Le style dans la pensée de Michel Foucault. D’une désubjectivation du style à la généalogie stylistique du sujet
Résumés
Le terme de style n’est pas conceptualisé explicitement par Foucault, quoiqu’il apparaisse au fil de toute son œuvre. Dans le texte qu’il consacre au Rêve et l’existence de Binswanger, Michel Foucault est encore fortement influencé par la phénoménologie et l’existentialisme : le style y est défini comme le moment où l’expression est effectivement adressée à quelqu’un, et cherche à se faire comprendre. Le style est donc encore compris selon les coordonnées phénoménologiques de la subjectivité et de l’être-au-monde. Dans la période structuraliste des Mots et les choses et de L’archéologie du savoir, le style au sens strict caractérise au contraire un a priori historique anonyme. La difficulté, que ne parvient pas totalement à résoudre Foucault dans sa conférence sur l’auteur à la Société française de philosophie, est alors de comprendre comment un individu peut inaugurer un style de savoir ou de discours. C’est dans l’Histoire de la sexualité que Foucault parvient à articuler critique et généalogie de la subjectivité à travers le concept de style : avec l’idée d’une stylistique de l’existence, Foucault ne pense plus le style comme l’expression d’un sujet ou comme une simple marque anonyme et collective, mais comme l’opérateur d’une subjectivation par la recherche d’une excellence éthique substantielle. Cette conceptualisation foucaldienne du style, dans les années 1980, doit être mise en perspective avec les textes militants du philosophe, où la recherche d’un « style de vie homosexuel » est un enjeu qui dépasse la simple obtention de droits.
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- 1 M. Foucault, Histoire de la sexualité II. L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard (Tel ; 279), 1997, (...)
- 2 P. Sabot, « Foucault et Merleau-Ponty : un dialogue impossible ? », Les études philosophiques, no 1 (...)
1L’idée d’une « stylistique de l’existence » est au cœur des deux derniers livres publiés par Michel Foucault de son vivant, L’usage des plaisirs et Le souci de soi. Il ne s’agit pas seulement, pour Foucault, d’esthétiser la question éthique, mais de déplacer la définition et la méthode traditionnelles de l’éthique philosophique : porter l’attention non plus sur les normes, mais sur les différentes manières dont le soi habite les normes, et sur le rapport à soi inhérent à chaque mode d’habitation des normes. Le nouveau type de savoir créé par le déplacement du discours foucaldien est la stylistique de l’existence. S’il y a une histoire de l’éthique, ce n’est pas une histoire des normes, mais une histoire des styles d’existence. Foucault renverse cependant les définitions technique et usuelle du terme de style : il n’est pas la modalité d’expression d’un sujet, mais détermine ce que c’est qu’être un soi et ce que c’est que d’avoir rapport à soi-même à un moment et en un lieu précis. On pourrait se demander, toutefois, si l’apparition du « style » au moment du tournant éthique de l’Histoire de la sexualité n’est pas le retour d’un refoulé subjectif. Le « sujet moral » fait ainsi sa réapparition à de multiples reprises dans l’introduction de L’usage des plaisirs1. De nombreux travaux ont souligné l’importance de la phénoménologie, et de Heidegger, dans toute l’œuvre foucaldienne2. S’appuyer sur l’idée de « style », n’est-ce pas reconnaître en creux la nécessité, pour penser l’éthique, d’un fondement subjectif dont le style serait l’expression première ? Y a-t-il un concept foucaldien de style, désamarré de l’idée de sujet, ou l’usage de ce terme est-il le symptôme d’un refoulé phénoménologique ou existentialiste ? Trois apparitions conceptuelles du style jalonnent le corpus foucaldien, et structureront notre propos : la période des années 1950, où Foucault est encore largement influencé par l’existentialisme, la période dite « structuraliste » des Mots et les choses, et la reformulation dans les années 1980 du projet de l’Histoire de la sexualité.
Michel Foucault, lecteur de Binswanger et de Merleau-Ponty
- 3 L. Binswanger, Le rêve et l’existence, J. Verdeaux (trad. fr.), introduction et notes de M. Foucaul (...)
- 4 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », in Dits et écrits I, p. 101.
- 5 Ibid., p. 107.
- 6 Ibid.
- 7 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », Les Temps Modernes, no 80, juin 1 (...)
2Dans son introduction à la traduction française du Rêve et l’existence3, Michel Foucault souligne les limites de la psychanalyse et de la phénoménologie pour penser l’image. La psychanalyse ne parviendrait pas à « faire parler » les images4, en les déchiffrant comme un ensemble de hiéroglyphes au décodage incertain. En établissant la distinction entre indication objective et signification, Husserl a mis au jour l’essence de l’acte expressif lui-même. Mais devient alors incompréhensible, selon Foucault, que l’acte expressif puisse être compris par autrui en se faisant indication objective5. La solution phénoménologique consiste à décrire la compréhension comme une reprise intérieure de l’acte expressif en première personne. Foucault cite ici Jaspers6, mais l’on songe également aux analyses merleau-pontiennes du « Langage indirect et les voix du silence », où le langage parlé est compris sur le modèle de la reprise, par chaque peintre, de la totalité des gestes picturaux antérieurs7.
- 8 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 106.
- 9 Ibid., p. 107.
- 10 Ibid., p. 147.
- 11 Il est hors du propos de cet article de critiquer la lecture foucaldienne du Rêve et l’existence : (...)
- 12 Michel Foucault discute ici les thèses de Sartre. Le « Pierre » de Foucault est le « Pierre » de la (...)
- 13 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 121.
- 14 Ibid., p. 140.
- 15 Ibid.
- 16 Ibid., p. 145.
3La théorie de l’image signifiante est donc dans une impasse selon Foucault. La psychanalyse ne voit pas le problème du sens de l’image, en le confondant avec le « recoupement »8 d’indices. La phénoménologie décontextualise l’acte expressif imageant, au point de ne donner « à personne la possibilité d’en comprendre le langage »9. C’est une « anthropologie de l’expression »10 qu’il faudrait pour dépasser cette double limite, et l’analyse existentielle du rêve, proposée par Binswanger, permettrait selon Foucault d’en poser les jalons11. Les analyses foucaldiennes de 1954 ont alors une tonalité toute sartrienne12. Le rêve n’est pas un tissu d’images produit par l’imagination, mais l’expérience du libre mouvement de l’existence vers le monde13. La possibilité de l’imagination est ouverte par le rêve : imaginer quelque chose ou quelqu’un, c’est « se rêver rêvant » ce quelqu’un14, « se viser comme mouvement d’une liberté qui se fait monde et finalement s’ancre dans ce monde »15. Quand j’imagine quelqu’un que j’aime, je me vise allant à sa rencontre. L’image-ersatz de la réalité cesse brutalement ce rapport de soi à soi qu’est l’imagination : elle est à l’imagination ce que le cadavre est à l’animal. Dans un mouvement de pensée très fortement teinté d’hégélianisme, Foucault voit ainsi dans l’image représentative la contradiction de l’imagination, une « prise de vue »16 qui arrête son mouvement.
