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Dossier

Auguste Comte et Cabanis : une réception dualiste des Rapports ?

Laurent Clauzade
p. 85-100

Résumés

Malgré son hostilité au sensationnisme, Auguste Comte a toujours tenu Cabanis pour un auteur essentiel : c’est Cabanis qui le premier a assimilé les phénomènes moraux aux phénomènes cérébraux. Mais au-delà de ce principe, deux autres thèses ont été fondamentales pour Comte : d’une part l’influence des impression internes dans la formation des déterminations intellectuelles et morales ; d’autre part la capacité qu’a le cerveau de se mettre en action de manière spontanée. L’essentiel de l’étude sera consacré à la manière dont Comte insère ces deux thèses dans la philosophie positive. Nous montrerons en premier lieu que la lecture comtienne libère le caractère potentiellement anti-condillacien des thèses de Cabanis. Nous verrons ensuite que la conception positiviste du rôle des impressions internes va mener à une conception dualiste des rapports du physique et du moral.

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Texte intégral

1Il n’est pas exagéré de dire que Pierre Jean Georges Cabanis est un des auteurs les plus importants et les plus présents dans l’œuvre d’Auguste Comte. On en trouve très tôt la mention décisive dans une lettre à Valat de 1824 :

  • 1 Lettre d’Auguste Comte à Valat du 8 septembre 1824, dans A. Comte, Correspondance générale, Paris, (...)

Cabanis […] a conçu nettement le premier que l’époque était arrivée de soumettre les phénomènes moraux aux mêmes lois, considérations et méthodes que les phénomènes physiques […]. En un mot, Cabanis a conçu que les phénomènes dits moraux devaient dorénavant s’appeler cérébraux et nerveux, et s’étudier en conséquence1.

  • 2 A. Comte, Système de politique positive (abrégé en SPP, suivi de la tomaison et de la page), Paris, (...)

2De façon peut-être encore plus symptomatique, à la fin de sa carrière, en 1854, dans le quatrième tome du Système de politique positive, le fondateur du positivisme prétend avoir enfin constitué « la doctrine, si dignement ébauchée par Cabanis, sur les rapports généraux du physique au moral de l’homme »2. Cette dernière citation indique que Comte fait partie de ces auteurs qui, soit en citant explicitement le titre des Rapports, soit même en le reprenant comme intitulé d’un de leur ouvrage, comme Maine de Biran ou François Broussais, ont entrepris d’achever, de refonder ou de compléter l’œuvre de Cabanis.

  • 3 Voir ibid., t. I, p. 607.

3Mais l’importance de Cabanis ne se mesure pas seulement à la mention explicite du projet global : elle se manifeste aussi par la reprise de multiples thèses, les unes parfois directement empruntées à l’auteur des Rapports, comme celle qui rattache l’imitation à l’habitude3, ou bien l’attention portée aux phénomènes du sommeil ; les autres parfois seulement partagées par les deux auteurs, comme les idées sur l’importance du liquide séminal pour les fonctions cérébrales (opinion qu’on peut faire remonter au moins jusqu’à Tissot), les théories sur la physiologie féminine (les deux auteurs recommandent la lecture de Pierre Roussel), ou encore l’adhésion à l’hippocratisme (référence commune à la tradition vitaliste à laquelle se rapporte aussi Comte).

4Parmi toutes ces thèses partagées, deux ressortent particulièrement : elles font l’originalité de l’« Histoire physiologique des sensations » exposée dans les Mémoires II et III des Rapports : d’une part l’influence des impressions internes dans la formation des déterminations intellectuelles et morales ; d’autre part la capacité qu’a le cerveau de se mettre en action de manière spontanée. Ces deux thèses ne vont cependant pas être importées telles quelles dans le système comtien. Elles vont être insérées dans une philosophie antiréductionniste sur la question des rapports de la physiologie avec la politique, antisensasionniste du point de vue psychologique, et finalement, aussi paradoxal que cela puisse paraître pour le positivisme, dualiste quant aux rapports du cerveau et du corps.

5L’essentiel de notre travail sera consacré à la manière dont Comte comprend ces deux thèses fondamentales, ainsi qu’au mode complexe de leur insertion dans la philosophie positive. Nous montrerons en premier lieu que la lecture comtienne, comme celle de la plupart des auteurs des années 1820, va consister à libérer la potentialité centrifuge des thèses de Cabanis par rapport au modèle condillacien. Nous tenterons ensuite de comprendre comment la conception comtienne du rôle des impressions internes va le mener à une conception dualiste des rapports du physique et du moral.

6Mais il conviendra aussi, par-delà les thèses précises que Comte reprend de Cabanis, de souligner la proximité d’esprit qui lie les Idéologues au fondateur du positivisme. Il est en effet possible d’inscrire Auguste Comte dans un courant qui le fait apparaître comme un héritier des positions épistémologiques des Idéologues, et en particulier de celles de Cabanis. C’est ce que nous allons faire apparaître en préambule.

Cabanis et le « pré-positivisme »

  • 4 Voir H. Gouhier, La jeunesse d’Auguste Comte [1936], Paris, Vrin, 1964, t. II, p. 5-60.
  • 5 A. Comte, Cours de philosophie positive [abrégé en CPP, suivi de la tomaison, la leçon et la page], (...)

