Maldiney et le cinéma
Résumés
Maldiney est né en 1912, année où le cinéma est quant à lui devenu un art, pour la première fois de type industriel. Ce philosophe en a donc été, toute sa vie durant, le contemporain. Et pourtant il ne s’y est manifestement jamais intéressé. Or cela est d’autant plus intrigant que, si la peinture a certes toujours été pour lui l’art de référence, il a toutefois su se tourner vers de nombreux autres arts. Pourquoi, même s’il ne connaissait pas, comme Stanley Cavell, les comédies hollywoodiennes, ne s’est-il pas non plus, contrairement à son collègue de Lyon, Gilles Deleuze, intéressé à ce que cet art rend possible ? Est-ce là une affaire de goût, alors privée et naïvement subjective ? Ou ce désintérêt manifeste peut-il nous dire quelque chose de ce qu’il a cherché dans l’art, et ainsi de ce qu’on peut nommer son style philosophique ?
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1Interroger, au sein d’une série d’analyses consacrées à la question du style, le rapport qu’Henri Maldiney (1912-2013) a pu entretenir au cinéma, ou plus précisément à l’art cinématographique, voilà qui peut légitimement paraître saugrenu, si ce n’est étrange, et finalement hors propos. Plus encore, la raison de cette étrangeté est au moins double, sachant que chacune de ces deux raisons pourrait à elle seule paraître rédhibitoire.
Le désintérêt à l’égard du cinéma
2La première raison tient au fait que Maldiney n’a quasi jamais parlé de cinéma, ou plutôt qu’il a entretenu, à son égard, un rapport presqu’aussi pauvre que celui que Bergson a pu avoir en son temps, voire plus pauvre encore si on l’évalue en fonction de son époque. On se souvient en effet qu’en 1907, l’auteur de L’évolution créatrice, soucieux de dénoncer notre habituelle incapacité à penser la durée – pris que nous sommes, à rebours de l’intuition, dans la logique de la spatialisation – avait sollicité, en guise de contre-modèle, l’invention alors toute récente du mécanisme cinématographique. Aussi ce nouveau procédé technique allait-il immédiatement devenir pour lui un tel paradigme de l’égarement, que le philosophe n’y porterait plus la moindre attention. Rappelons son propos :
- 1 H. Bergson, L’évolution créatrice [1907], Paris, PUF, 1969, p. 305, l’auteur souligne.
Nous prenons des vues quasi instantanées sur la réalité qui passe, et, comme elles sont caractéristiques de cette réalité, il nous suffit de les enfiler le long d’un devenir abstrait, uniforme, invisible, situé au fond de l’appareil de la connaissance, pour imiter ce qu’il y a de caractéristique dans ce devenir lui-même. Perception, intellection et langage procèdent en général ainsi. Qu’il s’agisse de penser le devenir, ou de l’exprimer, ou même de le percevoir, nous ne faisons guère autre chose qu’actionner une espèce de cinématographe intérieur. On résumerait donc tout ce qui précède en disant que le mécanisme de notre connaissance usuelle est de nature cinématographique1.
- 2 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, et Cinéma. II- L’image-temps, Paris, (...)
- 3 V. Jankélévitch et B. Berlowitz, Quelque part dans l’inachevé, Paris, Gallimard, 1978, p. 113.
3Aussi, et sans que l’illusion de la reproduction du mouvement à partir de photogrammes projetés à dix-huit images par seconde ne soit à proprement parler dénoncée, il devenait clair que, par une telle analogie, Bergson ne voyait pas, dans cette invention, de quoi penser la durée, source première de ses préoccupations philosophiques. Il faudra alors tout le génie intuitif de Gilles Deleuze pour parvenir à lire chez ce dernier de quoi nourrir une philosophie du cinéma, celle qu’il sut élaborer dans les années 19802. Il lui était alors, selon la juste expression de Jankélévitch, « infidèle par fidélité »3, c’est-à-dire qu’il était vraiment philosophe.
- 4 Sur les débuts de Chaplin au cinéma et la naissance de cet art industriel, voir notre ouvrage Le ci (...)
4Toutefois, il est important de remarquer que lorsqu’en 1907 Bergson se montre attentif au mécanisme cinématographique, le cinéma, quant à lui, vient à peine de naître. Si cette invention est certes montrée dans les foires et les music-halls, notamment ceux de Paris, Berlin, Londres ou New York dès 1895, il faudra encore attendre une dizaine d’années, à partir de 1905, pour que son succès se confirme, notamment aux États-Unis, et que naisse, à son propos, un véritable engouement populaire. Plus encore, ce n’est qu’à partir de 1912, année de naissance d’Henri Maldiney, que le cinéma, devenu une jeune industrie, a véritablement commencé à être reconnu comme un art nouveau et à part entière. Cette année-là, Mary Pickford, dirigée par David Llewelyn Griffith, tourne des films comme Friends, The Mender of Nets, Just Like a Woman, ou encore The Female of the Species, accédant ainsi à une grande notoriété. Deux ans plus tard, toujours aux États-Unis, un jeune émigré anglais, Charles Chaplin, fera ses débuts au cinéma, avec le succès que l’on sait4.
5Il est donc important de remarquer que le désintérêt de Maldiney à l’égard du cinéma ne peut se comprendre à l’instar de celui de Bergson. Là où ce dernier n’avait véritablement vu en lui qu’une invention mécanique, Maldiney, lui, savait qu’il avait affaire, davantage qu’à une technè nouvelle, à un art nouveau.
- 5 H. Maldiney, Regard parole espace [1973], C. Chaput, P. Grosos, M. Villela-Petit (éd.), Paris, Cerf (...)
- 6 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être [1993], Paris, Cerf, 2012, p. 217, 226, 228.
6Car, de fait, il est tout à fait permis de parler d’un désintérêt de Maldiney vis-à-vis de cet art, tant, s’il n’est pas stricto sensu juste de dire qu’il n’en a jamais parlé, semble-t-il ne l’avoir fait, comme on dit, que du bout des lèvres. On trouve, par exemple, à l’occasion des études écrites dans les années 1960, et qu’il réunira en 1973 pour la publication de Regard parole espace, trois fois évoquée la notion de film et une fois celle d’image filmique, mais encore jamais celle de cinéma5. Or, si vingt ans plus tard, en 1993, à l’occasion de L’art, l’éclair de l’être, il emploiera encore une fois le mot « film », parlant du « film des apparences », il notera à quatre reprises, soit le terme de « cinéma », soit celui d’« image cinématographique »6. Et pourtant, que ce soit dans l’ouvrage de 1973 ou dans celui de 1993, toutes ces occurrences, parfaitement convergentes, ne sont jamais destinées qu’à une seule chose : mettre en évidence la faiblesse du concept d’image dès lors qu’il s’agit de penser ce qui n’en relève précisément pas, et qui seul importe, à savoir aussi bien le réel que l’art (pictural) lui-même. Ainsi, dans l’article « Comprendre », daté de 1961 avant d’être repris dans Regard parole espace, s’agit-il, analysant la richesse littéraire et pathique de l’incipit du roman de Kafka, Le château, de mettre en évidence l’échec auquel devrait se résoudre un cinéaste, s’il avait pour projet, reprenant en un film les éléments alors évoqués, d’en dresser un tableau. Car à quoi avons-nous affaire, demande alors Maldiney ? À la « précise indéfinition d’un paysage » :
- 7 F. Kafka, Le château, A. Vialatte (trad. fr.), Paris, Gallimard, 1960. Ce texte est cité par Maldin (...)
