Politiser la science morale : métaphysique et question sociale de Cabanis à Gérando
Résumés
Le spiritualisme de Gérando oriente la réflexion morale postrévolutionnaire sur une base d’emblée plus politique que celle des Idéologues. L’idéal y apparaît comme un plan voisin du réel ; ses conditions d’effectuation impliquent une nouvelle compréhension du rôle de la métaphysique, autant qu’une nouvelle pensée de l’État, ce dernier apparaissant moins comme le garant des droits individuels que comme instrument de pensée et d’organisation. Parce que les conditions de réalisation de l’idéal lui semblent exposées à l’action retardatrice des groupes confessionnels ou philosophiques, ce spiritualisme a pu récuser la perspective idéologiste sur la science de l’homme et envisager un tout autre destin pour ses applications pratiques. Parce qu’il n’a pas cependant cessé de reconnaître aux groupes une puissance morale, il a été conduit à concevoir la centralisation caractéristique de l’État moderne comme l’instrument d’une moralisation de la société politique, comme de l’État lui-même.
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 « Je lirai avec grand intérêt vos deux derniers volumes. Les deux premiers étincellent de vérités q (...)
- 2 A. Destutt de Tracy, Éléments d’idéologie, Troisième partie : Logique [1805], 2e éd., Paris, Vve Co (...)
1Considérer Cabanis (1757-1808) comme un auteur du XIXe siècle, c’est se donner une chance de le ressaisir dans les controverses où il était engagé avec ses contemporains. Ainsi peut-on espérer comprendre pourquoi l’Idéologie, c’est-à-dire l’un des plus ambitieux projets explicites de réforme scientifique, pédagogique et institutionnelle qu’ait connu la France, a rapidement laissé place à une autre version de la science de l’homme et à une autre compréhension du rôle de l’État qui, elles aussi, prolongeaient l’héritage des Lumières et de la Révolution, quoique de façon à la fois plus complexe et plus secrète. Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) est, dès le tournant du XIXe siècle, un des acteurs majeurs de cette inflexion. Après avoir été reconnu et récompensé par les Idéologues, il passe pour leur opposant. Deux documents peuvent résumer cette évolution : dans une lettre qu’il lui écrit en l’an VIII, à la réception des deux premiers volumes de son traité Des signes, Cabanis affirme qu’ils « étincellent de vérités »1 ; cinq ans après, à propos d’un autre ouvrage de Gérando, Tracy écrit dans une note du troisième volume des Éléments d’idéologie, que l’auteur lui paraît « confondre l’érudition et la profondeur », qu’il fait montre d’un « respect excessif » pour les « préjugés populaires que nous croyons à tort communs en Allemagne », qu’il a « passé toutes les bornes de la civilité » en parlant des Français comme de « gens légers, volages, impatients, reculant à la vue d’un in-4°, et très inférieurs à leurs voisins », qu’il a eu tort enfin en oubliant qu’en Allemagne comme en France, il est « des hommes qui se livrent aux systèmes métaphysiques, et d’autres qui s’y refusent », les derniers semblant partout à Tracy « les plus solides et les plus profonds »2. La note n’épargne pas même à Gérando des allusions à son exil aux heures les plus sombres de la Révolution.
2Avec la publication en 1808 du Rapport historique de Gérando sur les progrès de la philosophie depuis 1789, la rupture est consommée. On voit, aux remarques de Cabanis et de Tracy que nous avons citées, que le débat entre les trois hommes prend corps autour du problème du statut de la métaphysique. Quoique les Idéologues pensent l’avoir tranché, son issue reste incertaine aux yeux de Gérando, et même elle doit le rester, si la philosophie veut être la science expérimentale que semble réclamer la modernité. Simultanément à cette critique de la critique idéologique de la métaphysique, Gérando sera également, sous la Restauration, un penseur de la question sociale et, sur ce terrain également, c’est la liquidation de l’héritage idéologique qu’on peut observer : à une autre conception de la métaphysique, celle que Gérando avait promue contre l’Idéologie, correspondait aussi une autre conception de l’État. Quel lien peut-on établir entre ces deux dimensions de la science morale naissante ? – On peut dire que le problème commun aux hommes des lendemains de la Révolution était d’interroger les formes que pourrait prendre désormais la moralisation de la vie humaine. On trouve ainsi, à l’origine de la science de l’homme, un mélange indissociable de vues spéculatives et pratiques, dont le thème cabanissien des rapports du physique et du moral de l’homme est peut-être le plus significatif, qui entend affirmer les conditions indissolublement physiologiques et sociales de toute vie morale. Mais l’adjectif « sociales » est ici ambigu, insuffisant, même. S’il s’agit d’affirmer la nécessité de la socialisation pour la moralisation de la vie humaine, le critère est trop large : il ne saisit pas la complexité politique de la vie de groupes dont les engagements retardent autant qu’ils secondent la réalisation mondaine des idéaux et des sentiments moraux. La politique n’est certes pas absente – on l’a vu – des jugements que les Idéologues portent sur leurs adversaires en philosophie, mais on peut se demander si elle est bien essentielle à leur perspective sur la morale. Pour Gérando, au contraire, nous aurons l’occasion d’y revenir, l’idéal, dans la situation moderne, est coincé sous les feux croisés d’un mysticisme incommunicable et d’un rationalisme réducteur ; et c’est cette situation singulière qui trace le programme d’une science morale qui devra saisir le moral en sa spécificité, sans cesser pour autant de le faire rationnellement. C’est, en un mot, parce qu’il adoptait une vision politique des conditions de réalisation de l’idéal moral dans la société postrévolutionnaire, que Gérando était conduit à refondre en profondeur le point de vue des Idéologues. Dans la science morale, il offrait une nouvelle vie à la métaphysique ; et il comprenait d’une façon entièrement neuve le rôle de l’État, en voyant dans la centralisation le processus essentiel de sa modernisation : l’État qui se centralise, nouant de façon inédite Providence et institution, apparaissait alors comme le facilitateur d’un idéal moral bloqué par la situation théologico-politique postrévolutionnaire. Ce sont ces deux mouvements qu’il faut maintenant reprendre.
