La foire aux univers
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1L’existence d’univers parallèles se fonde sur le postulat suivant : il existe d’autres mondes à « côté » du nôtre, des mondes aux propriétés voisines mais pas forcément identiques. Ces mondes sont généralement inaccessibles, soit qu’ils soient séparés physiquement de notre univers, tout en appartenant au même espace-temps, soit qu’ils se situent dans d’autres dimensions, postulées pour la cause et différentes de celles de notre monde ; des « portes » permettent parfois d’accéder à ces mondes parallèles (voir appendice A pour un aperçu du thème dans la science-fiction). On pourrait penser que l’étude de ces autres univers ne relève pas de la science. Pourtant, avec la physique moderne, ce concept a cessé d’appartenir exclusivement au domaine de l’invention littéraire ou de la métaphysique pour faire irruption dans le domaine scientifique. Plusieurs théories physiques récentes suggèrent la possibilité d’univers parallèles s’étageant sur plusieurs niveaux. Avant de discuter ces hypothèses hardies, commençons par nous interroger sur ce qu’est l’univers pour un astrophysicien.
Qu’est ce que l’univers ?
- 1 Les progrès instrumentaux ont suivis trois axes. L’envoi de télescopes en orbite (...)
- 2 Pourquoi 40 milliards d’années-lumière et non 13,7, comme le suggérerait la valeur estimé (...)
- 3 Si l’expansion continue à accélérer, ce qui est encore une question ouverte, le (...)
2Quand les astrophysiciens parlent d’« univers », ils pensent d’abord à « l’univers observable », celui auquel ils accèdent grâce à leurs instruments. La qualité et la puissance de ceux-ci s’améliorant sans cesse1, le volume d’espace directement accessible a considérablement augmenté depuis que les premiers hommes ont levé les yeux vers le ciel : d’abord limité au système solaire, notre champ d’investigation s’étend désormais sur des distances gigantesques. Considérant que la lumière se propage à vitesse finie (300 000 kilomètres par seconde) et depuis un temps fini (environ 13,7 milliards d’années), nous sommes contraints d’admettre qu’il existe une limite ultime au-delà de laquelle notre regard ne peut porter puisque la lumière qui en est émise n’a pas encore eu le temps de nous parvenir. La situation est analogue à celle d’un navire en mer : il ne perçoit qu’une sous-partie de la surface terrestre, limitée par l’horizon dont il occupe le centre. En ce qui concerne l’univers, notre regard ne peut porter que dans un volume sphérique, nommé sphère de Hubble, dont le rayon est égal à 4 × 1026 mètres (soit 40 milliards d’années-lumière2). Notez toutefois que cet horizon cosmologique recule d’un jour-lumière chaque jour : la taille de l’univers observable augmente à chaque instant3 ! Notons enfin que l’horizon cosmologique possède une autre propriété, conséquence du fait que la vitesse de la lumière est aussi la vitesse de propagation de l’information causale : c’est la distance maximum séparant deux événements pouvant mutuellement s’affecter.
- 4 Ne pourrions-nous être informés sur une zone plus vaste que celle directement accessible (...)
- 5 Quel est le domaine de la cosmologie ? Il faut faire un choix. Si on traite la (...)
3Finalement, l’univers c’est tout ce que l’on voit4. Malheureusement, nous observons depuis une position spatio-temporelle bien précise, « ici et maintenant », qui limite la région qui nous est directement accessible. Cette difficulté, propre à la cosmologie, n’a pas empêché les astrophysiciens de parler de l’univers, compris comme l’ensemble des événements de l’espace-temps, bien que certains s’interrogent sur la validité de cette prétention5.
4Dans ce cadre, les univers parallèles n’ont guère de place. S’ils sont en rapport avec nous, de manière directe ou indirecte, ils font partie de notre univers observable et doivent perdre le qualificatif « parallèle ». Si nous ne pouvons ni interagir avec eux ni les observer, on peut en parler sans craindre d’être réfutés. Mais alors le discours à leur sujet n’a aucun caractère scientifique et sort du champ de la physique expérimentale ; « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire », écrivait Ludwig Wittgenstein en conclusion de son Tractatus Logico-Philosophicus (§ 7).
5En parlant d’univers, les astrophysiciens pensent aussi à leurs « univers modèles », issus de calculs mathématiques, qui doivent donner une description correcte de l’univers observable ; c’est même le critère que doit impérativement satisfaire un modèle pour être acceptable. Quels arguments fondent ces modèles ?
6Dans les années 1950, le physicien George Gamow propose une description des premières phases de l’évolution de notre univers. Prenant appui sur l’expansion de l’espace, découverte par Edwin Hubble en 1929 en observant des galaxies, il propose que l’univers ait connu, dans son passé lointain, une période où il était plus dense et plus chaud que maintenant. Cette hypothèse fut confirmée en 1965 par la découverte d’un rayonnement micro-onde émanant de toutes les directions du ciel, trace d’un passé où la température était de l’ordre de 3 000 kelvins. D’un coup, les modèles de big-bang prirent de l’épaisseur. Remontant encore le temps, les physiciens calculèrent ensuite les proportions de divers éléments légers synthétisés par fusion nucléaire, comme le lithium, le béryllium, le bore et l’hélium, quand la température dépassait dix milliards de kelvins. Leurs prédictions, en accord remarquable avec les mesures de ces proportions, donnèrent encore plus de poids aux modèles de big-bang et aux hypothèses qui le fondent.