7Henri Gouhier avait construit la notion de « pré-positivisme », pour décrire le fait qu’une large partie des propositions avancées par Auguste Comte était massivement répandue dans les milieux philosophiques et scientifiques français au tournant des XVIIIe et XIXe siècles4. Une telle construction historique fait en quelque sorte écho aux multiples remarques de Comte expliquant que les principaux attendus épistémologiques de l’esprit positif étaient « familiers » à tous ceux qui avaient fait « une étude un peu approfondie des sciences d’observation »5. Dans ce mouvement « pré-positiviste », les Idéologues sont en bonne place : ils ont en partage, pour la plupart, le refus de la métaphysique et des questions concernant la nature des causes premières, ou encore l’exigence de fonder la connaissance de l’homme sur la physiologie, et de réformer les sciences pour réformer la société.

  • 6 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 141-143, Lehec et C (...)

8Mais cette proximité ne va pas sans ambiguïtés, et Cabanis est assez représentatif de cette double tendance. On trouve dans son œuvre deux passages méthodologiques, l’un dans Du degré de certitude de la médecine, l’autre dans la conclusion du deuxième mémoire des Rapports6, extrêmement proches de la définition que donne Comte de l’état positif, tant par les concepts mis en œuvre que par la formulation. Si l’on s’attache au second de ces passages, est ainsi exposée par Cabanis, à partir d’une interrogation sur la nature de la sensibilité, l’idée que la nature ou l’essence des objets n’est que l’ensemble des phénomènes qu’ils nous présentent ; que l’explication des phénomènes se résume aux rapports de succession et de ressemblance entre eux et d’autres phénomènes ; que, plus particulièrement, les termes de cause et d’effet se rapportent aux relations de succession ; enfin que les faits généraux, et la sensibilité en est un, n’ont pas de causes assignables et ne s’expliquent pas.

  • 7 Voir la présentation de l’état positif dans la loi des trois états : CPP, t. I, 1re leçon, p. 4-5.
  • 8 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 142, Lehec et Cazeneuve, (...)
  • 9 P. J. G. Cabanis, Du degré de certitude de la médecine, Lehec et Cazeneuve, t. I, p. 58.

9Tout cet ensemble a des résonances positivistes et l’on peut penser que ce passage a pu ou aurait pu être un des modèles du développement exposé dans la première leçon du Cours7 : l’énigmatique expression « fait général », que l’on comprend habituellement comme un synonyme de « loi », reçoit même de la comparaison un éclairage dont on peut s’étonner qu’il n’ait pas été exploité par les commentateurs. Néanmoins, chez Cabanis, ces idées sont solidaires de développements qui dessinent des lignes de fuite qui échappent à la perspective positiviste. L’élément le plus saillant est la conservation et l’acceptation des termes dont la portée est relativisée : les mots et les expressions « cause », « effet », « cause première » sont maintenus, et Cabanis n’hésite pas à spéculer sur les causes premières. Notamment, l’analyse qui est faite du concept de « faits généraux » montre que Cabanis, tout en posant l’inconnaissabilité des causes premières, maintient leur existence, ou au moins leur consistance théorique : les causes premières « ne peuvent être connues, par cela même qu’elles sont premières »8. De même, dans Du degré de certitude, Cabanis identifie la cause première à une « force spontanée »9. Bref, au cœur même des développements les plus positifs, court cette veine spéculative qui mènera en 1807 à la lettre à Fauriel.

10Il est donc permis de penser que ces passages, qui annoncent peut-être le positivisme, et sont susceptibles d’entrer dans cette catégorie historique de « pré-positivisme », sont cependant loin de satisfaire pleinement aux réquisits comtiens. On peut même faire l’hypothèse que c’est à eux que s’adresse l’intransigeance comtienne qui bannit du vocabulaire philosophique le terme de cause : la simple convention consistant à donner à ce terme le sens de « succession de deux phénomènes » ne suffit pas, comme le montre ce passage, à prévenir une dérive métaphysique.

11Ce que nous venons de dire sur les principes généraux de l’épistémologie peut se répéter sur les grandes thèses de philosophie de la connaissance et de physiologie cérébrale que nous allons aborder maintenant : un même sentiment de proximité et de distance, justifié dans ses deux aspects, peut se faire jour dans la façon dont les thèses majeures de Cabanis sont comprises par Comte. La reprise des idées relatives au système nerveux et au cerveau va en effet s’opérer sur le fond de deux divergences massives, affectant d’une part la place de la physiologie dans le système des sciences positives, et d’autre part le modèle à partir duquel les fonctions intellectuelles et morales doivent être conçues. Le premier point engage la question du réductionnisme physiologique, le second la validité du modèle sensationniste.

Physiologie et sociologie

  • 10 Voir respectivement A. Comte, Écrits de jeunesse, P. E. Berredo Carneiro et P. Arnaud (éd.), Paris  (...)

12On peut dire sans exagération que la philosophie comtienne, via l’échelle des sciences, a été une des premières à formaliser le problème du réductionnisme, sous l’appellation de « matérialisme ». Ce dernier consiste à vouloir rendre compte d’une science supérieure avec les moyens conceptuels et méthodologiques d’une science inférieure dans l’échelle encyclopédique. En l’occurrence, Comte, dès 1819, a reproché à Cabanis de vouloir réduire à la physiologie ce qui alors ne portait pas encore le nom de sociologie, et cette accusation sera un des lieux du positivisme que l’on retrouvera notamment en 1822-1824, dans l’Opuscule fondamental, et en 1839, dans la 49e leçon du Cours10. Voici la version de 1819 :

  • 11 A. Comte, Écrits de jeunesse, chap. X, p. 474. Dans la seconde occurrence de ce fragment « presque  (...)

Vers la fin du siècle dernier, des philosophes d’un grand mérite ont essayé de prendre dans la physiologie les bases de la science sociale. Cabanis est un de ceux qui ont soutenu cette opinion avec le plus de confiance […]. L’idée de fonder la science sociale sur la physiologie nous paraît presque aussi fausse que celle des savants qui ont voulu fonder la physiologie elle-même sur la chimie, et auparavant sur les principes de la mécanique rationnelle11.