D’une perspective politique sur la métaphysique…
- 3 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Peisse, p. 55, Lehec et Cazeneuve, p. 121. A. Destutt de Tracy, Mé (...)
- 4 Voir L. Clauzade, L’organe de la pensée. Biologie et philosophie chez Auguste Comte, Besançon, Pres (...)
3Les Idéologues avaient hérité de Condillac le refus de la métaphysique ; elle était, pour eux comme pour lui, condamnée comme un discours obscur et indécidable sur la réalité ultime mais inaccessible des choses3. Le chemin sur lequel ils s’étaient ainsi engagés n’allait cependant pas sans difficulté : une fois barré l’accès à l’être, quel lien peut-on réellement établir en effet entre une analyse des idées qui se veut strictement rationnelle, limitée au plan de la représentation, et une analyse des impressions sensibles qui entend en scruter les fondements physiologiques ? L’articulation entre l’« idéologie physiologique » de Cabanis et l’« idéologie rationnelle » de Tracy semblait buter sur une insurmontable contradiction4. Gérando, qui croyait que le souci de la vérité le dispensait de révérer autant que de rejeter sans examen les opinions à la mode, suggère quant à lui que les Idéologues sont en fait restés métaphysiciens malgré eux. Dans le Rapport historique sur les progrès de la philosophie depuis 1789 présenté à l’Empereur en 1808, il refuse d’employer le terme « idéologie » pour désigner l’étude des facultés humaines,
- 5 J.-M. de Gérando, Rapport historique sur les progrès de la philosophie depuis 1789 [abrégé en Rappo (...)
non que nous puissions tenir aucun compte des efforts tentés par quelques esprits frivoles, toujours prêts à verser le ridicule sur les choses sérieuses, pour décréditer une science qu’ils ignorent, en jouant sur le nom qui la désigne : mais, en général, nous ne croyons point qu’on doive légèrement changer, dans les sciences, les dénominations reçues5.
4L’argument majeur est le suivant :
- 6 Ibid.
[…] le nom d’idéologie […] peut présenter une acception inexacte et même dangereuse, en paraissant réduire l’étude de l’esprit humain aux représentations qu’il se forme des objets, et consacrer ainsi une erreur trop généralement répandue6.
- 7 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des (...)
- 8 Voir J.-M. de Gérando, Des signes et de l’art de penser considérés dans leurs rapports mutuels, Par (...)
- 9 J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 163.
5Gérando s’oppose ici aux Idéologues sur ce qui est après tout leur invention la plus durable, et il le fait, qui plus est, dans un rapport destiné à l’Empereur dont ces philosophes précisément sont devenus les opposants. Le texte est pourtant moins courtisan qu’il n’y paraît : en rejetant le mot « idéologie », son auteur rejette aussi la frivolité de ceux qui s’en sont moqués, parmi lesquels on sait qu’il faut compter Napoléon lui-même. Non seulement le propos n’a donc rien de complaisant, mais il semblera même d’une ironie cinglante, à moins qu’il ne témoigne d’une énorme naïveté. C’est que Gérando refuse qu’on juge a priori des doctrines en arguant, notamment, de leurs prétendues tendances morales : un tel jugement devrait au contraire résulter d’une enquête rigoureuse qui se confondrait avec la véritable science morale7. Mais qu’en est-il, sur le fond, du rejet du mot « idéologie » ? Le néologisme semblant réduire l’étude de l’esprit humain aux représentations qu’il se fait des objets, on peut être tenté de comprendre que c’est alors le fait qu’une telle étude laisserait de côté les sensations internes qui est en cause. On sait pourtant que l’Idéologie – et singulièrement celle de Cabanis – ne les a pas négligées, et l’apport de Cabanis à l’analyse condillacienne sur ce point n’a pas échappé à Gérando8. C’est donc une autre interprétation qui doit être retenue : ce qui est en cause, c’est que l’Idéologie réduirait l’étude de l’esprit humain à sa faculté de former des représentations, qu’elle le couperait du monde. Loin de la désignation de « matérialisme » qu’on est tenté de donner parfois à la position cabanissienne, c’est donc son idéalisme latent qui est ici reproché à l’Idéologie. Ce rejet terminologique implique d’abord, pour Gérando, que le projet de science morale a été mal accompli par les Idéologues. Il implique ensuite qu’une science morale est donc compatible avec la métaphysique, et même appelle un renouvellement de la métaphysique sur une base à la fois plus complètement expérimentale et plus complètement morale. S’il ne faut plus parler d’« idéologie », « métaphysique » est en effet un terme qui pourrait rester ou redevenir d’usage pour désigner l’« histoire naturelle de l’esprit »9.