Il était tard lorsque K. arriva. Une neige épaisse couvrait le village. La colline était cachée par la brume et par la nuit ; nul rayon de lumière n’indiquait le grand château. K. resta longtemps sur le pont de bois qui menait de la grande route au village, les yeux levés vers ces hauteurs qui semblaient vides7.
- 8 H. Maldiney, « Comprendre » [1961], in Regard parole espace, p. 80.
7Et Maldiney de remarquer que les mots qui composent ce récit ne s’agglomèrent pas en « une synthèse de sens ». Non seulement les images correspondantes ne peuvent « être groupées dans une vue simultanée », mais elles ne relèvent pas davantage du « panorama ». Plus encore, celui-ci « serait la pire des trahisons parce que la constitution même de ces images, telles que les engendre l’une après l’autre le mouvement de la phrase qui les nomme, les délaisse et s’en souvient, exige le mouvement de la caméra. Mais ce mouvement ne consiste pas dans un travelling »8. Et Maldiney alors de préciser le sens, littéralement infigurable, de l’image que suggère ce romancier :
- 9 Ibid., p. 80-81.
Chez Kafka, l’image est presque toute engagée dans la parole, et les paroles, bien que successives, se juxtaposent comme des voix d’hiver entendues dans la rue, d’une chambre close. Il faut que chaque image surgisse à soi de telle manière que celles qui la précèdent soient à la fois délaissées et pourtant présentes dans son mode d’apparition. Non comme un arrière-plan sur lequel elle paraîtrait en surimpression, ni même comme le champ marginal de son propre paraître ; encore moins comme un décor, mais comme une instance qui se trouve investie dans ce mode d’apparition. Aussi chaque image doit-elle être maintenue à l’intérieur de sa présence dans un certain inachèvement9.
8Bref, l’image filmique – Maldiney ne dit pas encore le cinéma – est trop pauvre. La raison en sera clairement énoncée dans l’étude parue en 1962 sous le titre « Forme et art informel », plus tard reprise dans Regard parole espace :
- 10 H. Maldiney, « Forme et art informel » [1962], in Regard parole espace, p. 160.
L’image photographique et surtout filmique, l’image photo-génique n’est pas à la ressemblance d’un monde dont, au contraire, elle nous détourne, en nous imposant une réceptivité toute passive qui coupe court à toutes nos prises. Elle s’éploie à même un espace qu’elle déploie selon son rythme temporel. Elle s’énonce elle-même en elle-même, en marge de tout rapport d’indication. Sa constitution est une avec sa révélation. Mais toute cette proposition a lieu en face, à l’étalage de son propre espace scénique, et notre corps frappé d’une sorte de catalepsie n’est plus l’esquisse d’aucun dépassement vers le monde. L’image impose le sien, hors de nous sans nous10.
9Bref, l’image filmique, restant dans l’en-face, est prise dans une logique de la représentation, celle par laquelle, nous opposant le monde, il nous devient impossible de le rencontrer, de se savoir y être, en être, d’être susceptible en lui d’être transformé par ce qu’on rencontre – ce en quoi consiste la définition, selon Maldiney, du réel lui-même. Or, à l’inverse de cela, comme le précisera un article daté de 1967,
- 11 H. Maldiney, « L’esthétique des rythmes » [1967], in ibid., p. 207.
[…] l’événement d’une sensation dans sa proximité est un avènement de tout le fond du monde, comme lorsqu’au détour d’une rue, un visage, une voix, une flaque de soleil sur un mur ou le courant du fleuve, déchirant tout d’un coup la pellicule de notre film quotidien, nous font la surprise d’être et d’être là. Le Réel c’est ce qu’on n’attendait pas – et qui toujours pourtant est toujours déjà là. À travers une sensation dont l’apparence n’est pas court-circuitée de l’apparaître se réalise l’Urdoxa, la croyance originaire au Réel : « Il y a et j’y suis »11.
- 12 H. Maldiney, « Image et art », in L’art, l’éclair de l’être, p. 217.
10La convocation plus tardive du terme de « cinéma », dans L’art, l’éclair de l’être, en 1993, ne dira pas autre chose. Comme la photographie ou la télévision, le cinéma établit « le principal rapport “médiatique” de l’homme aux autres, aux choses et à soi »12. En lui, non seulement l’homme n’a pas accès au monde, ne le rencontre pas ; mais, plus encore, la fascination d’une image, par nature autothétique bien plus que référentielle, l’en détourne. « Le regard fasciné hante l’image photographique ou cinématographique à la façon d’une perception immanente », note alors Maldiney. Et de poursuivre :
- 13 Ibid., p. 226. Sur cette fascination de l’image cinématographique, voir également p. 228.
Qu’est-ce alors qui distingue de l’image fascinante l’intuition empirique d’un étant réel dans le monde ? – Précisément la réalité. Le réel n’est pas l’objectif13.
11Si importante soit cette critique de l’irréalité égarante de l’image – surtout à l’époque, qui est désormais la nôtre, du virtuel –, elle ne peut toutefois masquer l’absence, chez Maldiney, d’une philosophie du cinéma. Or, il faut le répéter, cela ne devrait pas cesser de nous surprendre chez un penseur de cette génération. Il ne suffit en effet pas seulement de remarquer que Maldiney est né en 1912, au moment où le cinéma commençait à prendre la forme d’un art populaire et accessible, il faut également se rappeler qu’il avait quinze ans lorsque les talkies apparurent et que le cinéma devint parlant. Maldiney n’aurait-il jamais vu le moindre film, lui qui n’en mentionne aucun dans ses ouvrages ? N’aurait-il jamais vu les premiers Charlot ? N’aurait-il jamais été sensible aux premiers longs métrages, si remarqués et si conflictuels, de Marcel Carné, Le quai des brumes ou Hôtel du Nord, tous deux sortis l’année de ses 26 ans, en 1938, ou à ceux montrés l’année de son retour en France, après sa libération de l’Oflag, à savoir Les enfants du Paradis, en 1945, puis Les portes de la nuit, en 1946 ? A-t-il totalement ignoré la Nouvelle Vague, déferlant sur le cinéma français dans les années 1960 ?
- 14 H. Maldiney, « Naissance de la poésie dans l’œuvre d’André du Bouchet », in L’art, l’éclair de l’êt (...)
- 15 H. Maldiney a rassemblé ses études consacrées à Tal Coat dans l’ouvrage intitulé Aux déserts que l’ (...)
- 16 H. Maldiney, Ouvrir le rien. L’art nu, La Versanne, Encre marine, 2000.
12On s’en doute, cela est fort improbable. Si un philosophe soucieux du réel peut certes être étranger à toute mondanité, il ne peut pour autant être à ce point hors monde. D’autant que l’attention de Maldiney aux questions d’art a toujours été des plus soutenues. Ou du moins, et c’est là ce que ces remarques préalables commencent à nous faire comprendre, a-t-elle toujours été sélectivement soutenue. N’étant pas musicien, il a certes, comme cela peut se comprendre, délaissé la musique. Plus que d’autres, cet art nourrit en effet une immédiate prudence chez celui qui ne le pratique pas, tant la parole non savante qui s’y rapporte devient vite fort médiocre. Étant en outre plus que circonspect, méfiant, à l’égard des arts de la représentation et de l’image, il a manifestement délaissé le théâtre autant que la photographie et le cinéma. Mais, comme l’on sait, outre qu’il a abondamment et précisément su parler de poésie (celle d’André du Bouchet à laquelle il a consacré une étude importante, et plus encore celle de Francis Ponge, pour laquelle deux livres furent rédigés14), il n’a jamais cessé de méditer les œuvres picturales elles-mêmes. Présente dès Regard parole espace, avec l’étude de la peinture de Pierre Tal Coat – peintre auquel il a consacré de nombreux articles15 –, cette méditation s’est prolongée jusqu’avec son dernier ouvrage, Ouvrir le rien. L’art nu16, lequel manifeste une culture picturale hors pair, allant de la peinture de Mu Ch’i, pour la tradition chinoise, aux peintres de la seconde moitié du XXe siècle, tels Mondrian, De Staël ou Bazaine, pour n’en nommer que quelques-uns. Enfin, à cette véritable passion picturale, il convient d’ajouter les analyses que, dans L’art, l’éclair de l’être, il a su consacrer à l’architecture de Sainte-Sophie de Constantinople, ou aux mosaïques de Ravenne.