  • 12 Sur les rapports entre physiologie et politique, thème important mais souvent peu abordé, on consul (...)
  • 13 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire X, sect. II, « De la Sympathie », § VII, Peisse, p. 551-552, Le (...)
  • 14 Voir R. Goetz, Destutt de Tracy. Philosophie du langage et science de l’homme, Genève, Droz (Histoi (...)

13Si l’on peut discuter des termes exacts que prend cette tentative dans les textes mêmes de Cabanis12, et même si l’on peut remarquer que le travail du médecin s’arrête à l’invention des signes et doit être ensuite relayé par « l’idéologie » et « la morale »13, il n’en demeure pas moins que le projet des Rapports est d’une nature fondationnaliste : Rose Goetz parlait avec raison de la « physiologie fondatrice »14. Une telle position ne pouvait aller que contre les principes antiréductionnistes de la philosophie positive.

  • 15 A. Comte, CPP, t. IV, 49e leçon, p. 483.

14Cela ne signifie pas, cependant, que l’hostilité de Comte soit radicale et sans nuance sur ce point. Deux traits sont à noter. Tout d’abord la réduction attribuée à Cabanis est « presque » aussi fausse que la réduction de la physiologie à la chimie ou à la mécanique. En effet, la sociologie et la physiologie ont en commun pour Comte d’être toutes deux des sciences traitant des corps organisés, du point de vue soit de l’espèce (pour la sociologie), soit de l’individu (pour la physiologie). La frontière et l’impossibilité de la réduction entre les deux sciences sont alors seulement motivées par notre faible pouvoir de déduction. Bien que la société dérive de la nature humaine, nous sommes incapables d’opérer la dérivation à partir des connaissances biologiques, et nous devons nous appuyer sur une méthode originale, la méthode historique, pour aborder « le phénomène principal de la sociologie […], celui qui établit avec la plus haute évidence son originalité scientifique, c’est-à-dire l’influence graduelle et continue des générations humaines les unes sur les autres »15.

15Bref, quoique la frontière soit tracée pour ainsi dire par accident, son franchissement n’en reste pas moins une infraction à la règle encyclopédique.

  • 16 Ibid., t. III, 45e leçon, p. 777.
  • 17 Le titre de cette dernière leçon de biologie est explicite : « Considérations générales sur l’étude (...)
  • 18 A. Comte, SPP, t. IV, p. 221.

16Le second trait à relever est que l’antiréductionnisme n’affecte pas la connaissance des fonctions intellectuelles et morales : ce sont bien, aux yeux de Comte, des fonctions biologiques, et en cela elles sont légitimement dépendantes d’une approche physiologique, même si celle-ci doit être complétée par la connaissance sociologique. C’est ainsi que, tout en condamnant le réductionnisme de Cabanis à l’égard de la sociologie, Comte peut déplorer que Tracy n’ait pas suivi le principe qu’il avait lui-même énoncé, selon lequel « l’idéologie est une partie de la zoologie »16. Cette position sera constamment maintenue par Comte non seulement dans le Cours, où l’étude des fonctions cérébrales termine les leçons sur la biologie17, mais même dans sa dernière philosophie, où l’approche dite subjective n’annulera pas totalement la part de la physiologie dans la connaissance des facultés intellectuelles et morales. Cette part sera alors seulement réduite à « ébaucher, d’après les animaux, l’étude cérébrale et la théorie de l’unité »18.

17C’est en tout cas cette position complexe qui explique à la fois que Cabanis soit intégré dans le Panthéon positiviste pour avoir le premier identifié phénomènes moraux et cérébraux, et que son projet d’une anthropologie reposant sur la physiologie soit congédié au profit d’une science de l’homme ordonnée par la sociologie, puis par une morale dérivée en grande partie de la sociologie. Une telle attitude montre cependant que dans le champ circonscrit de la connaissance biologique de l’homme, les thèses de Cabanis ont leur pleine légitimité.

L’antisensationnisme d’Auguste Comte

  • 19 Sur ce point, voir R. M. Young, Mind, Brain and Adaptation in the Nineteenth Century. Cerebral Loca (...)

18Cette légitimité est cependant restreinte par un autre point de désaccord. La seconde divergence massive concerne le modèle à partir duquel les fonctions intellectuelles et morales sont conçues. Comte rejette en bloc le modèle sensationniste, pour adopter une « psychophysiologie » dérivée de Gall, et plus largement de la phrénologie. Pour celle-ci, les facultés fondamentales déterminent des comportements, des penchants, des instincts ou des aptitudes, et sont d’une tout autre nature que les facultés des « philosophes », pour reprendre une expression de Gall que Comte assume totalement. Attention, mémoire, imagination, volonté, etc., toutes ces facultés avec lesquelles travaillent les psychologies intellectualistes classiques du XVIIIe siècle, ne sont plus que des modes secondaires de facultés d’essence comportementaliste19.

  • 20 Voir A. Destutt de Tracy, Éléments d’Idéologie, t. I : Idéologie proprement dite, H. Gouhier (éd.), (...)

19Le modèle phrénologique est en outre innéiste : l’homme est doté d’un nombre fixe de facultés fondamentales dont la force et le développement potentiel sont déterminés biologiquement dès la naissance. La conséquence immédiate de cette innéité est la disparition de la perspective génétique propre à la tradition condillacienne, tradition dans laquelle s’inscrivait pleinement l’Idéologie. Enquêter sur l’origine de nos connaissances et sur la formation de nos idées, ce qui constitue, selon Tracy, l’objet propre de l’Idéologie, n’a plus de sens20. L’enquête génétique, pour Comte, se déploie seulement au niveau collectif de la science, et devient du ressort de la sociologie ou de l’histoire des sciences.

