être neutre qu’on fixe comme sujet de ces locutions, ne se conçoit pas comme certain contenu (Gehalt), car c’est ce même être qui est le contenant, c’est-à-dire qu’il est impossible pour la raison de déterminer l’être mais qu’il est possible de souligner son indétermination. Aussi y a-t-il une différence décisive entre la neutralité du « donné », du il y a et le mode d’être propre du sujet qui est une donation (partielle, mais donation quand même) à soi-même. Le sujet, en deçà d’un subjectivisme empirique, se saisit lui-même comme conditionné et inconditionné. Frank prend bien soin de suivre les leçons de Husserl et de ne pas tomber dans le « psychologisme » et c’est tout naturellement au Descartes des Méditations métaphysiques qu’il se réfère :

  • 29 En russe : « Проблематика “теории знания”, как она развивалась с точки зрения Декарта и (...)

Telle qu’elle s’est développée dans la philosophie, depuis Descartes jusqu’à l’idéalisme et au néokantisme allemands, les problèmes affrontés par l’« épistémologie » témoignent en tout cas des difficultés et des obscurités nombreuses auxquelles se heurte l’équivalence de l’être dans son immédiate évidence avec le « sujet de la connaissance » et de ce dernier avec un « Je ». Déjà Descartes lui-même avait dû tenir compte de ce problème, en reconnaissant comme une condition nécessaire de l’être du « Je » limité à lui-même l’évidence parfaitement primordiale de « Dieu » en tant qu’être absolument infini. (p. 158/395)29

Cette analyse de Frank est très proche de celle que nous donne Levinas dans Totalité et infini :

  • 30 E. Levinas, Totalité et infini [1961], La Haye, M. Nijhoff, 1980, p. 186.

Le cogito cartésien se donne […] à la fin de la troisième méditation comme appuyé sur la certitude de l’existence divine, en tant qu’infinie, par rapport à laquelle se pose et se conçoit la finitude du cogito ou le doute. Cette finitude ne saurait se déterminer, comme chez les modernes, sans recours à l’infini, à partir de la mortalité du sujet, par exemple. Le sujet cartésien se donne un point de vue extérieur à lui-même à partir duquel il peut se saisir30.

14L’auto-donation du sujet à lui-même, sans rapport avec la facticité de l’il y a ne sature pas le sujet de lui-même (« clôture » que Frank condamne) et ne se constitue que dans une tension avec un infini fondateur plus fondamental que l’ego lui-même.

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  • 31 En russe : « Мы постигли непостижимое в конечном итоге как абсолютную реальность, котор (...)

15Tout au début de la partie II, Frank reprend ce qui a été déjà montré : « Nous sommes parvenu en fin de compte à concevoir l’inconcevable en tant que réalité absolue, consistant dans l’unité d’un “<il> est - <je> suis” [есть-есмь] ou encore dans l’unité formée par une fonction d’être en tant que telle avec le principe qu’elle dessert ou qui la “détient” » (p. 201/444)31. La formule qu’utilise Frank est moins étrange en russe qu’en français mais elle est étrange tout de même et souligne l’unité en possible contradiction entre le mode d’être impersonnel du « il est » et le mode d’être en première personne du « je suis » : peut-on penser l’il y a du je suis ? le есть du есмь ? le verbe être ici à la première personne du singulier est exceptionnel en russe, forme archaïque que l’on trouve utilisée dans la Sainte Écriture quand on lit dans l’Apocalypse : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le commencement et la fin, dit le Seigneur » : « Я есмь Альфа и Омега, начало и конец, говорит Господь » (Апокалипсис 1, 8).

  • 32 En russe : « Единственная адекватная установка будет здесь, как уже сказано, заключатьс (...)

La seule attitude adéquate consistera ici [continue Frank] à nous pénétrer de l’idée que dans sa nature intérieure même, dans son être-soi immédiat, l’homme n’est ni la réalité absolue elle-même en tant que telle, ni quelque chose d’absolument, c’est-à-dire logiquement parlant, autre, ou bien encore, ce qui revient au même, que tout à la fois il est et n’est pas la réalité absolue. Ici aussi l’oscillation entre deux déterminations opposées, ou au-dessus d’elles, l’accès à l’unité transrationnelle entre l’une et l’autre, est la seule et unique forme de pensée capable de nous révéler la corrélation véritable. (p. 216/463)32

L’être-soi est l’être absolu pour soi et en ce sens il n’est pas un terme parmi d’autres « être-soi » équivalent ; chaque ego est en un sens unique en son genre, non répétable :

  • 33 En russe : « Именно поэтому оно (самобытие – Е.К.) в известном смысле абсолютно одиноко, не (...)

