Le droit inné dans l’action publique en France et en Allemagne : la mise en œuvre de dispositifs d’accès aux droits
Résumés
Cet article analyse l’action publique et les usages des droits sociaux en France et en Allemagne en les mettant en relation avec la conception philosophique des droits subjectifs théorisée par Catherine Colliot-Thélène. Une première partie est consacrée aux rapports entre le droit inné et la conception solidariste de la citoyenneté sociale qui s’institutionnalise dans le cadre de la « société salariale » dans les deux pays. La deuxième partie traite des différences et des évolutions des régimes français et allemand de la citoyenneté sociale et des politiques d’accès aux droits. Aujourd’hui, les droits sociaux sont repensés comme des droits fondamentaux et relèvent d’une conception renouvelée de la citoyenneté. Dans un troisième temps, on étudie la mise en œuvre des dispositifs d’accès aux droits à Berlin, à Paris et en région parisienne, principalement dans le cas des « migrants pauvres ».
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- 1 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté. Du droit de propriété au devoir d’hospitalité, Paris, (...)
1Cet article met en dialogue une exploration sociologique de l’action publique en France et en Allemagne ainsi que des usages des droits sociaux dans les deux pays avec la conception philosophique du droit inné et des droits subjectifs, théorisée par Catherine Colliot-Thélène dans Le commun de la liberté1. Notre démarche s’appuie sur une approche dynamique des citoyennetés sociales française et allemande et sur l’analyse de terrains de recherche dans le champ de l’accès aux droits, dans ces deux pays.
- 2 Ibid., p. 75.
- 3 Ibid., p. 182.
2Comme l’explique Colliot-Thélène, le droit inné qui ne peut être conditionné par l’appartenance à un État ou à une organisation quelconque est composé de deux facettes : la liberté de la personne et l’égalité des personnes dans leur liberté respective. La liberté détermine « le droit de chacun à être son propre maître »2 et est consubstantielle à l’égalité. Fondé sur la qualité humaine, le droit inné appelle « la subjectivité »3 des droits. Les droits subjectifs débordent alors la distinction entre droits et devoirs, tout en étant intrinsèquement relationnels car :
- 4 Ibid., p. 73.
[…] réclamer des droits pour soi au nom de sa qualité d’être humain (et non en vertu d’une appartenance statutaire particulière), c’est les réclamer pour tous les êtres humains4.
- 5 G. Simmel, « Zur Soziologie der Armut », in Aufsätze und Abhandlungen, 1901-1908, vol. II, A. Caval (...)
- 6 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 200.
- 7 Ibid., p. 201.
- 8 Ibid., p. 182.
3Prenant appui sur la réflexion de Georg Simmel à propos de la pauvreté5, Colliot-Thélène démontre que les droits subjectifs doivent représenter « le point de départ méthodologique »6 de toute réflexion sur l’ordre politique et sa mise en œuvre par l’action publique. Les droits subjectifs ne peuvent être traités « comme un simple objet de devoirs qui trouvent leur raison principale dans l’intérêt global de “la société”, de sa cohésion et de sa bonne gestion »7. Dans cette perspective, les droits subjectifs sont liés à « la citoyenneté démocratique moderne » qui permet dès lors de « contester toutes les formes d’inégalités, politiques, économiques ou autre, qui se convertissent ou sont susceptibles de se convertir en rapports de domination »8.
- 9 Ibid., p. 63.
- 10 Ibid., p. 52.
4En raison de leur caractère relationnel, les droits subjectifs doivent être garantis à chaque individu par chaque individu. Cette garantie se réalise par « l’organisation juridico-politique de la coexistence des êtres humains » et, par conséquent, par le droit objectif et public9. Sans une telle organisation, les droits subjectifs risquent de n’être « que de simples prétentions »10. Autrement dit, l’organisation juridico-politique – un État, une collectivité locale, un organisme social, l’organisation hiérarchique d’une entreprise, etc. – n’est légitime que si elle garantit, à travers le droit objectif et public, les droits subjectifs et, ainsi, les conditions et la réciprocité de la liberté.
- 11 Ibid., p. 102.
- 12 Ibid., p. 182.
5Dans Le commun de la liberté, Colliot-Thélène construit un cadre normatif qui permet de guider et évaluer l’action publique dans un État concret, par exemple en France et en Allemagne. Prenant appui sur ses lectures, notamment d’Emmanuel Kant et de Karl Marx, elle énonce que l’action publique et sa mise en œuvre assurent les conditions de « l’indépendance indispensable à la liberté »11 pour toutes et tous. La réalisation de l’accès aux droits subjectifs devrait alors être au cœur de l’action publique pour permettre à la citoyenneté d’appuyer la contestation des inégalités et des rapports de domination12.
- 13 R. Castel, « La propriété sociale : émergence, transformations et remise en cause », Esprit, août-s (...)
- 14 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat [1995], Paris, Gall (...)
6Trois étapes structurent notre analyse de la mise en œuvre de dispositifs d’accès aux droits en France et en Allemagne. Une première est consacrée aux rapports entre le droit inné au sens de Colliot-Thélène et la conception de la citoyenneté sociale que Robert Castel fait ressortir de la tradition solidariste, notamment de l’œuvre de Léon Bourgeois13, et dont il observe l’institutionnalisation et les transformations dans le cadre de la « société salariale »14. Nous mettons en relief, dans un deuxième temps, les différences et les évolutions des régimes français et allemand de citoyenneté sociale et y situons les politiques d’accès aux droits. Précisément, ces politiques se développent, aujourd’hui, dans un contexte où les droits sociaux sont repensés comme des droits fondamentaux et relèvent d’une conception divergente de la citoyenneté selon le modèle développé par Castel. La responsabilité individuelle est d’ailleurs aujourd’hui associée de façon prévalente avec la protection sociale. Dans un troisième temps, nous étudions la mise en œuvre des dispositifs et leurs agent·es à Berlin, Paris et en région parisienne à travers des résultats d’une recherche comparative en cours.
- 15 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, 3e partie, ainsi que p. 36-43 et 195-251.
- 16 J. Torpey, « Coming and Going : On the State Monopolization of the Legitimate “Means of Movement” » (...)
7Notre analyse se concentre sur l’accès « des migrants pauvres »15 aux droits sociaux. Ce groupe social représente une « figure de l’exclusion » quant à la citoyenneté sociale des deux pays étudiés. Il met en cause, en effet, non seulement la définition nationale de l’État social et de son action publique, mais aussi l’exigence d’une appartenance statutaire, déterminée par la résidence sur le territoire national ou par la position sur le marché national du travail, comme préalable à l’accès aux droits sociaux. L’exercice des droits subjectifs est en effet borné et heurté par le droit objectif et les règles et procédures administratives régissant « l’aller et le venir » des étrangères et étrangers16 ainsi que leur insertion sur le marché du travail.
La citoyenneté sociale : une mise en forme juridico-politique du droit inné ?
- 17 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 115.
- 18 Ibid., p. 99.