Style et existence
13La raison première de l’étrangeté d’une étude consacrée aux rapports de Maldiney au cinéma, qui plus est dans le cadre d’une réflexion portant sur la question du style, est donc claire : ses rapports ne sont que négatifs. Le cinéma, entre tous les arts, n’a jamais positivement retenu l’attention du philosophe. Mais la seconde raison n’est quant à elle pas moins délicate, bien qu’elle puisse assez simplement s’énoncer sous forme de question : en quoi de tels propos nous renseignent-ils sur ce qu’on pourrait nommer le style philosophique d’Henri Maldiney ? Répondre à cette question suppose d’adresser en retour au philosophe l’analyse que lui-même a pu proposer du style, et pour commencer, de comprendre la façon originale dont il l’a abordé.
- 17 H. Maldiney, « L’art et l’histoire », in Henri Maldiney : phénoménologie et sciences humaines (Acte (...)
14Ainsi, à la question de savoir ce qu’engage le style d’une œuvre, Maldiney a toujours déjà répondu en rapportant le problème à une façon d’être au monde, en en faisant une catégorie de l’existence. C’est là ce qui explique qu’il ait pu dissocier deux sens de ce concept. Le premier est celui dont usent les historiens d’art ; ce qu’il a clairement exposé dans une étude parue pour la première fois en 2002 et intitulée « L’art et l’histoire ». Comme il l’écrivit alors, toute histoire de l’art qui se veut scientifique se heurte au paradoxe suivant qu’« il n’est de science que du général ; [qu’]il n’est d’œuvre d’art que singulière ». Et dès lors, « pour relier ces extrêmes, les historiens usent d’un moyen terme : les styles. Ils s’appliquent à déceler dans les œuvres d’une époque la même intentionnalité sous-jacente dont chacune est une expression sensible ». Aussi le style devient-il pour eux « une fonction dont les éléments constitutifs des œuvres sont les variables »17. C’est pourquoi, ils se rapportent à elles en parlant de style, par exemple roman, baroque, rococo ou romantique, et cherchent, de là, la façon d’intégrer les œuvres à ces grandes périodicités.
- 18 H. Maldiney, « L’esthétique des rythmes » [1967], in Regard parole espace, p. 218.
15Or, à l’inverse d’une telle interprétation, Maldiney a très tôt souhaité concevoir le concept de style en un sens plus phénoménologique qu’historique. Aussi l’a-t-il rapporté à des modes d’apparition, à des manifestations ou encore à des façons rythmiques d’être au monde, cherchant ainsi à comprendre comment, à différentes époques de l’histoire, non nécessairement successives, les différents arts peuvent en rendre compte. C’est pourquoi dans l’étude publiée en 1967 sous le titre « L’esthétique des rythmes », pensant d’une part la notion de rythme, à la différence de toute cadence – laquelle est à la fois métrique, répétitive et prévisible –, comme le temps impliqué dans une forme en formation, et rappelant d’autre part que « le rapport du rythme et de ses éléments constitue la question même du style »18, Maldiney a su proposer une véritable typologie des styles rythmiques, tels que les différents arts peuvent les donner à voir. Comme il l’écrit alors :
- 19 Ibid., p. 227, l’auteur souligne.
Trois grands styles traversent l’histoire, correspondant à trois rythmes fondamentaux – où varient, de l’un à l’autre, l’instant fondateur du temps et la patence de l’Ouvert19.
- 20 Ibid., l’auteur souligne.
- 21 Ibid., p. 228.
- 22 Ibid.
- 23 Ibid., l’auteur souligne.
- 24 Ibid.
Le premier est celui qu’il nomme l’« Apparaître absolu »20. L’idée est ici qu’il « n’y a pas d’en deçà de l’apparaître » ; soit ce qui apparaît apparaît, soit rien n’apparaît. Cela donne donc un « rythme à cadence binaire »21 que Maldiney voit à l’œuvre aussi bien dans la stèle de Ktésilaos et Théano, au Ve siècle avant notre ère, que dans l’art du Quattrocento florentin, ou, au XIXe siècle, dans la peinture de Seurat. À l’inverse, le deuxième style rythmique est celui de la chose qui « se manifeste en disparaissant », de l’étant qui « ne se donne que dans son retirement ». C’est « l’Ouvert de leur disparaître »22, comme l’écrit Maldiney, dont l’exemple type est celui de la peinture chinoise de paysage, laquelle ne parvient à unifier ses deux pôles constitutifs, Montagne et Eau, qu’en les articulant l’un l’autre à un vide médian – ce que la représentation de la brume a souvent pour vocation de rendre sensible. Quant au troisième style rythmique, il nous renvoie à celui de « l’apparition-disparition d’une forme en métamorphose dans l’entre-deux temps »23. Afin d’en expliciter le sens, Maldiney en parle comme d’un « rythme expansif et contracté en modulation perpétuelle »24 qu’il nomme « baroque ». Reste qu’il ne s’agit plus ici d’une catégorie historique, puisqu’un tel style rythmique se retrouve aussi bien dans les mosaïques de Ravenne, au VIe siècle, que dans la peinture de Rubens, au début du XVIIe siècle ou, au XIXe siècle, dans les aquarelles de Cézanne comme dans l’architecture de Gaudí.
16Ainsi soustraite à la périodicité historique, la notion de style acquiert alors une indéniable puissance conceptuelle et, disons-le, phénoménologique, tant elle vise à penser le mode d’apparition et de manifestation des formes esthétiques. Mais plus encore, conformément à la duplicité originaire du terme d’esthétique, lequel relève à la fois d’une théorie des beaux-arts et d’une analyse de la sensibilité en ce qu’elle a de préréflexif, l’étude de telles formes ne peut pas ne pas nous renvoyer à notre propre façon d’être au monde. C’est en cela que la notion de style engage aussi bien la compréhension de l’œuvre d’art que celle de l’existant lui-même. Or, soulignons-le, l’élargissement de ce concept n’a rien d’abusif, d’usurpé ou de métaphorique. Car qui dira où se trouve son sens propre ?
- 25 H. Maldiney, « L’existence en question dans la dépression et dans la mélancolie » [1989], in Penser (...)
