Avant-propos : « L’énigme du je »
Texte intégral
Est « ego » qui dit « ego »
É. Benveniste
1Si la philosophie est un discours sur la totalité qui en cherche la rationalité, les modalités d’existence et, parfois, la justification ou le fondement, le « je » empirique du philosophe qui écrit et qui signe l’un des mille et un textes formant « la » philosophie dans son histoire et sa variété est en tension entre l’affirmation pleine et entière d’un ego qui assume ses propos et s’y investit pleinement (comme le témoin dans son témoignage) et l’effacement sceptique de qui ne fait que proposer une interprétation, décrire des phénomènes de pensée, phénomènes parmi d’autres et sans autre privilège que leur inscription momentanée en un point du monde.
2L’ample déconstruction d’Aristote et de Platon, du Portique et du Jardin que représentent les Esquisses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus, en donnant au phénomène une place centrale, met la première personne du singulier en avant :
- 1 Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 22, § 196, trad. P. Pellegrin, Paris, (...)
Nous employons le « je suspends [mon assentiment] » (τὸ δὲ “ἐπέχω” παραλαμβάνομεν) à la place de « je n’ai pas le moyen de dire laquelle des choses proposées il faut trouver convaincante et laquelle il faut trouver non convaincante », indiquant (δηλοῦντες) que les choses nous apparaissent égales concernant la conviction et l’absence de conviction. Et qu’elles soient égales, nous ne l’assurons pas (οὐ διαβεβαιούμεθα), mais nous disons ce qui nous apparaît (τὸ δὲ ϕαινόμενον ἡμῖν) de ces choses quand elles nous tombent sous le sens1.
3Le philosophe, ici, s’avance prudemment sous le masque du pluriel « nous », sous entendu « nous les Sceptiques » dont Sextus n’est que le porte-parole en ses esquisses qui cherchent à ne rien déterminer mais seulement à indiquer une autre voie que celle des positions et postures dogmatiques. « Nous n’assurons pas », « nous ne sommes pas sûrs », autant dire nous ne cherchons pas cette fermeté (bebaiotès) qui est au cœur de la théorie des Formes de Platon et de la doctrine de l’ousia chez Aristote. Pas de substrat stable, pas de fondement premier, ni de réel au-delà des apparences, mais ce qui nous échoie (ὑποπίπτει) dans le phénomène. Il ne s’agit pas de douter pour douter, de douter de façon anarchique et dans une rage purement négative, mais au contraire de purifier notre vie psychique :
- 2 Ibid., III, 32, § 280, p. 523.
Le sceptique du fait qu’il aime l’humanité (ϕιλάθρωπος) veut guérir par la puissance de l’argumentation la présomption et la précipitation des dogmatiques2.
Le remède est de même nature que le mal : c’est le logos par quoi l’homme se rapporte au monde qui l’entoure. Or, l’une des clefs de voûte de nos phrases est en philosophie le pronom « je », qu’il soit explicité comme en français ou en anglais, ou implicite dans le verbe conjugué comme en grec (ἐπέχω) ou en russe.
4Les études ici rassemblées cherchent à interroger l’usage du « je » du philosophe, non pas l’« ego transcendantal » de l’idéalisme ou de la phénoménologie, mais le je empirique, le je concret de celui qui rédige une argumentation philosophique.
- 3 G. Deleuze, F. Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Minuit, 1972, p. 7.
5On peut certes essayer de se situer en-deçà de la subjectivité, de se passer de la « vielle âme » comme dit Nietzsche, ou encore du concept de personne, on peut écrire comme Deleuze et Guattari : « Ça respire, ça chauffe, ça mange. Ça chie, ça baise »3, il n’en reste pas moins un moment où le texte a rencontré l’auteur et l’auteur, l’homme en chair et en os qui l’écrivait et qui pouvait le lire de sa voix singulière, cette voix qui, par ailleurs, dans la vie ordinaire, disait au médecin « j’ai mal ici » ou, à l’être aimé, « je t’aime ». Évoquant les prestiges de l’impersonnel, Stéphane Chauvier note très justement :
- 4 S. Chauvier, Dire « Je ». Essai sur la subjectivité, Paris, Vrin, 2001, p. 250.