4Si le rêve est la condition de possibilité de l’imagination comme acte expressif, l’acte poétique est la condition de possibilité de l’image expressive, c’est-à-dire de l’image qui non seulement parle, mais est effectivement comprise par autrui. Le concept de style assure le passage de l’image qui parle à l’image effectivement parlante, de la conscience expressive à l’expression réalisée.
- 17 Ibid., p. 146.
[L’image poétique] ne désigne plus quelque chose, elle s’adresse à quelqu’un. L’image apparaît maintenant comme une modalité d’expression, et prend son sens dans un style, si on peut entendre par « style » le mouvement originaire de l’imagination quand il prend le visage de l’échange. Mais nous voici déjà sur le registre de l’histoire. L’expression est langage, œuvre d’art, éthique : tous problèmes de style, tous moments historiques dont le devenir objectif est constituant de ce monde, dont le rêve nous montre le moment originaire et les significations directrices pour notre existence17.
- 18 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », in Signes, p. 73.
5Cet usage du concept de style semble une reprise et un déplacement du « Langage indirect et les voix du silence », paru deux ans plus tôt dans Les Temps Modernes. Pour comprendre le pouvoir expressif du langage sans risquer de le confondre avec le décodage (« Dire, ce n’est pas mettre un mot sous chaque pensée »18), Merleau-Ponty se tourne vers la peinture. L’apparition du style est le moment où l’artiste conquiert à la fois ce qu’il voulait dire, et un langage accessible à autrui pour le dire.
- 19 Ibid., p. 85.
Avant que le style devienne pour les autres objet de prédilection, pour l’artiste même (au grand dommage de son œuvre) objet de délectation, il faut qu’il y ait eu ce moment fécond où il a germé à la surface de son expérience, où un sens opérant et latent s’est trouvé les emblèmes qui devaient le délivrer et le rendre maniable pour l’artiste en même temps qu’accessible aux autres19.
- 20 M. Merleau-Ponty, La prose du monde, C. Lefort (éd.), Paris, Gallimard (Tel ; 218), 1992, p. 84. Da (...)
- 21 Voir dans ce volume l’article de Valentin Sonnet, « La prose du monde : le style comme universalité (...)
6Le style pictural donne à voir le monde, et le monde du peintre. Il manifeste l’évidence paradoxale de la perception, qui est tout à la fois saisie du monde, et saisie de mon monde. C’est en ce sens que la « perception déjà stylise »20 pour Merleau-Ponty. Le style n’est toutefois qu’un langage indirect : il n’est jamais maîtrisé et connu, mais surgit à l’insu d’un acte expressif se cherchant21. Le concept merleau-pontien de style célèbre la réussite de l’expression sans réellement donner les moyens de la comprendre. Le modèle de la peinture, et plus précisément du musée, montre d’ailleurs que Merleau-Ponty ne pense pas l’expression comme une modalité d’échange. D’un point de vue foucaldien, « Le langage indirect » s’arrête donc au même point que la phénoménologie husserlienne.
- 22 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 125.
- 23 Expression effective, mais non réussie dans le cas de Dora, puisque Freud n’a pas compris qu’elle l (...)
7Foucault ne situe plus le concept de style dans la perception, mais dans le rapport à soi et à autrui qu’est le rêve ou l’expérience imaginaire qu’on tente d’adresser à quelqu’un. Le style caractérise donc moins l’acte expressif en général, que le « labeur de l’expression », c’est-à-dire l’expression travaillée pour être adressée à quelqu’un. Ainsi les rêves de Dora acquièrent-ils leur style propre dès lors que la patiente tente, par eux, de dire à son analyste qu’elle n’a plus besoin de lui, et souhaite cesser la cure22. Le style des images oniriques de Dora transforme la succession de symboles isolés par l’analyse freudienne en une expression effective23.
- 24 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 147.
8Replacés sur le sol existentiel, les acquis de la psychanalyse en matière de symbolique onirique, et les acquis de l’histoire de l’art pour l’étude des styles, pourraient participer, selon Foucault, à l’élaboration d’une « anthropologie de l’expression »24. Cette possibilité d’un champ nouveau de connaissance, qu’aurait ouvert Binswanger, montre la manière dont Foucault s’approprie et déplace le concept merleau-pontien. Pour l’auteur du « Langage indirect », le style est le sens se donnant dans l’expression, que l’on soit du côté du sujet qui s’exprime, ou du côté du sujet qui recueille l’expression. L’exemple de la peinture prouve l’effectivité de cette donation, tout en passant sous silence le problème du partage effectif d’un langage commun. Au fond, pour Merleau-Ponty, le problème est toujours déjà résolu, comme est supposée le montrer la peinture :
- 25 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect… », p. 97, l’auteur souligne.
L’unité de la peinture, elle n’est pas seulement au Musée, elle est dans cette tâche unique qui se propose à tous les peintres, qui fait qu’un jour au Musée ils seront comparables, et que ces feux se répondent l’un à l’autre dans la nuit25.
9Que toute peinture soit comparable à une autre ne fait pas de doute, car n’importe quoi peut être comparé à n’importe quoi. Mais que toute peinture soit, avec le temps, commensurable à toute autre est très discutable, même au sein de la peinture occidentale – ce qui est déjà une restriction considérable appliquée à la peinture. Il est vrai que Merleau-Ponty ne prétend pas traiter de la peinture pour elle-même, mais uniquement comme preuve qu’il n’y a aucun problème, et que tout est toujours déjà résolu. De ce point de vue, on peut souscrire au diagnostic foucaldien, si on l’applique au « Langage indirect ».
- 26 Au tournant d’une phrase, Foucault parle également du « style phénoménologique », sans que cet usag (...)
10De manière caractéristique, Merleau-Ponty n’évoque le style que sous sa modalité individuelle, et non sous sa modalité sociale et collective. Or, ce n’est pas seulement le peintre qui a un style, mais une école, un groupe, une époque, une nation, une ville, etc. C’est d’ailleurs principalement en ce sens que les historiens de l’art utilisent le terme de style. En faisant du style l’objet possible d’une « anthropologie de l’expression », Foucault identifie la difficulté, sans combler la lacune conceptuelle du « Langage indirect » : comme chez Merleau-Ponty, l’idée de « style » localise le problème plus qu’elle ne le résout. La pensée foucaldienne est ici écartelée entre une conception subjective du style largement inspirée, nous semble-t-il, de Merleau-Ponty, et une tentative de sortir d’un « style phénoménologique »26 dont Foucault perçoit les limites. Un projet anthropologique fait signe vers une désubjectivation du concept de style, mais l’expression dont il s’agit de construire l’anthropologie est encore impensable par Foucault en dehors du paradigme phénoménologique.
- 27 M. Foucault, Histoire de la sexualité III. Le souci de soi, Paris, Gallimard (Tel ; 280), 1997, p. (...)