17Aussi ce qu’il s’agit de méditer, dès lors qu’on rapporte cette notion de style à la façon qu’a un individu d’exister, ou tout aussi bien à celle qu’a un philosophe d’écrire son œuvre, c’est le mode de manifestation dont, hors intentionnalité, l’un comme l’autre témoignent. Cela suppose de comprendre que le style d’une pensée ne peut être réductible à la conscience qu’un individu a de lui-même ou qu’un auteur a de son œuvre, c’est-à-dire à ce dont ils entendent explicitement rendre compte. Le style est en effet porteur d’une dimension pathique et non gnosique, sensible et non réfléchie, qui passe outre tout projet d’existence comme d’écriture. Loin d’être reconductible à une quelconque maîtrise de type comportemental ou rhétorique, il la déborde, comme la voix la parole. Car il y a ce qui est dit, sur quoi on peut avoir prise, et la façon dont cela est dit, qui échappe toujours un peu, comme échappent non seulement l’horizon d’une parole, ce que les autres en feront et la façon dont ils l’entendront, mais également ses marges, ce qui aura été mis de côté et qui relève de nos affects, de nos impensés, de nos préjugés. Or, c’est tout cela qui constitue notre style : notre façon, par ce que nous faisons ou affirmons, d’être présent au monde. C’est pourquoi, comme la voix par rapport à la parole, celui-ci trahit ce que l’on est, au moins à un moment donné de notre existence, et en dit toujours plus que ce qu’on pensait dire. Le philosophe ayant lui aussi un style, et le style disant la manière d’être de l’être même, la manière qu’il a de se tenir dans l’être, il ne saurait échapper à ce débordement. Sans explicitement en convoquer le terme, Maldiney a su en penser le phénomène, lorsque, dans une analyse publiée pour la première fois en 1989 et portant sur la dépression mélancolique, il a suggéré que « la pensée de Heidegger à l’époque de Sein und Zeit », parce qu’elle faisait « de sa nécessité facticielle sa vertu », pouvait être caractérisée comme « une pensée dépressive surmontée »25.
- 26 H. Maldiney, « Destins de Nietzsche et de Hölderlin », in Art et existence, Paris, Klincksieck, 198 (...)
18Or, c’est à partir de telles analyses qu’il devient possible, retournant le propos de Maldiney sur lui-même, de comprendre en quoi consiste son style. Ici, il ne s’agit pas de déceler en son écriture quelque indice d’une possible pathologie, comme lui-même a pu vouloir le faire à propos des œuvres de Hölderlin ou de Nietzsche26, voire marginalement de Heidegger. Il s’agit plus modestement de remarquer qu’au-delà du type d’art qu’il convoque, celui qu’il ne convoque pas ne nous renseigne pas moins sur le style de sa pensée, et plus précisément encore sur ce que sa façon de penser l’œuvre d’art dit du style même de son existence. Or, c’est précisément là que son désintérêt manifeste pour l’art cinématographique devient paradoxalement intéressant.
19Car, conformément à ce qu’il a toujours soutenu, l’art, ou disons notre rapport à l’art, c’est-à-dire à celui ou à ceux auxquels de façon privilégiée nous nous rapportons, est effectivement un puissant révélateur de nos existences.
Le cinéma de Cavell et de Deleuze
- 27 Ces ouvrages de Cavell ont respectivement donné lieu aux traductions suivantes : S. Cavell, La proj (...)
20Il convient, afin de comprendre en quoi consiste le problème, de se demander ce que cherchent dans l’art cinématographique, les philosophes qui eux s’y intéressent. Or, il faut bien reconnaître que, contrairement au privilège dont jouissent, depuis plusieurs siècles, poésie et peinture, peu de philosophes se sont intéressés au cinéma depuis son avènement, au début du XXe siècle. Il semble même avoir fallu attendre l’apparition des philosophies de Stanley Cavell (1926-2018) aux États-Unis, et de Gilles Deleuze (1925-1995) en France, pour que cet art trouve enfin ses philosophes ! Comme l’on sait, c’est en 1971, avec The World Viewed : Reflections on the Ontology of Film, que Cavell publie son premier essai sur le cinéma, avant que ne paraisse ensuite toute une série d’ouvrages qui seront consacrés à cet art jusqu’alors délaissé. Ainsi, en 1981, paraît Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage, en 1997, Contesting Tears : The Hollywood Melodrama of the Unknown Woman, ou encore, en 2004, Cities of Words : Pedagogical Letters on a Register of the Moral Life27. Quant à Deleuze, c’est en 1983, avec L’image-mouvement, puis en 1985, avec L’image-temps, qu’il fit paraître les deux volumes de son ouvrage Cinéma.
21Or, il faut bien le reconnaître, les projets respectifs des deux philosophes semblent, au premier regard, fort divergents, comme le sont d’ailleurs les œuvres cinématographiques que l’un comme l’autre sollicitent. Ainsi, les références de Cavell, en nous renvoyant d’abord à des genres (la comédie, le mélodrame, etc.), sont volontiers liées à un cinéma qu’on peut dire populaire, alors que celles de Deleuze (sollicitant des réalisateurs tels Griffith, Eisenstein, Godard, etc.) nous renvoient davantage à un cinéma d’auteur. Et de fait chacune des œuvres cinématographiques que l’un comme l’autre étudient est analysée en fonction d’un projet théorique qui ni ne se superpose ni ne se recoupe.
22Ainsi, chez Cavell – le sous-titre de l’ouvrage de 1971 l’indique clairement – toute l’analyse trouve son origine dans une réflexion sur l’ontologie sous-jacente du cinéma. Comme il l’écrivait alors :
- 28 S. Cavell, La projection…, p. 80-81.
Quand on visionne des films, le sentiment d’être invisible est l’expression de la dimension privée ou de l’anonymat modernes. C’est comme si la projection du monde expliquait les formes qui nous sont propres d’être-inconnu et de notre incapacité à connaître. L’explication n’est pas tant que le monde va son chemin en nous laissant sur le bord de la route, mais plutôt que nous sommes dé-placés, exilés, de notre habitation naturelle dans le monde, que nous sommes placés à distance du monde. L’écran triomphe de notre éloignement imposé ; il fait apparaître le dé-placement, l’exil, comme notre condition naturelle28.
23Revenant sur cette question, en 1979, dans le supplément qu’il ajouta à l’occasion d’une seconde édition du texte, Cavell eut alors l’occasion de préciser son propos autant que son cheminement :
- 29 Ibid., p. 256.
Puisque les objets de cinéma que j’ai vus et qui me marquent comme ayant la force de l’art se servent toujours incontestablement d’images mouvantes de personnes vivantes et de vrais objets dans des espaces réels, j’ai commencé mes recherches en posant la question : quel rôle joue la réalité dans cet art29 ?
24Et si la question peut légitimement se poser, c’est que
- 30 Ibid., p. 257-258.
[…] ce qui fait que le médium physique du cinéma est différent de tout ce qui existe sur terre gît dans l’absence de ce dont il cause l’apparition à nos yeux ; autrement dit […] dans le destin qui est le sien de révéler la réalité et le fantasme (non par la réalité en tant que telle mais) par des projections de la réalité ; des projections dans lesquelles […] la réalité a reçu la liberté de s’exposer30.
- 31 Ibid., p. 281.
25Publiant ces lignes l’année même de la parution de The Claim of Reason, ouvrage en lequel, méditant l’apport du dernier Wittgenstein, il en venait à distinguer deux formes de scepticisme, Cavell pouvait alors conclure son analyse en écrivant que « le cinéma est une image mouvante du scepticisme : ce n’est pas seulement une possibilité raisonnable, c’est un fait, qu’ici nos sens normaux se tiennent pour contents de la réalité alors que la réalité n’existe pas – et même, de façon alarmante, parce qu’elle n’existe pas, parce que la visionner suffit »31. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Loin de dénoncer le cinéma comme ce qui ferait le jeu d’un scepticisme égarant, une sorte de caverne ou un moderne théâtre d’ombres, il en fait bien plutôt le lieu où celui-ci est en question :
- 32 Ibid., p. 282.
Mettant la réalité sur son écran, le cinéma fait écran entre nous et l’être donné de la réalité ; il tient la réalité à l’écart de nous, il la tient sous nos yeux, autrement dit il la retient devant nous32.
26Or, c’est là ce qui lui permettra un peu plus tard, notamment dans Pursuits of Happiness : The Hollywood Comedy of Remarriage, en 1981, de montrer en quoi le cinéma peut se donner les moyens de surmonter le scepticisme en ce qu’il a de plus dévastateur. Et dévastateur il l’est, non lorsqu’il reste confiné à une théorie négative de la connaissance, laquelle a finalement bien peu d’impacts, mais lorsqu’il ruine les bases même de la confiance en autrui, les fondements même de toute intersubjectivité.