C’est bien pourquoi il est en un certain sens solitaire, incapable de se livrer, de s’exprimer, de se réaliser intégralement, quelque effort qu’il fasse pour se manifester à un autre ou en quelque communauté qu’il se trouve ; il contient en soi, et il est quelque chose – en quoi se manifeste le trait même de « l’ipséité » – qui n’en demeure pas moins toujours indiciblement sans voix en lui-même, en son for le plus propre. Mais c’est aussi sous ce rapport qu’il est, encore une fois, semblable et intérieurement apparenté à l’Absolu lui-même – à l’unique par excellence ; telle est aussi la raison de l’attirance de l’âme humaine vers l’Absolu, vers Dieu, attirance qui est – pour reprendre le mot si juste de Plotin – fuite de l’unique (solitaire) vers l’unique (solitaire), φυγὴ τοῦ μόνου πρὸς τὸν μόνον. (p. 220-221/469)33

  • 34 En russe : « Непосредственное самобытие есть – как его так метко изобразил Бергсон – по (...)

Frank pense que l’identité radicale de chacun avec soi-même, l’ipséité en français, la « самость » laisse place cependant à une altérité au sein même de cette ipséité, loin de l’absoluité du Moi fichtéen, le Moi frankien est constitué autant par son auto-donation que par sa séparation de tout ce qui n’est pas moi et qui est à l’horizon de ma propre expérience. L’autre par excellence, le « tu » et plus particulièrement ce « Tu » transcendant à qui s’adresse toute prière, est co-constitué avec le « je ». Frank félicite Bergson d’avoir compris que l’essence de la subjectivité est liberté dynamique, élan vivant et non pas substance abstraite et monadique : « Comme Bergson l’a si justement montré, l’être-soi immédiat est foncièrement processus, “agir” [делание], dynamique, durée vivante, “temporalité” ou – ce qui revient au même – liberté » (p. 223/472)34.

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16On le voit, la philosophie de la religion de Frank part d’une méditation profonde sur la vie même de l’ego. C’est dans la compréhension des conditions de possibilité de la connaissance que le philosophe trouve la structure de la « divino-humanité » sur laquelle s’appuie son anthropologie.

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Notes

2 Il s’agit d’un épisode étrange de la Révolution bolchévique ; en septembre 1922, sur l’ordre de Lénine, Djerzinski organise le départ forcé d’un grand nombre d’intellectuels hostiles à la Révolution.

3 C’est une expression que Frank a répétée toute sa vie d’après les souvenirs de sa fille Natalya ; voir В. К. Кантор, Жизнь и судьба С.Л. Франка // Идейное наследие С.Л. Франка в контексте современной культуры, В. Поруса (ред.), M., Изд-во: ББИ св. Апостола Андрея, 2009, p. 10.

4 En 1908, Frank traduit l’essai de Simmel « Kant et Goethe » dans la revue Russkaja Mysl’, nº 6, 1908, p. 41-67.

5 Windelband, comme Rickert, est un penseur néo-kantien qui a beaucoup influencé Frank ; en 1904 Frank traduit en russe ses Präludien.

6 Ce recueil de sept articles dirigé par M. Guerchenzon était consacré à l’intelligentsia, sa conception du monde (миросозерцание) et son rôle dans la vie sociale et politique ; les auteurs sont : Berdiaev, Boulgakov, Guerchenzon, Izgoev, Kistiakovsky, Struve et Frank (traduction française : Paris, Cerf, 2011). Durant une année (dès le mois de mars 1909 jusqu’à février 1910) cinq rééditions ont paru, en provoquant les forts débats au milieu des intellectuels qui continueront dans le recueil de 1918 De profundis (dirigé et édité par P. Struve dans La pensée russe [изд-во « Русская мысль »]). Dans ce dernier numéro Frank publie l’article homonyme en évaluant la Révolution russe comme « maladie morale » dont la cause est le dualisme entre la religion, la foi, l’idéal et la vie du peuple, ce qui explique la chute des conservateurs et des libéraux. La récente réédition des trois recueils (Les problèmes de l’idéalisme, Jalons et De profundis) sous la direction de V. Sapov : Манифесты русского идеализма. Проблемы идеализма. Вехи. Из глубины, М., Астрель, 2009.

