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Dossier

La réception immédiate de Rapports du physique et du moral de l’homme en France

Mariana Saad
p. 17-40

Résumés

Dès leur parution, les Rapports ont été accueillis comme une œuvre majeure par les médecins, la presse républicaine et les journalistes antirévolutionnaires. Cette étude examine les débats à l’œuvre dans les journaux. Le matérialisme, la portée scientifique et politique de ce livre en sont les trois axes principaux. Elle met en lumière un aspect peu connu : la réputation de grand écrivain de Cabanis.

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Texte intégral

  • 1 Ces expressions sont tirées du compte rendu publié dans la Gazette nationale du 17 mai 1790, le tex (...)
  • 2 Voir par exemple le Courrier des spectacles, 11 juin 1803, p. 4.
  • 3 Gazette nationale des 29 et 30 novembre 1802 et du 7 décembre 1802, signé Laya : il s’agit d’une re (...)
  • 4 Gazette nationale, 29 novembre 1802, p. 273.
  • 5 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 3.

1Dès la publication de son premier texte, « Observations sur les Hôpitaux », en 1790, les journaux font l’éloge de Cabanis, « destiné à reculer les bornes » de la médecine, et célèbrent la « force de l’esprit philosophique dont il est doué »1. Cet enthousiasme est confirmé dans le texte de l’encart publicitaire qui annonce en 1803 la nouvelle édition de Du degré de certitude de la médecine, où on lit : « […] son ouvrage sur les Rapports du physique et du moral de l’homme […] a fixé sa réputation de génie »2. Les Rapports ont paru l’année précédente, à la fin de l’été 1802. Cabanis est apparemment devenu un auteur unanimement fêté et les Rapports ont d’emblée été accueillis avec enthousiasme. À sa parution, tous les grands périodiques publient des articles sur cet ouvrage, souvent sur plusieurs colonnes, voire des pages entières. Le compte rendu de la Gazette nationale3 se poursuit sur trois livraisons, celui de La clef du cabinet des souverains sur quatre. Le nouveau livre de Cabanis est reconnu comme un texte majeur. Les critiques, cependant, divergent entièrement dans leur appréciation. Si la Gazette nationale affirme avec enthousiasme : « L’écrit du citoyen Cabanis manquait aux sciences »4, l’auteur qui rend compte des Rapports sur quatre colonnes dans le Journal des débats dénonce « des principes faux et dangereux, des systèmes monstrueux »5.

  • 6 Sur l’histoire de la presse à cette époque, voir en particulier A. Cabanis, La presse sous le Consu (...)
  • 7 Mercure de France, n° 82, 2 pluviôse an XI (22 janvier 1803), p. 222. Le compte rendu du Mercure s’ (...)

2On pourrait croire que ces différences d’attitude s’expliquent par les lignes politiques défendues par ces journaux ; le sénateur Cabanis, qui a contribué à porter Bonaparte au pouvoir, ne peut qu’être loué par la Gazette nationale, organe quasi officiel du gouvernement, et vilipendé par l’opposition contre-révolutionnaire dont le Journal des débats est un des principaux organes6. D’autant plus que le Mercure de France, l’autre organe de presse clairement dans l’opposition, propose une analyse très critique, dans laquelle l’auteur développe sur deux numéros l’idée que « M. Cabanis est mal instruit »7.

  • 8 Gazette de France, 6 fructidor an X (24 août 1802), p. 1345.
  • 9 Mercure de France, n° 82, 2 pluviôse an XI (22 janvier 1803), p. 218.

3Ces commentaires défavorables s’accompagnent, pourtant, de compliments sincères. Ainsi, un article de la Gazette de France s’en prend à « l’esprit de système » des Rapports, mais félicite Cabanis, « excellent écrivain », pour ses « idées lumineuses »8. L’article du Journal des débats cité plus haut loue « une métaphysique souvent lumineuse, un style pur, élégant et facile, l’heureux accord du talent le plus distingué et des connaissances les plus variées », et le Mercure souligne « une élégance et une pureté de style qui lui sont propres »9. Par ailleurs, si les savants et médecins qui écrivent pour la Gazette nationale ou la Décade philosophique, littéraire et politique, journal où Cabanis a beaucoup d’amis, mettent en avant l’originalité et la force de sa pensée, tel n’est pas nécessairement le cas chez tous les médecins. Le Journal général de médecine, organe de la Société de médecine de Paris, donne le ton :

  • 10 Journal général de médecine, de chirurgie et de pharmacie, ou Recueil périodique de la Société de m (...)

Dans l’un de nos prochains numéros, nous donnerons un extrait détaillé de cet ouvrage, dont presque tous les journaux ont parlé ; quelques-uns pour le critiquer injustement, la plupart pour lui donner des louanges outrées et sans discernement10.

  • 11 Le Dr Cerise publie son édition critique en 1843 à Paris chez Fortin, Masson et Cie. Louis Peisse f (...)

4La réception immédiate des Rapports fut donc complexe. Trois thèmes majeurs se dégagent : la portée morale et politique de l’œuvre, où se glissent la critique du matérialisme, la pertinence scientifique et enfin le style. Les étudier nous permettra de comprendre comment les Rapports sont devenus ce « livre célèbre » que le Dr Cerise et l’érudit Peisse auront à cœur d’éditer de nouveau quarante ans plus tard11.

Une œuvre philosophique : le débat sur l’origine des idées

  • 12 La décade philosophique, littéraire et politique [titre abrégé en La décade philosophique], n° 73, (...)
  • 13 Gazette nationale, 24 germinal an IV (13 avril 1796).
  • 14 Nouvelles politiques et étrangères, 8 avril 1796, p. 794.
  • 15 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.
  • 16 Il n’est pas besoin de rappeler ici les liens quasi filiaux qui attachent Cabanis à Mme Helvétius c (...)
  • 17 La clef, 21 pluviôse an VI (9 février 1798), p. 3485.
  • 18 Journal général de médecine, t. XV, 7e année, p. 125.
  • 19 J. Garebeuf, Réflexions sur l’ouvrage de M. Cabanis ; ayant pour titre : Rapports du physique et du (...)