- 19 Ibid., p. 129.
- 20 Ibid., p. 146.
- 21 Ibid., p. 132.
8La garantie des droits subjectifs ne peut se faire sans la conception d’un « commun » « dont aucun être humain ne peut être exproprié sans perdre la possibilité de s’affirmer comme sujet libre »17. C’est l’accès à ce commun qui résulte de l’interdépendance des individus ainsi que de leur droit inné respectif et assure « la condition de l’indépendance, c’est-à-dire de la non domination »18. Colliot-Thélène déduit cet impératif du commun de la nécessité de « ressources naturelles […] à la conservation de [la] vie » de chaque individu19, c’est-à-dire du fondement anthropologique que Marx donne à la propriété20. Cependant, dans le régime capitaliste, la majorité des individus perdent l’accès immédiat aux conditions matérielles de leur existence. L’appropriation privée des ressources produit et reproduit alors constamment des individus dénués de droits de propriété, et partant, dépourvus d’accès immédiat aux « moyens matériels indispensables à la conservation et à la reproduction de [leur] existence physique »21.
- 22 Ibid., p. 131.
9En articulant le fondement anthropologique de la propriété aux conditions de l’indépendance et de la non-domination, Le commun de la liberté fournit une motivation anthropologique aux droits subjectifs, assurant l’accès « immédiat aux conditions matérielles d’existence »22, et au commun que ces droits constituent. Dans cette perspective, les droits sociaux représentent les droits subjectifs qui assurent, sous les conditions du régime capitaliste, la protection contre les risques de la vie. Ils participent, en même temps, à la constitution du commun qui garantit les moyens indispensables à être son propre maître (et sa propre maîtresse) où que ce soit.
- 23 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…
- 24 R. Castel, « La propriété sociale… », p. 172.
- 25 Ibid., p. 184.
- 26 Ibid., p. 185.
10Les soubassements anthropologiques de la propriété permettent à Colliot-Thélène de reformuler le caractère inné des droits subjectifs. Elle rapporte ces droits au commun, notamment à travers l’analyse historique et sociologique de l’administration et du traitement de « la question sociale » par Castel23. Les droits sociaux relèvent, selon ce sociologue, de la « propriété sociale » – une idée qui se profile, notamment grâce à Bourgeois et à la tradition solidariste depuis la fin du XIXe siècle, comme « un analogon de la propriété privée »24. La propriété sociale permet à la fois la généralisation de l’usage des biens communs (non appropriables ni commercialisables), c’est-à-dire la mise en place de services collectifs, et la généralisation « de protections personnelles constituées à partir du travail et non plus d’un patrimoine privé »25. Castel en conclut que « l’individu moderne est doté d’une citoyenneté sociale » par la propriété sociale parce qu’il participe, à travers son travail, à « des prestations, à des services collectifs et à des droits dont l’État social est le garant » 26.
- 27 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…, p. 519.
- 28 R. Castel, « La citoyenneté sociale menacée », Cités, nº 35, 2008, p. 133-141, DOI : https://doi.or (...)
11Dans la « société salariale » qui se généralise à partir des années 1950 en France, mais aussi en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe occidentale, la participation des individus est avant tout fondée sur le travail salarial27. De ce point de vue, le travail salarial et l’accès à ce travail non seulement procurent les ressources indispensables à l’existence des individus, mais apportent également, à travers la participation à la « propriété sociale », l’accès à la protection par des droits sociaux et des prestations. Dans les termes de Colliot-Thélène, on peut dire que la citoyenneté sociale articule les droits sociaux, fondés sur la participation, au commun et devrait garantir aux individus les moyens d’échapper à l’assistance et à la sujétion. La citoyenneté sociale représente, de ce point de vue, une mise en forme juridico-politique du droit inné et permet l’intégration des individus dans une « société de semblables », comme le déduit Castel de son analyse du solidarisme28. Ainsi appuyée sur la condition des travailleuses et travailleurs salariés, la citoyenneté sociale est alors la base de la similarité et de la réciprocité entre les individus.
- 29 R. Castel, « La discrimination négative. Le déficit de citoyenneté des jeunes de banlieue », Annale (...)
- 30 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…, p. 597.
12La lecture croisée du Commun de la liberté avec les études de Castel nous mène à une double conclusion. Les droits sociaux, garantis juridiquement et politiquement par la citoyenneté sociale, sont le fondement de la participation des individus à la propriété sociale qui constitue le commun. Ils motivent la participation des individus et n’émanent pas de celle-ci. De ce point de vue, Colliot-Thélène présente les arguments permettant de concevoir les droits sociaux comme des droits spécifiques qui ne peuvent être dérivés d’un projet politique ou étatique, ni du droit objectif ou constitutionnel. Pour Castel, ces droits transitent par des appartenances collectives et s’inscrivent dans des logiques d’interdépendance sociale. Le sociologue construit une réponse pragmatique et, somme toute, non normative à la question des tensions entre droits et devoirs qui correspond à celle qui ressortit de l’élaboration plus théorique de l’autrice du Commun de la liberté. Cependant selon ces deux auteurs, les droits sociaux, issus des systèmes contributifs, doivent être distingués des droits assistanciels qui ne participent pas à la citoyenneté sociale telle qu’elle ressort des arguments de Colliot-Thélène et de Castel. Ensuite, les deux auteurs énoncent que l’État social est au service de la citoyenneté sociale. Elle et il proposent alors d’une part de déterminer l’action publique afin qu’elle devienne un soutien de la citoyenneté sociale. D’autre part, elle et il défendent l’idée qu’il convient d’utiliser le droit et plus particulièrement les droits sociaux en tant que levier clé de la citoyenneté sociale et de la participation au commun et à la propriété sociale. De ce point de vue, Castel évoque la revendication historique, encore valide aujourd’hui, de groupes sociaux qui sont exclus de la possibilité même d’accéder à la citoyenneté sociale, notamment par leur travail29. Mettant en parallèle les situations des vagabonds dans la société d’Ancien Régime et celles des femmes, migrant·es, travailleuses et travailleurs âgés, jeunes sans prise sur le jeu des distinctions, etc., qui « campent aux frontières de la société salariale davantage qu’ils [et elles] n’y participent à part entière »30, il insiste sur le déni de participation active à la citoyenneté sociale. Ce déni renvoie à l’exclusion des migrant·es pauvres du commun, thématisée par Colliot-Thélène. Les deux auteurs mettent alors la focale sur les discriminations qui déstabilisent l’accès aux droits sociaux.
Citoyenneté sociale en France et en Allemagne, en tension entre principes normatifs et réalités historiques
- 31 R. Castel, « La citoyenneté sociale menacée », p. 135. Pour l’Allemagne, voir J. Rowell, B. Zimmerm (...)