- 10 J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 405 ; Histoire comparée, 1804, t. III, dernier chapitre, p (...)
6Depuis 1804 au moins, l’ambition de Gérando est de pratiquer la philosophie comme une « science expérimentale »10 et d’éclairer par l’érudition et par une comparaison aussi large que possible des systèmes philosophiques ce que pourrait être une philosophie conciliable avec les intérêts moraux, religieux et politiques des sociétés. C’est à ce projet, plus complet à ses yeux que celui de l’Idéologie, qu’il rattache lui-même l’ensemble de sa démarche, dans un passage de la lettre qu’il adresse à l’Empereur au moment de la remise du rapport de 1808 :
- 11 Ainsi Gérando explique-t-il notamment la méprise des Idéologues qui ont pu un temps le tenir pour u (...)
- 12 J.-M. de Gérando, Lettre à l’Empereur, in Histoire de la philosophie moderne…, p. 455.
Le spectacle des abus commis au nom de la philosophie sous les rapports de la morale, de la religion et des institutions politiques, a été le motif qui, dès mes jeunes années, m’a engagé dans cette étude. Je conçus le dessein trop hardi pour mes forces, mais d’un vif intérêt pour mon cœur, de réconcilier la philosophie avec les vérités qui fondent le bonheur de l’homme et la tranquillité des États. Quelques prix obtenus dans les sociétés savantes de l’Europe ne sont tombés que sur des accessoires de mes travaux11 ; mais tous attestent le même but, et ceux que je n’ai pas publiés y tendent plus directement encore12.
- 13 J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 100.
- 14 J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 403.
- 15 P. Maine de Biran, lettre à Feletz, 30 thermidor an X [18 août 1802], in Œuvres, t. XIII-2 : Corres (...)
7Toute la démarche de Gérando est orientée, il faut y être sensible, par un diagnostic de la période postrévolutionnaire. Une « philosophie véritablement moderne »13 devrait réconcilier religion, morale et philosophie. Or, il y a non pas une seule, mais deux façons de rater le défi moderne, qui coïncident avec deux manières de manquer le nouage de la raison et de la religion : « […] attaquer la religion au nom de la philosophie, proscrire la philosophie au nom de la religion »14. Des deux côtés, la philosophie a pu être identifiée par les modernes avec un combat antireligieux. Du côté de la philosophie, et du côté de la religion, on a alimenté ce préjugé moderne selon lequel toute philosophie serait même essentiellement irréligieuse. Ainsi, dès 1802, Gérando a pu confier à Maine de Biran qu’il se sentait coincé « entre les batteries des philosophes d’Auteuil et celles des ennemis de la raison »15. Il faudra revenir sur le sens à accorder ici au mot religion, mais on comprend déjà que, dans la situation contemporaine de la philosophie, ce sont ou bien la spécificité des objets de la morale ou bien la possibilité de les atteindre par une démarche rationnelle qui ont été niées. Dans ce contexte, la solution gérandienne se laisse situer, si on peut dire, à mi-chemin des deux écueils : il s’agirait d’inscrire l’être dans la continuité d’un acte rationnel de discussion qui renvoie dos à dos le rationalisme réducteur des Idéologues et le mysticisme illuminé.
- 16 En 1804, dans la première édition de l’Histoire comparée des systèmes de philosophie, Gérando refus (...)
8Pour Gérando, en effet, il n’est vrai ni que la spiritualité ait une autonomie complète susceptible d’un mode d’intuition direct, ni que la seule sensation transformée, l’exhibition de sa base physiologique ou une simple transformation logique suffisent à rendre compte de l’ensemble des phénomènes moraux, et, particulièrement, des sentiments religieux. La philosophie moderne devrait ainsi devenir, si elle veut relever le défi d’une saisie adéquate des idées morales et religieuses, une « philosophie de l’expérience », Gérando visant par là non un désistement des diverses doctrines philosophiques en faveur de l’une d’entre elles, mais plutôt un rapport empirique radicalisé aux faits moraux que telle ou telle secte pourrait d’autant moins s’accaparer qu’il ne pourrait résulter que de la libre communication des idées entre les sectes. Ni Idéologie, ni spiritualisme mystique, ni même éclectisme, mais philosophie de l’expérience, ou philosophie comme science (morale) expérimentale : tel devrait être son nom, s’il fallait lui en donner un16. Reste que, s’il s’agit bien pour Gérando de hausser la « métaphysique » ou « science morale » au rang de véritable science humaine, les Idéologues n’y sont pas parvenus, qui ont en fait ravalé les faits moraux au niveau des données admises par les sciences de la nature. La démarche scientifique en morale serait, quant à elle, moins un nouveau système qu’une démarche qui prendrait un point de vue comparé sur les systèmes philosophiques, tant il est vrai que nulle philosophie ne peut prétendre définitivement régler l’ouverture nécessaire de la raison et de la religion l’une sur l’autre.