- 33 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, p. 7.
- 34 Ibid., p. 101.
- 35 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 45.
- 36 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, p. 7 et 8.
27Quant au projet qui guida la méditation par Deleuze du cinéma, il est apparemment tout autre, puisqu’il relève bien plutôt de ce qu’il a nommé « une taxinomie, un essai de classification des images et des signes »33. Aussi, afin de le mener à bien, a-t-il pris appui sur le travail de Charles Peirce, dans la mesure où ce sémioticien est, entre tous, celui « qui est allé le plus loin dans une classification systématique des images »34. Sa force, précisera Deleuze, « quand il inventa la sémiotique, fut de concevoir les signes à partir des images et de leurs combinaisons, non pas en fonction de déterminations déjà langagières »35. Fort d’une telle perspective, deux propositions vont initialement guider l’ensemble de son travail. La première est que « les grands auteurs de cinéma » ont exactement l’importance qu’a n’importe quel grand artiste ou philosophe. Ils sont « confrontables, non seulement à des peintres, des architectes, des musiciens, mais aussi à des penseurs. Ils pensent avec des images-mouvement, et des images-temps, au lieu de concepts »36. Or, ce sont de telles images qu’il est possible de classer et de répertorier. Quant à la seconde proposition, elle affirme qu’il est paradoxalement possible de tirer profit des thèses de Bergson en pariant sur la force de ses intuitions contre ses propres présupposés. Comme l’écrit alors Deleuze :
- 37 Ibid., p. 7.
Malgré la critique trop sommaire que Bergson […] fera du cinéma, rien ne peut empêcher la conjonction de l’image-mouvement, telle qu’il la considère, et de l’image cinématographique37.
28C’est en cela que cet ouvrage de Deleuze, en ses deux tomes, se conçoit comme un quadruple et explicite commentaire de Bergson. Le premier volume a ainsi une double fonction : il vise tout d’abord à établir la pertinence d’un tel retournement, puis à mettre en évidence la puissance du concept (en un sens néo-bergsonien) d’image-mouvement et de ses trois variétés que sont l’image-perception, l’image-affection et l’image-action. Quant au second volume, il vise à proposer la critique puis le dépassement d’un cinéma qui ne serait basé que sur un concept d’image-action. Pour cela (c’est le troisième moment de son commentaire), il s’agit de souligner la pertinence du concept bergsonien de reconnaissance ; puis, à partir d’une analyse de la pointe du présent, d’identifier les nappes de passé qui se conservent, sachant que ces deux analyses sont à chaque fois rapportées à l’usage cinématographique qu’il est possible d’en faire.
29Comme on le comprend, les thèses de Cavell et de Deleuze concernant l’enjeu philosophique du cinéma, qui sont à ce jour quasi les deux seules philosophies traitant de cet art, ne sont en rien réductibles l’une à l’autre. L’une, à partir d’une analyse de type ontologique, en vient à méditer son enjeu épistémologique puis éthique. L’autre, prenant appui sur une sémiotique, paraît surtout soucieuse de mettre en évidence une pensée, une intelligence du cinéma à partir de ses moyens propres que sont, non le concept, mais l’image-mouvement et l’image-temps. Et pourtant, sans d’aucune façon se concerter, l’une comme l’autre vont attirer l’attention sur un point aussi simple qu’essentiel et discriminant : à l’inverse des beaux-arts existant, le cinéma est fondamentalement un art populaire qui valorise la quotidienneté et l’ordinaire, autant que la banalité de la conversation, nous les faisant ainsi redécouvrir.
30Déjà, dans La projection du monde, Cavell attirait l’attention sur ce point :
- 38 S. Cavell, La projection…, p. 34.
[…] les gens qui s’intéressent à la musique sérieuse ne s’intéressent pas, par exemple, à la musique d’ambiance légère ou à la musique de film. […] Et les gens qui lisent des romans sérieux ne lisent pas, dans l’ensemble, de la littérature alimentaire […]. Mais ce que j’affirme, c’est que dans le cas du cinéma, il est généralement vrai que l’on n’aime pas réellement les exemples les plus hauts si l’on n’aime pas aussi les exemples typiques. On ne sait même pas à quoi correspondent ces exemples les plus hauts à moins de connaître aussi les exemples typiques38.
31Or ces « exemples typiques » sont par exemple et entre autres le western, le policier, la comédie romantique, lesquels n’ont, a priori, rien de très spéculatif. Populaire, le cinéma l’est donc non au point de nous faire confondre ce qui a quelque intérêt et ce qui n’en a pas, mais au point de nous renvoyer à des genres, avant même, peut-être, de nous renvoyer à des œuvres. Mais plus encore, cette popularité tient également au fait que cet art est un art industriel, le premier des arts à être né industriel. Or, un art industriel est un art qui requiert les moyens de l’industrie pour pouvoir simplement exister. Et non seulement les moyens techniques de l’industrie ; mais surtout ses moyens financiers. La réalisation et la production coûtent si cher que sans argent, il ne peut y avoir de film ; or, pour que l’argent s’investisse une fois encore dans l’art cinématographique, il faut que le film préalablement réalisé n’ait pas ruiné toute capacité d’investissement. Bref, il faut que celui-ci ait été vu par un public suffisamment large en sorte qu’à défaut d’avoir été rentable, il n’ait pas été ruineux. Et c’est là ce sur quoi Deleuze a su clairement insister :
- 39 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 104.
[…] ce qui définit l’art industriel, ce n’est pas la reproduction mécanique, mais le rapport devenu intérieur avec l’argent. À la dure loi du cinéma, une minute d’image coûte une journée de travail collectif, il n’y a pas d’autre riposte que celle de Fellini : « quand il n’y aura plus d’argent, le film sera fini ». L’argent est l’envers de toutes les images que le cinéma montre et montre à l’endroit, si bien que les films sur l’argent sont déjà, quoiqu’implicitement, des films dans le film ou sur le film. […] Ce qui mine le cinéma, la vieille malédiction : l’argent, c’est du temps39.
32Enfin, populaire, le cinéma l’est encore en un autre sens, au point, du moins à ses débuts, de s’être vu contester le droit à être nommé « art ». Car une œuvre d’art, disait-on alors, a toujours un auteur. Or, le film cinématographique, étant toujours le fruit d’une collaboration multiple, quant à lui n’en a pas, du moins pas un qui puisse être dit unique et véritable. Paul Valéry objectait par exemple que « le film est une œuvre impersonnelle ». À la journaliste et critique Suzanne Chantal qui lui rappelait ce propos, André Malraux avait alors ironiquement répondu que « cela ne [prouvait] qu’une chose, qu’il [n’allait] pas au cinéma ». Et la journaliste d’ajouter, sans que l’on sache si ce propos est d’elle ou de Malraux, ni surtout si une telle remarque était à même de répondre à l’objection :
- 40 S. Chantal, Le ciné-monde, Paris, Grasset, 1977, p. 301.
Un film est une œuvre d’équipe qui reflète la personnalité de celui qui l’a constituée et qui la dirige40.
- 41 S. Cavell, « Une nouvelle Amérique encore inapprochable », in Qu’est-ce que la philosophie américai (...)
- 42 L. Wittgenstein, Recherches philosophiques, F. Dastur, M. Élie, J.-L. Gautero, D. Janicaud, É. Riga (...)