11On pourrait objecter que c’est là accorder trop d’importance à un texte mineur de Foucault. Si le texte est incontestablement de circonstance (la rédaction d’une préface au Rêve et l’existence), il comprend maints thèmes qui seront repris trente ans plus tard dans l’Histoire de la sexualité, à commencer par le rêve comme rapport à soi27. Mais dans Le souci de soi, le rêve n’est plus une expérience existentielle spécifique, anhistorique, susceptible de fonder une anthropologie de l’expression, mais l’une des nombreuses expériences qui permettent de déceler, dans une culture, une certaine stylisation de soi. Cet écho interne à l’œuvre justifiait qu’on commençât notre étude par l’introduction de Foucault à l’ouvrage Le rêve et l’existence de Binswanger.
Le style de style structuraliste dans Les mots et les choses
- 28 M. Foucault, « La recherche scientifique et la psychologie », in Dits et écrits I, p. 165-186.
- 29 Foucault souligne dans ce texte le caractère négatif de la recherche en psychologie : elle s’oppose (...)
- 30 M. Foucault, « La recherche scientifique… », p. 181.
- 31 Ibid., p. 166.
12On pourrait lire le détachement progressif de la phénoménologie par Foucault comme l’abandon du projet d’une anthropologie de l’expression au bénéfice d’une archéologie des ordres du discours. Que devient la référence au style dans la période dite « structuraliste » de la philosophie foucaldienne ? Déjà dans sa période de travail sur le manuscrit de l’Histoire de la folie, Foucault n’use plus du style de manière merleau-pontienne ou existentialiste. Lorsqu’en 1957, dans « La recherche scientifique et la psychologie »28, Foucault s’étonne du style particulier de la recherche en psychologie29, il n’use plus du terme pour désigner un style d’expression subjective ou même un style de pensée (comme dans la référence au « style phénoménologique » dans le texte de 1954), mais pour caractériser la spécificité d’un « ordre de recherche »30. Saisir le style de la recherche en psychologie revient à la distinguer des autres ordres de recherche scientifique. Le style fait alors figure de symptôme d’un « a priori historique de la psychologie »31, qu’il revient au philosophe de décrire. Contrairement aux réflexions écrites dans le sillage de Binswanger, le style devient une catégorie opératoire.
13C’est dans le sillage de la rédaction et de la publication des Mots et les choses, en 1966, que les références foucaldiennes au style sont les plus conceptuelles et les plus rigoureuses. L’idée de style n’apparaît ainsi pas directement dans le livre, mais dans les réponses aux questions et objections qui lui sont faites.
- 32 M. Foucault, « La philosophie structuraliste permet de diagnostiquer ce qu’est “aujourd’hui” », in (...)
[L’]existentialisme a probablement, pendant une dizaine d’années, offert un style d’existence à un certain nombre d’intellectuels français et peut-être aussi européens, mais on peut dire qu’aucun savoir n’a jamais pu être dit existentialiste. […] Ce que j’ai essayé de faire, c’est d’introduire des analyses de style structuraliste dans des domaines où elles n’avaient pas pénétré jusqu’à présent, c’est-à-dire dans le domaine de l’histoire des idées, l’histoire des connaissances, l’histoire de la théorie32.
- 33 Ibid., p. 608.
- 34 Ibid.
- 35 Ibid., p. 610.
14Le divorce d’avec l’existentialisme est sinon consommé, du moins déclaré et assumé. Aucun champ de connaissance nouveau n’a été produit par l’existentialisme. Les faits historiques sont selon Foucault sans appel : l’extraordinaire fécondité théorique des années 1950 dans les champs linguistique, sociologique, historique et économique est contemporaine d’une stagnation, et même d’une forme d’obsolescence, de l’existentialisme. Foucault fait ce diagnostic de manière détachée, comme s’il n’était déjà plus partie prenante de cette histoire de la philosophie française. L’existentialisme est pour Foucault porteur d’un projet philosophique suranné : celui consistant à être une « spéculation autonome sur le monde, la connaissance ou l’être humain »33. La philosophie est désormais, ou doit être, « une forme d’activité engagée dans un certain nombre de domaines »34. L’existentialisme se déploie dans les années 1930 et 1940 au croisement d’une situation politique exceptionnelle (la lutte contre le fascisme) et d’une tradition philosophique dont l’alpha et l’oméga sont Hegel et Heidegger35. Selon Foucault, l’existentialisme n’avait pas pour but, et ne fut jamais l’occasion, de produire un nouveau style de recherche, mais de proposer un « style d’existence » aux intellectuels. Sa finalité était éthique et politique. Sous l’atonie des années 1950 et 1960, l’existentialisme ne pouvait devenir qu’une chose du passé : le diagnostic est historique avant d’être thétique et conceptuel.
- 36 Ibid.
- 37 Ibid., p. 611.
15Au terme des Mots et les choses, la phénoménologie et l’existentialisme apparaissent ainsi comme des ordres du discours dont l’archéologue commence à pouvoir décrire l’a priori historique, ce qui est par définition impossible à propos d’un ordre du discours auquel on appartient encore. Le structuralisme, dont le rapport avec le contexte de « sécheresse politique »36 n’est pas élucidé par Foucault, ne donne pas lieu à un style d’existence, mais à un style de recherche – le « style structuraliste »37, que l’on reconnaît dans des champs scientifiques aussi divers que l’économie, l’histoire, la linguistique, la critique littéraire ou l’anthropologie. Il ne s’agit pas de fonder une philosophie structuraliste : le philosophe, engagé par tradition dans l’histoire des idées, des connaissances et des théories, introduit des « analyses de style structuraliste » dans ces domaines. Dans le même mouvement, Foucault énonce ce qu’il ne cesse de réaffirmer dans ses entretiens : il n’est pas structuraliste. Ce style structuraliste sans le structuralisme n’est-il qu’une écume superficielle, une coquille vide ?
- 38 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », in Dits et écrits I, p. 619.
16Sans prétendre être structuraliste, ou fonder une philosophie structuraliste, Foucault reconnaît entre le structuralisme et Les mots et les choses un style commun, une même « configuration du savoir »38.
- 39 C’est-à-dire dans Les mots et les choses.
- 40 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 619.
Si le style d’analyse que j’ai essayé d’y formuler est recevable39, on devrait pouvoir définir le modèle théorique auquel appartient non seulement mon livre, mais ceux qui appartiennent à la même configuration de savoir. Sans doute est-ce celle qui nous permet aujourd’hui de traiter de l’histoire comme ensemble d’énoncés effectivement articulés, de la langue comme objet de description et ensemble de relations par rapport au discours, aux énoncés qui font l’objet de l’interprétation40.
- 41 Foucault diagnostique trois blessures faites à la philosophie : l’autonomisation des sciences humai (...)
- 42 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 620.
- 43 M. Foucault, « Qui êtes-vous… », p. 640.
- 44 W. Goris, « L’a priori historique chez Husserl et Foucault (II). La pertinence philosophique d’un c (...)
- 45 « Si Foucault s’inscrit bien dans la tradition philosophique, c’est dans la tradition critique qui (...)
- 46 E. Husserl, L’origine de la géométrie, J. Derrida (trad. fr), 5e éd., Paris, PUF (Épiméthée), 1999, (...)