- 17 F. Ravaisson, Rapport sur la philosophie en France au XIXe siècle [1867], P. Millot (éd.), Paris, F (...)
- 18 Voir J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 446-447.
- 19 Voir J.-M. de Gérando, De la génération des connaissances humaines [1802], Paris, Fayard (Corpus de (...)
- 20 Suivant sur ce point Ravaisson, Frédéric Brahami a fortement souligné que le courant cousinien ne r (...)
- 21 Sur les rapports respectifs de Gérando et des Idéologues à ce sujet : A. Bocquet, Portrait d’un spi (...)
9À travers cette compréhension du rôle de la métaphysique moderne, s’inaugure une tendance spirituelle, plus encore qu’un courant d’idées, qui ira s’affirmant tout au long du XIXe siècle, si du moins on en croit Félix Ravaisson, et qu’on pourrait, avec ce dernier, caractériser comme un « positivisme spiritualiste ». Un spiritualisme positiviste serait une approche des faits de conscience qui n’en ferait pas une réalité détachée du monde lui-même qui les rend possibles17. Aussi surprenants qu’apparaissent les développements spéculatifs que Gérando n’hésite pas à aligner sur l’âme, la liberté humaine, la vie future, Dieu même, dans son Rapport historique de 180818 comme il le faisait déjà en 1802, dans De la génération des connaissances humaines19, c’est incontestablement à cette version du spiritualisme qu’il se rattache20. Une nouvelle science morale est en effet rendue possible une fois levé l’interdit portant sur la démarche expérimentale en morale. Or, c’est bien la possibilité d’une telle approche positive que l’Idéologie récuse, s’il est vrai que c’est le spirituel comme tel qu’elle refuse de considérer comme un objet de science, le reconduisant à de la « sensation » entendue non comme intentionnalité, mais comme propriété organique21. Une « philosophie de l’expérience » devrait au contraire voir surgir de l’histoire des systèmes philosophiques elle-même les faits constitutifs de l’analyse.
10Des implications pratiques de ce spiritualisme positiviste, il faut maintenant parler, parce qu’elles conduisent là encore Gérando à prendre ses distances vis-à-vis de l’approche des Idéologues, et particulièrement de celle que Cabanis propose de la question sociale. C’est encore la nature politique de son diagnostic qu’il faut souligner pour saisir sur un autre point la façon dont ce spiritualisme s’éloigne de l’Idéologie, car c’est bien en ayant conscience de l’action complexe de la situation politique sur la morale que Gérando aborde encore la question sociale. Ce second parcours permettra, enfin, de lever en partie le voile sur la signification religieuse du spiritualisme.
… à une conception morale du rôle de l’État moderne
- 22 Voir M. Gaille, « Introduction », in P. J. G. Cabanis, Anthropologie médicale et pensée politique, (...)
- 23 P. J. G. Cabanis, Quelques principes et quelques vues sur les secours publics, in P. J. G. Cabanis, (...)
11Selon une lecture proposée récemment par Marie Gaille, la notion des rapports du physique et du moral de l’homme permettait à Cabanis d’inscrire la souffrance de l’individu humain dans une possibilité de ses organes en même temps que dans un contexte social et institutionnel, l’une comme l’autre condition de possibilité de ses besoins autant que de sa santé22. Une réforme de l’institution médicale paraissait certes nécessaire pour secourir efficacement l’individu malade, mais elle pouvait compter sur une sympathie naturelle, portant l’humanité en général vers l’humanité souffrante, qui, là encore, avait un fondement organique : « À l’aspect de la souffrance ou de la misère, les entrailles humaines s’émeuvent […] »23.
- 24 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 242-243.
- 25 Nous ne faisons donc pas passer le critère au même endroit que Marie Gaille qui estime que l’approc (...)
12C’est précisément ce mouvement naturel qu’empêche, pour Gérando, la situation postrévolutionnaire. Les rapports relatifs des groupes y bloquent le déploiement des sentiments moraux et religieux réputés universels. Car les sentiments, pas plus que les idées, ne se développent dans un milieu neutre, sans incidence sur ces comparaisons qui conduiraient mécaniquement, dans le schéma idéal de l’analyse condillacienne, à la formation des idées les plus composées. Faute d’avoir reconnu les coordonnées complexes où s’inscrit de fait la philosophie moderne, les Idéologues – comme tous les tenants de doctrines spéculatives aux yeux de Gérando – ont confondu nécessité morale et nécessité réelle dans le compte rendu qu’ils ont voulu donner du développement des idées24. La situation postrévolutionnaire impose au contraire que la question des secours dus à l’humanité souffrante soit abordée politiquement, parce que, pour poser adéquatement une telle question, il faudra nécessairement prendre en considération la variété des groupes qui rendent possible et simultanément entravent, à cause de la concurrence désordonnée qu’ils se font, le salut de l’humanité. Si, du point de vue où se situe Gérando, la version idéologique de la science morale est donc défaillante, c’est en un mot parce que la vie sociale n’est pas pour lui une condition suffisante de la moralisation. Inscrire l’individu humain dans un réseau de relations sociales n’offre pas en effet une perspective suffisamment politique sur la morale, si rien de plus n’est précisé sur les conditions effectives de l’échange des idées entre les groupes25.