[La] mort du sujet par impersonnalisation semble […] plus théorique, que réelle : car tout se passe comme si, dès que le « je » trouvait le chemin d’une conscience, celle-ci ne pouvait plus se déprendre de sa subjectivité. On peut donc certes dire, comme certains métaphysiciens orientaux ou quelques-uns de leurs disciples occidentaux, que la subjectivité est une illusion, si l’on entend par là qu’elle n’est pas un étant naturel. Mais nous sommes cependant cette illusion et c’est ce qui la rend indissoluble4.
- 5 G. Deleuze, F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Minuit, 1991, p. 101.
6En d’autres termes, si comme le dit encore Deleuze « Je est une habitude »5, c’est assurément une bonne habitude, celle qui me permet de répondre et d’être responsable, celle qui permet que notre vie soit celle d’un homme et non simplement un ensemble de rencontres électriques dans un encéphale.
- 6 On pourrait tout aussi bien dire qu’il y a du Michaux dans Deleuze. Gilles Deleuze a en (...)
7Dans la Postface à Plume, Henri Michaux, à bien des égards « deleuzien » avant l’heure6, note la dialectique complexe entre la vie « dans les plis » de nos personnalités multiples et le « je » signataire d’une œuvre écrite :
- 7 H. Michaux, Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard (Pléiade), 1998, p. 663. Michaux a (...)
MOI se fait de tout. Une flexion dans une phrase, est-ce un autre moi qui tente d’apparaître ? Si le OUI est mien, le NON est-il un deuxième moi ?
Moi n’est jamais que provisoire (changeant face à un tel, moi ad hominem changeant dans une autre langue, dans un autre art) et gros d’un nouveau personnage. […] On n’est peut-être pas fait pour un seul moi. On a tort de s’y tenir. […] On veut trop être quelqu’un. Il n’est pas un moi. Il n’est pas dix moi. Il n’est pas de moi. MOI n’est qu’une position d’équilibre. (Une entre mille autres continuellement possibles et toujours prêtes.) Une moyenne de « moi », un mouvement de foule. Au nom de beaucoup je signe ce livre7.
- 8 J.-J. Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, in Œuvres complètes, t. I, (...)
8Pour Marc Aurèle et la pensée stoïcienne de Panétius dont il est question dans la première étude, la philosophie cherche à la fois à distinguer et à unir les différentes dimensions de qui nous sommes. Dire « je » est essentiel au projet parénétique de l’empereur philosophe. Le « je empirique » est comme le point d’ancrage où le développement de la pensée se ressaisit. L’affirmation de la première personne assure la stabilité du centre autour duquel les choses et les représentations s’organisent. On pourrait sans doute trouver un analogue de cet usage dans les Rêveries de Rousseau, où le « je » est omniprésent et permet à Jean-Jacques de dire : « je jouis de moi-même »8.
9Avec saint Augustin et la confession présentée par Emmanuel Housset, le « je » ne s’adresse pas à lui-même dans le dialogue intérieur de l’examen de conscience, mais à Dieu en réponse à un appel que la pensée grecque ignora, celui de la Grâce et du Salut.
- 9 Montaigne, Essais, P. Villey (éd.), Paris, PUF (Quadrige), 2004, livre III, chap. 2, p. (...)
10Montaigne, que présente Alberto Frigo, utilise le « je » comme position d’équilibre, selon la formule de Michaux, au milieu de la « branloire pérenne »9, en cherchant par une « réformation » à chasser de son âme « toujours en apprentissage » la présomption et l’outrecuidance. En un certain sens proche de Montaigne est l’effort de Biran pour se dire dans son Journal, car l’expérience intérieure montre une existence personnelle et singulière : le « je » du Journal, comme le dit Anne Devarieux, est « traversé et menacé par les successions imprévisibles d’une vie affective toute mobile, il se tient à la frontière entre la certitude de soi et sa faillite ».
- 10 Voir la prévision que fait Comte : « positif deviendra partout inséparable de relatif, […] d’organi (...)