- 6 L’alternative à l’univers infini est l’univers fini, communément considéré comme ayant un (...)
7Maintenant, le modèle standard de la cosmologie (i.e. majoritairement accepté par la communauté des astrophysiciens en 2003) décrit l’univers comme un espace en expansion accélérée, homogène, isotrope, infini et de géométrie euclidienne. Capables de rendre compte de nos observations dans la zone limitée qui nous est accessible, ces modèles contiennent aussi des informations sur ce qui nous est invisible. Supposons, par exemple, que des observations précises nous poussent à penser que la géométrie de l’univers observable est décrite de façon satisfaisante par une géométrie euclidienne. Prenant appui sur la qualité de cette description, nous extrapolons ces propriétés géométriques et affirmons que « l’univers réel », assimilé au modèle valide localement, est forcément infini puisqu’il nous semble qu’un espace euclidien l’est forcément6. Il s’agit bien là de la conséquence d’un modèle localement satisfaisant et non d’un fait d’observation. Si l’on n’y prend garde, le modèle, et ses conséquences inobservables, peuvent acquérir la même force que les observations à partir desquelles il fut élaboré. Il est pourtant courant d’entendre des cosmologistes parler de ces conséquences comme de faits.
Premier niveau d’univers parallèles : les univers lointains
8Dans le cadre standard de la cosmologie, on peut déjà imaginer des univers parallèles : des sphères de Hubble situées au-delà de notre horizon cosmique. Dans un univers infini et uniformément rempli de matière, il existe une infinité d’étoiles et de galaxies, de planètes habitées, d’être vivants ayant la même apparence et les mêmes souvenirs que vous et moi. Il doit même y avoir une infinité de régions comparables à notre univers observable, dans lesquelles toutes les histoires cosmiques se sont jouées. L’argument fondateur de ce type d’univers parallèle peut se résumer ainsi : si l’univers est homogène et infini, il doit se répéter en dehors de notre sphère de Hubble.
9Que pouvons-nous dire de la question de l’homogénéité ? Ce fut d’abord une hypothèse commode qui simplifie sensiblement les équations d’Einstein qui lient la structure spatio-temporelle au contenu en matière et en énergie. Les succès des modèles à big-bang lui donnèrent un poids important. Il semble maintenant possible de tester expérimentalement cette hypothèse. Les observations plus récentes semblent montrer qu’à grande échelle de taille, la matière est distribuée de façon homogène. Des programmes de recensement systématique des galaxies (Sloan Digital Sky Survey, 2dF Galaxy Redshift Survey) ont mis en évidence qu’à grande échelle de taille (supérieure à 1024 mètres, soit 108 années-lumière), aucune structure ne prend le relais de celles déjà connues (galaxies, groupes de galaxies, amas et super-amas de galaxies). Les fluctuations dans la distribution de matière ont été mesurées inférieures à 1 % à partir de 1025 mètres (109 années-lumière) et l’observation du fond diffus cosmologique indique qu’elles tombent à 0,001 % aux limites de l’univers observable.
- 7 Si l’univers est homogène et isotrope, sa courbure est identique en tout point de (...)
- 8 Le tore dont il est question ici peut être construit aisément en identifiant les (...)
- 9 Selon cette proposition, encore à valider, l’univers aurait une géométrie sphér (...)
10La question de l’extension spatiale de l’univers est plus délicate. Je l’ai déjà dit, le modèle standard considère que l’univers est infini. Mais cette propriété ne résulte pas d’une observation directe : il est la conséquence d’une modélisation de l’univers observable qui, lui, est fini. En réalité, les cosmologistes mesurent la courbure de l’espace et la trouvent très faible, selon les observations les plus récentes du satellite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe dont la mission était d’observer le fond diffus cosmologique et qui a publié ses premiers résultats en février 2003). La géométrie de l’univers semble donc être euclidienne7. Prenant appui sur la qualité de cette description, ils extrapolent ces propriétés géométriques et affirment que « l’univers réel », extension du modèle validé localement, est forcément infini puisqu’il nous semble qu’un espace euclidien l’est forcément. Ainsi, quand les cosmologistes affirment que l’univers est infini, il s’agit là d’une conséquence d’observations géométriques locales, faites dans la région, large mais finie, accessible à nos observations. Extrapoler globalement des connaissances acquises localement peut être source de surprises : ce n’est pas parce que l’on observe des arbres à travers la fenêtre d’une pièce que le bâtiment qui la contient est construit dans une forêt. Les astrophysiciens considèrent communément que l’univers réel, imaginé à partir d’un modèle qui ne décrit correctement que l’univers observable, est forcément plus vaste que ce dernier. Mais un être hypothétique évoluant à la surface d’un tore, dont la géométrie est euclidienne, aurait l’illusion de vivre à la surface d’un plan infini puisqu’aucun bord, aucun mur, ne vient limiter ses déplacements8. Il pourrait en conclure que son univers observable est infini alors que son univers réel est fini. Spectaculaire renversement de situation. La cosmologie doit aussi tenir compte des univers modèles, munis de topologie étrange pour notre intuition commune, où c’est au contraire l’univers observable qui est plus grand que l’univers réel. Récemment, une équipe de cosmologistes dont je fais partie, a proposé que l’univers ait un volume fini et soit muni d’une topologie particulière9. Si cette hypothèse est vraie, cela sonnerait le glas du premier type d’univers parallèles : l’ensemble de l’univers serait contenu dans la sphère de Hubble.