- 26 Ibid., p. 47.
- 27 Voir ibid., p. 58 et p. 60.
- 28 J.-M. de Gérando, « Législation anglaise sur les pauvres », Revue étrangère et française de législa (...)
13Gérando ne s’en tient pourtant pas à ces constats négatifs : si les conditions de possibilité du progrès moral sont aussi des facteurs potentiels de retardement, la morale reste ouverte sur l’avenir, et les groupes sociaux peuvent avoir une action morale, pour peu que leur œuvre soit médiatisée par l’État. La mention d’un rôle à reconnaître à l’État introduit ici une ambiguïté qu’il faut lever. Comme le montre encore Marie Gaille, chez Cabanis déjà, il y avait une tension sinon une contradiction dans l’approche de la bienfaisance publique : d’un côté, on trouve chez lui l’idée qu’un contact entre bienfaiteur et personne souffrante est essentiel, ce contact rendant possible l’échange moral de don (secours) et de contre-don (gratitude), mais, d’un autre côté, Cabanis reconnaît que « lorsque la charité ou la bienfaisance s’exerce de façon privée, elle est […] très incertaine »26 ; et c’est pourquoi il plaide pour un régime strictement public d’assistance, dans la ligne des travaux du Comité de mendicité de 1790, hostile à la charité confessionnelle. Comme le rappelle toujours Marie Gaille, les travaux du Comité de mendicité seront rapidement remis en cause sous le Directoire (1795-1796), où s’affirmera le principe d’une aide facultative, et non de droit, dépendant des bureaux de bienfaisance et des œuvres privées27. La philanthropie telle que la conçoit Gérando ne s’inscrit pourtant pas sans nuances dans la continuité des réformes du Directoire. Si savoir donner et recevoir est essentiel à la vie morale d’une société, Gérando conclut au contraire que c’est donc que le caractère personnel de l’échange est essentiel également. S’il admet par ailleurs le risque d’arbitraire d’une charité exclusivement privée et notamment strictement confessionnelle, une autre solution s’impose cependant à lui : il faut non pas assécher, mais étatiser la charité privée, c’est-à-dire centraliser son activité en la plaçant sous la direction des bureaux de charité qui eux-mêmes rendront des comptes au Conseil général des hospices et au ministre de l’Intérieur. La philanthropie selon Gérando doit relever de la « bienfaisance publique », qui, étant admise l’existence des œuvres privées, doit chercher à les étatiser, à les coordonner par une centralisation administrative. Cette conception « administrative » du secours est au principe du jugement critique que Gérando porte sur une approche strictement légaliste de la question sociale, singulièrement sur les lois anglaises des pauvres. Jugeant leur évolution, en 1834, il considérera, non sans pénétration sociologique, qu’elle devrait aggraver la situation de la classe laborieuse : aucun intermédiaire administratif ne vient en effet offrir dans le système du « droit légal » au secours – selon le pléonasme significatif employé par Gérando – le relais concret qui en permettrait la juste application28.
- 29 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, Paris, Colas, 1820, p. 48.
- 30 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1822, t. IV, p. 1 sq.
- 31 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, p. 48 ; J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. (...)
14Tel que Gérando l’exprime dans un de ses ouvrages qui a eu le plus de succès si on en juge par le nombre de ses rééditions, le Visiteur du pauvre (1820), l’heure est à penser les conditions de possibilité pour la réalisation de la morale évangélique dans la société. Or, il apparaît très vite que le contexte politique et institutionnel postrévolutionnaire est à la fois un obstacle et une chance pour la réalisation d’une telle morale, pour la véritable moralisation qu’appelle la situation d’une humanité exposée à la « question sociale ». Gérando précise en effet deux choses : d’une part que ses idées philanthropiques ont leur principe dans l’Évangile, ce qui n’est certes pas admettre pour elle une origine « naturelle », et d’autre part qu’on n’a pas encore tiré toutes les conséquences de la vérité contenue dans l’histoire du Samaritain29. Si, pour Cabanis, la charité tient d’une sorte d’instinct viscéral, pour Gérando, elle a donc quelque chose de nécessairement spontané, gratuit. Mais cela ne fait pas qu’elle doive se réaliser facilement, et c’est, du reste, la valeur du christianisme que d’affirmer, malgré le monde, la nécessité inconditionnelle de secourir les plus faibles30. Il est significatif à cet égard que Gérando constate les errements de la charité précisément parmi les groupes qui font profession de confesser l’amour universel, et tel est en particulier le sens de l’allusion à la parabole biblique31.