  • 21 A. Comte, Correspondance générale, t. I, p. 125.
  • 22 A. Comte, SPP, t. I, p. 569.

20Le modèle psychophysiologique gallien et l’antiréductionnisme dessinent donc un contexte radicalement différent de celui des Rapports. C’est ce qui explique que l’hommage à Cabanis que nous avons relevé dans l’introduction soit accompagné d’une réserve : « Mais son opération était incomplète […] »21. Des formules au sens identique sont récurrentes sous la plume de Comte : la véritable physiologie cérébrale a été « préparée par Cabanis et fondée par Gall »22. Pour autant, malgré le modèle pluraliste et innéiste choisi par Comte, on peut repérer une forte présence de Cabanis non dans la conception des facultés cérébrales elles-mêmes, mais dans celle, en quelque sorte proprement physiologique, au moins dans un premier temps, des rapports du cerveau et du système nerveux avec l’ensemble du corps.

  • 23 P. J. G. Cabanis, Rapports, Préface, Peisse, p. 55, Lehec et Cazeneuve, p. 121.

21La remarque qui précède peut sembler tautologique, dans la mesure où elle ne fait que reformuler le titre de l’ouvrage de Cabanis, mais les deux points de divergence que nous venons d’évoquer indiquent clairement ce qui, dans les Rapports, est véritablement pertinent pour Comte. Si comme le dit Cabanis, il n’est question dans les douze mémoires, que « de simples recherches de physiologie »23, il est tout aussi incontestable que ces recherches sont pensées comme essentielles à la conception du nouvel ordre social républicain, ainsi qu’aux recherches de l’Idéologie proprement dite, et qu’elles ne peuvent, sans contresens majeur, être séparées de ces objectifs. Ce sont pourtant ces conséquences que Comte écarte, pour ne garder, finalement, que le « physiologique ». Les deux thèses qui structurent la réception comtienne de Cabanis sont en effet cantonnées à la physiologie. Nous les aborderons maintenant.

La 44e leçon et la distribution des espèces de la sensibilité

22Précisons immédiatement que cette réception se dessine sur le fond d’une anatomie et d’une physiologie qui doivent peu au médecin idéologue : Cabanis reste attaché à une conception galénique du cerveau qui en fait l’origine des nerfs alors que le modèle gallien, auquel semble adhérer Comte, conçoit le système nerveux comme un ensemble de ganglions (substance grise) indépendants et reliés entre eux (par des filets de substance blanche), le cerveau, qui est lui-même une formation complexe, à savoir un appareil formé de plusieurs ganglions, venant se surajouter, chez les animaux les plus évolués, aux formations antérieures du système nerveux. En outre, Comte, comme toute sa génération, s’appuie sur Bichat pour concevoir les éléments anatomiques ultimes. Les quelques indications que donne Cabanis à ce sujet, bien qu’ayant un air de famille avec ce que développera Bichat, sont en effet bien insuffisantes pour fonder une histologie cohérente.

  • 24 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 700.
  • 25 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 141, Lehec et Cazeneuve, (...)

23Enfin, du point de vue des grandes divisions physiologiques, Comte suit aussi massivement Bichat. Irritabilité et sensibilité sont les deux grandes propriétés de l’animalité, et doivent être « conçues comme strictement primordiales » et « absolument inexplicables »24. Autrement dit, Comte n’est pas du tout sur la ligne de Cabanis, qui pose la sensibilité comme le seul « fait général de la nature vivante », et tend à faire dériver l’irritabilité de la sensibilité25.

  • 26 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 693.

24La présence de Cabanis se découvre au premier chef dans la distribution générale de la sensibilité opérée dans la 44e leçon du Cours, consacrée à « l’étude de la vie animale proprement dite »26 (voir tableau 1). Comte d’une part sépare les sensations de ce qu’il appelle la sensibilité intérieure, laquelle regroupe les fonctions intellectuelles et morales, et il distingue d’autre part, au sein des sensations, les sensations extérieures (ou sensations proprement dites) et les sensations intérieures.

Tableau 1 : Les espèces de la sensibilité chez Comte

Tableau 1 : Les espèces de la sensibilité chez Comte

Tableau 2 : Les opérations de la sensibilité chez Cabanis

Tableau 2 : Les opérations de la sensibilité chez Cabanis
  • 27 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire III, § II, Peisse, p. 154, Lehec et Cazeneuve, p. 209.

25Il s’ensuit une division tripartite extrêmement proche de celle exposée dans les Rapports, entre impressions externes, impressions internes, et impressions produites directement par l’action de l’organe cérébral sur lui-même (voir tableau 2)27. Certes, chez Comte, cette distribution est vidée du sens fonctionnel que lui attribuait Cabanis et qui lui permettait de conserver le schéma sensationniste en l’enrichissant : à savoir que les sensations proprement dites étaient à l’origine des idées, les impressions internes à celle des instincts, les impressions produites par l’action cérébrale, mais Cabanis n’est pas très clair sur ce point, étant plutôt responsables de tous les phénomènes intérieurs qui ne peuvent se réduire à l’influence directe des deux autres catégories d’impressions, qu’il s’agisse de la méditation, des opérations de l’imagination ou encore des songes. Dans la conception comtienne, cette distribution fonctionnelle est abolie au profit de la sensibilité intérieure, laquelle absorbe l’ensemble des fonctions intellectuelles et morales, la catégorie sensation étant bornée à un rôle subalterne de transmission des notions extérieures aux facultés cérébrales.