- 47 Wouter Goris montre que l’a priori historique de L’origine de la géométrie est assimilable à l’a pr (...)
- 48 W. Goris, « L’a priori historique chez Husserl et Foucault (II) », p. 36.
17Les mots et les choses ne partagent pas avec le structuralisme un ensemble de thèses ou de présupposés théoriques, mais un style dont le sujet n’est ni un individu ni une école de pensée, mais une « configuration de savoir ». S’il n’est pas possible de faire l’archéologie de sa propre configuration de savoir, le style de cette dernière nous apparaît. Foucault n’est pas structuraliste, et le « style structuraliste » qu’il revendique n’est pas un vernis appliqué en catastrophe sur une philosophie blessée et en possible voie d’obsolescence41. Par « style structuraliste », il faut entendre le style commun avec les savoirs structuralistes, en raison d’un a priori historique commun. Or, si les divers interlocuteurs de Foucault dans les Dits et écrits perçoivent l’identité de style entre Les mots et les choses et l’école structuraliste, la configuration de savoir à laquelle le livre et le structuralisme appartiennent est en réalité bien plus vaste. La philosophie analytique, citée à travers les figures de Russell et de Wittgenstein42, partage avec le structuralisme le style de leur interrogation sur la logique. Russell est ainsi explicitement rapproché de Saussure, ces deux théoriciens incarnant la nouvelle manière de faire de la philosophie : non plus tenir un discours sur la « totalité du monde », mais avoir « un type d’activité interne à un domaine objectif »43. On pourrait toutefois objecter à Foucault que l’ouvrage Les mots et les choses, bien que s’exerçant dans le domaine objectif de l’histoire des idées et des sciences, a encore une perspective totalisante en mettant au jour l’idée d’a priori historique. Mais ce qui caractérise le style philosophique de l’œuvre de 1966, c’est l’impossibilité même d’autonomiser, en son sein, ce qui relève de la philosophie d’une part, et ce qui relève des apports de l’histoire d’autre part. La perspective totalisante est abandonnée, en déplaçant l’entreprise critique des conditions de possibilité des connaissances vers les conditions de réalité des énoncés ayant été tenus44. Mais à la différence de l’a priori kantien45, toute visée législatrice est abandonnée : si la Critique de la raison pure prétend, non seulement décrire les conditions de possibilité de la connaissance, mais aussi normer ce que peut et doit être une science, il n’en va plus de même de l’a priori historique, lequel est décrit, mais ne prétend plus à l’universalité. Cet a priori historique se distingue également de sa version husserlienne dans L’origine de la géométrie46 : l’a priori historique foucaldien n’est pas l’invariant de l’historicité. Il n’est pas un a priori du monde de la vie47, mais une figure empirique variable dénuée d’essentialité48.
- 49 M. Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), 1969, (...)
18Le projet d’une archéologie des configurations de savoir exige d’abandonner les concepts et schémas classiques de l’histoire des idées : génie, influence, évolution, mentalité, esprit49. L’archéologie du savoir envisage toutefois de conserver le style, comme critère possible de préidentification des formations discursives :
- 50 Ibid., p. 47, l’auteur souligne.
Seconde hypothèse pour définir, entre des énoncés, un groupe de relations : leur forme et leur type d’enchaînement. Il m’avait semblé par exemple que la science médicale à partir du XIXe siècle se caractérisait moins par ses objets ou ses concepts que par un certain style, un certain caractère constant de l’énonciation. Pour la première fois, la médecine n’était plus constituée par un ensemble de traditions, d’observations, de recettes hétérogènes, mais par un corpus de connaissances qui supposait un même regard posé sur les choses, un même quadrillage du champ perceptif, une même analyse du fait pathologique selon l’espace visible du corps, un même système de transcription de ce qu’on perçoit dans ce qu’on dit (même vocabulaire, même jeu de métaphores) ; bref il m’avait semblé que la médecine s’organisait comme une série d’énoncés descriptifs. Mais là encore, il a fallu abandonner cette hypothèse de départ et reconnaître que le discours clinique était tout autant un ensemble d’hypothèses sur la vie et la mort, de choix éthiques, de décisions thérapeutiques, de règlements institutionnels, de modèles d’enseignement, qu’un ensemble de descriptions […]50.
- 51 R. Jakobson et C. Levi-Strauss, « “Les Chats” de Charles Baudelaire », L’Homme, t. 2, no 1, 1962, p (...)
- 52 Ibid., p. 405.
- 53 Ibid., p. 408.
19L’hypothèse d’un style descriptif caractérisant à lui seul la médecine est déboutée, mais faut-il en conclure que l’idée même de style ne peut plus être un critère d’identification d’une formation discursive ? Rien n’est moins sûr, et l’italique met curieusement en valeur une notion dont l’usage est toutefois décevant. Il semble plutôt que la médecine montre l’insuffisance de la description structuraliste du style pour saisir l’unité d’une formation discursive, laquelle ne comprend pas seulement des énoncés descriptifs, mais aussi des énoncés normatifs et éthiques prenant forme dans des institutions et donnant lieu à des choix. La définition du style comme « forme et type d’enchaînement » entre des énoncés correspond en effet parfaitement à ce qui reste du style littéraire en régime structuraliste : la première partie des « “Chats” de Charles Baudelaire » de Jakobson et Levi-Strauss, parus en 196251, déplace les classiques analyses de style vers une pure description des formes d’énoncés (« Toutes les formes personnelles des verbes et des pronoms, et tous les sujets des propositions verbales, sont au pluriel dans tout le sonnet, sauf dans le septième vers »52) et de leur enchaînement typique (« Les six premiers vers du sonnet sont unis par un trait réitératif : une paire symétrique de termes coordonnés, liés par la même conjonction et […]. Les juxtaposés sans conjonction sont une variation sur le même schème »53). On peut donc dire que Foucault utilise un concept structuraliste de style dans L’archéologie du savoir : c’est ce concept précis de style qui est infirmé par l’étude de la formation discursive qu’est la médecine, notamment en ce qu’elle comprend des énoncés non descriptifs. Mais comment caractériser ce style de style structuraliste qu’utilise l’archéologue du savoir, et qui ne répond pourtant pas à la définition structuraliste du style ?
Le style anonyme, et la reconfiguration de l’auctorialité
- 54 Ibid., p. 418.
20Revenons aux « “Chats” de Charles Baudelaire » de Jakobson et Levi-Strauss : malgré le titre de l’article, le nom du poète est gommé de tout le texte critique, jusqu’à l’avant-dernier alinéa où il réapparaît, en même temps que la figure de la femme sous le symbole du chat, et sans que le saut de l’axe syntagmatique vers l’axe paradigmatique ne puisse être justifié autrement que par une référence à un autre poème de Sainte-Beuve54. Tout le reste du texte propose une description anonyme du sonnet : elle n’est comme faite par personne, et porte sur un ensemble d’énoncés traités sans référence à un individu ou à d’autres sonnets de l’auteur. Or, c’est précisément cette quête d’anonymat et ce positionnement épistémologique dans l’anonymat qui caractérisent le style structuraliste du savoir pour Foucault :
- 55 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 619.