- 32 Voir É. Durkheim, Leçons de sociologie. Physique des mœurs et du droit [1950], 3e éd., Paris, PUF ( (...)
- 33 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, § IX, p. 120-136.
- 34 Il s’agit de « faire de la charité une chose sociale, l’œuvre commune de tous et de chacun ! », in (...)
15C’est ce qui permet de comprendre la place que l’État doit jouer dans le dispositif spiritualiste de la charité : sans avoir à l’imposer, l’État doit cependant rendre possible la morale universelle. Il n’a pas en effet à imposer une morale qui est déjà une vocation pour les groupes charitables. Mais il a à la rendre possible, car ces groupes n’accomplissent pas bien leur propre aspiration, en procédant à l’aveugle et sans coordination. Car il y a loin du vœu et de la vocation à la juste réalisation, et la pratique charitable a besoin d’un éclairage. Ce qui se dessine ici très explicitement, c’est une conception de la réflexion – le terme durkheimien s’impose de lui-même32 – comme fonction essentielle de l’État : plutôt que garant coercitif du droit, l’État doit devenir son instrument pratique. Car c’est en coordonnant et en éclairant les actions des groupes charitables que devrait être rendue possible la morale universelle33 ; il s’agit pour eux de comprendre ce que font leurs membres, à qui on donne et pourquoi, cette aptitude à mettre en discussion la nature précise des besoins des individus fragilisés par les évolutions de l’industrie devant aussi se former chez ceux qui en sont les destinataires, mais sont bientôt appelés à en devenir les acteurs34.
- 35 Voir J.-M. de Gérando, « Centralisation », in Encyclopédie des gens du monde, Paris, Treuttel et Wü (...)
16De même que Gérando se trouvait pris, en métaphysique, entre les batteries des philosophes d’Auteuil et celles des ennemis de la raison, il est pris ici entre les tenants d’une charité légale, d’une part, dont les effets, sinon peut-être le modèle, sont scrutés par lui, on l’a signalé, dans la législation anglaise sur les pauvres, et une charité confessionnelle, d’autre part. Mais, en maintenant l’idée d’un caractère sacré de la charité, Gérando n’a garde de tomber dans un écueil équivalent à celui des « ennemis de la raison » en métaphysique : loin de s’en tenir à affirmer sans plus le caractère gratuit de la charité, il s’agit plutôt de penser les conditions institutionnelles de possibilité d’une vie plus pleinement morale ; et ces conditions portent chez Gérando un nom qui n’est autre que celui du processus par lequel l’État est d’ores et déjà devenu moderne selon lui : la centralisation, Gérando entendant essentiellement par là l’opération par laquelle l’État devient cet organe réflexif rendant possible la morale universelle que nous venons de décrire35.
17Sur la signification religieuse de ce spiritualisme, on parvient donc à la conclusion suivante : c’est la centralisation administrative qui apparaît pour lui comme le véritable opérateur politique de la moralisation et donc de l’accomplissement de la Providence – pour reprendre un terme cher à Gérando – dans une société postrévolutionnaire marquée moins par la disparition que par la secondarisation du religieux. Cette secondarisation, on l’a vu, Gérando la justifie au moins autant qu’il la regrette : l’œuvre des groupes religieux ne pourra être juste que s’ils sont protégés eux-mêmes de leurs excès par la centralisation. La centralisation apparaît ainsi comme l’opérateur théologico-administratif de la morale dans la société moderne. C’est alors un rôle philanthropique que l’État peut jouer, car il peut seconder la morale évangélique grâce à la centralisation et à son aptitude à éclairer l’action charitable. On comprend, enfin, qu’une opération administrative effective soit nécessaire, puisque c’est seulement si la centralisation l’a métamorphosé en État administratif que l’État moderne peut être le catalyseur – plus encore que l’opérateur – de l’accomplissement de l’idéal dans la vie des groupes.
Conclusion
- 36 Voir J.-M. de Gérando, Du perfectionnement moral ou de l’éducation de soi-même [1824], 2e éd., Pari (...)
- 37 Voir H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion [1932], 6e éd., Paris, PUF (Quadri (...)
18Parce qu’elle était d’emblée plus politique que l’Idéologie, l’approche spiritualiste était donc particulièrement susceptible d’envisager une inflexion morale de l’administration de la misère humaine. La réflexion gérandienne se greffe ainsi sur un courant de vaste portée qu’anime la question du sens de l’individualisme dans la modernité postrévolutionnaire. Il s’agissait d’offrir à la singularité moderne une détermination morale36 qui, par sa nature, est et doit rester ouverte sur une carrière potentiellement indéfinie, parce qu’elle empruntera des directions que nous ne devons ni d’ailleurs ne pouvons actuellement prévoir, s’il est vrai qu’en elles s’exprime sa liberté. C’est que l’individualité de l’individu gérandien tient autant aux institutions qui rendent possible son individualisation qu’à la vie qui l’individue. Or, la question de la réalisation de l’individu humain ne peut aisément être disjointe de celle du rapport des groupes à l’idéal. Dans l’histoire du spiritualisme, il reviendra à Bergson de montrer que, dans la vie d’une société exposée à l’industrialisme, perçait aussi une autre tendance, l’autre branche de la loi de double frénésie, qui la porte, et ce dès l’origine, vers la simplicité et l’économie de moyens, d’esquisser aussi – en sautant d’emblée au plan international – une solution pour les tensions propres à l’affrontement des sociétés closes37 ; mais Gérando, préfigurant en cela davantage la sociologie durkheimienne, chercha dans le dispositif étatique lui-même l’opérateur théologico-politique de l’accomplissement de l’individu moderne.