33Or, comme l’ont compris aussi bien Cavell que Deleuze, cet indéniable caractère tout à la fois industriel et populaire du cinéma oblige ceux qui s’y rapportent à réévaluer en lui l’attention à la quotidienneté et au langage ordinaire qui s’y déploie. Et en un sens, on peut même dire que c’est là un des acquis essentiels de l’analyse proposée par Cavell. En effet, en même temps qu’il prenait la mesure de l’apport théorique du second Wittgenstein – du Wittgenstein valorisant, comme dans ses Recherches philosophiques, l’everyday language –, Cavell prenait la mesure de la philosophie de l’ordinaire et de la résolution du scepticisme que cette pensée rendait possible. Et c’est là ce qui l’a mené à une philosophie du cinéma. Comme il a pu s’en expliquer, le déclic fut pour lui la conscience que loin, contrairement à ce que beaucoup pensaient alors, de mettre l’accent sur une « défiance vis-à-vis du langage », cet ouvrage de Wittgenstein permettait, à l’inverse, d’insister « sur sa confiance vis-à-vis de la parole humaine ordinaire »41. Car, comme le dit l’auteur des Recherches, « c’est dans le langage que les hommes s’accordent », en sorte que « cet accord n’est pas un consensus d’opinion, mais de forme de vie »42. Or, ce que Cavell a vu à l’œuvre dans le cinéma, comme art populaire, c’est précisément cela : la restauration de la confiance dans la parole adressée à l’autre homme, le scepticisme effectivement surmonté.
- 43 S. Cavell, À la recherche…, p. 44.
34C’est là tout le sens de son attention à ce genre cinématographique qu’il a cru pouvoir identifier sous le nom de « comédies de remariage » et qu’il a analysé dans l’ouvrage de 1981, Pursuits of Happiness. Sous cet intitulé générique, le philosophe a en effet regroupé sept films, tous tournés entre 1934 et 1949, à savoir : It Happened One Night (New York – Miami, 1934) de Frank Capra, The Awful Truth (Cette sacrée vérité, 1937) de Leo Mac Carey, Bringing Up Baby (L’impossible M. Bébé, 1938) et His Girl Friday (La dame du vendredi, 1940), deux films de Howard Hawks, The Lady Eve (Un cœur pris au piège, 1941) de Preston Sturges, et The Philadelphia Story (Indiscrétions, 1940) ainsi que Adam’s Rib (Madame porte la culotte, 1949), tous deux de George Cukor. Or, ce que tous ces films au ton à la fois familier et enjoué ont en commun, c’est qu’en eux se réalise ce que Cavell a nommé une « physionomie de l’ordinaire »43. Cela signifie qu’en eux aucune parole extraordinaire, ultime, n’est prononcée ; aucun sermon essentiel, aucune tirade définitive ne vient peser de tout son poids sur l’échange. Ici, rien n’est à prendre ou à laisser. La dramatique des œuvres n’a pas de connotation tragique. À l’inverse, ce qui est alors mis en valeur, c’est le temps, le temps de la narration, celui de la construction du récit. Ce qui est requis, ce n’est pas une parole décisive, mais simplement l’échange continu que les personnages entretiennent et prennent plaisir à entretenir, jusque dans la vivacité des répliques. Aussi, et comme le dit très élégamment et justement Cavell, dans ces films qui exposent l’apprentissage d’une vie à deux :
- 44 Ibid., p. 137.
Ce que ce couple fait ensemble est moins important que le fait qu’ils fassent tout ce qu’ils font ensemble, qu’ils sachent passer du temps ensemble, que même ils préféreraient perdre du temps ensemble plutôt que faire autre chose – sauf qu’on ne saurait qualifier de perdu le temps passé ensemble44.
35Mais comme on le comprend alors, un tel échange – celui que Cavell va thématiser comme relevant de la conversation ordinaire – requiert nécessairement un mode langagier prosaïque, et non plus poétique. D’une part, parce qu’il ne peut être que dialogué, et d’autre part parce qu’un énoncé de type poétique, qui plus est versifié, conférerait à l’échange un ton cérémonieux qui lui serait totalement inapproprié. Loin d’être doté de quelque vérité ou élégance, il conférerait une tonalité morne et pédante à l’échange, là où l’ensemble se doit à l’inverse d’être pétillant et jubilatoire. Et d’une même façon, le ton déclamatif de l’habituel parlé théâtral ne convient pas davantage. Ici, la parole cinématographique va définitivement de pair avec celle de la quotidienneté.
36Or, sans que Deleuze ne trouve d’aucune façon sa source d’inspiration dans l’œuvre de Cavell, c’est à des conclusions similaires que son analyse du cinéma l’a mené. Pour lui aussi, cet art nous renvoie aux questions posées par la quotidienneté et son mode langagier habituel, celui de la conversation. Tel est ce qu’il commence d’énoncer en méditant tout d’abord l’importance dont jouit la considération du quotidien en cet art :
- 45 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 28.
Dans la banalité quotidienne, l’image-action et même l’image-mouvement tendent à disparaître au profit de situations optiques pures, mais celles-ci découvrent des liaisons d’un nouveau type, qui ne sont plus sensori-motrices, et qui mettent les sens affranchis dans un rapport direct avec le temps, avec la pensée45.
- 46 Ibid., p. 300.
- 47 Ibid., p. 297.
- 48 Ibid., p. 300.
37Or, avoir à prendre en compte la banalité quotidienne, la filmer, c’est nécessairement introduire dans l’art cinématographique le langage qui lui est propre, celui de la conversation. Aussi, en s’inventant, « ce que le cinéma inventait, c’était la conversation sonore qui, jusque-là, avait échappé au théâtre comme au roman, et les interactions visuelles ou lisibles qui correspondaient à la conversation »46. Et là encore, il est important de remarquer que le ton de la conversation n’a rien à voir avec l’usuelle réplique théâtrale. Chacun est dans son registre et les deux ne peuvent se mêler qu’au risque de se nuire. Au cinéma, les dialogues sont soutenus par la technique du montage, qui rend possible une logique des plans et des affects. Ils se bâtissent dans l’illusion d’une intimité, d’un entre-soi des personnes filmées. Au théâtre, les dialogues sont guidés dans leur énonciation par la nécessité d’une projection de la parole à destination d’un public dont les acteurs savent bien qu’il est là, silencieusement présent dans la salle. Aussi Deleuze a-t-il bien conscience que, dès ses débuts, « le cinéma parlant n’avait rien de commun avec le théâtre, et que la confusion ne se ferait qu’au niveau des mauvais films »47. Et c’est même contre leur résurgence, au moins supposée, que « le néo-réalisme et surtout la Nouvelle Vague » ont réagi, redécouvrant ainsi « la conversation, l’interaction : ce fut une grande réactivation, sur un mode positif, parodique ou critique, chez Truffaut, Godard, Chabrol ». Pourtant, comme Deleuze le précise à la suite, « la conversation et l’interaction n’en étaient pas moins, dès le début du parlant, la conquête du cinéma »48. Si on en trouve trace dans la comédie française, celle filmée par Pagnol ou Guitry, c’est surtout dans la comédie américaine que celle-ci va pleinement s’épanouir. Et Deleuze de mentionner alors les réalisateurs que Cavell mentionne, même si l’horizon de leur questionnement a pour conséquence qu’au final ils n’en font pas le même usage :
- 49 Ibid., p. 301, l’auteur souligne. Pour le renvoi à Nathalie Sarraute et à la place qu’elle accorde (...)
Cukor, Mac Carey, Hawks font de la conversation, de la démence de la conversation, l’essentiel de la comédie américaine, et Hawks saura lui donner une vitesse inouïe. Lubitsch conquiert tout un domaine de subconversation (un peu comme le définit Sarraute). Capra atteint au discours comme élément de la comédie, précisément parce qu’il montre dans le discours lui-même une interaction avec le public49.