7 En 1948, Étienne Gilson cite en bonne part l’ouvrage de Frank dans ses analyses sur les limites et les déficiences du réalisme métaphysique de l’essence : L’être et l’essence [1948], Paris, J. Vrin, 1994, p. 285. Étienne Borne fit un compte rendu de La connaissance et l’être dans la Revue thomiste, 1937, p. 501-503.

8 Traduction anglaise : S. Frank, Man’s Soul: An Introductory Essay in Philosophical Psychology, Athens, Ohio, Ohio University Press, 1993 (trad. par B. Jakim).

9 À l’université de Berlin (1931-1933) il travaille au département de philologie slave.

10 Voir В. К. Кантор, Жизнь и судьба С.Л. Франка, p. 9.

11 Traduction anglaise : S. Frank, The Spiritual Foundations of Society: An Introduction to Social Philosophy, Athens, Ohio, Ohio University Press (trad. par B. Jakim), 1987.

12 Voir Л. Бинсвангер, Воспоминания о С. Л. Франке // Сборник памяти С. Л. Франка, Мюнхен [Б. и.], 1954, c. 25-39.

13 La correspondance entre Frank et Binswanger compte cinq cents lettres ; en russe on n’a traduit et publié que quatre lettres (disponibles en ligne : http://www.ruthenia.ru/logos/number/1992-3.htm [p. 264-268]). Je cite la dernière, dans ma propre traduction du russe en français.

14 Toutes les citations sont données dans la traduction de P. Caussat : S. Frank, L’inconcevable. Introduction ontologique à la philosophie de la religion, Paris, Cerf, 2007 ; et en russe selon l’édition С. Франк, Непостижимое. Онтологическое введение в философию религии // Сочинения, М., АСТ, 2000, с. 247-796. Les références données dans le texte renvoient à ces deux éditions.

15 Ce terme est traduit en anglais de deux façons : par B. Jakim par « unknowable » (The Unknowable: An Ontological Introduction to the Philosophy of Religion, Athens, Ohio, Ohio University Press, 1983) et par L. J. Shein par « unfathomable » (L. J. Shein, « The Unfathomable in S. L. Frank Epistemology », Canadian Slavic Studies, 2, 1968, p. 14-27). Frank recourt au terme « Непостижимое » d’abord pour méditer sur l’être et ensuite pour marquer les limites de notre connaissance, ce qui est exprimé par le terme allemand Das Unergründliche. Voir S. Frank, Das Unergründliche. Ontologische Einführung in die Philosophie der Religion, Fribourg – Munich, K. Alber, 1994. P. Caussat note : « L’équivalent français le plus proche serait “L’insondable”, dont la connotation renvoie à la théologie négative qui stipule que de l’Absolu (Dieu) on ne peut dire que ce qu’il n’est pas. […] Nous avons retenu “inconcevable” pour trois raisons : la proximité sémantique avec les termes russes désignant “concevoir” : постижение, постить [“conception”, “concevoir”] ; la place prise dans l’entreprise philosophique de Frank par le combat mené contre la suprématie moderne du “concept” ; enfin parce que ce terme a paru le plus recevable pour le lecteur français ordinaire » (S. Frank, L’inconcevable…, p. 33). Rapprochant cette notion de l’intuition bergsonienne, Vladimir Jankélévitch traduit « L’inattingible » (Philosophie première [1953], Paris, PUF, 1986, p. 227).

16 Sur ce point, voir P. Ehlen, « Nikolaus von Kues und Simon Frank », in Cusanus-Rezeption in der Philosophie des 20. Jahrhunderts, K. Reinhardt (dir.), Ratisbonne, Roderer, 2005, p. 161-190. En russe, voir П. Элен, Николай Кузсанский и Семен Франк // Историко-философский ежегодник, O. Назарова (ред.), М., Наука, 2005, с. 331-357 ; Т. Оболевич, Аспекты “умудренного неведения” в философии Семена Франка // Идейное наследие С.Л. Франка в контексте современной культуры, В. Н. Поруса (ред.), M., ББИ им.Св. Апостола Андрея, 2009, с. 29-37.