Mon livre est une pure et simple fiction : c’est un roman, mais ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est le rapport de notre époque et de sa configuration épistémologique à toute cette masse d’énoncés. Si bien que le sujet est en effet présent dans la totalité du livre, mais il est le « on » anonyme qui parle aujourd’hui dans tout ce qui se dit55.
- 56 Ibid., p. 623.
[C]e que je fais se place dans l’anonymat général de toutes les recherches qui actuellement tournent autour du langage, c’est-à-dire non seulement de la langue qui permet de dire, mais des discours qui ont été dits56.
- 57 E. Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, G. Granel (trad (...)
21Ce que décrivent Les mots et les choses, c’est le style d’un « on ». Foucault retrouve à nouveau un thème phénoménologique : Husserl comme Merleau-Ponty ont pensé une « subjectivité anonyme », ou un « on » ancré dans la chair, corollaires du monde de la vie. L’ego a également une forme d’anonymat : le sujet des Méditations métaphysiques n’est pas René Descartes, et la posture du philosophe du sujet est toujours un positionnement dans une forme d’anonymat. Mais le sujet dans lequel Foucault ancre le style n’a pas l’anonymat souverain de l’ego (capable d’avoir un discours autonome sur le monde), ni l’invariance historique de la subjectivité anonyme. Le sujet auteur des Mots et les choses est un événement historique anonyme, point de rencontre entre une configuration épistémologique particulière, et des énoncés antérieurs regardés de manière nouvelle du fait d’un autre a priori historique. Ainsi, chez Husserl comme chez Foucault, le style est ancré dans le « on », mais Husserl y voit le « style général invariant »57 du monde des évidences pré-théoriques, tandis que Foucault fait du style la caractéristique d’une configuration empirique déterminée.
- 58 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 624.
Je me demande si on ne retrouve pas actuellement sous la forme du rapport du nom à l’anonymat une certaine transposition du vieux problème classique de l’individu et de la vérité, ou de l’individu et de la beauté. Comment se fait-il qu’un individu né à un moment donné, ayant telle histoire et tel visage, puisse découvrir, et lui seul et le premier, telle vérité, peut-être même la vérité ? C’est la question à laquelle répondent les Méditations de Descartes : comment ai-je pu, moi, découvrir la vérité ? Et, bien des années plus tard, on la retrouve dans le thème romantique du génie : comment un individu logé dans un pli de l’histoire peut-il découvrir les formes de beauté dans lesquelles s’exprime toute la vérité d’une époque ou d’une civilisation ? Le problème aujourd’hui ne se pose plus dans ces termes : nous ne sommes plus dans la vérité, mais dans la cohérence des discours, plus dans la beauté, mais dans de complexes rapports de formes. Il s’agit maintenant de savoir comment un individu, un nom peut être le support d’un élément ou groupe d’éléments qui, venant s’intégrer dans la cohérence des discours ou le réseau indéfini des formes vient effacer ou au moins rendre vide et inutile ce nom, cette individualité dont il porte pourtant jusqu’à un certain point, pendant un certain temps et pour certains regards, la marque58.
22La philosophie du sujet, et son corollaire esthétique qu’est l’idée d’individualité géniale, visent selon Foucault à justifier que la vérité soit découverte par un individu. Entre l’individu trouvant sa place dans le tissu de l’histoire, et la vérité n’appartenant à personne, se loge le sujet empirico-transcendantal.
23Les remarques de Foucault sur les Méditations métaphysiques sont allusives. Il semble interpréter la plongée dans le doute radical, puis la remontée progressive vers l’empiricité de la sixième méditation, comme une tentative de justifier que l’individu Descartes soit non seulement l’auteur d’un ouvrage, mais que son nom soit attaché à la vérité. Mais il est probable que le véritable interlocuteur de Foucault soit ici, une nouvelle fois, l’auteur de La crise des sciences européennes. En effet, c’est moins Descartes que Husserl relisant l’histoire de la pensée occidentale qui pose la question du lien entre subjectivité transcendantale et subjectivité mondaine, entre l’idée galiléenne de la nature et l’individualité empirique « Galilée ». En s’intéressant à des énoncés effectifs, la variante archéologique de la question du nom et de l’individualité empirique devient ainsi celle de l’auteur. Qu’est-ce qui justifie qu’un ensemble d’énoncés soit rapporté à un auteur ? Et qu’est-ce qui justifie que des noms d’auteurs apparaissent dans Les mots et les choses, alors même qu’on a abandonné l’idole « individu » ou « génie » de la tribu des historiens des idées ? Quel est le statut de ces noms d’auteur, une fois le style de leurs énoncés rapportés à leur véritable sujet qu’est leur a priori historique empirique ?
- 59 M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Dits et écrits I, p. 817-849.
24L’année de la publication de L’archéologie du savoir, Foucault donne une première conférence à la Société française de philosophie sur l’auteur59. Foucault rappelle les objections qui lui furent faites à propos de son utilisation des noms d’auteurs dans Les mots et les choses, et conclut :
- 60 Ibid., p. 819.
J’ai parlé de Buffon, de Cuvier, de Ricardo, etc., et j’ai laissé ces noms fonctionner dans une ambiguïté fort embarrassante60.
- 61 Ibid., p. 837.
25Les réflexions foucaldiennes sur la « fonction-auteur » historicisent cette notion (il y a des civilisations sans auteurs) tout en lui redonnant vie. Car il y a place pour une autre fonction-auteur, utilisée pour identifier le commencement de nouvelles discursivités. L’auteur devient ainsi un instaurateur de discursivité, et c’est en ce sens que Foucault prétend avoir utilisé les noms propres dans Les mots et les choses61.
- 62 Ibid., p. 819.
- 63 Ibid.
26Dès lors, que devient le style ? L’auteur est-il un instaurateur de style, ou la discursivité qu’il instaure est-elle marquée du style de son a priori historique ? Si l’auteur était un fondateur de style, alors Foucault tomberait sous les objections qui lui furent faites à propos des Mots et les choses. « [O]n m’a dit : vous ne décrivez pas comme il faut Buffon, ni l’ensemble de l’œuvre de Buffon »62, mais ces remarques ne sont « pas tout à fait pertinentes »63 par rapport au projet du livre de 1966. C’est donc la seconde branche de l’alternative qui s’impose. Aussi le style, bien que lié à la fonction-auteur, se trouve-t-il désubjectivé : il est la marque anonyme d’un a priori historique, et c’est pourquoi il renvoie l’auteur à un certain anonymat. L’auteur n’est plus qu’un point-support dans une configuration des savoirs participant au même a priori historique. C’est pourquoi plusieurs formations discursives peuvent avoir le même style.