La dramatique de l’originaire
- 50 Lequel, rappelons-le, fut à l’université de Lyon, un collègue apprécié de Maldiney.
38Reste dès lors la question essentielle : en quoi cette analyse des philosophies du cinéma développées par les pionniers que furent Cavell et Deleuze50, qui vient s’ajouter au constat préalablement dressé du manifeste désintérêt de Maldiney à l’égard de cet art industriel, nous renseigne-t-elle sur le style philosophique, c’est-à-dire existentiel plus que rhétorique, de ce penseur ?
- 51 Cette question fait l’objet de mon ouvrage L’existence élargie. Essai sur l’existant, le vivant, le (...)
39Qui veut comprendre le problème doit commencer par se rappeler que l’art n’est pas seulement, pour ce philosophe, ce qui a rapport avec l’existence : c’est ce qui porte en lui le critère même de l’existence. Et, comme pour tous les penseurs ayant été attentifs à cette question – de Kierkegaard à Heidegger, sachant qu’il n’est pas interdit de penser que Maldiney fut le dernier grand représentant de cette mouvance –, l’auteur de Regard parole espace a d’emblée interprété ce qu’exister veut dire en inscrivant cette question dans ce qu’il est possible de nommer une double économie de la rareté51. Or, cette double économie, qui entend toujours distinguer un sens trivial d’un sens authentique du concept d’existence, affirme, d’une part, que seul l’homme existe (à la différence des choses mais également des autres vivants, voire de Dieu) et, d’autre part, que lui-même, au final, n’existe que rarement.
40Il n’est pas difficile de s’apercevoir que ce thème de la rareté de l’existence est explicitement assumé par Maldiney : un ouvrage comme L’art, l’éclair de l’être a pu clairement l’énoncer, lors même qu’il méditait le thème nécessairement conjoint de l’événement :
- 52 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, p. 80, l’auteur souligne.
Quand l’éclair d’un événement déchire la trame de mon monde (je suis ce que mon monde est en tant que le mien), je suis mis en demeure d’être le là de cette déchirure ou de m’anéantir. Les véritables événements sont rares. Ils surgissent dans une surprise qui excède toute prise et qui crée l’attente de l’inattendu dans l’instant qu’elle la comble. Rare, de même, l’existence. Elle ne s’ouvre qu’à s’ouvrir à l’événement dans la surprise de la réalité. […] Exister – au sens non trivial du mot – c’est avoir sa tenue hors de soi52.
41Aussi n’est-il pas étonnant que, selon cette même logique, Maldiney ait pensé l’art comme un éclair de l’être. C’est même le contraire qui eût été illogique. Comme il a pu l’écrire dès 1990 :
- 53 H. Maldiney, « La dimension du contact au regard du vivant et de l’existant. De l’esthétique-sensib (...)
Les formes artistiques expriment l’être et leur constitution en porte la marque. Une forme n’est pas un étant. Elle existe. Toujours hors contenance, impossible à prendre en flagrant délit de positivité, elle n’est incidente à soi qu’à travers l’espace qui ne communique avec lui-même que par elle. Cette précession de soi est déjà en instance dans le contact humain au niveau du sentir – quand avec l’événement nous advient l’étonnement que l’étant soit53.
42Mais penser l’art de cette façon, lui conférer un tel enjeu, revient dès lors à étendre la pertinence du concept de rareté de l’existence humaine à l’œuvre artistique, au point de ne plus concevoir cette dernière qu’en rapport explicite à l’exigence de vérité. Et ce n’est pas seulement qu’il pourrait y avoir une vérité de l’art, par exemple au sens hégélien du terme, disant ainsi ce qui se joue en lui, mais c’est plus encore qu’ici l’art a explicitement à voir avec ce que nous nommons vérité. Or, c’est là ce que Maldiney a très tôt revendiqué, comme le signale clairement son analyse de la peinture de Cézanne, dans le premier texte qu’il a consacré, en 1949, à celle de Tal Coat :
- 54 H. Maldiney, Aux déserts que l’histoire accable…, p. 17.
Quand le rythme de l’homme et le rythme de la vie du monde ne font plus qu’une seule musique, alors ils ressuscitent dans l’Unité – et nous sommes dans le royaume de l’Art. […] La vraie peinture est comme le monde, la vraie peinture est énergie54.
43Et c’est encore un tel propos qu’il confirmera en 1993, en se référant toujours à cette même peinture de Cézanne, mais cette fois-ci dans L’art, l’éclair de l’être :
- 55 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, p. 27.
Sainte-Victoire a été pour Cézanne l’étant privilégié à travers lequel se fait cette ouverture à l’être qui consacre réel le monde cézannien. Mais non sans combat. Cézanne n’est pas qu’un œil. “Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai”, écrit-il à Émile Bernard. Vérité ! Mot très lourd et très dur à ouvrir pour qu’il livre son ciel. L’art est la vérité du sentir, non le mémorial des impressions. […] La recherche de la vérité de “ces sensations confuses que nous apportons en naissant”, la fondation de l’originaire, qui est l’acte propre de l’art, implique un échange transformateur entre l’artiste et le monde. L’œuvre est la forme et le lieu de cette transformation constitutive qui requiert tout l’homme55.
- 56 J. Derrida, La vérité en peinture, Paris, Flammarion (Champs ; 57), 1978.
44La vraie peinture – « la vérité en peinture » comme a pu la revendiquer Cézanne, puis Derrida vouloir la déconstruire56 –, telle est donc ce que montre, selon Maldiney, l’art des grands peintres. Et l’on comprend ici dans quelle lignée philosophique ce philosophe s’inscrit. Toutefois, penser que les œuvres alors produites ont trait avec ce qu’engage l’idée raréfiée d’existence – parce qu’au fond « l’art est la vérité du sentir, non le mémorial des impressions » –, cela n’est pas sans incidence ni sur le style qu’on déploie, ni sur la compréhension qu’on peut avoir des autres arts.
- 57 Voir à ce propos notre article : « Une phénoménologie de l’origine », in Henri Maldiney : phénoméno (...)
45De fait, une telle interprétation ne cesse d’induire une quête de l’originarité de l’œuvre comme de la parole qui s’en ressaisit. Aussi n’est-ce pas par hasard que cette expression, « originarité de l’œuvre d’art », ait pu servir d’intitulé au premier chapitre de l’ouvrage ultimement paru en 2000 : Ouvrir le rien. L’art nu. Non seulement, de la sorte, c’est l’œuvre tout entière de Maldiney qui peut être comprise comme une phénoménologie soucieuse de l’origine57, mais plus encore, une telle exigence et orientation inscrit clairement sa pensée dans le sillage des phénoménologies post-heideggériennes.
46Si, bien plus que Heidegger, Maldiney a quant à lui su approcher l’œuvre d’art autrement qu’en la réduisant à un Poème, c’est-à-dire à l’énoncé tendu d’une parole dont la vocation serait d’être quasi ontologique, d’être essentiellement le témoin sensible de l’Être, on mesure toutefois ici ce qu’une telle dramatique de l’originaire peut avoir de contradictoire, par la forme comme par le fond de son propos, avec toute approche de l’art en laquelle la question première n’est pas celle du poids existentiel de la vérité. Ainsi, au ton souple et sans nervosité – ce qui ne veut pas dire sans intelligence – du propos de Cavell, s’oppose la dramatique de la tension que met stylistiquement en place la phrase maldineyenne, comme si chaque expression prenait le risque de formules incisives avec l’espoir que chacune puisse être décisive ; comme si en chaque expression devait se jouer la totalité du sens, justifiant ainsi la convocation, post-heideggérienne, d’un lexique de la vérité, de l’origine, du surgissement ou encore de la transformation et de l’ouverture.