5En 1796, la lecture à l’Institut des premiers mémoires qui composent les Rapports fut saluée comme un évènement philosophique de première importance par les collègues de Cabanis. Joachim Le Breton, le secrétaire de la classe des sciences morales et politiques à laquelle il appartenait, affirme dans son compte rendu officiel que : « La série des travaux qu’il annonce appartient à la haute philosophie »12. Les journaux amis comme la Gazette nationale saluent « ce grand et beau travail »13 tandis que Nouvelles nationales et étrangères annonce à ses lecteurs que lors de la séance publique de l’Institut du 15 germinal an IV (4 avril 1796) : « Un des meilleurs [ouvrages lus] est un mémoire de Cabanis […]. On y a trouvé de la saine philosophie exprimée avec élégance »14. Ces éloges se poursuivent deux ans plus tard lorsqu’il publie Du degré de certitude de la médecine. Les mêmes journaux célèbrent le « savant et philosophe »15, alors que le médecin Roussel, un habitué du salon de Mme Helvétius à Auteuil16, loue dans La clef « des vues philosophiques très profondes »17. Dans les comptes rendus consacrés aux Rapports qui paraissent en 1802 et 1803, on est frappé de l’unanimité avec laquelle tous saluent les Rapports comme un ouvrage philosophique important, même lorsque les vues défendues par Cabanis sont proprement éreintées. Le Journal des débats, tout en lui reprochant d’appartenir à la catégorie des « philosophes cruels » et des « philosophes imprudents », souligne qu’il « appuie des idées d’une saine philosophie son système sur le plaisir et la douleur ». Le Mercure de France persifle, mais n’en reconnaît pas moins qu’il s’agit là d’une œuvre de « philosophie rationnelle analytique ». Le médecin François-Joseph Double qui rédige, pour le Recueil périodique de la Société de médecine de Paris, un compte rendu long et détaillé dans lequel il prend ses distances avec nombre d’idées soutenues dans les Rapports, reconnaît pourtant que « l’utilité de la philosophie rationnelle, et ses rapports directs avec l’étude de la médecine, sont constatés d’une manière assez évidente dans l’ouvrage de Cabanis »18. Un autre médecin très critique, le Dr Garebeuf, de Limoges, explique qu’il a été incité à rédiger ses Réflexions par le fait même que « M. Cabanis est distingué, autant par ses talents que par son caractère, parmi les Philosophes savants »19.

  • 20 Ces Lettres sont publiées dans le n° 23 du 20 floréal an VIII (10 mai 1800), n° 26 du 20 prairial a (...)
  • 21 La décade philosophique, n° 23, 20 floréal an VIII (10 mai 1800), p. 263.
  • 22 Mémoires de l’Institut national des sciences et des arts, pour l’an IV de la République. Sciences m (...)
  • 23 Ibid., p. 104.
  • 24 Sur le détail de cette analyse et du rôle que joue la folie, symptôme d’un désordre des organes de (...)

6Tous reconnaissent en effet que Cabanis traite bien d’une des questions majeures de la philosophie depuis l’Antiquité, celle de l’origine et de la nature de nos idées. Pour tous, d’ailleurs, qu’ils le louent ou qu’ils le critiquent, l’apport principal de Cabanis est sa réfutation de l’existence des idées innées. Dès 1800, Jean-François Thurot fait paraître dans La décade philosophique une série de trois Lettres20 très élogieuses sur les premiers mémoires publiés par l’Institut. Ancien élève de l’École normale de l’an III et professeur de grammaire générale, Thurot est un proche du salon d’Auteuil. Il s’adresse « aux Auteurs de la Décade », « partisans et […] défenseurs de la saine Philosophie », qu’il se propose de seconder en quelque sorte au travers de ses articles. Les mémoires de Cabanis méritent d’être mis en lumière, car ils représentent un progrès majeur dans l’histoire de la pensée. Les connaissances de Cabanis en physiologie, dit-il, lui ont permis de donner une profondeur toute nouvelle à la proposition de Locke et de « Helvétius, Condillac, Charles Bonnet »21 que « nos idées viennent des sens » et d’apporter ainsi une réponse définitive aux deux objections principales que l’on invoque toujours contre l’empirisme : l’existence de l’instinct et des réactions instinctives et la relation entre impressions et idées. Thurot retrace les différentes étapes du raisonnement de Cabanis dans le deuxième mémoire et insiste en particulier sur les réponses qui sont apportées à ceux qui, en s’appuyant sur Haller, vont soutenir que l’irritabilité des nerfs indique qu’il y a « des déterminations sans choix et sans jugement » ou à ceux qui invoquent certains réflexes ou les gestes du nouveau-né pour prouver qu’il existe « des déterminations et des mouvements dont l’individu n’a pas conscience »22. Comme on le sait, la position de Cabanis est que les muscles sont animés par les nerfs, « organes particuliers du sentiment »23 et qu’il existe des impressions internes qui dépendent de l’état des organes24. Il crée ainsi un lien entre les impressions internes, externes et les nerfs, ce qui l’amène à sa proposition la plus célèbre : les idées, sensations transformées, sont le « produit » du travail de nos organes et singulièrement, du cerveau. Thurot rappelle l’importance de l’enjeu :

  • 25 La décade philosophique, n° 23, 20 floréal an VIII (10 mai 1800), p. 267-268.