Le style assujettissant
27La notion de style n’est plus utilisée par Foucault avant les années 1980. Sans doute avait-elle été trop redéfinie dans les termes de l’archéologie pour ne pas connaître une éclipse après l’abandon de cette méthode. L’idée réapparaît dans des textes de statuts différents, mais selon une intuition commune. Il faut citer tout d’abord les entretiens et textes à connotation politique, évoquant le combat politique en faveur de la cause homosexuelle. Bien qu’ils ne soient stricto sensu ni philosophiques ni scientifiques, ces textes sont importants pour comprendre le contexte dans lequel Foucault utilise l’idée d’une « stylistique de l’existence ». Interrogé en 1982 sur la lutte pour l’obtention de droits pour les homosexuels, Foucault sort des coordonnées strictement légales de la question :
- 64 M. Foucault, « Le triomphe social du plaisir sexuel : une conversation avec Michel Foucault », in D (...)
Il peut y avoir une discrimination envers les homosexuels, même si la loi interdit de telles discriminations. Il est donc nécessaire de se battre pour faire place à des styles de vie homosexuelle, à des choix d’existence dans lesquels les relations sexuelles avec les personnes du même sexe seront importantes. Il n’est pas suffisant de tolérer à l’intérieur d’un mode de vie plus général la possibilité de faire l’amour avec quelqu’un du même sexe, à titre de composante ou de supplément […] ; il s’agit de créer des formes culturelles64.
- 65 Foucault / Wittgenstein. Subjectivité, politique, éthique, P. Gillot, D. Lorenzini (dir.), Paris, C (...)
28Au-delà de l’obtention nécessaire des « droits des gays », et en particulier l’absence de discrimination légale, la question politique porte sur la possibilité effective de vivre selon des valeurs éthiques, esthétiques et vitales différentes. Ces styles de vie ressemblent aux « formes de vie » wittgensteiniennes65. Mais là où le problème n’est pas seulement politique, mais éthique, pour Foucault, c’est que ce style de vie n’existe pas encore. Dans un autre entretien de 1982, Foucault déclare :
- 66 M. Foucault, « Choix sexuel, acte sexuel », p. 1152.
Les publications gay ne consacrent peut-être pas autant de place que je le souhaiterais aux questions d’amitié entre homosexuels ou à la signification des relations en l’absence de codes ou de lignes de conduite établis ; mais de plus en plus de gays ont à résoudre ces questions pour eux-mêmes66.
29Une fois levé l’interdit légal sur les actes homosexuels (du moins dans plusieurs pays européens en 1982) demeure la nécessité de dessiner un nouveau style de vie, avec son éthique, et ses codes implicites respectés de la communauté. Il semble que, pour Foucault, l’amitié entre homosexuels soit un lieu possible de problématisation morale, d’où naîtraient des valeurs et un certain rapport à soi-même, qui n’auraient de sens que dans le style de vie homosexuelle.
30Ces entretiens philosophiques et politiques éclairent les deux ouvrages de 1984. La stylistique de l’existence vise moins à décrire un style de vie déjà constitué qu’à montrer l’activité du travail de problématisation morale, et l’activité du rapport à soi, qui engendrent de nouvelles valeurs et de nouvelles manières de se conduire.
- 67 M. Foucault, Histoire de la sexualité II. L’usage des plaisirs, p. 34-35.
Il faut comprendre ces thèmes de l’austérité sexuelle, non comme une traduction ou un commentaire de prohibitions profondes et essentielles, mais comme élaboration et stylisation d’une activité dans l’exercice de son pouvoir et la pratique de sa liberté. […] Plutôt que de chercher les interdits de base qui se cachent ou se manifestent dans les exigences de l’austérité sexuelle, il fallait chercher à partir de quelles régions de l’expérience et sous quelles formes le comportement sexuel a été problématisé, devenant objet de souci, élément pour la réflexion, matière à stylisation67.
31C’est moins tel ou tel style qui intéresse Foucault que le travail de production d’un style. Or, ce travail ne peut avoir lieu que dans un domaine où l’on a une certaine liberté, c’est pourquoi l’éthique ne peut se réduire à une étude des interdits et des devoirs. Le style est une finalité que l’on choisit pour soi-même et en fonction de laquelle on ne cesse de se travailler. Le sujet moral n’en est pas le fondement, mais le résultat.
- 68 Ibid., p. 37.
Une chose en effet est une règle de conduite ; autre chose la conduite qu’on peut mesurer à cette règle. Mais autre chose encore, la manière dont on doit « se conduire », – c’est-à-dire la manière dont on doit se constituer soi-même comme sujet moral agissant en référence aux éléments prescriptifs qui constituent le code. Un code d’actions étant donné et pour un type déterminé d’actions […], il y a différentes manières de « se conduire » moralement, différentes manières pour l’individu agissant d’opérer non pas simplement comme agent, mais comme sujet moral de cette action68.
- 69 Ibid.
- 70 P. Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Seuil (Points. Histoire), 1985, 2 vol.
32Le style est une manière d’habiter une norme, dont découlent la substance éthique69 à travailler (par exemple l’activité sexuelle) et un certain type de soi. Le soi classique use de plaisirs d’intensités variables sans travailler son rapport à son propre désir, tandis que le soi hellénistique travaille principalement la substance de son désir, le soi chrétien devenant véritablement un sujet de désir, c’est-à-dire un soi qui se définit par le type de désir qui l’habite et qu’il ne peut jamais éradiquer. Il n’y a pas de sujet moral anhistorique, mais différentes manières d’habiter des normes, dont l’évolution et la variation sont très lentes. En ce sens, si l’objet de l’histoire est peut-être le style, à l’image des travaux de Philippe Ariès, l’objet de l’éthique philosophique est la stylisation. La « stylistique de l’existence » est toutefois un redécoupage de formations discursives, où histoire et philosophie peuvent converger. Foucault écrit dans un très beau texte en hommage à l’auteur de L’homme devant la mort70 :
- 71 M. Foucault, « Le souci de la vérité », in Dits et écrits II, p. 1467.
« Histoire des mentalités » – il a lui-même employé le mot. Mais il suffit de lire ses livres : il a fait plutôt une « histoire des pratiques », de celles qui ont la forme d’habitudes humbles et obstinées, comme de celles qui peuvent créer un art somptueux ; et il a cherché à déceler l’attitude, la manière de faire ou d’être, d’agir et de sentir qui pouvait être à la racine des unes et des autres. Attentif au geste muet qui se perpétue pendant des millénaires comme à l’œuvre singulière qui dort dans un musée, il a fondé le principe d’une « stylistique de l’existence » – je veux dire d’une étude des formes par lesquelles l’homme se manifeste, s’invente, s’oublie ou se nie dans sa fatalité d’être vivant et mortel71.
33Cette « fatalité » n’est pas sans lien avec la fatalité d’avoir des plaisirs, la fatalité d’avoir une activité sexuelle. La différence entre Foucault et Ariès semble être l’humanisme : Foucault décrit l’historien comme un humaniste, dont le projet historico-philosophique est de montrer comment « l’homme se manifeste ». La stylistique foucaldienne de l’existence, en faisant du sujet le résultat d’une stylisation, rompt avec cet humanisme philosophique pour contribuer à une généalogie de la subjectivité.