11Dans les dix ans à venir, des mesures cosmologiques du fond diffus et de la distribution de matière à grande échelle viendront appuyer ou réfuter l’hypothèse des univers lointains en précisant la géométrie et la topologie de l’espace.
- 10 Ces estimations sont obtenues en comptant tous les états quantiques possibles q (...)
- 11 L’accélération de l’expansion cosmique est fondée sur la détermination expérimentale de l (...)
12Imaginons que ces univers lointains existent. Que peut-on en dire ? La description physique du monde est traditionnellement découpée en deux parties : d’une part les conditions initiales, c’est-à-dire la donnée complète de l’état d’un système à un instant particulier, d’autres part les lois physiques, spécifiant comment se fait l’évolution à partir de conditions initiales fixées. Dans un univers parallèle de niveau I, les lois de la physique sont les mêmes que les nôtres, seules changent les conditions initiales. Les mécanismes à l’œuvre au début de l’expansion ont réparti la matière de manière aléatoire, de sorte que l’espace infini est « découpé » en volumes de Hubble adjacents comprenant tous les arrangements possibles de conditions initiales. Les cosmologistes supposent que notre univers, avec une distribution quasi uniforme de matière et des fluctuations de densité initiales de l’ordre 0,001 %, est assez typique de ceux qui renferment des observateurs. De cette hypothèse découle l’estimation selon laquelle votre copie la plus proche serait située à 101029 mètres. À environ 1010115 mètres, il devrait y avoir un volume de Hubble entier comparable au nôtre10… Pourra-t-on accéder à ces univers lointains ? Les seules conditions requises sont que l’expansion cosmique se ralentisse et d’être un peu patient… Inutile de tester votre patience, car il semble maintenant acquis11 que l’expansion cosmique est accélérée. L’ensemble des univers parallèles lointains forme le multivers de niveau I.
Deuxième niveau d’univers parallèles : les univers-bulles
- 12 C’est-à-dire un ensemble infini d’ensembles infinis d’univers parallèles de niveau I.
13Si vous trouvez les univers parallèles de niveau I un peu durs à avaler, imaginez maintenant un ensemble infini de multivers de niveau I12, nommé multivers de niveau II.
14Malgré les succès remarquables des modèles de big-bang, les cosmologistes notèrent qu’il persistait des problèmes agaçants dans leur description. Pourquoi l’univers semble-t-il si homogène alors que certaines de ces parties n’ont pas pu être en contact causal dans le passé ? Pourquoi la courbure de l’espace semble-t-elle si faible ? Quelle est la cause de l’expansion ?
15Les astrophysiciens trouvèrent un moyen d’y répondre en se fondant sur la physique des particules élémentaires, dont les succès étaient déjà très importants. Je vais donc vous emmener dans un bref détour dans ce royaume, en particulier dans la théorie unifiée de la force électromagnétique (qui agit entre deux charges électriques) et de la force faible (qui est, par exemple, responsable de la désintégration du neutron). Dans la description moderne, ces deux forces s’expriment par l’intermédiaire de particules. Le photon est le médiateur de la force électromagnétique, les particules W+, W- et Z0 sont ceux de la force faible. Alors que le photon est de masse nulle, les W et le Z sont très massifs. Pour unifier la description de ces deux interactions malgré cette différence, les physiciens invoquent un « champ scalaire ». Il remplit l’espace et marque sa présence en affectant les propriétés des particules élémentaires. Ce champ scalaire interagit avec les W ou le Z, ce qui leur confère une masse ; le photon reste de masse nulle car il n’interagit pas avec lui (pour une explication plus détaillée concernant ce champ scalaire introduit par le physicien écossais Peter Higgs, voir appendice B).
16Prenons donc ce champ scalaire et imaginons qu’il puisse avoir deux états fondamentaux selon la densité d’énergie : un état H (en hommage à Peter Higgs qui suggéra cette possibilité ; on le nomme souvent « faux vide ») et un état N (par opposition, l’état normal aussi nommé « vrai vide »), que l’on rencontre dans notre espace usuel. Nous vivons dans un espace où le champ est de type N et n’avons aucune expérience directe d’un espace où il serait sous la forme H ; des expériences récentes de physique des particules suggèrent que l’on peut convertir une zone d’espace normal en une zone d’espace H en y injectant suffisamment d’énergie. Dans un espace de type N, la force électromagnétique et la force nucléaire faible sont séparées : elles ont des intensités et des portées différentes. Dans un espace de type H, ces forces sont unifiées et ne peuvent être distinguées ; photons, W, Z, et d’autres particules encore, sont alors indiscernables.