11La certitude, en revanche, est au cœur de l’entreprise positiviste10 : Auguste Comte se pense comme le fondateur de la religion de l’Humanité à quoi tous les grands esprits sont « incorporés » au fur et à mesure de l’histoire. Le « moi » selon Comte n’est pas une substance, mais la somme de faits et de pensées communicables : en disant « je », le philosophe pense à ce que la postérité retiendra de lui et qui pourra lui être attribué. C’est en ce sens que Comte peut dire, en une formule étrange, qu’il habite « une tombe anticipée » : la mort débarrasse la personnalité des scories inessentielles pour laisser subsister dans la mémoire des hommes ce qui a du prix. Frédéric Dupin nous aide à mieux comprendre le rapport entre l’objectivité de l’histoire vécue et la subjectivité d’une légende que Comte se construit lui-même dans ses œuvres, sa correspondance et ses « confessions » publiques.
12Avec Nietzsche, notamment dans Humain, trop humain et dans Ecce homo, l’utilisation du « je » est remarquable par la tension entre l’artifice trompeur du langage et de la grammaire et la réalité des pulsions. Patrick Wotling montre que, malgré les apparences, Nietzsche n’est nullement un philosophe au moi envahissant : la « maudite ipsissimosité » (§ 207 de Par-delà bien et mal) est l’une des illusions que Nietzsche combat. Le « je » ne renvoie pas à une personne déterminée, mais à un ensemble de pulsions qui se manifestent et prennent corps dans une philosophie. Dès lors, le discours philosophique, s’il n’est pas biographique, n’en est pas pour autant impersonnel. Dire « je », c’est indiquer l’origine d’une interprétation et non pas une substance stable et autonome.
- 11 AK, III, 279 (= B428), « Der Satz, Ich Denke, oder, ich existiere denkend, ist ein empi (...)
13Le discours philosophique, pas plus que l’ego transcendantal kantien, ne peut se passer des conditions matérielles et des situations de parole. Dans une célèbre remarque de la Critique de la raison pure, Kant n’écrit-il pas : « La proposition : Je pense, ou : J’existe pensant, est une proposition empirique »11 ? Le sujet transcendantal ne s’appelle ni Pierre, ni Pauline, mais il n’a de sens qu’à accompagner les représentations de Pierre et de Pauline. C’est l’objet de l’étude d’Anne-Marie Boudot que d’expliquer en quoi chez Descartes « la démarche même des Méditations exclut l’idée d’une pensée impersonnelle » : le « je » impliqué dans le cogito, l’ego de l’ego sum a beau être obtenu à l’issue d’une déconstruction de toutes les évidences mondaines, il ne s’agit pas d’un ego pur : c’est bien René Descartes qui nous narre sa méditation à la première personne.
- 12 Montaigne, Essais, p. 805.
14Le volume que vous avez dans les mains cherche à montrer cette tension entre l’exigence de généralité propre au philosophe et la nécessité de continuer à dire « je » quelles qu’en soient les modalités. Cet écart est bien montré entre deux affirmations, celle de Marc Aurèle qui écrit : « tout ce que je suis (touto eimi) se réduit à ceci : la chair, le souffle, le guide intérieur » (II, 2) et celle de Montaigne : « moy le premier [je communique] par mon estre universel, comme Michel de Montaigne, non comme grammairien ou poëte ou jurisconsulte »12. Le « je suis » singulier de l’empereur vaut pour toute personne humaine qui est toujours, à toutes les époques, selon le Portique, faite de chair, de pneuma et d’hégémonique ; l’être « universel » de Montaigne n’est assumé que par l’auteur des Essais qui fut maire de Bordeaux de 1581 à 1584.
15Il appartient donc au lecteur philosophe de s’interroger sur la nature du « je » qu’utilise l’auteur philosophe. Platon, dans les Dialogues, ne parle jamais en son nom propre et, par une ironie pleine de pudeur, fait dire à Phédon, dans le dialogue qui porte son nom et qui raconte les circonstances de la mort de Socrate :
- 13 Platon, Phédon, 59b6-10, trad. M. Dixsaut.
Il y avait donc là, comme concitoyens, cet Apollodore, aussi Critobule et son père, et encore Hermogène, Epigène, Eschine et Antisthène ; il y avait également Ctésippe de Péanée, Ménexène, et quelques autres Athéniens. Mais Platon, je crois, était malade (Πλάτων δὲ οἶμαι ἠσθένει)13.