Le style de Foucault
34Quoiqu’elle occupe une place modeste dans l’œuvre foucaldienne, à l’exception des œuvres publiées de 1984, la notion de style est thématisée par Foucault à des moments clés. Jusque dans les années 1960, elle témoigne du détachement progressif de Foucault vis-à-vis de sa formation phénoménologique et existentialiste, dans une tentative de désubjectivation de l’idée de style. S’inspirant probablement de la conception merleau-pontienne du style dans « Le langage indirect et les voix du silence », Foucault abandonne une définition encore expressive et existentialiste du style, pour en faire un critère d’identification des nouveaux objets historiques que sont les formations discursives. La définition structuraliste du style se montre toutefois insuffisante pour saisir les liens entre pratiques et ordres discursifs. Au lieu de tenter de penser des « styles de pratique », Foucault abandonne le concept. La période qui s’ouvre avec Surveiller et punir donne ainsi lieu à une éclipse de la notion de style dans le corpus foucaldien. Elle réapparaît au croisement d’une actualité politique – au-delà des droits des gays, la possibilité d’un style de vie gay dans la société – et de la généalogie de la subjectivité. Après avoir été totalement désubjectivé dans la période dite « structuraliste » de Foucault, le style devient un opérateur d’assujettissement et de subjectivation dans l’Histoire de la sexualité – ce qui ne signifie pas que le sujet moral soit une chimère. Dans les dernières œuvres, le style permet moins de critiquer le sujet que d’en proposer une compréhension positive et proprement foucaldienne.
- 72 Alain de Libera est probablement celui qui a le plus pris acte, dans ses travaux d’histoire de la p (...)
- 73 M. Foucault, « Le style de l’histoire », in Dits et écrits II, p. 1468-1474.
35Ces interrogations implicites ou explicites de Foucault sur le style posent la question des styles de philosophie, et plus particulièrement du style de Michel Foucault. Dans sa conférence consacrée au concept d’auteur, Michel Foucault renouvelait profondément la théorie littéraire et la thématique de « la mort de l’auteur ». Ce texte de 1969 a des conséquences théoriques, académiques et pratiques sur le rapport qu’entretient la philosophie avec « ses » auteurs, dont la discipline n’a pas pris la mesure72. Or, dans le sillage de la publication des Mots et les choses, il s’agissait précisément pour Foucault de justifier l’inauguration d’un nouveau style philosophique dans le traitement des auteurs. Dans un contexte méthodologique très différent, les dernières œuvres de Foucault sont marquées par un nouveau style de philosopher, qui est aussi un nouveau style de corpus et un nouveau style de lecture des auteurs. On peut également se demander si, en faisant du style la marque d’un a priori historique permettant de rassembler des ordres discursifs divers, Foucault ne mettait pas également en abyme son propre style de philosophie, proche d’un nouveau style historiographique73.
- 74 I. Thomas-Fogiel, Le lieu de l’universel. Impasses du réalisme dans la philosophie contemporaine, P (...)
36Le point aveugle de la réflexion foucaldienne semble donc être la question du style philosophique en général, et de son propre style philosophique en particulier. Cette lacune ouvre peut-être une perspective pour notre présent. De même qu’il est plus fécond d’étudier la stylisation de la substance éthique que l’histoire des obligations et interdits, ne serait-il pas plus intéressant de traiter des grandes frontières philosophiques, non plus en termes de thèses ou de paradigmes adverses, mais de stylisation de questions communes ? Négativement à propos de la phénoménologie et de l’existentialisme, puis positivement à propos de la philosophie antique, Foucault osa interroger le passé et le présent philosophiques en termes de style. Qu’est-ce qu’un style philosophique ? La philosophie a-t-elle nécessairement à voir avec un style d’existence ? Peut-on faire une stylistique des philosophies ? Dans une perspective non foucaldienne, il nous semble que les réflexions d’Isabelle Thomas-Fogiel sur la fausse « guerre des paradigmes »74 entre philosophie continentale et philosophie analytique ouvrent un tel questionnement.
Notes
1 M. Foucault, Histoire de la sexualité II. L’usage des plaisirs, Paris, Gallimard (Tel ; 279), 1997, p. 37 et p. 39.
2 P. Sabot, « Foucault et Merleau-Ponty : un dialogue impossible ? », Les études philosophiques, no 106, 2013, p. 317-332 ; T. Bolmain, « Foucault lecteur de Husserl : articuler une rencontre », Bulletin d’analyse phénoménologique, t. IV, no 3, 2008, p. 202-238, en ligne à l’adresse suivante : https://popups.uliege.be/1782-2041/index.php?id=204 ; ainsi que les travaux de B. Han, notamment « L’a priori historique selon Michel Foucault : difficultés archéologiques », in Lectures de Michel Foucault, E. da Silva (dir.), Lyon, ENS Éditions (Theoria), vol. 2, Foucault et la philosophie, 2003, p. 23-38, où la relation de Foucault à Merleau-Ponty et Husserl est longuement analysée.
3 L. Binswanger, Le rêve et l’existence, J. Verdeaux (trad. fr.), introduction et notes de M. Foucault, Paris, Desclée de Brouwer (Textes et études anthropologiques), 1954. L’introduction de Michel Foucault fut rééditée dans les Dits et écrits I, 1954-1975, D. Defert, F. Ewald (éd.), 2e éd., Paris, Gallimard (Quarto), 2001, p. 93-147. L’ouvrage de Binswanger a fait l’objet d’une nouvelle traduction : Rêve et existence, F. Dastur (trad. fr), Paris, J. Vrin (Bibliothèque des textes philosophiques), 2013.
4 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », in Dits et écrits I, p. 101.
5 Ibid., p. 107.
6 Ibid.
7 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », Les Temps Modernes, no 80, juin 1952, p. 2113-2144 et no 81, juillet 1952, p. 70-94. Le texte fut republié dans Signes, Paris, Gallimard, 1960, p. 63-135.
8 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 106.
9 Ibid., p. 107.
10 Ibid., p. 147.
11 Il est hors du propos de cet article de critiquer la lecture foucaldienne du Rêve et l’existence : nous prenons le texte de Foucault tel qu’il est, et le lisons comme un texte foucaldien, et non comme un texte critique – et donc critiquable en tant que tel – sur l’œuvre binswangerienne.
12 Michel Foucault discute ici les thèses de Sartre. Le « Pierre » de Foucault est le « Pierre » de la conscience imaginante dans : J.-P. Sartre, L’imaginaire : psychologie phénoménologique de l’imagination, 2e éd., Paris, Gallimard, 1980, p. 239-248.
13 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 121.
14 Ibid., p. 140.
15 Ibid.
16 Ibid., p. 145.
17 Ibid., p. 146.
18 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect et les voix du silence », in Signes, p. 73.
19 Ibid., p. 85.
20 M. Merleau-Ponty, La prose du monde, C. Lefort (éd.), Paris, Gallimard (Tel ; 218), 1992, p. 84. Dans le passage parallèle du « Langage indirect… », p. 87, l’expression n’apparaît pas.
21 Voir dans ce volume l’article de Valentin Sonnet, « La prose du monde : le style comme universalité dans la partialité ».
22 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 125.
23 Expression effective, mais non réussie dans le cas de Dora, puisque Freud n’a pas compris qu’elle lui adressait, par le récit de son rêve, le souhait de cesser l’analyse.