17À des époques précoces de l’évolution de l’univers, la densité d’énergie était si importante que tout l’espace était sous la forme H. Au cours de son expansion, la densité d’énergie diminue puisque le volume augmente alors que l’énergie totale est constante. Vient un moment où cette densité est suffisamment faible pour que des régions de type N puissent se former. Dans celles-ci, nos deux forces se séparent et les particules associées peuvent être distinguées. Cette transition est analogue à un changement de phase, que l’on observe, par exemple, lorsque l’eau bout à 100 °C, sous la pression atmosphérique. Dans notre cas, c’est l’espace lui-même qui bout sous l’effet de l’expansion ! Comme on peut s’y attendre en poussant l’analogie, des bulles se forment. Ce sont des « bulles » d’espace de type N dans un milieu d’espace H ; beaucoup de bulles N dans un océan H. Contrairement à l’eau qui doit absorber de l’énergie pour s’évaporer, l’ébullition de l’espace, la conversion d’espace où le champ scalaire est de type H en espace où il est sous la forme N libère une quantité énorme d’énergie. Cette énergie tend à dilater considérablement les bulles d’espace N, leur taille augmentant exponentiellement avec le temps. Chaque univers-bulle est en expansion, comme le nôtre semble l’être depuis 13,7 milliards d’années. Le facteur d’expansion est tel que des bulles aussi petites qu’une particule deviennent plus grandes que la taille de notre horizon. Dans chaque bulle, la géométrie semble donc très plate ! De plus, chaque univers-bulle étant issu d’une toute petite fluctuation énormément dilatée, il est normal qu’il soit plutôt homogène. Après la phase d’expansion rapide, la densité d’énergie de certaines bulles peut devenir suffisamment faible pour que la phase exponentielle de l’expansion cesse ; certaines formeront des univers semblables au nôtre. D’autres bulles, au contraire, continuent cette folle expansion. Dans le cadre de cette théorie, due au physicien russe Andreï Linde et dite « inflation chaotique », il n’y a nul besoin d’un début au temps, ni d’un big-bang : il y a, il y avait et il y aura toujours un nombre infini de bulles subissant une inflation et de régions post-inflatoires, comme notre univers.
18Admettons qu’il y ait d’autres univers que le nôtre. À quoi peuvent-ils bien ressembler ? Dans les espaces de type N, les lois de la physique doivent être semblables à celle que nous connaissons. La différence avec le nôtre peut venir de plusieurs facteurs. D’abord, au moment de « l’ébullition », les univers-bulles sont apparus avec des contenus en matière et en énergie différents. Ce changement est d’importance si l’on suppose que le principe de Mach s’applique à un univers-bulle. Selon ce principe, l’inertie, c’est-à-dire la résistance à changer de mouvement sous l’action d’une force, est le résultat de l’interaction gravitationnelle avec toutes les autres masses contenues dans l’horizon. Cela impose donc à la masse inertielle d’une particule de dépendre du contenu matériel de la bulle. Par contre, la masse gravitationnelle (celle qui intervient dans le calcul de l’intensité du champ de gravitation) n’en dépend pas. Donc, d’un univers-bulle à un autre, la masse inertielle du proton, de l’électron et de toutes les particules serait modifiée ce qui changerait la taille des atomes, les énergies de liaison, la structure nucléaire, la chimie, etc. Dans certains de ces univers-bulles, aucune galaxie n’aurait pu se former ; dans d’autres, il y en aurait mais aucun élément plus lourd que l’hélium n’aurait pu apparaître ; dans un troisième, tout semblerait normal, sauf qu’il n’y aurait pas de planètes, etc. De plus, les constantes fondamentales de nos modèles physiques pourraient, elles aussi, différer d’une bulle à l’autre. Cela laisse pas mal de choix pour imaginer son univers personnel !
Quelle coïncidence !
19Un avantage, tout relatif, des univers-bulles est que toutes les combinaisons de paramètres physiques sont possibles ; cela permet d’expliquer des coïncidences étonnantes. Je m’explique.