16La mémoire de Phédon est d’une grande précision et son ignorance sur les causes exactes de l’absence de Platon indique bien la mise à distance que Platon veut placer entre lui-même et le récit qu’il écrit. Monique Dixsaut signale l’ambiguïté de cette étrange notation :
- 14 Platon, Phédon, trad. M. Dixsaut, GF, 1991, « Introduction », p. 37.
peut-être [veut-il, Platon] se faire, d’un même mouvement, apparaître et disparaître comme auteur d’un dialogue où il présente, à travers un récit de la mort de Socrate, sa propre conception de la philosophie14.
17Les philosophes qui, à la différence de Platon, ont utilisé le « je » peuvent le faire selon différentes modalités.
18L’utilisation la plus neutre par rapport à la personnalité empirique du philosophe, mais décisive pour sa « personnalité philosophique », est l’acte de définition, tel que celui qui ouvre l’Ethique de Spinoza : « Par cause de soi, j’entends (intelligo) ce dont l’essence enveloppe l’existence ». Le terme intelligo est repris six fois dans ces définitions initiales. D’autres définitions pourraient être données. L’auteur, par l’usage de la première personne, assume le propos qu’il tient, la théorie qu’il propose. Cet usage correspond à la signature même du livre et à sa publication.
- 15 J.-P. Sartre, L’être et le néant [1943], Paris, Gallimard (Tel), 1979, p. 390.
- 16 Le « je » de l’auteur s’exprime selon l’usage rhétorique en vigueur en 1943 par un « no (...)
19Un autre « je » règne de façon impersonnelle dans la philosophie du XXe siècle, c’est ce qu’on peut nommer le « je philosophique », tel que celui que Sartre utilise dans L’être et le néant (« je connais autrui par les sens »15), qui renvoie à une ou à des structures générales ou particulières de l’existence d’un sujet. L’analyse de la honte par exemple montre qu’il ne s’agit nullement du « je » empirique de Jean-Paul Sartre16 :
- 17 Ibid., p. 337.
Dans la structure qu’exprime le « J’ai honte de moi », la honte suppose un moi-objet pour l’autre mais aussi une ipséité qui a honte et qu’exprime imparfaitement le « Je » de la formule. Ainsi la honte est appréhension unitaire de trois dimensions : « J’ai honte de moi devant autrui »17.
Le « je » avec une majuscule fait partie d’une « formule », il renvoie à une expérience simplement possible pour tout sujet humain qui cherche à comprendre le texte.
20Mais le « je » peut assumer aussi l’expérience propre du philosophe dans sa singularité : c’est alors une sorte de confirmation concrète d’un propos général. Le traité de Plotin De la descente de l’âme dans le corps commence ainsi par une sorte de confidence :
L’entrée en philosophie est ainsi toujours plus ou moins une conversion, un choix qui s’enracine dans une expérience personnelle, une passion première : volonté de savoir, jouissance de la pensée, sentiment d’injustice, amour de l’humanité, émerveillement devant le monde. Chacun a eu, a encore, son propre thaumazein.
21Le philosophe peut également écrire d’un point de vue autobiographique, soit sa vie entière, comme Rousseau dans les Confessions, soit un épisode de sa vie, et son usage du « je » est encore pris dans l’horizon de sa philosophie. Jean-Luc Nancy en est un bon exemple dans le très beau récit intitulé L’intrus :
- 19 J.-L. Nancy, L’Intrus, Paris, Galilée, 2000, p. 13.
J’ai (qui, « je » ? c’est précisément la question, la vieille question : quel est ce sujet de l’énonciation, toujours étranger au sujet de l’énoncé, dont il est forcément l’intrus et pourtant le moteur, l’embrayeur ou le cœur) – j’ai, donc, reçu le cœur d’un autre, il y a bientôt une dizaine d’années. On me l’a greffé19.
22Les usages du « je » sont multiples pour la philosophie. Espérons que ce volume des Cahiers de philosophie de l’Université de Caen contribue à poser de façon un peu nouvelle la « vieille question ».
Notes
1 Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 22, § 196, trad. P. Pellegrin, Paris, Seuil, 1997, p. 163.