  • 28 Voir H. M. D. de Blainville, Plan du Cours de physiologie générale et comparée fait à la faculté de (...)

26Il n’en reste pas moins que la tripartition comtienne, même si elle a transité par des intermédiaires comme Blainville28, peut aussi être rapportée à Cabanis. Deux points viennent à l’appui de cette affirmation. Tout d’abord la catégorie des sensations internes est explicitement référée à Cabanis :

  • 29 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 740.

Depuis Cabanis, et surtout depuis Gall, tous les physiologistes ont plus ou moins senti la nécessité de compléter l’analyse des sensations proprement dites par l’étude d’une seconde classe fondamentale de sensations, encore plus indispensables que les premières au perfectionnement de la vie organique, et qui, sans procurer aucune notion directe sur le monde extérieur, modifient néanmoins profondément, par leur action intense et presque continue, la marche générale des opérations intellectuelles, qui, chez la plupart des animaux, doit leur être essentiellement subordonnée. Ce sont les sensations intérieures qui se rapportent à la satisfaction des divers besoins essentiels soit de nutrition, soit de reproduction, et auxquelles il faut joindre, dans l’état pathologique, les différentes douleurs produites par une altération quelconque29.

  • 30 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire III, § II, Peisse, p. 154, Lehec et Cazeneuve, p. 209.

27Les explications fournies par cette citation sont sans équivoque : Comte reprend le concept d’impression interne fourni par Cabanis, les besoins de nutrition et de reproduction renvoyant évidemment aux « viscères du bas-ventre », lesquels, pour Cabanis, comprenaient les organes de la génération30.

28Le concept de sensibilité intérieure, ensuite, peut lui aussi être rapporté à Cabanis : plus exactement il semble l’équivalent comtien de ce que Cabanis appelait, d’après Sydenham, « l’homme intérieur », c’est-à-dire l’ensemble des actions que le cerveau/système nerveux opérait spontanément sur lui-même. En effet, l’introduction de cette catégorie justifie seule pleinement l’affirmation selon laquelle Cabanis serait le premier à avoir identifié phénomènes moraux et phénomènes cérébraux.

29Tout se passe comme si l’ensemble de la théorie cérébrale de Comte était, à partir d’une conception des facultés intellectuelles et morales empruntée à la phrénologie, le creusement, l’approfondissement et l’extension de cette thèse de l’homme intérieur. Et en posant que cette nouvelle théorie des fonctions cérébrales est quand même l’héritière, même lointaine, des conceptions développées dans les Rapports, Comte est d’accord avec la lecture de son époque, qui, dans le contexte d’un débat autour de la psychologie spiritualiste, voit d’abord Cabanis comme celui qui a affirmé que l’intériorité était de nature cérébrale. Cet investissement est peut-être facilité par le fait que l’« homme intérieur », dans les textes mêmes de Cabanis, est celle des trois espèces de sensibilité dont la description est la moins précise, la plus embarrassée, celle qui ne peut se résumer par une expression condensée et stabilisée, comme « impression interne », celle enfin dont les effets ne sont pas non plus identifiés à une catégorie précise, contrairement aux « idées », pour les impressions externes, et aux « instincts », pour les impressions internes. C’est pourtant bien cette catégorie aux contours beaucoup moins nets que les autres qui permet la réutilisation de Cabanis dans une théorie de la connaissance radicalement anti-condillacienne.

La morale positive : une théorie dualiste des rapports du physique et du moral

  • 31 A. Comte, « Examen du Traité de Broussais sur l’Irritation » [1828], in SPP, t. IV, Appendice, p. 2 (...)

30La lecture dualiste des Rapports, qui apparaît au cours de la seconde carrière de Comte, essentiellement dans le quatrième tome du Système, prend cependant sa source dans une analyse récurrente depuis 1828 : il convient de « tenir compte de l’extrême influence exercée sur le cerveau par les viscères digestifs et générateurs »31. Cette recommandation adressée à Gall et directement inspirée de Cabanis est aussi formulée dans la 45e leçon, consacrée spécifiquement aux fonctions cérébrales. La physiologie cérébrale aurait trop isolé le système nerveux du reste de l’économie animale :

  • 32 A. Comte, CPP, t. III, 45e leçon, p. 840-841. Voir aussi A. Comte, SPP, t. I, p. 673.

[…] elle a depuis beaucoup trop négligé la grande influence qu’exercent sur les principales fonctions intellectuelles et affectives les divers genres des autres phénomènes physiologiques, influence si hautement signalée dans le célèbre ouvrage de Cabanis, qui, malgré le vague et l’obscurité de ses vues générales, fut néanmoins si utile à la science, en servant de précurseur immédiat à l’heureuse révolution philosophique que nous devons au génie de Gall32.

31Ce reproche ne donnera lieu à une théorisation développée que dans le Système de politique positive, à partir de 1852, et dans le cadre d’une réflexion sur la morale. En effet, à partir du second tome du Système, Comte introduit la morale comme septième et dernière science de l’échelle encyclopédique. La signification de cette science, qui vient après la sociologie et qui couronne l’édifice encyclopédique, est assez difficile à déterminer : elle est donnée comme la science de l’individu, et elle devait avoir pour domaine d’application non pas la politique, mais l’éducation et la morale au sens pratique (et plus courant) du terme. L’erreur à ne pas commettre est de croire qu’il y a là un retour à l’individu au sens classique du terme, et que Comte abandonnerait ainsi le holisme sociologique si caractéristique de sa philosophie. Il s’agit plutôt de développer un point de vue sociologique sur l’individu, dans le but de faciliter l’intégration – Comte parle d’incorporation – des individus au sein de l’Humanité, être collectif et seul réel.