[…] il était possible […] de jeter quelque lumière sur le mode d’association, pour ainsi dire, des impressions et des idées : c’est à quoi le C. Cabanis est parvenu toujours à l’aide d’une analyse aussi ingénieuse que sévère25.

  • 26 Ibid., p. 268 et P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, fin du § VII, Peisse, p. 138, Lehec et Caz (...)

7Il souligne ainsi que la victoire de Cabanis réside en ce qu’il a résolu la question des idées innées dont les partisans de l’empirisme ne pouvaient totalement triompher tant que la sensibilité physique n’avait pas été proprement étudiée. Il cite d’ailleurs en entier le passage dans lequel Cabanis explique que le cerveau « digère en quelque sorte les impressions »26 et produit les idées comme l’estomac digère les aliments.

  • 27 Deux longs articles signés « R. » sont consacrés au nouveau livre de Cabanis dans La décade philoso (...)
  • 28 La décade philosophique, n° 35, 20 fructidor an X, p. 458.

8Curieusement, ce passage est pour ainsi dire édulcoré dans le compte rendu en deux parties que publie la même Décade en 180227. La comparaison avec l’estomac disparaît complètement pour laisser place à une description très factuelle : « Le cerveau réagit sur lui-même, et par cette réaction, il convertit en idées les impressions qui lui sont transmises »28. Il semble bien qu’il y ait une volonté d’éviter toute polémique de la part de l’auteur. Cabanis est bien loué pour ses positions dans le débat sur les idées innées, mais le terme même d’instinct est conservé pour désigner les idées et mouvements produits par les impressions internes :

  • 29 Ibid.

En posant le premier une ligne de démarcation bien précise entre l’instinct et l’intelligence, en distinguant soigneusement les idées qui naissent de la disposition intérieure des organes, de celles qui nous viennent par les sens extérieurs, le C. Cabanis a fait faire un grand pas à l’analyse philosophique ; il a réfuté les objections spécieuses que faisaient aux sectateurs de Locke et de Condillac, les partisans des idées innées29.

  • 30 Gazette nationale, 8 frimaire an XI (29 novembre 1802), p. 274.

9Comme nous le verrons plus loin, en 1802, La décade philosophique met davantage l’accent sur la médecine que sur les enjeux philosophiques des Rapports. L’autre critique très favorable, publiée par L’observateur des spectacles en cinq livraisons dès septembre 1802, puis par la Gazette nationale en novembre et décembre, escamote le débat sous les louanges. L’auteur de ce compte rendu, le littérateur Jean-Louis Laya, ne mentionne jamais les « idées innées » ; son enthousiasme est total quand il présente le passage sur les fonctions du cerveau : « Comparable à l’estomac, il fait, suivant la belle expression du cit. Cabanis, la sécrétion de la pensée »30.

10Les journaux antirépublicains font, à la même époque, un tout autre accueil aux Rapports et à ce deuxième mémoire en particulier. Ils se déchaînent contre Cabanis et le simplifient pour mieux s’offusquer. Ainsi, lorsque celui-ci avance une comparaison, ils l’interprètent littéralement. Les deux articles que j’ai identifiés dans cette catégorie sont celui publié par Le spectateur du Nord et le Journal des débats en 1802 et celui qui paraît dans le Mercure de France et La clef en 1803. Le Journal des débats, après les louanges que nous avons citées plus haut, attaque ainsi l’ouvrage :

  • 31 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 3.

Le C. Cabanis semble n’avoir qu’un but, ne se proposer qu’un objet, celui de prouver que l’homme est purement physique. C’est pour établir ce funeste et monstrueux système qu’il emploie tous ses talents, toutes ses connaissances, qu’il compose deux gros volumes, qu’il écrit 1 200 pages31.

  • 32 Ibid.
  • 33 Ibid.
  • 34 Ibid.

11Suit un résumé du raisonnement de Cabanis à propos de la génération des idées qui se termine par la formule qui alimentera tant de caricatures au XIXe siècle : « Le cerveau les digère, comme l’estomac digère les aliments »32. L’auteur du compte rendu s’exclame alors : « Voilà, je l’avoue, des idées un peu difficiles à digérer »33. Il va insister dans la suite de son texte sur le fait que Cabanis se trompe non pas scientifiquement, mais politiquement et moralement. Il a d’emblée mis l’accent sur le matérialisme de Cabanis et s’indigne des « insultes » contre la religion qu’il trouve dans les Rapports. Il détourne le sens de plusieurs passages, et le terme « nazaréens », que Cabanis utilise pour illustrer les ravages de l’enthousiasme dans le progrès des connaissances. L’auteur du compte rendu fait mine de le comprendre comme désignant l’ensemble des chrétiens ; il peut alors affirmer que l’effet escompté par les partisans des Rapports sera tout autre que prévu. Loin de servir « au bonheur de l’homme et aux progrès de la vertu et de la morale »34, cette philosophie, niant toute transcendance, ôte aux plus humbles la seule consolation qui peut leur faire supporter la dureté de leur existence. Elle peut même se révéler dangereuse pour l’équilibre social : cruels envers les pauvres, les Idéologues seraient aussi « imprudents ». L’auteur du compte rendu s’adresse directement à eux :

  • 35 Ibid., p. 4.

[…] entourés de toutes les jouissances, de toutes les délices de la vie […] comment persuaderiez-vous au malheureux qui ne vit que de privations […] s’il était le plus fort, de respecter votre bonheur et de ne pas vous en enlever les moyens35 ?

  • 36 Ibid.
  • 37 Ibid.
  • 38 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § II, Peisse, p. 76, Lehec et Cazeneuve, p. 140.