47Mais si « la vérité du cinéma » est de nous rapporter, comme Cavell et Deleuze ont pu l’un l’autre en convenir, à celle de la conversation et de la quotidienneté, alors on comprend qu’un tel art n’était pas fait pour Maldiney. Ou pour le dire autrement, on comprend que Maldiney, au regard de ses options les plus fondamentales, de ce qu’il cherchait en philosophie, de son style philosophique, ne pouvait rien en faire ; et c’est pourquoi il ne l’a jamais abordé, tout en en ayant été, sa vie durant, le parfait contemporain.
Notes
1 H. Bergson, L’évolution créatrice [1907], Paris, PUF, 1969, p. 305, l’auteur souligne.
2 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, Paris, Minuit, 1983, et Cinéma. II- L’image-temps, Paris, Minuit, 1985.
3 V. Jankélévitch et B. Berlowitz, Quelque part dans l’inachevé, Paris, Gallimard, 1978, p. 113.
4 Sur les débuts de Chaplin au cinéma et la naissance de cet art industriel, voir notre ouvrage Le cinéaste et le philosophe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2020, introduction (p. 7-31) et chapitre 2 (p. 87-136).
5 H. Maldiney, Regard parole espace [1973], C. Chaput, P. Grosos, M. Villela-Petit (éd.), Paris, Cerf, 2012, p. 80, p. 81, p. 160 et p. 207.
6 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être [1993], Paris, Cerf, 2012, p. 217, 226, 228.
7 F. Kafka, Le château, A. Vialatte (trad. fr.), Paris, Gallimard, 1960. Ce texte est cité par Maldiney dans Regard parole espace, p. 80.
8 H. Maldiney, « Comprendre » [1961], in Regard parole espace, p. 80.
9 Ibid., p. 80-81.
10 H. Maldiney, « Forme et art informel » [1962], in Regard parole espace, p. 160.
11 H. Maldiney, « L’esthétique des rythmes » [1967], in ibid., p. 207.
12 H. Maldiney, « Image et art », in L’art, l’éclair de l’être, p. 217.
13 Ibid., p. 226. Sur cette fascination de l’image cinématographique, voir également p. 228.
14 H. Maldiney, « Naissance de la poésie dans l’œuvre d’André du Bouchet », in L’art, l’éclair de l’être, p. 79-117, et Le legs des choses dans l’œuvre de Francis Ponge [1974], Paris, Cerf, 2012, ainsi que Le vouloir dire de Francis Ponge, La Versanne, Encre marine, 1993.
15 H. Maldiney a rassemblé ses études consacrées à Tal Coat dans l’ouvrage intitulé Aux déserts que l’histoire accable : l’art de Tal Coat [1995], Paris, Cerf, 2013. Elles s’échelonnent de 1949 à 1993.
16 H. Maldiney, Ouvrir le rien. L’art nu, La Versanne, Encre marine, 2000.
17 H. Maldiney, « L’art et l’histoire », in Henri Maldiney : phénoménologie et sciences humaines (Actes du colloque de l’université de Lausanne des 3 mars et 18 novembre 2009 – Avec trois études de Henri Maldiney), F. Félix, P. Grosos (dir.), Lausanne, L’Âge d’Homme, 2010, p. 13-33, citations p. 13. Ce texte a paru pour la première fois dans la revue Cadmos, no 1, 2002, éditée à Charleville-Mézières par G. N. Amzallag et P. Grosos, p. 87-110.
18 H. Maldiney, « L’esthétique des rythmes » [1967], in Regard parole espace, p. 218.
19 Ibid., p. 227, l’auteur souligne.
20 Ibid., l’auteur souligne.
21 Ibid., p. 228.
22 Ibid.
23 Ibid., l’auteur souligne.
24 Ibid.
25 H. Maldiney, « L’existence en question dans la dépression et dans la mélancolie » [1989], in Penser l’homme et la folie : à la lumière de l’analyse existentielle et de l’analyse du destin, Grenoble, J. Millon, 1991, p. 112.
26 H. Maldiney, « Destins de Nietzsche et de Hölderlin », in Art et existence, Paris, Klincksieck, 1985, p. 129-169.
27 Ces ouvrages de Cavell ont respectivement donné lieu aux traductions suivantes : S. Cavell, La projection du monde. Réflexions sur l’ontologie du cinéma, C. Fournier (trad. fr.), 2e éd., Paris, J. Vrin, 2019 ; À la recherche du bonheur. Hollywood et la comédie du remariage, C. Fournier, S. Laugier (trad. fr.), Paris, J. Vrin, 2017 ; La protestation des larmes. Le mélodrame de la femme inconnue, P. Soulat (trad. fr.), Nantes, Capricci, 2012 ; et Philosophie des salles obscures. Lettres pédagogiques sur un registre de la vie morale, N. Ferron, M. Girel, É. Domenach (trad. fr.), Paris, Flammarion, 2011.
28 S. Cavell, La projection…, p. 80-81.
29 Ibid., p. 256.
30 Ibid., p. 257-258.
31 Ibid., p. 281.
32 Ibid., p. 282.
33 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, p. 7.
34 Ibid., p. 101.
35 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 45.
36 G. Deleuze, Cinéma. I- L’image-mouvement, p. 7 et 8.
37 Ibid., p. 7.
38 S. Cavell, La projection…, p. 34.
39 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 104.
40 S. Chantal, Le ciné-monde, Paris, Grasset, 1977, p. 301.
41 S. Cavell, « Une nouvelle Amérique encore inapprochable », in Qu’est-ce que la philosophie américaine ?, C. Fournier, S. Laugier (trad. fr), Paris, Gallimard (Folio essais ; 517), 2009, p. 48.
42 L. Wittgenstein, Recherches philosophiques, F. Dastur, M. Élie, J.-L. Gautero, D. Janicaud, É. Rigal (trad. fr.), Paris, Gallimard (Bibliothèque de philosophie), 2004, § 241, p. 135, l’auteur souligne.
43 S. Cavell, À la recherche…, p. 44.
44 Ibid., p. 137.
45 G. Deleuze, Cinéma. II- L’image-temps, p. 28.
46 Ibid., p. 300.
47 Ibid., p. 297.
48 Ibid., p. 300.
49 Ibid., p. 301, l’auteur souligne. Pour le renvoi à Nathalie Sarraute et à la place qu’elle accorde au sous-texte dans le texte, au non-dit dans le dit, voir « Conversation et sous-conversation », in L’ère du soupçon. Essais sur le roman, Paris, Gallimard, 1956, p. 79-124.
50 Lequel, rappelons-le, fut à l’université de Lyon, un collègue apprécié de Maldiney.
51 Cette question fait l’objet de mon ouvrage L’existence élargie. Essai sur l’existant, le vivant, le vécu, Paris, Hermann, 2021.
52 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, p. 80, l’auteur souligne.
53 H. Maldiney, « La dimension du contact au regard du vivant et de l’existant. De l’esthétique-sensible à l’esthétique-artistique » [1990], in Penser l’homme et la folie…, p. 208.
54 H. Maldiney, Aux déserts que l’histoire accable…, p. 17.
55 H. Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, p. 27.
56 J. Derrida, La vérité en peinture, Paris, Flammarion (Champs ; 57), 1978.
57 Voir à ce propos notre article : « Une phénoménologie de l’origine », in Henri Maldiney : phénoménologie…, p. 245-258.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Philippe Grosos, « Maldiney et le cinéma », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 58 | 2021, 97-116.
Référence électronique
Philippe Grosos, « Maldiney et le cinéma », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 58 | 2021, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/1654 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.1654
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