13Les différences entre les lignes de force des citoyennetés sociales de ces deux pays s’inscrivent d’abord dans l’ordre symbolique. En France, l’égalité entre les citoyen·nes est une composante fondatrice, non seulement de la citoyenneté sociale, mais encore de l’identité de la nation. Elle n’a pas la même importance dans la conception de la citoyenneté sociale en Allemagne, où l’objectif de compensation des inégalités socio-économiques s’allie avec un traitement différencié en fonction des caisses d’assurances sociales par exemple. Pour l’identité nationale du Kaiserreich de la fin du XIXe siècle comme pour celle de l’Allemagne de l’Ouest après 1949 et de l’Allemagne après 1990, le respect de la liberté individuelle et de l’initiative privée est symboliquement plus influent que l’égalité qui est, par ailleurs, davantage assimilée aujourd’hui à l’égalité entre les territoires (Länder) qu’à celle entre individus « semblables »31.
- 32 Dans le cas des travailleuses et travailleurs immigrés des années 1960 à 1980 en Allemagne, l’inclu (...)
14Cette différence à l’échelle symbolique se conjugue d’abord avec des conceptions et des configurations distinctes de l’ordre étatique et ensuite avec des manières différentes de penser et d’organiser les droits sociaux. Sous l’influence rousseauiste, la création en France d’un corps politique intégré, forgeant un souverain tout-puissant, a été répliquée dans le régime des droits sociaux au cours du XXe siècle. L’intégration progressive de tous les groupes sociaux dans le système des assurances sociales, et donc dans le régime de la citoyenneté sociale fondée sur la propriété sociale mise en lumière par Castel se déploie tout au long de cette période. Elle est flanquée d’un filet assistanciel pensé comme résiduel. En Allemagne, la construction du système assurantiel est concomitante à la consolidation de l’État-nation à la fin du XIXe siècle. Elle précède l’abolition du vote censitaire en 1919 et celle de la hiérarchisation des droits. Le système assurantiel, installé par les lois bismarckiennes, fonde la « propriété sociale » au sens de Castel, en devançant l’intégration des ouvrières et ouvriers dans l’espace politique32.
- 33 P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos (...)
15Cette configuration historique en Allemagne ouvre la voie à une formalisation de la citoyenneté sociale qui s’inscrit davantage dans des logiques de régulation des relations sociales que dans celles de l’intégration d’un corps politique par l’égalité des semblables. Elle permet, en effet, de penser la participation au commun des droits indépendamment de la participation politique et civique, et de l’appuyer, à l’échelle infranationale, sur le concept de l’auto-organisation (Selbstverwaltung) des groupes sociaux, sur le découpage du marché du travail en branches professionnelles et sur les identités régionales et locales, marquées à la fois par l’organisation fédérale et les structures biconfessionnelles en Allemagne. Bien que centralisé et appuyé sur l’État, le régime français de la citoyenneté sociale est également complexe en raison de l’importance du tiers-secteur, du rôle des associations d’employeuses et employeurs et des syndicats de salarié·es ainsi que de l’ancrage local des droits sociaux dans la tradition catholique, puis municipale33. Par contre, il n’accorde pas une place aussi importante à l’auto-organisation que le régime allemand qui autorise, grâce à ce principe, des arbitrages entre acteurs et des déclinaisons différenciées des droits subjectifs à des échelles infranationales multiples.
- 34 G. Esping-Andersen, Les trois mondes de l’État providence. Essai sur le capitalisme moderne [1990], (...)
- 35 R. Castel, « La discrimination négative… », p. 777.
16Aussi différentes qu’elles soient, les conceptions et les organisations de la citoyenneté sociale en France et en Allemagne renvoient toutes les deux au régime « conservateur » de protection sociale parce qu’elles ne visent pas à mettre en cause les stratifications socio-économiques ou à redistribuer les richesses34. En outre, les régulations de séjour et d’accès au marché formel du travail dans les deux pays participent à la reproduction des inégalités sociales, alors que le commun construit par la logique des assurances sociales est ouvert à l’ensemble des travailleuses et travailleurs salariés. Lorsque ces régulations sont conjuguées avec la survalorisation de l’intégration linguistique, confessionnelle et culturelle des relations sociales, comme cela peut être observable en Allemagne, ou avec la prise en compte ambivalente des différences socio-culturelles, comme c’est le cas en France, elles s’avèrent peu respectueuses des droits subjectifs des migrant·es quant à l’accès aux droits sociaux. Les « discriminations négatives » pour reprendre l’expression de Castel35, dont les migrant·es sont l’objet, et notamment les jeunes issus de l’immigration, constituent une fermeture, en partie ethno-raciale, des régimes allemand et français de la citoyenneté sociale. Cette fermeture a des conséquences sur les conditions d’accès aux droits sociaux des migrant·es.
- 36 R. Lafore, « L’accès aux droits, de quoi parle-t-on ? », Regards, nº 46, 2014, p. 25, DOI : https:/ (...)
17Pour ce qui concerne l’évolution de la qualité des droits sociaux en France et en Allemagne, les similarités l’emportent. Dans les deux pays, l’installation des précarités et des inégalités structurelles sur le marché du travail, mais aussi l’affaiblissement des droits assurantiels, sont deux éléments de fragilisation de la citoyenneté sociale, comme logique d’intégration dans une « société de semblables ». Ces éléments gênent la mobilisation des droits subjectifs. Face à ces évolutions, les débats juridiques sur les droits sociaux, mais aussi l’action publique dans le domaine des politiques sociales, ont évolué dans le sens du développement d’un « accès aux droits » qui implique que les personnes qui ne sont pas éligibles à la citoyenneté sociale fondée sur la participation à la « propriété sociale » se trouvent intégrées au « commun du droit ». Cette logique est inscrite dans une tradition juridique, avant tout d’inspiration anglo-saxonne, centrée sur l’idée de « droits sociaux fondamentaux », considérés comme des « droits premiers » qui ressortissent d’un « standard minimal dans les conditions d’existence »36.
- 37 Ibid., p. 26.
18Outre le fait que ces droits, inspirés pour l’essentiel de conventions internationales (déclaration de Philadelphie, Déclaration universelle des droits de l’homme, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, etc.), doivent s’appliquer à tout le monde, ils sont censés être compatibles avec la prise en compte de la lutte contre les discriminations. Le dépassement dans la construction des droits sociaux de la référence à des appartenances collectives permet de penser différents aspects de la situation des individus, donc aussi un éventuel rapport à des discriminations en fonction de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur statut sanitaire, etc.37. Cette conceptualisation de la citoyenneté sert, en France de façon plus explicite qu’en Allemagne, de base à la construction d’une stratégie légale et d’action publique soutenant l’accès de toutes et de tous aux droits, ce qui est une reconnaissance, au moins implicite, de l’existence de discriminations.
- 38 Voir par exemple M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit (I). Le relatif et l’universel, P (...)