12Revendiquer l’égalité, quand on appartient à une classe privilégiée, c’est prendre le risque de se faire dépouiller au nom de ses propres principes. Au fond, pour l’auteur, la philosophie de Cabanis repose sur un renversement de l’ordre social qui menace de s’étendre à tous les domaines. C’est là en effet le reproche principal qu’il formule, à la fin de l’article, contre la théorie de la génération des idées : « Non, je ne croirais jamais que la pensée, ce don céleste, cette émanation de la divinité soit formée dans le bas-ventre, dans les viscères abdominaux »36. La doctrine des Rapports confond le bas et le haut, plus même, elle ne tient aucun compte de ces distinctions. Cela est vrai aussi pour les « autorités » sur lesquelles s’appuie Cabanis : « Qu’est-ce que l’autorité d’Helvétius, de Condorcet, d’un Lamétrie (sic), auprès de celles de Descartes, de Pascal, de Mallebranche (sic), de Clarcke et de Newton ? »37. Évidemment ce dernier argument ne tient aucun compte de la façon dont Cabanis se réfère effectivement à ces auteurs, puisque La Mettrie n’est jamais mentionné dans les Rapports, que le nom de Condorcet n’y apparaît que dans une note de bas de page, qu’Helvétius n’est cité que trois fois alors que Descartes y est loué pour « les immortels services qu’il a rendus aux sciences et à la raison humaine »38, et que la doctrine des Rapports, comme nous l’avons déjà démontré, repose sur un recours constant à la physique newtonienne. L’auteur de l’article tient surtout à souligner que Cabanis est illégitime :

  • 39 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 4.

Nous avons pour nous […] l’opinion des plus grands philosophes anciens et modernes, et la sagesse du gouvernement qui vient de donner une autre base au bonheur, à la vertu et à la morale, et qui vient ainsi de décider irrévocablement ce procès39.

  • 40 Le Concordat fut signé par les représentants du pape et les représentants de la France en juillet 1 (...)

13Il est clair ici que l’auteur oppose les Rapports au tout nouveau Concordat qui vient de rentrer en application avec la loi d’avril 180240.

  • 41 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire VIII, § XIII, Peisse, p. 387, Lehec et Cazeneuve, p. 438.
  • 42 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 4.

14Il est intéressant de noter que le long compte rendu qui paraît dans La clef, repris ensuite dans le Mercure, a recours aux mêmes arguments, même s’ils sont développés un peu différemment, parfois. Ainsi, le Journal des débats se moquait d’une remarque de Cabanis sur le café qu’il présentait dans les Rapports comme « une boisson intellectuelle »41 et stimulante, ce qui devient, sous la plume du critique : « […] il est persuadé que le café donne de l’esprit »42. Dans La clef, l’ironie à propos des propriétés du café est associée au dénigrement des aspirations égalitaires de Cabanis et de ses partisans :

  • 43 La clef, 3 février 1803, p. 7.

Le café dispose à la bienveillance et à la philanthropie ; et il n’est pas impossible qu’après en avoir pris au sortir d’une bonne table, un idéologue n’envoie tout aussitôt un malheureux dîner avec une soupe à la Rumford43.

  • 44 La décade philosophique, n° 5, 20 brumaire an X (11 novembre 1801), p. 311 : « On sait que nous avo (...)

15Pour comprendre toute la cruauté de ce commentaire, il faut se rappeler qu’à l’époque les soupes « à la Rumford », du nom de leur inventeur, un scientifique anglo-américain établi en Bavière, font l’objet d’une promotion très soutenue de la part de nombreux groupes de savants et de philanthropes, mais aussi du gouvernement qui y voit une solution à la très grande misère qui sévit en France et singulièrement à Paris. Jean-Baptiste Say, un des principaux rédacteurs de La décade philosophique, s’était d’ailleurs fait le champion de Rumford lors du séjour parisien de ce dernier à l’automne 180144. Mais ces soupes, à base de pain mélangé à du riz ou du maïs, n’avaient pas la réputation d’être des chefs-d’œuvre de la gastronomie.

  • 45 Compte rendu en deux parties publié en thermidor et pluviôse an XI. Pluviôse an XI (janvier-février (...)
  • 46 La clef, 1er février 1803, p. 7.

16Les principaux griefs de l’auteur sont de deux ordres : religieux et moral d’une part, scientifique de l’autre. L’article de La clef, dont une version plus longue est publiée par le Mercure de France aux mêmes dates, est beaucoup plus virulent que le Journal des débats lorsqu’il établit l’opposition entre la religion et la philosophie matérialiste et au moins agnostique, si ce n’est athée. Plus encore, il oppose un courant de pensée, coupable des « malheurs » et des « holocaustes »45 de la Révolution, et un sentiment chrétien séculaire, enfin restauré dans ses droits. Cabanis, nous dit l’auteur, poursuit le travail de ces philosophes disparus « […] d’Holbach, […] Helvétius, [et] tant d’autres, dont les livres sont ensevelis sous les ruines de la révolution »46. Il est ainsi condamné au nom des griefs adressés à la Révolution de 1789 :

  • 47 Mercure de France, pluviôse an XI, p. 275. Comme indiqué plus haut, ce passage est absent de la ver (...)

[…] après la plus terrible expérience sur la société humaine, où toutes les erreurs spéculatives ont trouvé des applications […] ; lorsque l’on vient les proposer de nouveau, sous la protection des sciences et des découvertes modernes : alors, il s’élève comme un nuage de tristesse qui couvre l’avenir47.

17Au nom de la religion restaurée dans ses droits par le Concordat, l’auteur rejette Cabanis hors du cours de l’histoire avec plus d’emphase que le Journal des débats :

  • 48 Ibid., p. 276.