2 Ibid., III, 32, § 280, p. 523.
3 G. Deleuze, F. Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Minuit, 1972, p. 7.
4 S. Chauvier, Dire « Je ». Essai sur la subjectivité, Paris, Vrin, 2001, p. 250.
5 G. Deleuze, F. Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Minuit, 1991, p. 101.
6 On pourrait tout aussi bien dire qu’il y a du Michaux dans Deleuze. Gilles Deleuze a envoyé à Michaux Différence et répétition, accompagné de Logique du sens, avec cette dédicace : « A H. M. (entre tant d’autres choses : vous avez su dire sur la schizophrénie plus et tellement mieux que tout ce qu’on a jamais dit, et vous en quelques pages […]). Admiration de chacun de vos livres », cité dans le volume III des Œuvres complètes de Michaux, Paris, Gallimard, 2004, p. XXXIX.
7 H. Michaux, Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard (Pléiade), 1998, p. 663. Michaux aurait pu dire comme Montaigne, dans le texte cité à la note 9 : « je ne peins pas l’être, je peins le passage ».
8 J.-J. Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, in Œuvres complètes, t. I, Paris, Gallimard (Pléiade), 1959, p. 1084. En une page, prise au hasard, on dénombre vingt-neuf occurrences du pronom « je » (p. 1082). Comme dans le stoïcisme, l’usage du « je » est pris dans la dialectique de la diastole de l’ouverture à l’humanité et au monde (« mon âme expansive s’étendait sur d’autres objets », p. 1074) et la systole du recentrement méditatif (« un homme qui aime à se circonscrire », p. 1040 ; et Rousseau évoque aussi ses « sentiments resserrés pour ainsi dire autour de mon cœur », p. 1074). La tension entre les deux mouvements est bien notée : « je ne puis me concentrer tout entier en moi-même, parce que mon âme expansive cherche malgré que j’en ai à étendre ses sentiments… » (p. 1066).
9 Montaigne, Essais, P. Villey (éd.), Paris, PUF (Quadrige), 2004, livre III, chap. 2, p. 804-805 : « Le monde n’est qu’une branloire perenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Ægypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Je ne puis asseurer mon objet. […] Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m’assaierois pas, je me resoudrois : elle est toujours en apprentissage et en espreuve ».
10 Voir la prévision que fait Comte : « positif deviendra partout inséparable de relatif, […] d’organique, de précis, de certain, d’utile et de réel » (Discours sur l’ensemble du positivisme [1848], Paris, GF Flammarion, 1998, p. 97).
11 AK, III, 279 (= B428), « Der Satz, Ich Denke, oder, ich existiere denkend, ist ein empirischer Satz », trad. A. Renaut.
12 Montaigne, Essais, p. 805.
13 Platon, Phédon, 59b6-10, trad. M. Dixsaut.
14 Platon, Phédon, trad. M. Dixsaut, GF, 1991, « Introduction », p. 37.
15 J.-P. Sartre, L’être et le néant [1943], Paris, Gallimard (Tel), 1979, p. 390.
16 Le « je » de l’auteur s’exprime selon l’usage rhétorique en vigueur en 1943 par un « nous », par exemple : « nous avons vu précédemment » (ibid., p. 330) ; « nous avons établi que le pour-soi était libre » (p. 541), etc.
17 Ibid., p. 337.
18 Plotin, Ennéades, IV, 8 (= traité 6), chap. 1, 1-3, trad. É. Bréhier. Sur ce texte, voir l’étude de J.-F. Balaudé, « La communauté divine et au-delà : les fins du dépassement selon Plotin », Philosophie, 26, 1990, p. 73-94. Que l’éveil à soi se fasse « sans le corps » indique les limites d’une notion comme celle du « je empirique » chez Plotin. Le soi véritable n’est pas dans le monde sensible, mais « là-bas », dans la pureté de la vie intelligible éternelle.
19 J.-L. Nancy, L’Intrus, Paris, Galilée, 2000, p. 13.
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Référence papier
Jérôme Laurent, « Avant-propos : « L’énigme du je » », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 52 | 2015, 7-14.
Référence électronique
Jérôme Laurent, « Avant-propos : « L’énigme du je » », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 52 | 2015, mis en ligne le 13 juin 2018, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/527 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.527
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