19Ce renouvellement de la citoyenneté sociale, consistant à l’attacher aux « droits fondamentaux », est cependant éloigné des modèles français et allemand fondés sur la propriété sociale et fait abstraction du commun théorisé par Colliot-Thélène. En affichant des références à une citoyenneté sociale ancrée dans la société par des actrices et acteurs sociaux organisés et par la participation des individus, l’autrice du Commun de la liberté fait le choix de ne pas se référer à cette tendance des « droits fondamentaux » ou des « droits universels » dont la faiblesse et les ambivalences ont été montrées à plusieurs reprises38. Cependant, les dynamiques de la citoyenneté sociale que nous avons relevées empiriquement nous ont conduits à nous intéresser à la stratégie de l’accès aux droits. Cette notion joue un rôle clé, en France et en Allemagne, dans la façon d’affronter les difficultés, voire les dénis dans l’accès aux droits dont sont victimes des groupes sociaux spécifiques.
Les droits subjectifs mis à l’épreuve par les politiques d’accès aux droits
- 39 Unabhängige Bundesbeauftragte für Antidiskriminierung, site Internet : https://www.antidiskriminier (...)
- 40 Die Beauftragte der Bundesregierung für Migration, Flüchtlinge und Integration. Die Beauftragte der (...)
- 41 « Frauen mit Einwanderungsgeschichte am Arbeitsmarkt », en ligne : https://www.integrationsbeauftra (...)
20En Allemagne, deux agences fédérales indépendantes en charge de la lutte contre les discriminations, et en charge des migrations, des réfugié·es et de l’intégration (en même temps que de l’antiracisme) ont pour mission commune de favoriser l’accès aux droits des personnes. Tout un chacun peut recourir à la première en cas de « traitement défavorable ». L’agence propose des médiations, c’est-à-dire qu’elle cherche « à régler le problème à l’amiable »39. Le gouvernement actuel a établi en 2022 sa propre délégation à « la migration, aux réfugiés et à l’intégration » et à la lutte contre les discriminations et a nommé une « ministre d’État », rattachée à la Chancellerie fédérale40. Cette délégation chargée de documenter le racisme et de réunir des experts subventionne des projets pour l’intégration sociale et contre les discriminations, en distinguant l’antiracisme, l’égalité des travailleuses et travailleurs de l’Union européenne et l’intégration des femmes avec une « trajectoire de migration internationale » et des « réfugiées »41. La structure de ces instances est pratiquement répliquée dans les Länder. La complexité institutionnelle témoigne de deux aspects concernant les politiques d’accès aux droits en Allemagne. Premièrement, ces politiques envisagent principalement l’intégration sociale par le travail et conjuguent l’action publique traditionnelle destinée à l’intégration des migrant·es (cours de langues, formation professionnelle et adaptation des diplômes, etc.) avec la lutte contre les discriminations et pour l’égalité de traitement. L’accès aux droits est ainsi un instrument et non un objectif politique. Deuxièmement, l’accès aux droits en tant qu’instrument d’intégration sociale ou de lutte contre les discriminations est saisi en fonction des groupes spécifiques : des femmes migrantes ou issues de l’immigration, des travailleuses et travailleurs européens, des victimes de racisme, etc.
21À Berlin, des acteurs intermédiaires, légitimés par la prise en compte des différences socio-culturelles en Allemagne, tels que les Wohlfahrtsverbände – comme Caritas –, le syndicat DGB (Deutsche Gewerkschaftsbund – Fédération allemande des syndicats) et son programme Faire Arbeit, les associations de travailleuses et travailleurs migrants ou encore des associations de quartier, par exemple le Nachbarschaftsheim Neukölln, ou de défense de minorités, notamment Amaro Foro pour les Roms, proposent un soutien dans l’accès aux droits des personnes. Ces dispositifs correspondent à la délégation de l’action publique à des associations représentant différentes cultures sociales, confessionnelles et politiques en Allemagne. Dans le but politique de favoriser l’intégration sociale, des fonds publics leur sont alloués pour mettre en place un conseil d’accès aux droits sociaux pour des publics prédéfinis par les pouvoirs publics, en l’occurrence le ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, le Sénat de Berlin ou encore le Fonds social européen, le Fonds européen d’aide aux plus démunis, etc. Les politiques d’accès aux droits sont alors indirectes et intégrées dans les objectifs de programme. L’appellation de ces dispositifs – Sozialberatung (conseil social) – n’y renvoie pas explicitement. La politique de l’accès aux droits des pouvoirs publics reste alors peu visible, d’autant plus qu’elle ne s’élève pas contre le non-recours aux droits sociaux. En revanche, la délégation des politiques d’accès aux droits aux acteurs intermédiaires permet de répondre aux besoins spécifiques des personnes qui cherchent à accéder à leurs droits sociaux. Les migrant·es peuvent, par exemple, chercher des conseils dans leurs langues ou dans des langues relais.
22Dans le cas français, alors que des associations en charge de l’aide aux migrant·es existent également depuis plusieurs décennies (Cimade, Croix rouge, France terre d’asile, etc., ainsi que les associations locales spécifiques), la formalisation d’une action publique d’accès aux droits centralisée tend à intégrer progressivement les dispositifs associatifs et à leur donner un sens particulier. En la matière, la citoyenneté sociale à la française, fondée sur le principe d’une égalité de traitement de tous les citoyen·nes, a été mise à mal par les transformations néolibérales de l’État, mais aussi par son incapacité à prendre en compte la diversification socio-culturelle de la population. Le constat que des régions, quartiers ou groupes sociaux se trouvent dans un rapport structurellement distant et inégalitaire aux services publics et aux droits sociaux a donné lieu à une législation spécifique, mais aussi au déploiement, fortement encouragé par l’État, de réseaux d’acteurs privés favorisant l’accès au droit. Une institution indépendante, le Défenseur des droits, dont le mandat de six ans est la fois non révocable et non renouvelable, a été installée en France en 2011, sur une forme proche de ce que l’on trouve en Allemagne. Cette institution est ouverte à une saisine de tout un chacun et ses missions portent notamment sur la défense des droits et des usages des services publics, mais aussi sur la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité. Dans ce contexte, l’accès aux droits est considéré comme un moyen d’action qui repose notamment sur l’analyse des situations d’accès ou de non-accès aux droits, sur la formation de personnels administratifs ou associatifs, mais aussi sur la proposition de réformes concrètes dans le champ de l’action publique.
23Au-delà de cette institution qui est présente dans le débat public et dotée d’un personnel relativement conséquent (230 collaboratrices et collaborateurs au siège parisien et plus de 570 délégué·es du Défenseur des droits présents dans 870 points de soutien à l’accès aux droits), deux « filières » ont développé des modalités spécifiques d’accès aux droits dans le cadre d’un rapport différent à l’action publique.