20Les physiciens ont horreur des coïncidences inexpliquées. Ils supposent qu’elles sont en fait la trace d’une théorie plus profonde qui leur a échappé. Illustrons ce point par un exemple. Vous arrivez dans un hôtel pour y prendre une chambre. La personne du guichet vous attribue le numéro 1965. Surprise ! Il s’agit de votre année de naissance ! Quelques minutes plus tard, vous concluez qu’après tout, ce n’est pas si étonnant compte tenu de ce que l’hôtel a de nombreuses chambres ; vous n’auriez certainement pas été surpris si une autre chambre, avec un numéro plus anodin, vous avez été attribuée. En fait, un physicien n’ayant aucune idée de ce qu’est un hôtel, pourrait déduire de son aventure qu’il y a certainement de nombreuses autres chambres, tout simplement parce que s’il n’y avait qu’une seule chambre d’hôtel dans tout l’univers, il se trouverait devant une coïncidence curieuse et inexpliquée : pourquoi diable l’unique chambre d’hôtel de l’univers porte-t-elle un numéro qui est aussi mon année de naissance ? Prenons un second exemple dans l’astrophysique. La masse du Soleil affecte sa luminosité : plus massif il serait aussi plus brillant. Pour que la vie terrestre telle que nous la connaissons puisse se développer, il faut que la luminosité solaire ne soit pas trop grande, pour éviter de griller la Terre, ni trop faible pour ne l’on n’y gèle pas. On peut calculer que pour satisfaire ces conditions, la masse du Soleil doit être comprise entre 1,6 x 1030 et 2,4 x 1030 kilogrammes (entre 0,8 et 1,2 masse solaire). Sa masse est en fait de 2,0 x 1030 kilogrammes. Cette coïncidence est plus perturbante qu’elle n’en a l’air quand on réalise que la masse d’une étoile est comprise dans un intervalle des centaines de fois plus large, allant de 1029 à 1032 kilogrammes (de 0,05 à 50 masses solaires). Comme dans l’exemple de l’hôtel, nous pouvons expliquer cette coïncidence apparente par un effet de sélection dans un vaste ensemble de systèmes solaires : si de nombreuses possibilités de masse d’étoiles et de disposition des planètes sont représentées dans la galaxie, il n’est nullement étonnant de nous trouver dans l’un des systèmes qui soit habitable. Bien que l’existence de chambres d’hôtels et de systèmes solaires soit acceptée, celle d’univers parallèles est plus difficile à admettre. Pourtant il y a de nombreux exemples de coïncidences remarquables. Florilège. Si la force électromagnétique était un peu plus petite qu’elle n’est chez nous, 4 % plus faible, le Soleil exploserait immédiatement car le diproton (un noyau à deux protons) serait stable et la luminosité solaire serait un milliard de milliards de fois plus forte. Si la force électromagnétique était plus faible, il y aurait nettement moins d’atomes stables. Si l’interaction faible était un peu plus faible, l’hydrogène aurait été entièrement converti en hélium peu de temps après le big bang. Si le proton était 0,2 % plus massif, il se désintégrerait en neutron, qui est incapable de se lier avec un électron : plus d’atomes ! Si le rapport entre la masse du proton et celle de l’électron était plus petit, il n’y aurait plus d’étoiles ; s’il était plus grand, il ne pourrait pas y avoir de structures ordonnées comme les cristaux et les molécules d’ADN. Et la liste pourrait encore se poursuivre… Le modèle standard de la physique des particules possède 28 paramètres libres. Les faire varier un tant soit peu transformerait radicalement notre univers. L’existence de nombreux univers-bulle, et plus généralement, d’autres univers, permet de comprendre pourquoi ces coïncidences ne doivent pas nous surprendre, puisqu’il s’agit tout simplement d’un effet de sélection dans un grand ensemble de possibilités. Évidemment, il faut faire preuve d’une certaine dose d’imagination.
En guise de conclusion
- 13 Le multivers de niveau 3 découle d’une interprétation de la mécanique quantique selon (...)
21Je vais arrêter là ces spéculations physiques, pour éviter que mon discours ne devienne trop indigeste. Pourtant il existe encore un niveau d’univers parallèles, fondé sur la mécanique quantique13.
22Devons-nous « croire » aux univers parallèles ? Les arguments les plus fréquents contre eux sont leur étrangeté et leur manque d’économie. Les développements de la physique du XXe siècle (notamment la mécanique quantique et la relativité générale) ont montré que l’étrangeté n’est pas un argument recevable. Que la matière courbe l’espace ou qu’une particule soit aussi une onde sont des idées qui ont fait leur chemin. Le caractère peu économique est une question plus subtile. Il semble que la théorie des multivers soit vulnérable au rasoir d’Occam, ce principe de parcimonie scientifique qui propose d’éliminer tous les éléments invérifiables auxquels une théorie fait appel. Pourquoi la nature serait-elle aussi dispendieuse et s’offrirait-elle le luxe d’une infinité d’univers différents ? L’argument de l’économie peut pourtant être retourné : grâce aux univers parallèles, nous pouvons nous débarrasser du problème de l’ajustement précis des conditions initiales du cosmos et des constantes fondamentales des théories physiques. On peut s’inquiéter de la quantité d’information nécessaire pour spécifier tous ces univers invisibles. Mais ce serait oublier que la définition d’un ensemble complet est souvent plus simple que l’un quelconque de ses sous-ensembles. Par exemple, l’ensemble de tous les nombre entiers peut être engendré par un programme très simple, alors qu’il peut être très long de spécifier un sous-ensemble comme celui des nombres premiers. En ce sens « algorithmique », le multivers est plus simple qu’un univers unique. Au bout du compte, notre jugement se forme selon ce que notre sensibilité estime le plus dispendieux, beaucoup de mots ou beaucoup de mondes.
23Ces spéculations sont-elles sans importances ? Si l’on s’en tient à la stricte démarche scientifique, à la nécessaire confrontation entre théorie et expérience, on pourrait conclure que la plupart des études touchant aux univers parallèles n’ont absolument aucun intérêt puisqu’ils sont inobservables. En réalité leur importance se trouve ailleurs. Les univers parallèles constituent un « espace de liberté » pour penser de nouveaux concepts, de nouvelles techniques ou pour explorer de nouveaux domaines passionnants, le temps, l’espace et la matière notamment. À condition de ne jamais perdre de vue la distance qui sépare la science en construction et le jeu scientifique le plus débridé.