24 M. Foucault, « Introduction [à l’ouvrage Le rêve et l’existence] », p. 147.
25 M. Merleau-Ponty, « Le langage indirect… », p. 97, l’auteur souligne.
26 Au tournant d’une phrase, Foucault parle également du « style phénoménologique », sans que cet usage puisse être élevé au rang de concept. Cela est d’autant plus remarquable que tout le texte, jusque dans sa manière d’écrire, est fortement marqué par la phénoménologie. On est tenté d’y lire une tentative de distanciation, voire d’auto-exorcisme, tant la manière d’écrire existentialiste semble encore séduire Foucault dans ces pages de 1954.
27 M. Foucault, Histoire de la sexualité III. Le souci de soi, Paris, Gallimard (Tel ; 280), 1997, p. 7-52.
28 M. Foucault, « La recherche scientifique et la psychologie », in Dits et écrits I, p. 165-186.
29 Foucault souligne dans ce texte le caractère négatif de la recherche en psychologie : elle s’oppose toujours à une science officielle. La psychologie hérite ici, selon Foucault, de la position de la psychanalyse.
30 M. Foucault, « La recherche scientifique… », p. 181.
31 Ibid., p. 166.
32 M. Foucault, « La philosophie structuraliste permet de diagnostiquer ce qu’est “aujourd’hui” », in Dits et écrits I, p. 610 et p. 611.
33 Ibid., p. 608.
34 Ibid.
35 Ibid., p. 610.
36 Ibid.
37 Ibid., p. 611.
38 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », in Dits et écrits I, p. 619.
39 C’est-à-dire dans Les mots et les choses.
40 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 619.
41 Foucault diagnostique trois blessures faites à la philosophie : l’autonomisation des sciences humaines, la perte du statut de reine des sciences et de législatrice des discours scientifiques, l’impossibilité de tenir un discours autonome indépendamment des apports des autres sciences. Pour Foucault, Husserl est le dernier des philosophes au sens classique du terme, car il prétend encore avoir un discours sur la totalité (« Qui êtes-vous, professeur Foucault ? », in Dits et écrits I, p. 640) : malgré un style phénoménologique, Sartre invente déjà une nouvelle forme de philosophie, consistant principalement en l’activité politique. Dans son entretien de 1967 publié dans La Presse de Tunisie, la question est donc de savoir si le discours philosophique continue de chercher dans l’existentialisme un « style d’existence » – au risque de sa mort clinique à brève échéance – ou s’il se transforme. Foucault oscille, jusqu’à L’usage des plaisirs et Le souci de soi, entre un déni de la pertinence de la question de savoir ce qu’est la philosophie, et la tentative de proposer une nouvelle définition de la philosophie.
42 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 620.
43 M. Foucault, « Qui êtes-vous… », p. 640.
44 W. Goris, « L’a priori historique chez Husserl et Foucault (II). La pertinence philosophique d’un concept directeur de l’épistémologie historique » [J. Farges (trad. fr.)], Philosophie, no 125, 2015, p. 32.
45 « Si Foucault s’inscrit bien dans la tradition philosophique, c’est dans la tradition critique qui est celle de Kant », écrit F. Ewald au début de la notice « Foucault » que Foucault se consacra à lui-même, sous le pseudonyme de Maurice Florence, dans le Dictionnaire des philosophes paru en 1984. M. Foucault, « Foucault », in Dits et écrits II, 1976-1988, D. Defert, F. Ewald (éd.), 2e éd., Paris, Gallimard (Quarto), 2001, p. 1460.
46 E. Husserl, L’origine de la géométrie, J. Derrida (trad. fr), 5e éd., Paris, PUF (Épiméthée), 1999, p. 204-208.
47 Wouter Goris montre que l’a priori historique de L’origine de la géométrie est assimilable à l’a priori vital-mondain du § 36 de La crise des sciences européennes dans « L’a priori historique chez Husserl et Foucault (I). La pertinence philosophique d’un concept directeur de l’épistémologie historique » [J. Farges (trad. fr.)], Philosophie, no 123, 2014, p. 23 sq.
48 W. Goris, « L’a priori historique chez Husserl et Foucault (II) », p. 36.
49 M. Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard (Bibliothèque des sciences humaines), 1969, p. 32.
50 Ibid., p. 47, l’auteur souligne.
51 R. Jakobson et C. Levi-Strauss, « “Les Chats” de Charles Baudelaire », L’Homme, t. 2, no 1, 1962, p. 5-21, réédité dans R. Jakobson, Questions de poétique, T. Todorov (éd.), Paris, Seuil (Poétique ; 9), 1973, p. 401-419.
52 Ibid., p. 405.
53 Ibid., p. 408.
54 Ibid., p. 418.
55 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 619.
56 Ibid., p. 623.
57 E. Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, G. Granel (trad. fr.), Paris, Gallimard (Tel ; 151), 1989, p. 36.
58 M. Foucault, « Sur les façons d’écrire l’histoire », p. 624.
59 M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », in Dits et écrits I, p. 817-849.
60 Ibid., p. 819.
61 Ibid., p. 837.
62 Ibid., p. 819.
63 Ibid.
64 M. Foucault, « Le triomphe social du plaisir sexuel : une conversation avec Michel Foucault », in Dits et écrits II, p. 1128. La même année, Foucault remarque dans « Choix sexuel, acte sexuel » : « je crois que ce qui gêne le plus ceux qui ne sont pas homosexuels dans l’homosexualité, c’est le style de vie gay, et non les actes sexuels eux-mêmes » (M. Foucault, « Choix sexuel, acte sexuel », in Dits et écrits II, p. 1152).
65 Foucault / Wittgenstein. Subjectivité, politique, éthique, P. Gillot, D. Lorenzini (dir.), Paris, CNRS Éditions, 2016.
66 M. Foucault, « Choix sexuel, acte sexuel », p. 1152.
67 M. Foucault, Histoire de la sexualité II. L’usage des plaisirs, p. 34-35.
68 Ibid., p. 37.
69 Ibid.
70 P. Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Seuil (Points. Histoire), 1985, 2 vol.
71 M. Foucault, « Le souci de la vérité », in Dits et écrits II, p. 1467.
72 Alain de Libera est probablement celui qui a le plus pris acte, dans ses travaux d’histoire de la philosophie médiévale, des conséquences du travail foucaldien sur l’auteur.
73 M. Foucault, « Le style de l’histoire », in Dits et écrits II, p. 1468-1474.
74 I. Thomas-Fogiel, Le lieu de l’universel. Impasses du réalisme dans la philosophie contemporaine, Paris, Seuil (L’ordre philosophique), 2015.
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Référence papier
Maud Pouradier, « Le style dans la pensée de Michel Foucault. D’une désubjectivation du style à la généalogie stylistique du sujet », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 58 | 2021, 117-136.
Référence électronique
Maud Pouradier, « Le style dans la pensée de Michel Foucault. D’une désubjectivation du style à la généalogie stylistique du sujet », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 58 | 2021, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/1660 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.1660
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