Ne remuez plus les restes d’une philosophie dont le nom même est également usé par ses défenseurs et ses adversaires ; laissez une nation qui relève ses autels, se rattacher aux croyances qui l’ont rendue florissante ; laissez-lui ses passions, car vos doctrines ne persuadent que des vices48

18Ici encore, la proposition de Cabanis que le cerveau produit les idées comme l’estomac digère les aliments est au cœur des arguments de l’auteur. Il fait montre, au début, de sarcasme :

  • 49 La clef, 26 janvier 1803, p. 6.

Grâce au progrès de la science, on peut […] déclarer nettement la source des idées. Elles nous viennent du ventre et quelques fois des cavités de la poitrine. En vérité, ce chemin est si obscur et ténébreux, que l’auteur aurait bien dû nous y diriger un peu49.

  • 50 La clef, 27 janvier 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 234.
  • 51 La clef, 3 février 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 273.
  • 52 La clef, 3 février 1803, p. 6 et 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 272.
  • 53 La clef, 3 février 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 272.

19Les longs passages où Cabanis prétendait démontrer sa théorie se trouvent donc immédiatement annulés, présentés comme inexistants. Mais c’est surtout cette évocation de l’intérieur du corps et des organes qui soulève le doute et la moquerie : « Dans ce discours il n’est guère question que de foie, de rate, de poumons et surtout de ventre »50. L’ironie cependant fait vite place à la réprobation. Pour l’auteur, dire que nos idées sont produites par nos organes et que le développement de ces derniers, tout autant que les impressions que nous ressentons, sont le résultat des circonstances, c’est nier le libre arbitre et donc toute responsabilité individuelle. Cette doctrine « nous apprend à trouver dans notre ventre un abri contre les remords à venir »51. Il s’agit encore une fois d’un renversement des valeurs. Cabanis, disciple d’Helvétius, propose, dit l’auteur, la physiologie « comme la base ferme et solide de la morale, qui doit remplacer les croyances religieuses [et soutient] que la connaissance de nos viscères assure le progrès de la science sociale »52. En choisissant le terme de « viscères », l’auteur a voulu souligner que l’on se trouve ici dans la matérialité, le corps et la chair. La « science sociale », activité spéculative, ne peut se retrouver sur le même plan. D’autant plus qu’elle prétend remplacer la morale et la religion qui sont des lois éternelles, alors que la science, l’auteur du compte rendu insiste sur ce point, est toujours changeante : « Depuis la théorie de Lavoisier sur la respiration, nous en avons vu deux autres. Qui nous assurera que ce sera la dernière ? »53. Voilà d’ailleurs une autre attaque, réitérée tout au long de l’article, contre la philosophie de Cabanis : tout repose sur une science incertaine ou erronée. Sur ce point d’ailleurs, il est rejoint par quelques médecins qui tiennent à prendre leurs distances avec la physiologie des Rapports.

Une œuvre médicale : la portée scientifique des Rapports

  • 54 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § VI, n. 1, Peisse, p. 93, Lehec et Cazeneuve, p. 155.
  • 55 La clef, 26 janvier 1803, p. 7 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 222.
  • 56 Ibid.

20La clef le dit nettement : Cabanis a tort sur plusieurs points et la science la plus récente le prouve. L’auteur oppose ainsi Cabanis à Pinel, à Bichat, à Réaumur et Spallanzani. Arrêtons-nous d’abord sur ce passage où Pinel est invoqué comme figure d’autorité pour contrer les théories présentées dans les Rapports. L’auteur cite le début du troisième mémoire, dans lequel, pour prouver l’identité du physique et du moral, Cabanis s’appuie sur les anormalités découvertes par les anatomistes qui se sont intéressés au cerveau. Il soutient qu’il existe un lien direct entre les malformations du cerveau, ou l’altération de la consistance de l’organe et différents dérangements des fonctions intellectuelles. On sait que la position de Cabanis sur cette question est complexe et qu’il évoque lui-même Pinel qui « n’a souvent rien trouvé de semblable »54. Mais l’article de La clef est évidemment polémique, et l’auteur est tout heureux de pouvoir affirmer avec force : « […] il est faux que les dissections prouvent ici quelque chose, car le plus souvent elles ne montrent aucun dérangement dans le cerveau des maniaques »55. Vient ensuite l’argument qui disqualifie totalement Cabanis : « Ces faits se trouvent consignés dans les ouvrages du docteur Pinel. On sait aussi que le traitement confirmé par tant de succès, que ce célèbre médecin emploie dans les maladies du cerveau, est presqu’entièrement moral »56.

  • 57 La clef, 3 février 1803, p. 6 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 272.
  • 58 La clef, 1er février 1803, p. 7 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 267.
  • 59 Cette note apparaît dans la version publiée dans le Mercure de France, thermidor an XI, p. 267 sq., (...)

21Cette façon d’opposer Cabanis à Pinel, pour l’isoler, est très intéressante, car en réalité il a appuyé la carrière de ce dernier : on assiste donc ici à la construction de deux camps. Il est d’ailleurs remarquable que le camp antimatérialiste soit si favorable au traitement moral. La légitimité de Pinel dans le domaine médical est soulignée : il est le « docteur Pinel » et il est « célèbre » alors que Cabanis est toujours appelé « M. Cabanis » et que la seule référence à sa réputation, le « caractère public dont l’auteur est revêtu »57, est clairement une allusion à ses fonctions politiques, puisque à l’époque Cabanis est membre du Sénat conservateur. Son isolement sur le plan scientifique est encore renforcé, car sa méthodologie est assimilée à une erreur de logique : « Lorsqu’il a prouvé connexion, il croit avoir prouvé dépendance »58. L’auteur lui oppose ensuite la rigueur de Bichat et de son cousin et élève, le Dr Mathieu Buisson. Celui-ci vient en effet de publier De la division la plus naturelle des phénomènes physiologiques, dont on nous dit que « le succès est assuré par tant de justes éloges »59 et qu’il a reçu l’approbation de Bichat lui-même avant sa mort. Cabanis apparaît d’ailleurs comme un être mesquin face à ce dernier « grand physiologiste qui avait tant de bon esprit et de génie » et qu’il accuse de plagiat dans la préface des Rapports.