24En premier lieu, le ministère de la Justice a ouvert des dispositifs d’accès au droit (information, aide dans l’accomplissement des démarches, consultations, etc.), surtout à partir de la loi du 18 décembre 1998. Aujourd’hui, 2000 points-justice, en charge de cette mission pour le ministère, sont pour l’essentiel confiés à des associations (Droits d’urgence, Centre d’action sociale protestant, France Victimes, etc.) ou à d’autres opérateurs privés (Barreau des avocats) ou publics (Défenseur des droits). En parallèle, à partir du mitan des années 1990, ont été créés des points d’information médiation multiservices (PIMMS) en charge de l’accès aux droits en partenariat avec des entreprises publiques comme La Poste ou la SNCF ou qui sont issues de services publics comme EDF, Engie ou Veolia. Ces structures ont connu également un fort développement et sont intégrées, en même temps qu’elles ont servi de modèle, au dispositif France services qui compte 2 600 agences en France. Elles sont en lien avec un grand nombre d’opérateurs publics comme l’administration des impôts, mais surtout, dans le champ des politiques sociales, les caisses d’allocations familiales, le service public de l’emploi (aujourd’hui France Travail) ou les caisses d’assurance maladie. Dans le cas français bien plus que dans le cas allemand, ces structures d’accès aux droits constituent une politique pilotée par l’État. Les deux filières citées favorisent des principes d’action similaires : la pratique de l’accompagnement qui suppose l’autonomisation des publics et l’évitement, autant que possible, du contentieux juridique.
- 42 J. Pélisse, « A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness Studies », Genèses, nº 59 (...)
- 43 P. Ewick, S. Silbey, The Common Place of Law : Stories of Everyday Life, Chicago, University of Chi (...)
25En dépit des divergences observables dans le positionnement des politiques de l’accès aux droits et les dispositifs mis en place, dans les deux pays, les prestataires se pensent comme des tiers en charge d’une médiation entre les individus et ces ressources particulières que sont les droits sociaux, ou même, le simple accès au droit. À partir de ce rôle de « tiers », les acteurs intermédiaires de l’Île-de-France comme de Berlin conçoivent de manière spécifique les droits sociaux, la garantie d’accéder au statut de « semblable » au sens de Castel et le droit inné « de s’affirmer comme sujet libre », comme le formule Colliot-Thélène. Pour mettre en lumière les différentes pratiques et les approches de ces acteurs, nous nous appuyons sur la distinction proposée par la mouvance des legal consciousness studies42 entre les représentations que les non-juristes se font de la légalité et leurs usages du droit. Les protagonistes de cette approche distinguent les pratiques sociales before the law des pratiques with the law et de celles against the law43. Alors qu’elles et ils prennent en compte ces pratiques des non-spécialistes du droit, nous envisageons celles d’acteurs intermédiaires, à Berlin et à Paris, qui ne sont pas toujours des profanes du droit, mais qui ont la charge d’agir sur le rapport aux droits de personnes. En nous inspirant librement des définitions canoniques, nous distinguons d’abord un registre du before the law. En l’espèce, le rapport au droit est construit comme un rapport d’extériorité, mais aussi de confiance quant au droit, et ce dernier est mis au service de l’intégration de l’espace social. Le travail de médiation réalisé dans les structures d’accès aux droits vise à favoriser activement la socialisation des personnes à ces normes de droit, y compris dans le domaine des législations sociales et migratoires. Le deuxième type de rapport, with the law, renvoie à un rapport aux droits sociaux vu comme un terrain d’affrontement. Sans que le rapport au droit soit forcément contentieux, la médiation proposée aux requérant·es vise à en faire un outil destiné à faire valoir ses droits. Enfin, selon la dernière conception, le registre against the law perçoit les législations sociales et migratoires comme défavorables ou contraires aux droits sociaux des personnes. La médiation favorise alors une intégration qui se défie du droit, et pousse à chercher des espaces d’action, non seulement contre le droit, mais aussi en dépit du droit, ou à côté du droit. Ces trois modalités d’usage du droit ne sont pas exclusives pour les acteurs intermédiaires. Elles dépendent plutôt de l’interprétation que ces professionnel·les font des besoins des requérant·es et des types de médiation qui leur semblent adaptés à une situation donnée.
26De façon concrète, à Berlin comme à Paris, le soutien aux personnes concerne leurs démarches administratives et juridiques, principalement en matière de prestations sociales, de titre de séjour, de logement, de compte bancaire ou de surendettement.
Before the law
27À Berlin, lorsque les travailleuses et travailleurs sociaux interrogés décrivent leur travail comme de « l’accompagnement » des « plus faibles des faibles », elles et ils envisagent avant tout l’intégration sociale des personnes cherchant du soutien. De ce point de vue, elles et ils conçoivent leurs réponses aux besoins de ces personnes before the law. Par ailleurs, ces travailleuses et travailleurs sociaux ont tendance à évaluer les difficultés de ces personnes avant tout comme des déficits d’inclusion sur le marché formel du travail, de scolarité ou de formation professionnelle. Dans cette perspective, ces difficultés ne relèvent pas, ou secondairement, de discriminations ou de traitements inégaux, mais elles reflètent avant tout des inégalités sociales. Les obstacles rencontrés selon ces travailleuses et travailleurs sociaux sont alors la conséquence à la fois des politiques publiques berlinoises « trop politisées et pas assez professionnelles » et des problèmes structurels dans des services sociaux et des administrations du Land de Berlin, notamment le manque de personnel. L’accès aux droits sociaux constitue à leurs yeux une voie parmi d’autres permettant de soutenir l’intégration sociale des personnes.
28Aux yeux des travailleuses et travailleurs sociaux qui sont dans une logique before the law, la jurisprudence a la tâche d’imposer la législation sociale et de garantir les droits prévus par la loi allemande et le droit européen. Comme le remarque un interlocuteur, les prestations sociales « sont payées par le contribuable et en général, on tente de respecter les obstacles posés par la loi ». Dans cette vision, les droits sociaux ne relèvent pas des droits subjectifs car ces derniers découlent des contributions sociales et fiscales de chacune et de chacun, et sont donc liés au commun. Ils sont conçus comme des mesures d’assistance allouées au gré de la législation sociale et migratoire, en vue de l’intégration de celles et ceux qui « socialement, n’y arrivent pas ». Les usages du droit, orientés par le registre du before the law, se fondent à Berlin sur la distinction hiérarchisée entre une sphère juridique garantissant la loi et une sphère de professionnel·les du social garantissant l’assistance dans l’intégration sociale. Les deux sphères sont articulées par un « commun », constitué avant tout par les contribuables et mis en œuvre par les agent·es des organismes sociaux et des administrations publiques. Les travailleuses et travailleurs sociaux se voient comme des représentants de ce commun.