17 Frank traduit cette expression : « Недостижимое достигается через посредство его недостижения. Непостижимое постигается через посредство его непостижимости ». Voir la dernière page de l’ouvrage : « L’inconcevable se conçoit par la conception de son inconcevabilité » (p. 488/796).

18 P. Ehlen nomme les thèmes où ce rapprochement est évident : le concept de « divino-humanité » ; la « connaissance vivante » et « monodualisme antinomique » ; la coïncidence de l’actualité et de la potentialité ; l’église comme l’humanité unie dans « la vérité » (церковь как объединенное в « правде » человечество). Toutes les citations que l’on trouve dans L’inconcevable n’ont pas de références précises et sont faites probablement de mémoire. Voir П. Элен, Николай Кузсанский и Семен Франк, p. 335.

19 Frank reprend ce terme heideggerien de façon volontairement allusive : « La philosophie est non pas “critique” et pas davantage analyse d’une “raison” détachée de la réalité ; elle est – pour employer un terme dont on s’est servi il y a peu – “ontologie fondamentale” (фундаментальная (основоположная) онтология) ou encore – en recourant à la terminologie ancienne, simple et plus heureuse, d’Aristote – “philosophie première” » (L’inconcevable, p. 183/426). L’expression d’ontologie fondamentale est utilisée par Heidegger au § 7 d’Être et temps (p. 37 de l’édition allemande). La « philosophie première » est une expression d’Aristote au livre E de la Métaphysique (1026a24).

20 N. Lossky dans son Histoire de la philosophie russe interprète le système de Frank comme un intuitivisme. Il explique l’intuition comme la perception non-discursive de l’être.

21 En russe : « Это – пока лишь гипотетическое допущенное нами – начало непостижимого мы попытаемся проследить в трех слоях бытия: 1) в окружающем нас мире или – шире говоря – в том, что предстоит нам как предметное бытие […], 2) в нашем собственном бытии – как оно с одной стороны обнаруживается как “внутренняя жизнь” каждого из нас и как оно, с другой стороны, проявляется в отношении к внутренней жизни других людей и к более глубоко лежащей “духовной” основе нашей душевной жизни, и 3) в том слое реальности, который в качестве первоосновы и всеединства как-то объединяет и обосновывает оба эти различные разнородные миры ».

22 С. Франк, Предмет знания, 1915 ; trad. fr. : La connaissance et l’être, Paris, Aubier, 1937.

23 En russe : « Направленность взора на неизвестное есть условие возможности всякого познания; […] эта первичная направленность взора как таковая не может исчезнуть, не может быть покинута или преодолена, потому что она есть основоположная установка того, что мы именно и называем познаванием. Наше познание никогда не может быть завершенно законченным, безусловно готовым, чем-то статически находящимся в себе самом; познание есть напротив всегда движение познавания, напряжение озарения окружающей нас “тьмы” […] ». Je souligne ici le mot « позн-а-ва-ние », que Pierre Caussat traduit par « processus cognitif » – distingué de la « connaissance » ; en effet, en russe, Frank oppose le processus immédiat (« познавание ») marqué par le suffixe « -ва » du résultat « познание ».

24 En russe : « Всякое “это” имеет наряду с собой и “иное” – все иное вообще; более того оно мыслимо только в этой связи: “это” значит именно “это, а не иное” – нечто что конструируется отношением различия, т.е. отношением к “иному”, связью отрицания с “иным”».

25 En russe : « Но наше знание потенциально объемлет бесконечность, что именно и обозначает, что бесконечность присутствует в нем или для него как темная, нераскрытая, непрозрачная бесконечность ».

26 Voir p. 83/209.

27 Aristote, De l’âme, livre III, chap. 8, ligne 431 b 21.

28 M. Heidegger, Être et temps [1927], Paris, Gallimard, 1986 (trad. par F. Vezin), p. 38.

29 En russe : « Проблематика “теории знания”, как она развивалась с точки зрения Декарта и вплоть до немецкого идеализма и неокантианства, во всяком случае свидетельствует, что отождествление самоочевидного непосредственного бытия “с субъектом познания” и последнего – с “я” наталкивается на множество неясностей и трудностей. Уже сам Декарт должен был считаться с этим, признав необходимым условием бытия ограниченного “я” первичную самоочевидность “Бога” как безусловного бесконечного бытия ».