32C’est dans cette perspective que cette science nouvelle va être définie par le croisement étonnant – et assez peu consistant par rapport aux canons du premier positivisme – de deux sciences antérieures, la biologie et la sociologie.

  • 33 Ibid., t. II, p. 437-438.

En regardant la biologie comme ébauchant l’étude de l’existence humaine, d’après celle des fonctions végétatives et animales, la sociologie fait seule connaître ensuite nos attributs intellectuels et moraux, qui ne deviennent assez appréciables que dans leur essor collectif. Dès lors, la véritable science finale, c’est-à-dire la morale, peut systématiser la connaissance spéciale de notre nature individuelle, suivant une combinaison convenable entre les deux points de vue, biologique et sociologique, qui s’y rapportent nécessairement33.

  • 34 Ibid., p. 438. Voir aussi A. Comte, Catéchisme positiviste, Paris, Carilian-Goeury, 1852, p. 59-60.
  • 35 Voir A. Comte, SPP, t. IV, p. 237-240.

33En conséquence, le phénomène fondamental que la morale aura à traiter sera constitué par les « réactions continues entre le physique et le moral de l’homme, d’après les relations nécessaires des viscères végétatifs avec les organes affectifs »34. Les organes affectifs renvoient ici aux organes cérébraux qui régissent les facultés affectives, qui seules peuvent établir l’harmonie animale ou sociale. Quoi qu’il en soit, on ne peut que reconnaître dans ces lignes la reconduction d’un projet que Comte a trouvé formulé pour la première fois avec netteté chez Cabanis. Ainsi, il n’est pas étonnant que la seconde citation que nous avons donnée en liminaire, selon laquelle Comte aurait constitué « la doctrine, si dignement ébauchée par Cabanis », figure en conclusion du résumé programmatique du volume que Comte devait consacrer à la morale. Et effectivement, on retrouve dans ce programme beaucoup d’idées développées par Cabanis, que ce soit sur la double influence des vaisseaux et des nerfs, sur le rôle de la semence pour fortifier le cerveau, ou encore sur la possibilité de réguler les rêves35.

34Mais cette reprise ne se fait pas sans ambiguïté, car le syntagme « le physique et le moral de l’homme » semble être compris par Comte d’une façon très différente de celle dont Cabanis le comprenait. Non à cause des divergences que nous avons évoquées relativement aux conceptions psychologiques et physiologiques, mais plus profondément en raison d’une perspective dualiste qui semble totalement étrangère à Cabanis. Pour l’Idéologue en effet, les facultés morales et les facultés physiques sont toutes deux « produites par le jeu des organes », et la langue philosophique ne fait la différence :

  • 36 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire VI, « Introduction », Peisse, p. 261, Lehec et Cazeneuve, p. 31 (...)

que parce que les observateurs, pour ne pas tout confondre dans leurs premières analyses, ont été forcés de considérer les phénomènes de la vie sous deux points de vue différents36.

35Quelle que soit la position que l’on adopte sur le monisme que l’on prête à Cabanis, et sur la nature de son matérialisme (en un sens non comtien), il est en tout cas très difficile d’en faire un dualiste.

36Or il nous semble au contraire que Comte insère sa compréhension des rapports entre le physique et le moral dans un dualisme assez déroutant, où la frontière ne passerait pas entre une réalité spirituelle et une réalité corporelle, mais entre deux types de corporéités : le cerveau d’un côté, et même plus spécialement les facultés affectives les plus hautes, dont l’ensemble définit l’altruisme, et le reste du corps. Relevons plusieurs traits de la dernière philosophie comtienne à l’appui de cette affirmation de dualisme.

37Tout d’abord Comte rétablit le terme d’âme, pour désigner dans un premier temps l’harmonie entre le cœur et l’esprit, c’est-à-dire le fonctionnement harmonieux des facultés cérébrales sous l’autorité des facultés affectives. Très vite cependant le terme en viendra à prendre un sens moins normatif, et désignera seulement l’ensemble des facultés cérébrales. Certes, Comte prend bien soin de préciser que la reprise de ce « vieux terme » doit être purifiée de toute acception mystique : il n’en reste pas moins que certains mots, comme nous l’avons vu avec la conservation par Cabanis du terme de cause, ont une pente propre qui emporte les conventions faites à leur sujet.

  • 37 On trouve chez Cabanis, dans le Mémoire sur les sexes, à propos de la cessation des règles et de la (...)
  • 38 Voir A. Comte, SPP, t. IV, p. 101-104.

38Second élément : contrairement au corps, qui est inscrit dans le présent (ou ce que Comte appelle la vie objective), le cerveau a une temporalité plus large, permettant à l’individu de vivre avec les morts et de chérir les êtres à venir37. Notamment, la théorie de la vie subjective montre comment le cerveau est conçu comme un « siège » pouvant incorporer plusieurs âmes. Il s’opère grâce à lui un processus de « fusion » qui garantit l’existence de l’Humanité comme ensemble des êtres convergents, passés, présents et à venir38.

  • 39 Ibid., p. 36.

39Enfin, de manière symétrique à l’élévation du cerveau, on peut observer un mouvement de dévalorisation du corps. Comme le souligne Comte, « la socialité tend ainsi vers une constitution où le corps devient le simple soutien du cerveau, dont l’essor direct caractérise la nature humaine »39. Paradoxalement, l’effacement du corps devient l’idéal du perfectionnement corporel. C’est ainsi que la vie dans l’Humanité, la vie subjective, accomplit véritablement la disparition du corps en réalisant,

  • 40 Ibid., p. 105-106.