- 38 P. J. G. Cabanis, Lettre à F** sur les causes premières, Lehec et Cazeneuve, t. II, p. 271-272.
- 39 Ibid., p. 269.
- 40 Voir ibid., p. 263-264, 270-271, 275-276 ; voir aussi : « […] l’esprit de l’homme, d’après sa maniè (...)
- 41 Ibid., p. 294-295.
19Cabanis avait certes offert de l’Idéologie une version qui n’était pas incompatible avec les spéculations ontologiques, cosmologiques, ou même religieuses, comme le montrent le dixième mémoire des Rapports du physique et du moral ou la Lettre à Fauriel sur les causes premières. S’il rejetait, par exemple, l’usage du terme « spiritualisme », il rejetait tout autant celui du terme « matérialisme »38, et le sens même de l’Idéologie paraissait pouvoir se rejouer autour de la question des causes premières, problème indécidable en soi, néanmoins ouvert, pour cette raison même, à la spéculation, et susceptible de conclusions probables39. Cabanis y déchiffrait, semble-t-il, la tendance naturelle d’un vivant humain enclin – mais aussi légitimé par le fait que l’univers ne puisse être connu que par un vivant – à projeter sur la nature une force vitale dont le prototype est en lui-même40. Parce que science d’un être vivant et sentant, l’Idéologie a donc pu, chez Cabanis, s’ouvrir à une spéculation sur la nature, elle-même débouchant d’ailleurs sur une conception religieuse41.
20Mais ce n’est donc pas – répétons-le – parce qu’il était plus spiritualiste ou plus religieux, mais bien parce qu’il était plus politique que l’Idéologie, que le spiritualisme positiviste pouvait rendre possible une approche de la question sociale autrement soucieuse que l’Idéologie cabanissienne d’implications et d’applications pratiques. Parce qu’il se montrait en effet plus préoccupé des conditions institutionnelles de possibilité d’un idéal dont il savait l’existence, dont il savait qu’il est accessible à la vie des groupes, mais aussi qu’il peut être entravé par la vie de ces mêmes groupes, la solution pratique s’imposait d’elle-même : l’État devait intervenir comme instrument d’éclairage intellectuel des relations mutuelles des groupes ; garant aussi de leurs abus, il pouvait seconder efficacement la Providence, à condition de se contenter de faciliter des rapports interindividuels plus humains, plus moraux. Pour accomplir sa véritable destination morale, il ne devait donc pas se confondre avec la Providence, ou il devait être autre chose qu’État providence.
Notes
1 « Je lirai avec grand intérêt vos deux derniers volumes. Les deux premiers étincellent de vérités qui trouvent leur application dans l’étude et la pratique journalière des sciences en tant qu’usuelles. C’est un service inappréciable et il doit faire voir que la métaphysique ne se nourrit plus d’abstractions et de sublimes inutilités » (lettre de Cabanis à Gérando, à propos du traité Des signes, datée d’Auteuil, 16 fructidor an VIII, in Cabanis, G. Poyer (éd.), Paris, L. Michaud, s. d. [1930], p. 113).
2 A. Destutt de Tracy, Éléments d’idéologie, Troisième partie : Logique [1805], 2e éd., Paris, Vve Courcier, 1808, p. 248-251, note.
3 Voir P. J. G. Cabanis, Rapports, Peisse, p. 55, Lehec et Cazeneuve, p. 121. A. Destutt de Tracy, Mémoire sur la faculté de penser. De la métaphysique de Kant et autres textes [1798], A. et H. Deneys (éd.), Paris, Fayard, 1992, p. 70-71.
4 Voir L. Clauzade, L’organe de la pensée. Biologie et philosophie chez Auguste Comte, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2009, p. 31.
5 J.-M. de Gérando, Rapport historique sur les progrès de la philosophie depuis 1789 [abrégé en Rapport historique], in Histoire de la philosophie moderne. À partir de la renaissance des lettres jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, 2e éd., Paris, Ladrange, 1847, t. IV, p. 438, n. 1.
6 Ibid.
7 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des connaissances humaines [abrégé en Histoire comparée, 1804], Paris, Henrichs, 1804, t. III, p. 103-104 et p. 201.
8 Voir J.-M. de Gérando, Des signes et de l’art de penser considérés dans leurs rapports mutuels, Paris, Goujon fils – Fuchs – Heinrichs, 1800, t. I, p. 8 ; J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 441.
9 J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 163.
10 J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 405 ; Histoire comparée, 1804, t. III, dernier chapitre, p. 551-581.