29Dans le cas francilien, il faut distinguer les logiques d’intervention et le rapport au droit favorisé par les juristes professionnel·les des points-justice d’une part et ceux des intervenant·es des PIMMS, avant tout formé·es à la médiation sociale, d’autre part. Chez les premiers, on observe, comme c’est le cas à Berlin, une focalisation sur les normes du droit. En dehors de toute considération politique ou sociale, ces intervenant·es valorisent le caractère intangible et non négociable de la norme de droit, qui doit s’appliquer à tout le monde. À Paris et sa région, les étrangères et étrangers font souvent l’objet de traitements négligents de la part de l’administration qui occasionnent souvent une fragilisation directe de la position des personnes quant à la loi – la non-réponse à la demande de rendez-vous est la plus fréquente de ces négligences. Les avocat·es interrogé·es qui viennent en aide aux migrant·es sont ainsi convaincu·es que le recours à la norme de droit est non seulement une réponse aux situations de détresse des personnes, mais qu’elle est en même temps l’occasion de replacer les individus « dans leurs droits » et leur dignité en leur ouvrant un premier accès aux droits. Il s’agit en l’occurrence d’un rapport aux droits qui évoque des droits essentiels et surtout une possibilité de socialiser les personnes à des normes de droit qui n’ont pas vocation à contraindre les individus. Souvent, les personnes qui recourent aux structures d’accès aux droits, en particulier les personnes migrantes, sont dans une relation de méfiance, voire de défiance vis-à-vis de l’administration et du droit. Les intervenant·es dans les structures d’accès au droit tentent alors d’expliquer la solidité des démarches entreprises et de redonner aux personnes des raisons de croire à l’existence d’un commun existant par le droit.
30Les professionnel·les du droit font cependant également une évaluation morale de la bonne foi des requérant·es. Comme à Berlin, le respect du bon usage des financements publics quand il s’agit de prestations sociales est présent à leur esprit. Cependant, cette évaluation ne les écarte pas de leur démarche principale qui est de permettre aux personnes d’adresser leurs demandes et leurs recours. Elles et ils font confiance aux évaluations prononcées par les instances de recours des administrations du social. Leur travail est de permettre la sollicitation de ces instances, y compris par ces personnes qui n’en ont pas les moyens seules. Du côté des filières PIMMS / France services, la référence au droit comme un enjeu de dignité essentielle n’est pas évoquée spontanément. En revanche, le respect des procédures administratives, en ce qu’il est un sésame pour l’ouverture des droits, joue un rôle équivalent, même si la valorisation symbolique du droit n’est pas équivalente. Les personnels, bien moins qualifiés en droit, ont cependant, dans certaines circonstances, une confiance de même nature dans les fonctionnements réguliers, administratifs plus que juridiques, des administrations du social qu’elles et ils transmettent aux requérant·es.
With the law
31Lorsque les travailleuses et travailleurs sociaux à Berlin conçoivent leur travail comme une activité de conseil, elles et ils pensent les difficultés d’intégration de ces personnes comme un problème d’accès aux droits. Bien qu’elles et ils fassent prévaloir les mêmes problématiques d’intégration, de pauvreté, de dettes, de logement, etc., que leurs collègues, jugeant la situation d’une personne dans une logique before the law, elles et ils insistent sur les barrières légales et administratives et sur les traitements inégaux ainsi que les discriminations auxquels les personnes sont confrontées. À Berlin, nombreux sont celles et ceux qui critiquent les administrations parce qu’elles demandent des justificatifs non obligatoires, illégaux (comme des carnets de vaccination pour obtenir des allocations familiales) ou impossibles à fournir dans les délais (des preuves sur des périodes d’assurance publique de santé en Roumanie ou en Bulgarie). Ces critiques démontrent que les droits représentent, pour parler avec Colliot-Thélène, le point de départ méthodologique de l’approche de la travailleuse ou du travailleur social. L’accès aux droits devient alors le levier d’un « empowerment ». Le soutien des personnes se conçoit également comme l’information des personnes sur leurs droits : « Une personne, homme ou femme, n’est forte, que si elle a connaissance de ses droits ».
- 44 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 182.
32De plus, en désignant les personnes qui cherchent du soutien comme des « personnes », des « client·es » ou des « mandant·es », les travailleuses et travailleurs sociaux soulignent l’égalité relationnelle dans le conseil, ce qui permet de renverser la perspective sur leurs situations et leurs difficultés respectives. L’accent n’est pas mis sur leurs déficits d’intégration sociale en termes de légalité de séjour, de formation professionnelle, de connaissance de la langue, etc., mais, au contraire, sur le fait que les gens « viennent [à Berlin] pour gagner leur vie ». À partir de cette position, les travailleuses et travailleurs sociaux considèrent la législation sociale allemande et le droit européen concernant la libre circulation des citoyennes et citoyens européens (et non seulement des travailleuses et travailleurs) comme des instruments et des leviers pour sécuriser l’existence des personnes. En soulignant la complexité juridique et la difficulté qu’il y a à répondre, souvent dans l’urgence, à la détresse des personnes, ces intervenant·es insistent sur « les marges de manœuvre » qu’offre la législation sociale allemande lorsqu’on l’articule au droit européen, notamment dans le domaine de la libre circulation. Pour créer de telles marges de manœuvre, les structures, étudiées sur le terrain berlinois, coopèrent étroitement avec des avocat·es et accompagnent les personnes dans leurs démarches de dépôt de plainte. Dans le répertoire d’actions with the law, assurer l’accès des personnes aux droits par tous les moyens qu’offre l’État de droit représente un moyen de « contester toutes les formes d’inégalités, politiques, économiques ou autres, qui se convertissent ou sont susceptibles de se convertir en rapports de domination »44.
33À Paris, les personnes qui accompagnent les requérant·es des agences d’accès au droit entretiennent souvent un rapport with the law. La compréhension de la situation des personnes quant au droit est alors similaire à ce qui est relevé à Berlin : il s’agit d’utiliser le droit de manière à surmonter les obstacles qui s’opposent à l’intégration administrative et légale des personnes, notamment des étrangères et étrangers. Dans le flux important des demandes et face aux situations, souvent d’urgence, que connaissent les requérant·es, les personnes qui assurent les permanences, tant dans la filière du ministère de la Justice que dans les PIMMS, cherchent avant tout à stabiliser la situation socio-économique des requérant·es ou leur rapport aux autorités qui contrôlent leur présence sur le territoire. L’urgence est parfois socio-économique – allocations non versées ou montant indu à rembourser, expulsion du logement prononcée, pension alimentaire non payée, etc. –, mais elle concerne souvent la situation administrative – refus de statut de réfugié, ordre d’expulsion du territoire national prononcé ou imminent, rejet de procédure de naturalisation, etc.
34Dans les deux types d’agence d’accès aux droits d’Île-de-France, les personnes qui reçoivent les requérant·es sont fréquemment inscrites dans un rapport instrumental et pragmatique au droit. Avant tout focalisées sur l’objectif concret de débloquer la situation des personnes, elles ne consentent pas forcément un investissement symbolique spécifique au(x) droit(s). Le soutien pour l’accès aux droits est compris comme un combat quotidien, plus empirique, mais qui contribue à ne pas laisser le sentiment aux personnes qu’elles sont abandonnées et qu’on les renvoie à leur fragilité face aux institutions. L’objectif est alors non seulement de remplir le rôle d’accueil et de médiation sociale mais aussi de tenter, par l’accompagnement dans la procédure de bout en bout, de contribuer à l’autonomisation des requérant·es dans leurs démarches juridiques ou administratives.
Against the law
- 45 Ibid., p. 99.