30 E. Levinas, Totalité et infini [1961], La Haye, M. Nijhoff, 1980, p. 186.

31 En russe : « Мы постигли непостижимое в конечном итоге как абсолютную реальность, которая состоит в единстве “есть-есмь” или в единстве момента бытия как такового с тем началом, для которого оно есть или которое его “имеет” ».

32 En russe : « Единственная адекватная установка будет здесь, как уже сказано, заключаться в том, что мы скажем себе: человек в его внутреннем существе, в его непосредственном самобытии, не есть ни сама абсолютная реальность как таковая, ни нечто безусловно, т.е. в логическом смысле – иное, или же, что то же самое, – он и есть и не есть абсолютная реальность. И здесь витание между или над двумя противоречащими друг другу определениями, достижение трансрационального единства между ними есть единственная форма мысли, в которой нам открывается истинное соотношение ».

33 En russe : « Именно поэтому оно (самобытие – Е.К.) в известном смысле абсолютно одиноко, не может без остатка выразить, осуществить себя ни в каком обнаружении для другого, ни в каком общении; оно содержит в себе и есть нечто – именно самый момент “самости”, – что все же остается всегда несказанно-немым в себе и у себя самого. Но именно в этом отношении оно подобно и внутренне сродно самому Абсолютному, к Богу, есть – по меткому слову Плотина – бегство единственного (одинокого) к единственному (одинокому), φυγὴ τοῦ μόνου πρὸς τὸν μόνον », Plotin, traité Du bien ou de l’Un, VI, 9, 11, 51, in Ennéades. Il existe plusieurs traductions russes de Plotin : une série de traités ont été traduits dès le XIXe, puis certains par le philosophe Losev, et récemment une nouvelle entreprise par le spécialiste Iouri Chitchaline. On lira notamment le recueil publié aux éditions Aléthéia en 1995 et la traduction de Chitchaline : Plotin, Traités 1-11, Moscou, Greco-latinski’ kabinet, 2007. Frank cite de mémoire la célèbre dernière phrase des Ennéades, le texte grec est en fait φυγὴ μόνου πρὸς μόνον, la fuite de l’unique vers l’unique.

34 En russe : « Непосредственное самобытие есть – как его так метко изобразил Бергсон – по своему существу процесс, “делание”, динамика, живая длительность, “временность” или – что то же самое – свобода ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Elena Karpenko, « L’ipséité et l’Être comme Inconcevable : le projet de l’anthropologie religieuse de Simon Frank »Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 48 | 2011, 123-133.

Référence électronique

Elena Karpenko, « L’ipséité et l’Être comme Inconcevable : le projet de l’anthropologie religieuse de Simon Frank »Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 48 | 2011, mis en ligne le 01 septembre 2020, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/992 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.992

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Auteur

Elena Karpenko

Université d’État, École des hautes études en sciences économiques (Moscou)

Ancienne élève de l’université d’État de Moscou Lomonossov, elle a soutenu en 2004 une thèse consacrée à l’œuvre de Bernard Palissy sous la direction de Marina Sviderskaya. Domaines de recherches : (1) histoire des sciences (XVIe-XVIIe siècles), histoire de l’art des jardins ; l’œuvre de Bernard Palissy. Bibliographie : « Морфология религиозной утопии. Творчество и философия Б. Палисси » // Искусствознание, 1/04, 2004, c. 119-141 ; Семантика грота во французских садах XVI века // Сад: символы, метафоры, аллегории, Е. Д. Федотовой (ред.), М., Памятники исторической мысли, 2010, c. 202-218. (2) Histoire de la philosophie russe. Bibliographie : Мистическая онтология и социальный утопизм в “Философии свободы” Н. Бердяева // Н. Бердяев и единство европейской культуры, В. Н. Поруса (ред.), М., Изд-во ББИ св. Апостола Андрея, 2007 [глава книги], c. 120-132 ; Философская антропология как энтелехия культуры // Идейное наследие С.Л.Франка в контексте современной культуры, В. Н. Поруса (ред.), М., Изд-во ББИ св. Апостола Андрея, 2008 [глава книги], c. 141-152.

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Droits d’auteur

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