  • 60 La clef, 1er février 1803, p. 7-8 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 269-270.

22Le matérialisme de Cabanis est encore attaqué au travers de sa défense de la génération spontanée. La formule est ironique : « M. Cabanis a vu des petites bêtes dans une amande pourrie, et il en conclut que l’amande a fait des petites bêtes »60. Or, nous dit-on, cette théorie a été démentie par « les expériences de Réaumur et Spallanzani », l’évocation de ces deux grands savants dont la réputation est établie venant de nouveau mettre en cause le sérieux scientifique des théories cabanisiennes. Surtout, un lien est clairement établi entre les Rapports et « ces vieilles fables de Lucrèce », rejetant l’ouvrage à la fois dans un camp philosophique bien identifié et dans le passé. Mais l’auteur n’a pas toujours recours à des autorités scientifiques pour disqualifier les théories médicales de Cabanis. Il en appelle aussi à la seule expérience pour démentir les conclusions du dixième mémoire sur la vie intérieure du fœtus :

  • 61 La clef, 26 janvier 1803, p. 6 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 221.

[…] l’auteur prétend que l’enfant reçoit des impressions internes dans le sein de sa mère, et que les déterminations et les passions qu’il manifeste dans le cours de sa vie ne sont que le réveil de ces impressions internes. – Cela est-il bien sûr ? et qui l’a vu61 ?

23Ces questions occupent pourtant la médecine et la philosophie occidentales depuis l’Antiquité. Platon, dans les Lois, demande aux femmes enceintes de bouger, car leurs déplacements et leurs mouvements communiqueront vigueur et beauté aux bébés à naître. Les humanistes de la Renaissance, Érasme autant que Barbaro ou Campanella s’interrogeront sur l’influence des conditions de la gestation sur l’enfant. Descartes, enfin, soutient l’existence d’impressions internes chez le fœtus.

  • 62 Le compte rendu paraît successivement dans les numéros suivants : Journal général de médecine ; n°  (...)
  • 63 Journal général de médecine, n° 74, brumaire an XI, p. 134.
  • 64 Ibid.

24L’auteur du compte rendu de La clef prétend ignorer cette longue et importante tradition alors qu’il est clair qu’il s’intéresse à la médecine. Son avis est d’ailleurs partagé, pour partie au moins, par le médecin François-Joseph Double dans le long compte rendu en trois parties qu’il consacre aux Rapports publiés par le Journal général de médecine de brumaire à nivôse an XI62. Double (1776-1842), reçu médecin à Montpellier en 1799, est recommandé par le célèbre Barthez à Sédillot, chargé de la direction de cette publication, « recueil périodique de la Société de médecine de Paris » comme l’indique le sous-titre. Dans la première livraison il se montre particulièrement critique et conteste la théorie de Cabanis à propos des impressions qui se forment au stade fœtal : « […] le fœtus, dis-je, n’a cependant point d’idées formées. Malgré l’opinion du citoyen Cabanis, on ne peut pas regarder comme telles le mouvement et les efforts qu’il fait dans les derniers temps de la grossesse »63. Pour lui, il faut ramener toutes les réactions du nouveau-né à l’instinct : « Il est clair d’ailleurs, que ces mouvements ne supposent point du tout aucune sorte d’idées : ce sont là de pures déterminations instinctives, dépendantes de l’organisation […] »64. Double ne s’appuie pas explicitement sur les travaux d’autres savants, il parle d’autorité. Il avance ses arguments avec assurance, visiblement convaincu de la certitude des connaissances acquises et aussi, on le verra, de son talent de médecin.

  • 65 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § 6, p. 93.
  • 66 Journal général de médecine, n° 74, brumaire an XI, p. 129.

25La discussion sur la capacité du fœtus à percevoir des impressions n’est d’ailleurs qu’un cas particulier dans ce qui est un désaccord majeur avec Cabanis : le lien intrinsèque qu’il établit entre organes et idées. Ici, Double ne s’en prend pas à la théorie d’un cerveau dont l’état pathologique ou sain influerait directement les idées et les affections morales. Il va attaquer le passage qui précède l’exposé sur la relation entre « le cerveau d’une mollesse extraordinaire chez les imbéciles ; d’une fermeté contre-nature chez les fous furieux »65 et qui concerne le lien entre l’état des organes du bas-ventre et la formation des idées. Cabanis établit une corrélation entre le développement du cerveau et celui des organes du bas-ventre, ce que Double, d’une manière significative, fait mine d’ignorer. Il met ainsi en garde ses lecteurs : « Mais n’a-t-il pas exagéré les conclusions dans le passage suivant ? “Une grande quantité de dissections comparées, dit-il, ont fait voir que leurs maladies (celles des organes du bas-ventre), correspondent fréquemment avec les altérations des facultés morales. …]” »66. Double oppose alors à Cabanis une série d’affirmations qui contiennent visiblement à ses yeux autant de vérités scientifiques :

  • 67 Ibid., p. 130.

Remarquons d’abord que la plus grande partie des manies, folies, etc. sont entièrement indépendantes de toute lésion des viscères abdominaux ; et qu’il n’en est malheureusement que bien peu qui soient sous leur empire. S’il en étoit autrement, ces altérations morales seroient bien plus aisées à guérir. Mais observons sur-tout, qu’il est des milliers de lésions du bas-ventre qui existent sans aucun dérangement notable du système central des sensations. Ensuite les lésions du système abdominal correspondent également avec celles des autres organes, et il n’y a pas d’autres liaisons entre les maladies de l’abdomen et du cerveau, que celle qui existe entre les affections des divers organes de l’économie67.