Annexe
Appendice A : les univers de la science-fiction
Le premier type d’univers parallèle rencontré en science-fiction est celui qui coexiste avec le nôtre, sans entretenir le moindre contact. Il possède la même structure géométrique, en particulier le même nombre de dimensions, et il est presque toujours habité. Le héros se trouve projeté dans un de ces univers parallèles via une « fracture de l’espace-temps », ou l’ouverture d’une « porte spatio-temporelle ». De nombreuses méthodes ont été envisagées pour réaliser ce passage : de l’explosion d’une bombe (L’Univers en folie de Frédéric Brown) à l’utilisation d’un objet (la trompe que reçoit le héros dans Le Faiseur d’univers de Philip José Farmer) en passant par la concentration mentale (La Chaîne autour du Soleil de Clifford D. Simak).
La coexistence spatiale d’univers parallèles peut aussi se faire en les emboîtant les uns dans les autres à la manière de poupées gigognes. Cette idée traduit un thème récurrent depuis l’Antiquité : l’identité de structure entre l’infiniment petit (microcosme) et l’infiniment grand (macrocosme). Elle conduit à l’idée que l’univers se répète à toutes les échelles de taille ; un univers fractal dans le langage scientifique moderne. C’est l’idée que l’on retrouve dans L’Homme qui rétrécit, de Richard Matheson, où le héros dont la taille se réduit en permanence découvre un autre univers. À l’inverse, certains auteurs suggèrent que notre galaxie est une molécule infime d’un super-univers beaucoup plus vaste que celui que nous connaissons.
Les univers parallèles peuvent aussi adopter une forme radicalement différente du nôtre. Dans ce cas, c’est la structure la plus profonde de notre univers qui est affectée : sa géométrie (essentiellement le nombre de ses dimensions spatiales) ainsi que sa topologie (sa forme globale) peuvent être modifiées. Certains espaces imaginés par les auteurs de science-fiction (ainsi que par les mathématiciens !) ont des propriétés étranges : dans ses textes Les Montagnes hallucinées et L’Appel de Cthulhu, Howard P. Lovecraft décrit des cités étranges avec des géométries démentes, constituant cet autre « côté » dans lequel bascule le héros. Dans La Maison biscornue de Robert Heinlein, un architecte entreprend de construire une maison qui serait la projection à trois dimensions d’un hypercube à quatre dimensions. Du côté des dimensions spatiales variables, Flatland de Edwin Abbott reste un classique incontournable ; on y découvre les mémoires d’un carré appartenant au Pays Plat, confronté à des êtres de dimension inférieure, comme la Ligne, et supérieure, comme la Sphère. Dans Ortog et les Ténèbres, Kurt Steiner explore l’univers de la mort et aboutit à un univers ayant quatre dimensions spatiales, peuplé d’êtres ayant acquis cette dimension supplémentaire lors de la mort d’êtres à trois dimensions. Dans ce cadre un peu spéculatif, on peut bâtir une élégante théorie des fantômes : il s’agit de la manifestation tridimensionnelle d’êtres ayant quatre dimensions spatiales (en langage mathématique, un fantôme serait donc l’intersection de notre espace tridimensionnel avec un être quadridimensionnel ; il disparaît à nos yeux quand l’être ne traverse plus notre univers). On le voit, le choix proposé par les auteurs de science-fiction est large. La physique aura-t-elle l’imagination aussi féconde ?
Références bibliographiques
Abbot E. (1999), Flatland, Paris, 10/18.
Brown F. (1953), L’Univers en folie, Paris, Hachette.
Farmer P. J. (1973), Le Faiseur d’univers, Paris, Opta.
Heinlein R. (1999), La Maison biscornue, in Longue vie, Paris, Pocket (SF).
Lovecraft H. P. (2002), Les Montagnes halllucinées, Paris, J’ai lu (SF).
Lovecraft H. P. (2000), L’Appel de Cthulhu, Paris, Pocket (SF).
Matheson R. (2000), L’Homme qui rétrécit, Paris, Gallimard (Folio-SF).
Simak C. D. (1999), La Chaîne autour du soleil, Paris, J’ai lu (SF).
Steiner K. (2001), Ortog et les Ténèbres, Paris, J’ai lu (SF).
Appendice B : le mécanisme de Higgs
La meilleure explication « compréhensible » du mécanisme de Higgs qui, en particulier, donne une masse aux particules W et Z, a été proposée par le physicien David Miller, en réponse à une question du ministre de la recherche britannique. Imaginons des centaines de personnes, réunies pour un cocktail par exemple. Elles sont uniformément distribuées dans une vaste pièce, chacune discutant avec son voisin le plus proche. Une vedette entre alors. Les personnes les plus proches veulent obtenir un autographe ; elles sont fortement « attirées » par la vedette et s’assemblent autour d’elle. Au fur et à mesure que la vedette se déplace, elle attire les personnes dont elle s’approche laissant derrière celles dont elle s’éloigne ; ces dernières retournent à leurs positions et à leurs discussions initiales. La vedette, elle, se comporte comme si elle avait une masse, c’est-à-dire une inertie, plus grande que sa masse réelle : en déplacement, elle est plus difficile à arrêter car il faut aussi arrêter le groupe qui s’est formé autour d’elle ; une fois à l’arrêt, elle est difficile à relancer car il faut aussi reformer le groupe qui l’entoure. En trois dimensions, et avec la complication de la relativité d’Einstein, c’est ce mécanisme qui confère une masse aux particules qui interagissent avec le nouveau champ de Higgs. Il remplit tout l’espace et est déformé localement par la présence d’une particule en mouvement. La déformation – le rassemblement du champ autour de la particule – engendre la masse observée de la particule. Bien sûr les particules ne sont pas toutes couplées de la même façon au champ de Higgs, les plus lourdes étant justement les plus fortement couplées. Dans notre métaphore du cocktail, l’intensité du couplage est représentée par la notoriété de la vedette qui entre. Pour une célébrité, nombreux sont ceux qui participeront à l’attroupement en vu d’obtenir un autographe ; la masse effective de la vedette sera nettement supérieure à sa masse réelle. S’il s’agit d’un inconnu, personne ou presque ne fera l’effort de se déplacer et la masse effective du nouveau venu voisine de sa masse réelle.