11 Ainsi Gérando explique-t-il notamment la méprise des Idéologues qui ont pu un temps le tenir pour un des leurs.
12 J.-M. de Gérando, Lettre à l’Empereur, in Histoire de la philosophie moderne…, p. 455.
13 J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 100.
14 J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 403.
15 P. Maine de Biran, lettre à Feletz, 30 thermidor an X [18 août 1802], in Œuvres, t. XIII-2 : Correspondance philosophique, Paris, Vrin, 1996, p. 176.
16 En 1804, dans la première édition de l’Histoire comparée des systèmes de philosophie, Gérando refuse de reconnaître dans le criticisme la philosophie moderne par excellence. On a vu qu’il récuse en 1808 le terme « idéologie ». En 1822, dans la seconde édition de l’Histoire comparée, c’est le mot éclectisme qui subira le même sort. Gérando précisera alors qu’aucune « définition classique » ne peut être donnée de la philosophie, si celle-ci doit être science expérimentale : voir Histoire comparée des systèmes de philosophie relativement aux principes des connaissances humaines [abrégé en Histoire comparée, 1822], 2e éd., Paris, Eymery – Rey et Gravier – Aillan, 1822, t. I, p. 281, note (A).
17 F. Ravaisson, Rapport sur la philosophie en France au XIXe siècle [1867], P. Millot (éd.), Paris, Fayard, 1984, chap. I et chap. XXXVI, p. 313.
18 Voir J.-M. de Gérando, Rapport historique, p. 446-447.
19 Voir J.-M. de Gérando, De la génération des connaissances humaines [1802], Paris, Fayard (Corpus des œuvres de philosophie en langue française), 1990, p. 117.
20 Suivant sur ce point Ravaisson, Frédéric Brahami a fortement souligné que le courant cousinien ne résume pas à lui seul le spiritualisme en France (voir La raison du peuple, Paris, Les Belles Lettres [Les Belles Lettres/essais ; 17], 2016).
21 Sur les rapports respectifs de Gérando et des Idéologues à ce sujet : A. Bocquet, Portrait d’un spiritualiste en penseur social. Joseph-Marie de Gérando, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016, p. 57-63.
22 Voir M. Gaille, « Introduction », in P. J. G. Cabanis, Anthropologie médicale et pensée politique, M. Gaille (éd.), Paris, CNRS Éditions, 2014, p. 69.
23 P. J. G. Cabanis, Quelques principes et quelques vues sur les secours publics, in P. J. G. Cabanis, Anthropologie médicale, p. 123 [Lehec et Cazeneuve, t. II, p. 3] ; citation reprise par M. Gaille, p. 25.
24 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. III, p. 242-243.
25 Nous ne faisons donc pas passer le critère au même endroit que Marie Gaille qui estime que l’approche cabanissienne peut déjà être qualifiée de politique : voir P. J. G. Cabanis, Anthropologie médicale, p. 34.
26 Ibid., p. 47.
27 Voir ibid., p. 58 et p. 60.
28 J.-M. de Gérando, « Législation anglaise sur les pauvres », Revue étrangère et française de législation, vol. 5, 1837-1838, p. 649.
29 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, Paris, Colas, 1820, p. 48.
30 Voir J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1822, t. IV, p. 1 sq.
31 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, p. 48 ; J.-M. de Gérando, Histoire comparée, 1804, t. I, p. 207, n. 1.
32 Voir É. Durkheim, Leçons de sociologie. Physique des mœurs et du droit [1950], 3e éd., Paris, PUF (Quadrige), 1997, p. 87.
33 Voir J.-M. de Gérando, Le visiteur du pauvre, § IX, p. 120-136.
34 Il s’agit de « faire de la charité une chose sociale, l’œuvre commune de tous et de chacun ! », in ibid., p. 133.
35 Voir J.-M. de Gérando, « Centralisation », in Encyclopédie des gens du monde, Paris, Treuttel et Würtz, 1835, t. V, première partie, p. 238-243.
36 Voir J.-M. de Gérando, Du perfectionnement moral ou de l’éducation de soi-même [1824], 2e éd., Paris, Renouard, 1826, t. I, p. 100-101.
37 Voir H. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion [1932], 6e éd., Paris, PUF (Quadrige), 1995, chap. III et IV.
38 P. J. G. Cabanis, Lettre à F** sur les causes premières, Lehec et Cazeneuve, t. II, p. 271-272.
39 Ibid., p. 269.
40 Voir ibid., p. 263-264, 270-271, 275-276 ; voir aussi : « […] l’esprit de l’homme, d’après sa manière de sentir et de concevoir (et nous ne pouvons nous servir d’un autre instrument dans nos examens), ne peut éviter de reconnaître dans les forces actives de l’univers intelligence et volonté » (ibid., p. 278).
41 Ibid., p. 294-295.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Antoine Bocquet, « Politiser la science morale : métaphysique et question sociale de Cabanis à Gérando », Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 57 | 2020, 57-70.
Référence électronique
Antoine Bocquet, « Politiser la science morale : métaphysique et question sociale de Cabanis à Gérando », Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 57 | 2020, mis en ligne le 31 décembre 2021, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/1451 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.1451
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page