[…] avec plus de plénitude et de pureté, le rêve théologique des âmes dépourvues de corps. Homère, Aristote, Dante, Descartes, etc., ne cesseront jamais de revivre ainsi dans chaque cerveau capable de les absorber, pour y produire des résultats souvent supérieurs à ceux de leur vie objective40.

40L’idéal est l’élimination du corps, ou plus exactement de la corporéité non cérébrale. On a donc bien une situation assez étrange : la revendication d’un accomplissement du projet de Cabanis, dans un contexte qui ruine la signification ontologique de ce projet.

41Ironie de l’histoire : ce mouvement d’abolition du corporel est compris comme la continuation d’une inversion qui a cours dans la partie supérieure de l’échelle animale, mouvement d’inversion entre la vie de relation et la vie organique. Or cette distinction tranchée entre les deux vies, Comte l’emprunte à Bichat. Autrement dit, le dualisme serait le fruit d’une lecture bichatienne de Cabanis !

Conclusion

  • 41 Voir A. Comte, Catéchisme positiviste, pour le Calendrier, encart de la p. 332, et pour la « Biblio (...)

42Cabanis est pour le fondateur du positivisme une référence majeure, et Comte n’a pas manqué, au-delà des nombreux textes qui disent son importance, de lui rendre symboliquement un double hommage en l’inscrivant dans le Calendrier positiviste (au mois de « La philosophie moderne ») et en faisant figurer son œuvre maîtresse dans la « Bibliothèque du prolétaire au dix-neuvième siècle » (section « Philosophie, morale et religion »)41. Comme nous avons essayé de le montrer, Comte attribue à Cabanis deux mérites principaux : il a, le premier, affirmé la nature cérébrale des phénomènes moraux, et il a reconnu le rôle majeur joué par les impressions internes. Mais l’insertion de ces thèses à l’intérieur du système comtien leur donne une signification radicalement différente de celle qu’elles avaient chez Cabanis. L’affirmation de la spontanéité cérébrale conduit au rejet du sensationnisme, et la reconnaissance de l’importance des impressions internes est un élément déterminant dans la construction du dualisme de la seconde carrière.

  • 42 Voir A. Comte, CPP, t. III, 45e leçon, p. 801.

43Mais est-il si sûr que la lecture dualiste de Cabanis découle exclusivement de la perspective morale propre à la seconde carrière ? Il semble en effet, comme très souvent chez Comte, que ce dualisme prend sa source bien plus loin, dès les premières réflexions formulées en 1819, à savoir dès l’assimilation univoque du moral et du cérébral. Le moral, pour Cabanis, c’est le physique sous un autre point de vue. Les phénomènes moraux (intellectuels et affectifs) ne sont pas réductibles au seul centre cérébral, ni même au système nerveux dans sa globalité. La logique localisatrice que Comte hérite de Gall n’est pas compatible avec l’approche holiste de Cabanis. La question du siège des passions permet de mettre en lumière ce point. Comte a sur ce sujet une position à la limite de la contradiction. Tout en affirmant que Cabanis a identifié le moral au cérébral, il lui reproche, comme à Bichat, d’avoir situé le siège des passions hors du cerveau42. Dans la logique de la localisation cérébrale exclusive, la position de Cabanis ne peut être stabilisée, car chez l’Idéologue le moral est en quelque sorte un effet de « circulation », dans lequel entrent en jeu non seulement le cérébral, mais aussi l’ensemble du corps, les moi partiels, les viscères, les organes des sens, etc. La logique des sièges fixes, qui va animer la recherche neurophysiologique à partir de Gall, que l’on soit pour ou contre la phrénologie, empêche Comte, malgré son insistance sur le consensus des êtres vivants, de saisir pleinement cette sorte de holisme physiologique que défend Cabanis, et le conduit à une interprétation dualiste des rapports entre le cerveau et le corps.

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Notes

1 Lettre d’Auguste Comte à Valat du 8 septembre 1824, dans A. Comte, Correspondance générale, Paris, EHESS – Mouton, 1973, t. I, p. 125. Ce n’est pas la première mention de Cabanis dans le corpus, mais c’est la première qui indique clairement la raison de l’importance de Cabanis pour Comte.

2 A. Comte, Système de politique positive (abrégé en SPP, suivi de la tomaison et de la page), Paris, Carilian-Goeury et Vor Dalmont, 1851-1854, t. IV, p. 237.

3 Voir ibid., t. I, p. 607.

4 Voir H. Gouhier, La jeunesse d’Auguste Comte [1936], Paris, Vrin, 1964, t. II, p. 5-60.

5 A. Comte, Cours de philosophie positive [abrégé en CPP, suivi de la tomaison, la leçon et la page], Paris, Rouen puis Bachelier, 1830-1842, t. I, 1re leçon, p. 14.

6 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 141-143, Lehec et Cazeneuve, p. 197-199.

7 Voir la présentation de l’état positif dans la loi des trois états : CPP, t. I, 1re leçon, p. 4-5.

8 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 142, Lehec et Cazeneuve, p. 198.

9 P. J. G. Cabanis, Du degré de certitude de la médecine, Lehec et Cazeneuve, t. I, p. 58.

10 Voir respectivement A. Comte, Écrits de jeunesse, P. E. Berredo Carneiro et P. Arnaud (éd.), Paris – La Haye, Mouton, 1970, chap. X, p. 473 et 476 ; A. Comte, Plan des travaux scientifiques nécessaires pour réorganiser la société [1822], in SPP, t. IV, Appendice général, p. 124-129 ; et CPP, t. IV, 49e leçon, p. 482-489.