L’idée de ce mécanisme vient de la physique du solide. À la place d’un champ remplissant tout l’espace, un solide se présente souvent comme un réseau régulier d’atome. Un électron qui se déplace dans ce réseau interagit avec les atomes et sa masse effective, résultant de ces interactions, peut être jusqu’à 40 fois plus grande que sa masse réelle. L’hypothétique champ de Higgs est donc une sorte de « réseau » qui remplit tout l’espace. C’est un moyen d’expliquer pourquoi les bosons Z0, W+ et W-, vecteurs de l’interaction nucléaire faible, ont une masse alors que le photon, qui transporte l’interaction électromagnétique, n’en a pas. Le passage de bosons de masse nulle à des bosons massifs s’est produit au tout début de l’évolution de l’univers quand, sous l’effet de l’expansion, l’état de plus basse énergie14 du champ de Higgs s’est modifié. La diminution de la température consécutive à l’expansion de l’univers a séparé la force électromagnétique de la force faible. Ce changement du vide du champ de Higgs a suffisamment augmenté l’intensité de son couplage avec les particules W et Z pour leur donner une masse ; le couplage avec les photons est resté faible leur laissant une masse nulle. Du point de vue du champ de Higgs, les bosons W et Z sont les célébrités du cocktail tandis que le photon est un inconnu.
La confirmation de l’existence du champ de Higgs attend la découverte de la particule qui lui est associée, le boson de Higgs. Comment se la représenter ? Reprenons l’analogie de David Miller. Une rumeur est lancée qui traverse la salle, toujours uniformément remplie des invités au cocktail. Ceux qui entendent parler dans leur voisinage, se groupent autour de la source pour avoir des détails. Puis ils se retournent et se rapprochent de leurs voisins en arrière, qui veulent eux aussi en savoir plus. Une onde de regroupement se déplace dans la pièce. Elle peut s’étendre aux quatre coins de la pièce ou bien se propager plus ou moins linéairement. Cette onde a une masse puisque l’information quelle propage est transportée par des regroupements de personnes et que ces regroupements donnaient une masse à la vedette. Le boson de Higgs est justement un « regroupement » du champ de Higgs. Encore une fois, l’analogie vient de la physique des solides. Un réseau cristallin peut transporter des ondes de déformation sans qu’il y ait nécessairement des électrons pour le déformer. Ces ondes, les phonons, peuvent aussi être décrites comme des bosons, des particules donc.
Pour valider le mécanisme de Higgs, il est souhaitable d’observer le boson qui lui est associé. En mai 1999, des physiciens européens travaillant sur le grand accélérateur d’électrons et de positons (Large Electron Positron collider, LEP) du CERN, à Genève, ont observé ce qui pourrait être la première manifestation du boson de Higgs. Le grand accélérateur de hadrons (Large Hadrons Collider, LHC), en cours de construction, devrait être capable de confirmer ces indications. Cela confirmerait que le vide du champ de Higgs est à l’origine de la masse des particules.
Notes
1 Les progrès instrumentaux ont suivis trois axes. L’envoi de télescopes en orbite a permis de s’affranchir de l’écran absorbant et déformant que constitue l’atmosphère terrestre. La maîtrise des détecteurs de lumière a permis d’accéder à des rayonnement invisibles à nos yeux. Le développement de l’optique instrumentale a permis de construire de très grands télescopes terrestres pour collecter plus de lumière (les plus grands télescopes ont des diamètres allant de 8 à 10 mètres ; l’observatoire européen austral a en projet la construction d’un télescope de 100 mètres de diamètre).
2 Pourquoi 40 milliards d’années-lumière et non 13,7, comme le suggérerait la valeur estimée de l’âge de l’univers ? À cause de l’expansion de l’espace ! Nous recevons maintenant de la lumière émise il y a 13,7 milliards d’années par des sources qui se sont éloignées depuis.
3 Si l’expansion continue à accélérer, ce qui est encore une question ouverte, le volume d’univers observable cessera d’augmenter.