35Nos interlocutrices et interlocuteurs berlinois ne mentionnent pas de pratiques against the law. Cela renvoie sans doute en partie à la méthodologie de nos enquêtes. Cependant, elles et ils nomment les limites s’appliquant au conseil ou à l’accompagnement des personnes. Par exemple, leur soutien aux individus dans leurs démarches administratives et auprès des organismes sociaux ne doit pas concerner, par définition, les fonds alloués à ce soutien, ni le travail et la formation professionnelle, ni la gestion des déclarations d’impôts. De même, les travailleuses et travailleurs sociaux sont tenus de ne pas informer les personnes sur les possibilités de contourner les lois et les règlements, notamment concernant l’Anmeldung (enregistrement de résidence à Berlin) et le séjour à Berlin et en Allemagne. Portant sur les parcours de citoyennes roumaines à Berlin, notre enquête montre cependant des usages du droit against the law, notamment parmi les travailleuses et travailleurs sociaux qui conçoivent leur conseil with the law. Ces usages du droit against the law se font d’une manière implicite et voilée et surtout avec l’objectif de rendre possible « la condition de l’indépendance, c’est-à-dire de la non-domination » des personnes45.
36En général, les travailleuses et travailleurs sociaux qui agissent dans le registre du with the law soulignent que le durcissement des législations sociales et migratoires renforce certaines structures criminelles sur le marché du logement, du travail et des justificatifs exigés par les organismes sociaux et l’Office pour les étrangers. En ce sens, elles et ils considèrent que leur travail s’inscrit clairement dans le registre du before ou with the law et que le travail du législateur et la mise en œuvre des lois par les organismes sociaux et administrations relèvent du registre against the law.
37Dans le contexte francilien non plus le positionnement against the law n’est jamais explicitement revendiqué. Cependant, lorsqu’elles et ils ne font pas confiance à la rigueur ou à la capacité des fonctionnements administratifs (surcharge des services due à un manque de personnel), les personnes qui reçoivent le public dans les agences d’accès aux droits, surtout dans les points-justice, activent des réseaux professionnels et personnels. Il ne s’agit pas alors d’obtenir des « faveurs » qui seraient directement des actes situés en dehors de la légalité, mais, au moins explicitement, de s’assurer que les « dossiers » ou les requêtes qu’elles et ils déposent auprès des administrations seront bien considérés et traités, sans pouvoir s’assurer de l’issue qui sera ultimement réservée au dossier. Comprises dans un contexte de surcharge administrative, ces démarches sont en effet en butte à un cheminement véritablement hasardeux. En France, la plupart des administrations du social ont installé des services de médiation qui ont précisément pour but de dénouer des cas complexes, voire de rétablir des erreurs de manière à éviter des contentieux administratifs ou juridiques ou à ne pas aggraver inutilement la situation des personnes. Le recours à ces médiations relève cependant d’une logique peu transparente. L’intervention d’un·e juriste attaché·e à une association ou à une institution prestigieuse comme le Défenseur des droits permet, dans ce contexte, une attention particulière aux requêtes. En l’occurrence, les juristes des points-justice n’ignorent pas que leurs interventions, qui sont forcément personnalisées puisqu’elles passent par des réseaux qui le sont aussi, sont susceptibles d’influencer le traitement des dossiers, en général favorablement. La constitution d’un ensemble de contacts, si possible personnalisés, dans les différentes administrations en cause est un enjeu dans les dispositifs d’accès aux droits. La mutualisation des contacts est la règle.
38Le positionnement de ces interventions se fait à la marge de la légalité, mais celles-ci ne relèvent pas frontalement du registre against the law. Cependant, le non-fonctionnement des institutions et des administrations débouche sur l’activation de procédures individuelles qui dérogent au fonctionnement classique des administrations et qui mettent en cause la bonne insertion des droits sociaux dans les structures institutionnelles.
En guise de conclusion
39Notre exploration des politiques d’accès aux droits en France et en Allemagne montre que si, dans les deux pays, ces politiques relèvent d’une tentative de répondre à l’ampleur des discriminations des « (post)migrants-pauvres », elles relèvent non seulement d’une logique de rapport à la citoyenneté sociale et d’action publique, mais aussi de principes de mise en œuvre en partie différentes de part et d’autre du Rhin. La citoyenneté sociale connaît une redéfinition sans doute plus affirmée en France qu’en Allemagne. Le retrait assumé des services publics d’un grand nombre de territoires et leur remplacement par des dispositifs d’accès aux droits (agences France services notamment), mais aussi le projet de développer ces structures ou encore la place faite dans les discours publics aux droits sociaux inclusifs, dans un contexte d’affaiblissement de ceux qui relèvent de la propriété sociale, aboutissent à une transformation de la logique d’ensemble de la citoyenneté sociale. Ce déplacement donne d’ailleurs lieu à une intense mobilisation de l’action publique, lancée par l’État central, et qui fédère les collectivités locales. L’Allemagne a connu un affaiblissement – peut-être plus important encore que la France – de la citoyenneté fondée sur la propriété sociale, surtout occasionné par « l’agenda 2010 » lancé à la fin des années 1990 par le chancelier Gerhard Schröder. Cependant, ce déplacement ne s’étend pas au rapport à l’administration et aux services publics dans son ensemble, comme c’est le cas en France. De ce point de vue, l’action publique qui suit ce déplacement n’est pas équivalente non plus. En Allemagne, les politiques d’accès aux droits sont encastrées dans des politiques sectorielles et elles n’ont pas de caractère unifié.
- 46 Ibid., p. 182.
40La mise en œuvre de l’accès aux droits, dans des contextes également différenciés, combine cependant plus de similarités que de différences. De manière générale, les personnes qui accueillent les requérantes et requérants, notamment étrangers, en France comme en Allemagne, adaptent la relation au droit, pensée comme une médiation, à la situation de la personne, et selon la confiance qu’ont les intermédiaires dans le fait que le droit se trouvera du côté des requérantes et requérantes et non pas contre eux. Dans le premier cas, les logiques du before the law et with the law s’imposent aussi bien en Allemagne qu’en France. Les intermédiaires des structures de l’accès au droit organisent des médiations sociales qui, dans ces deux modalités, sont fondées sur la confiance des professionnel·les dans la capacité de l’État de droit à servir les intérêts des personnes, y compris de celles qui ont un parcours migratoire et qui sont souvent aux prises avec des situations de faiblesse sociale, économique ou juridique multiples. Sans insister ici sur les différences que nous avons détaillées entre les deux pays, la force de la norme de droit elle-même (before the law), ou les procédures solides d’un point de vue normatif (with the law), constituent le commun qui doit ultimement suffire à rééquilibrer les traitements souvent discriminatoires en France comme en Allemagne dont sont victimes les « (post)migrants-pauvres ». Dans les deux configurations, les droits sociaux permettent « de contester toutes les formes d’inégalités, politiques, économiques ou autres qui se convertissent ou sont susceptibles de se convertir en rapports de domination »46.