26Double est en désaccord avec Cabanis chaque fois que celui-ci s’éloigne des connaissances médicales établies ou de ce que proposent ses maîtres. Sa critique de la théorie des tempéraments de Cabanis est très significative. Comme on le sait, les Anciens avaient établi l’existence de quatre tempéraments, le lymphatique, le sanguin, le bilieux et le mélancolique qui correspondaient chacun à une des quatre humeurs que chaque individu possède en lui : le phlegme, le sang, la bile jaune et la bile noire. Cabanis y ajoute deux autres tempéraments : le musculaire et le nerveux. Pour Double, Cabanis s’est trompé :

  • 68 Ibid., p. 160-161.

Comment n’a-t-il pas vu, qu’à côté des tempéraments bilieux, sanguin, etc. la prédominance ou la faiblesse des systèmes sensitif et moteur sont des circonstances, des conditions accessoires qui se réunissent aux quatre tempéraments des anciens68 ?

27Double ne défend pas la théorie des Anciens, mais propose au contraire de rompre entièrement avec elle et de la remplacer par celle de son protecteur, Barthez :

  • 69 Ibid., p. 161.

Le célèbre Barthez, dans son bel ouvrage de la science de l’homme, a donné à ce sujet des vues saines et philosophiques, qui nous paraissent devoir servir de base au travail qui reste encore à faire, malgré les efforts des citoyens Hallé, Dumas, Rousille-Chamseru, et quelques autres, qui n’ont pas peu contribué à éclairer ces matières69.

28On l’aura compris, François-Joseph Double entend venir prendre sa place dans l’histoire de la médecine en poursuivant la voie ouverte par Barthez.

  • 70 Journal général de médecine, n° 94, messidor (juillet 1805), p. 184-197.
  • 71 Journal général de médecine, n° 80, floréal an XI (mai 1803), p. 469.

29Mais il devient plus discret et moins critique dans la deuxième et la troisième partie de son compte rendu. Il s’en tient à une présentation des idées développées dans les Rapports. Ses remarques personnelles sont contenues dans des notes de bas de page et ne remettent plus en question les théories de Cabanis. Il est encore chargé de rédiger le compte rendu pour Coup d’œil sur les révolutions et la réforme de la médecine70, mais le ton a complètement changé et il ne fait que résumer le texte de Cabanis, comme il était d’ailleurs d’usage à l’époque. En mai 1803, on assiste même à une sorte de renversement, puisqu’il va utiliser la référence à Cabanis pour critiquer l’œuvre d’un autre médecin, Caillot, de Strasbourg, auteur d’un discours sur « l’influence de la médecine sur les facultés intellectuelles et morales de l’homme ». Ce travail, dit Double, est bien inutile, car Caillot ne fait que traiter des rapports du physique et du moral, « ce qui a déjà été fait d’une manière si satisfaisante par Cabanis »71.

30L’un des critiques les plus radicaux des Rapports est sans doute Jacques Garebeuf, maire de Châlus, « membre du Conseil-général du Département de la Haute-Vienne », comme il l’indique sur sa brochure Réflexions sur l’ouvrage de M. Cabanis ; ayant pour titre : Rapports du physique et du moral de l’homme. Il y expose l’ensemble de ses critiques en s’appuyant, à la fois, sur ses compétences scientifiques et sur son statut de responsable politique :

  • 72 J. Garebeuf, Réflexions sur l’ouvrage de M. Cabanis…

[…] j’ai été incité à [le] publier, par un intérêt qui ne m’est personnel, qu’autant qu’il est celui d’une grande morale, sans laquelle nous ne pourrions prendre cette force de mœurs, convenable, même nécessaire à une Nation qui a une renommée de gloire et de puissance à perpétuer. L’intérêt aussi de l’art de guérir a dû concourir à me déterminer ; car cet art divin est accusé assez souvent, au moins de complicité, avec les auteurs de la morale conjecturale, organique ou corpusculaire, et avec les pratiques qui tendent à énerver, à altérer les mœurs et la santé des citoyens72.

  • 73 Ibid., p. 2.
  • 74 Ibid.

31Les journaux antirépublicains, nous l’avons vu, dénoncent le caractère amoral de la philosophie de Cabanis en lui opposant la religion, et en l’associant aux violences révolutionnaires et à l’athéisme. Garebeuf, lui, condamne les Rapports depuis sa position d’homme politique, représentant du pouvoir en place ; il défend les intérêts de la Nation en dénonçant les idées dangereuses qui y sont développées. Il ne se réfère pas à la religion, mais aux traditions de l’ordre politique que Cabanis renverse : « Ce sera désormais dans une Classe académique de physiologie médicale que pourront s’initier le grand Législateur et le politique, dans l’art de mouler l’intelligence et les facultés morales […] »73. Il introduit l’idée de ce renversement des valeurs et des hiérarchies à travers cette image des qualités morales « moulées » en expliquant un peu plus loin que les Idéologues suivent la logique qui guide « la pratique usitée par certaines Nations sauvages, d’aplatir entre deux planches la tête matérielle des enfants nouveaux nés »74. Or, dit-il, les théories de Cabanis reposent sur de nombreuses faiblesses scientifiques. Ainsi l’identité du physique et du moral n’est au fond qu’un tour de magicien :

  • 75 Ibid., p. 4.