4 Ne pourrions-nous être informés sur une zone plus vaste que celle directement accessible grâce à un réseau astucieux d’observateurs ? Reprenons l’analogie maritime. Un amiral de flotte, qui dispose de nombreux vaisseaux, a un horizon beaucoup plus large que celui d’un unique bâtiment. Chaque capitaine lui rapporte ce qui se passe dans sa zone et il dispose d’information sur une zone s’étendant sur l’ensemble des horizons particuliers. Rien de tel n’est possible en cosmologie. Dans ce cas l’existence d’un horizon résulte de la finitude de la vitesse de la lumière et de l’âge fini de l’univers. Pour communiquer avec nous, un observateur lointain, est forcément situé dans notre horizon. Il ne peut rien nous rapporter que nous n’ayons déjà vu car il lui est impossible d’échanger de l’information a une vitesse supérieure à celle de la lumière !
5 Quel est le domaine de la cosmologie ? Il faut faire un choix. Si on traite la cosmologie de manière strictement scientifique, cela exclut, par définition, les questions philosophiques (pourquoi l’univers existe-t-il ? Pourquoi les lois de la physique existent-elles ? Y a-t-il d’autres univers ?) parce qu’on ne peut pas y répondre scientifiquement. C’est une option cohérente et logiquement viable. On peut aussi décider que ces questions philosophiques sont d’un intérêt suffisant pour être abordées, quitte à sortir du domaine strictement scientifique. C’est un exercice légitime à condition de satisfaire deux conditions. Premièrement, il faut se garder de dire que la science peut résoudre ces questions ; il est capital de respecter les limites de ce que la méthode scientifique peut accomplir. En second lieu, il faut bien garder en tête les limites des modèles de la réalité qui fondent notre connaissance. Forcément parcellaires, ils reflètent imparfaitement la vraie nature de la réalité et ne doivent jamais être confondus avec elle.
6 L’alternative à l’univers infini est l’univers fini, communément considéré comme ayant un bord. Cette proposition est rejetée car dira-t-on toujours, qu’y a-t-il après le bord ? D’où le « forcément infini ». En réalité les mathématiciens ont montré depuis longtemps qu’un espace peut-être fini et sans bords. La topologie cosmique se fixe pour but de déterminer par l’observation si l’univers ne serait justement pas dans cette situation là.
7 Si l’univers est homogène et isotrope, sa courbure est identique en tout point de l’espace. Un espace de courbure nulle est à géométrie euclidienne, comme c’est le cas du plan. La géométrie est dite sphérique si la courbure est positive, hyperbolique si la courbure est négative.
8 Le tore dont il est question ici peut être construit aisément en identifiant les côtés opposés d’un carré. Cette opération d’identification revient, pratiquement, à coller l’un sur l’autre deux des côtés opposés, pour obtenir un cylindre, puis les deux autres côtés pour passer au tore. Au cours de ces opérations, il faut bien sûr imaginer que la matière dont est fait ce carré est déformable.
9 Selon cette proposition, encore à valider, l’univers aurait une géométrie sphérique et aurait la forme d’un dodécaèdre dont les faces pentagonales opposées sont identifiées après une rotation d’un cinquième de tour. Cet espace particulier est nommé espace dodécaédrique de Poincaré.
10 Ces estimations sont obtenues en comptant tous les états quantiques possibles que l’on peut caser dans un volume de Hubble dont la température ne dépasse pas 108 Kelvins. Une des façons de mener le calcul consiste à se demander combien on pourrait entasser de protons dans un volume de Hubble à cette température en respectant le principe d’exclusion de Pauli. La réponse est 10115 protons. Chacune de ces particules peut ou non être présente ce qui donne 210115 arrangements possibles pour les protons. Une boîte contenant 210115 volumes de Hubble épuise toutes les possibilités. Sa taille est d’environ 1010115 mètres distance au-delà de laquelle l’univers commence à se répéter.
11 L’accélération de l’expansion cosmique est fondée sur la détermination expérimentale de la relation entre la distance d’une galaxie lointaine, estimée grâce aux supernovae de type I, et sa vitesse d’expansion. On trouve que les galaxies lointaines sont dotées d’un mouvement d’expansion plus lent que les galaxies proches. Cela signifie que la vitesse d’expansion a augmentée entre ces deux époques.
12 C’est-à-dire un ensemble infini d’ensembles infinis d’univers parallèles de niveau I.
13 Le multivers de niveau 3 découle d’une interprétation de la mécanique quantique selon laquelle le résultat d’un processus quantique n’est pas choisi au hasard parmi différents résultats possibles, mais donne lieu à une scission de la réalité en branches distinctes dans lesquelles chaque résultat possible est réalisé. Si l’on jette un dé quantique, il tombe sur différentes valeurs dans différents univers. Dans un sixième des univers il tombe sur un ; dans un autre sixième, il tombe sur deux, et ainsi de suite. Un univers quantique se scinde au fil du temps en une multitude d’univers.
14 En théorie quantique des champs, l’état de plus basse énergie est appelé « vide » du champ. Cette idée généralise le vide classique qui peut être défini par « ce qui reste quand on a tout enlevé ».
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Référence papier
Roland Lehoucq, « La foire aux univers », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 42 | 2005, 131-146.
Référence électronique
Roland Lehoucq, « La foire aux univers », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 42 | 2005, mis en ligne le 07 mars 2023, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/2070 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.2070
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