11 A. Comte, Écrits de jeunesse, chap. X, p. 474. Dans la seconde occurrence de ce fragment « presque » est commenté en note : « Nous disons presque, car la politique, bien que distincte de la physiologie, en est cependant, par la nature des choses, beaucoup plus rapprochée que de la chimie » (ibid., p. 476).

12 Sur les rapports entre physiologie et politique, thème important mais souvent peu abordé, on consultera avec fruit la dernière partie de l’étude de Mariana Saad : voir Cabanis. Comprendre l’homme pour changer le monde, Paris, Classiques Garnier (Histoire et philosophie des sciences ; 10), 2016, « Médecine et politique », p. 197, et « La perfectibilité indéfinie », p. 239.

13 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire X, sect. II, « De la Sympathie », § VII, Peisse, p. 551-552, Lehec et Cazeneuve, p. 577-578.

14 Voir R. Goetz, Destutt de Tracy. Philosophie du langage et science de l’homme, Genève, Droz (Histoire des idées et critique littéraire), 1993, p. 70-105.

15 A. Comte, CPP, t. IV, 49e leçon, p. 483.

16 Ibid., t. III, 45e leçon, p. 777.

17 Le titre de cette dernière leçon de biologie est explicite : « Considérations générales sur l’étude positive des fonctions intellectuelles et morales, ou cérébrales » (ibid., p. 761 ; nous soulignons).

18 A. Comte, SPP, t. IV, p. 221.

19 Sur ce point, voir R. M. Young, Mind, Brain and Adaptation in the Nineteenth Century. Cerebral Localization and its Biological Context from Gall to Ferrier, Oxford, Clarendon Press, 1970, p. 11-23. Voir aussi L. Clauzade, L’organe de la pensée. Biologie et philosophie chez Auguste Comte, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2009, p. 122-133.

20 Voir A. Destutt de Tracy, Éléments d’Idéologie, t. I : Idéologie proprement dite, H. Gouhier (éd.), Paris, Vrin, 1970, Appendice III, p. 434.

21 A. Comte, Correspondance générale, t. I, p. 125.

22 A. Comte, SPP, t. I, p. 569.

23 P. J. G. Cabanis, Rapports, Préface, Peisse, p. 55, Lehec et Cazeneuve, p. 121.

24 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 700.

25 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, § VIII, « Conclusion », Peisse, p. 141, Lehec et Cazeneuve, p. 198. Pour l’assimilation de l’irritabilité à la sensibilité, voir ibid., § II, Peisse, p. 111-112, Lehec et Cazeneuve, p. 170-172.

26 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 693.

27 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire III, § II, Peisse, p. 154, Lehec et Cazeneuve, p. 209.

28 Voir H. M. D. de Blainville, Plan du Cours de physiologie générale et comparée fait à la faculté des sciences de Paris, 1829, 1830, 1831 et 1832, s. l., s. n., s. d., in L. Clauzade, L’organe de la pensée…, Annexe 2, p. 329.

29 A. Comte, CPP, t. III, 44e leçon, p. 740.

30 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire III, § II, Peisse, p. 154, Lehec et Cazeneuve, p. 209.

31 A. Comte, « Examen du Traité de Broussais sur l’Irritation » [1828], in SPP, t. IV, Appendice, p. 227.

32 A. Comte, CPP, t. III, 45e leçon, p. 840-841. Voir aussi A. Comte, SPP, t. I, p. 673.

33 Ibid., t. II, p. 437-438.

34 Ibid., p. 438. Voir aussi A. Comte, Catéchisme positiviste, Paris, Carilian-Goeury, 1852, p. 59-60.

35 Voir A. Comte, SPP, t. IV, p. 237-240.

36 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire VI, « Introduction », Peisse, p. 261, Lehec et Cazeneuve, p. 317.

37 On trouve chez Cabanis, dans le Mémoire sur les sexes, à propos de la cessation des règles et de la perte de la capacité à engendrer une remarque qui anticipe sur les formules comtiennes : un être qui peut engendrer coexiste « avec toute la suite des générations ; il appartient à tous les temps futurs, comme à tous les temps passés » (Rapports, Mémoire V, § XII, Peisse, p. 250, Lehec et Cazeneuve, p. 306).

38 Voir A. Comte, SPP, t. IV, p. 101-104.

39 Ibid., p. 36.

40 Ibid., p. 105-106.

41 Voir A. Comte, Catéchisme positiviste, pour le Calendrier, encart de la p. 332, et pour la « Bibliothèque » (non paginée), fin de la Préface, p. xli.

42 Voir A. Comte, CPP, t. III, 45e leçon, p. 801.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Les espèces de la sensibilité chez Comte
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Titre Tableau 2 : Les opérations de la sensibilité chez Cabanis
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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Clauzade, « Auguste Comte et Cabanis : une réception dualiste des Rapports ? »Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 57 | 2020, 85-100.

Référence électronique

Laurent Clauzade, « Auguste Comte et Cabanis : une réception dualiste des Rapports ? »Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 57 | 2020, mis en ligne le 31 décembre 2021, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/1467 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.1467

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Auteur

Laurent Clauzade

EA 2127 « Identité et subjectivité »

Laurent Clauzade est maître de conférences en philosophie à l’université de Caen-Normandie. Il travaille sur l’histoire des sciences au XIXe siècle et sur la philosophie française du XIXe siècle. Il édite les œuvres d’Auguste Comte.

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