41Une différence plus fondamentale entre les deux pays réside sans doute dans la position plus ambivalente entretenue en France avec le registre qui est en marge du against the law. En effet, la mobilisation de réseaux individuels, si elle vise sans doute à servir les intérêts des personnes fragiles, se situe dans un usage du droit qui n’en mobilise pas la neutralité, ni l’impartialité. Cette particularité française renvoie-t-elle au fait que les administrations du droit et du social sont débordées, encore plus qu’en Allemagne, ou à la confiance plus faible qu’on a dans la culture juridico-administrative de l’État de droit à l’ouest du Rhin ? Notre recherche reste à ce stade trop exploratoire pour pouvoir trancher en faveur de l’une ou de l’autre de ces options.
42Cependant, l’analyse des conceptions du rapport à la légalité et aux droits de celles et ceux qui mettent en œuvre les politiques d’accès aux droits montre que le répertoire d’actions before the law se rapproche, dans le cas français, de la conjugaison des droits subjectifs avec le commun, comme Colliot-Thélène la théorise. En Allemagne, ce sont plutôt les travailleuses et travailleurs sociaux en tant qu’elles et ils évaluent la situation d’une personne du point de vue with the law qui agissent au nom des droits subjectifs au sens de Colliot-Thélène. Eu égard aux caractéristiques du public des dispositifs étudiés, elles et ils appuient ce registre d’action concentré sur les droits subjectifs au commun qui émerge des structures économiques données par le marché unique européen et l’élargissement de l’Union européenne.
- 47 R. Lafore, « L’accès aux droits, de quoi parle-t-on ? », p. 26.
43Lire les différences et les similarités des régimes français et allemand de citoyenneté sociale et des dispositifs d’accès aux droits sociaux sur la base du Commun de la liberté nous permet de mettre en lumière une tension qui traverse d’une manière générale l’action publique. Davantage observable en Allemagne mais présente aussi en France, cette tension émerge des contradictions entre les discours politiques et institutionnels et les usages des droits. Parmi ces usages, certains concilient l’accès aux droits avec l’objectif de lutter contre les discriminations des groupes « ségrégués »47 d’individus spécifiques, et d’autres cherchent à faire valoir le caractère relationnel et partagé des droits sociaux, en tentant de (re)définir un commun, inscrit en dehors du rapport salarial.
Notes
1 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté. Du droit de propriété au devoir d’hospitalité, Paris, Presses universitaires de France, 2022.
2 Ibid., p. 75.
3 Ibid., p. 182.
4 Ibid., p. 73.
5 G. Simmel, « Zur Soziologie der Armut », in Aufsätze und Abhandlungen, 1901-1908, vol. II, A. Cavalli, V. Krech (éd.), in Gesamtausgabe, Francfort, Suhrkamp, 1993, vol. VIII, p. 24-57.
6 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 200.
7 Ibid., p. 201.
8 Ibid., p. 182.
9 Ibid., p. 63.
10 Ibid., p. 52.
11 Ibid., p. 102.
12 Ibid., p. 182.
13 R. Castel, « La propriété sociale : émergence, transformations et remise en cause », Esprit, août-septembre 2008, p. 171-190.
14 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat [1995], Paris, Gallimard (Folio. Essais), 1999.
15 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, 3e partie, ainsi que p. 36-43 et 195-251.
16 J. Torpey, « Coming and Going : On the State Monopolization of the Legitimate “Means of Movement” », Sociological Theory, vol. 16, nº 3, 1998, p. 239.
17 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 115.
18 Ibid., p. 99.
19 Ibid., p. 129.
20 Ibid., p. 146.
21 Ibid., p. 132.
22 Ibid., p. 131.
23 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…
24 R. Castel, « La propriété sociale… », p. 172.
25 Ibid., p. 184.
26 Ibid., p. 185.
27 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…, p. 519.
28 R. Castel, « La citoyenneté sociale menacée », Cités, nº 35, 2008, p. 133-141, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/cite.035.0133.
29 R. Castel, « La discrimination négative. Le déficit de citoyenneté des jeunes de banlieue », Annales. Histoire, sciences sociales, 61e année, nº 4, 2006, p. 777-808.
30 R. Castel, Les métamorphoses de la question sociale…, p. 597.
31 R. Castel, « La citoyenneté sociale menacée », p. 135. Pour l’Allemagne, voir J. Rowell, B. Zimmermann, « Grammaire de la société civile et réforme sociale en Allemagne », Critique internationale, nº 35, 2007, p. 157, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/crii.035.0149.
32 Dans le cas des travailleuses et travailleurs immigrés des années 1960 à 1980 en Allemagne, l’inclusion dans le système contributif et assurantiel précède également l’intégration politique dans la mesure où l’accès à la nationalité allemande reste restrictif jusqu’à la fin des années 1990.
33 P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2004.
34 G. Esping-Andersen, Les trois mondes de l’État providence. Essai sur le capitalisme moderne [1990], F.-X. Merrien (trad.), Paris, Presses universitaires de France, 1999.
35 R. Castel, « La discrimination négative… », p. 777.
36 R. Lafore, « L’accès aux droits, de quoi parle-t-on ? », Regards, nº 46, 2014, p. 25, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/regar.046.0021.
37 Ibid., p. 26.
38 Voir par exemple M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit (I). Le relatif et l’universel, Paris, Seuil, 2004.
39 Unabhängige Bundesbeauftragte für Antidiskriminierung, site Internet : https://www.antidiskriminierungsstelle.de/DE/unabhaengige_bundesbeauftragte/bundesbeauftragte-node.html (« gütliche Beilegung […] anstrebt »).
40 Die Beauftragte der Bundesregierung für Migration, Flüchtlinge und Integration. Die Beauftragte der Bundesregierung für Antirassismus, site Internet : https://www.integrationsbeauftragte.de/ib-de.
41 « Frauen mit Einwanderungsgeschichte am Arbeitsmarkt », en ligne : https://www.integrationsbeauftragte.de/ib-de/staatsministerin/frauen-am-arbeitsmarkt.
42 J. Pélisse, « A-t-on conscience du droit ? Autour des Legal Consciousness Studies », Genèses, nº 59, 2005, p. 114-130, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/gen.059.0114.
43 P. Ewick, S. Silbey, The Common Place of Law : Stories of Everyday Life, Chicago, University of Chicago Press, 1998.
44 C. Colliot-Thélène, Le commun de la liberté…, p. 182.
45 Ibid., p. 99.
46 Ibid., p. 182.
47 R. Lafore, « L’accès aux droits, de quoi parle-t-on ? », p. 26.
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Référence papier
Olivier Giraud et Nikola Tietze, « Le droit inné dans l’action publique en France et en Allemagne : la mise en œuvre de dispositifs d’accès aux droits », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 61 | 2024, 127-146.
Référence électronique
Olivier Giraud et Nikola Tietze, « Le droit inné dans l’action publique en France et en Allemagne : la mise en œuvre de dispositifs d’accès aux droits », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 61 | 2024, mis en ligne le 21 juin 2024, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/3405 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vsi
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