[…] il nous présente un ensemble d’aperçus, habilement saisis, savamment rapprochés, qui doivent donner une plus exacte et plus efficace propriété aux termes de la physique médicale. Traduisant ensuite dans cette nouvelle langue les difficultés ou les obscurités de l’idéologie vulgaire, il nous découvre enfin un principe unique de la vie tant morale et intellectuelle, que physique et animale ; ce principe, il le circonscrit dans la substance de l’organe cérébral, centre commun du système de la sensibilité […]75.

  • 76 Ibid., p. 5.
  • 77 Ibid.

32Le lecteur, dit Garebeuf, est pris dans l’illusion créée par un langage qu’il ne maîtrise pas et grâce auquel Cabanis pose au départ ce qu’il prétend démontrer. Mais la théorie présentée dans les Rapports ne résiste pas à un examen systématique et Garebeuf dénonce ces passages où des « vues si lumineuses jusque-là, et si bien soutenues, paraissent s’obscurcir et se troubler […] »76. Ainsi du lien entre sensibilité et vie où, sans le dire, il rejoint les critiques adressées par d’autres à Cabanis sur la capacité du fœtus à éprouver des impressions. Ici, plus prudemment, Garebeuf s’en tient à une périphrase ironique : « On s’aperçoit que les premiers rudiments de l’existence répandent tout à coup un nuage sur ses idées ; il ne s’exprime plus qu’en équivoques […] »77.

  • 78 Journal général de médecine, n° 47, thermidor, p. 374-375.
  • 79 Il s’agit en fait de Jean-Baptiste Bobé (1761-1849) dit Bobé-Moreau, chirurgien et médecin.
  • 80 Journal général de médecine, n° 52, nivôse an IX (janvier 1801), p. 331.
  • 81 Ibid., p. 356.

33Ce n’est cependant pas la position défendue par tous les médecins, loin de là. Le Journal général de médecine a bien fait appel à François-Joseph Double pour son compte rendu, mais il n’en reste pas moins l’organe de la Société de médecine de Paris à laquelle appartiennent nombre d’amis et de collègues de Cabanis. Sédillot, le secrétaire général de la Société de médecine fait également partie de la Société médicale d’émulation dont Cabanis est membre. Alibert, loué dans les Rapports, est le président de la Société d’émulation et un membre résidant de la Société de médecine de Paris. Dans les années précédant l’arrivée de Double, les mentions de Cabanis sont toujours élogieuses. Ainsi, en thermidor an VIII (août 1800), un article fait l’éloge de La décade philosophique qui consacre de nombreuses pages à la médecine et à la physiologie et signale à l’attention des lecteurs « les extraits du mémoire du citoyen Cabanis par le citoyen Thurot, extraits qu’il faut indiquer, comme modèles dans ce genre, et dont nous enrichirons incessamment notre journal en indiquant la source où nous avons puisé »78. Il ne semble pas que le Journal ait finalement publié le compte rendu de Thurot, mais il est clair que les éditeurs en avaient bien l’intention, puisqu’on lit dans le même numéro, quelques pages plus loin, à propos d’une autre publication de l’Institut national : « Nous nous réservons également de faire connaître le mémoire philosophico-médical, que le citoyen Cabanis a publié dans le second volume des actes de la sect. Des Sc. Mor. Et Politiques ». Quelques mois plus tard, en janvier 1801 (nivôse an IX), un article signé R. C. (Roussille Chamseru) consacré à l’édition française du traité de Médecine clinique de Maximilien Stoll qui vient de paraître, cite le traducteur Jean-Baptiste Bobé79, médecin professeur à l’École de santé de Rochefort, qui souhaite que l’ouvrage serve « de base au nouveau cours indiqué par le célèbre Cabanis, dans son discours sur l’organisation de l’enseignement de la médecine »80. Le médecin Alard poursuit encore les éloges dans le même numéro, dans son compte rendu du Traité médico-philosophique de Pinel : « Les aliénés les plus difficiles à contenir dans les hospices […] portent presque tous les caractères extérieurs que Cabanis a décrits avec tant de vérité et d’énergie, en les comparant avec ceux du tempérament sanguin »81.

  • 82 Magasin encyclopédique, t. VI, 3e année, p. 309.
  • 83 F. Rampont, De la voix et de la parole, Paris, Feugueray, 1803, p. 1, note de bas de page.
  • 84 J.-C. Dupont, Médecine . Y a-t-il de la différence dans les systèmes de classification dont on se s (...)
  • 85 Courrier des spectacles, 27 septembre 1805.
  • 86 Journal de médecine, chirurgie, pharmacie &, messidor an XIII, p. 325.
  • 87 Ibid., fructidor an XIII, p. 470.
  • 88 P.-J. Barthez, Nouveaux éléments de la science de l’homme, Paris, Goujon, 1806, t. II, p. 81.
  • 89 Ibid., p. 215.

34Contrairement à ce que nous avons vu plus haut dans les journaux antirépublicains, Cabanis est ici associé à Pinel et de nombreux médecins lui font un accueil très favorable. Rousille Chamseru publie dans le Magasin encyclopédique, en 1798, une critique de Du degré de certitude adaptée du rapport qu’il a présenté à la Société médicale d’émulation. Il s’agit pour lui « d’un livre précieux qu’il faut joindre aux travaux estimables des Barthez, des Fouquet, des Roussel, des Lafon, des Pinel, des Hallé et de quelques autres médecins philosophes qui vivent encore pour la gloire de notre art […] »82. Placé au milieu de cette litanie de noms, Cabanis apparaît clairement établi au Panthéon de la médecine. Quelques années plus tard, les médecins continuent à manifester leur respect. En 1803, Rampont, qui appartient à la Société de médecine clinique de Paris, remarque à propos des idées qu’il défend dans son livre De la voix et de la parole : « […] s’il était besoin d’autres autorités, je m’étayerais de celle du professeur Cabanis. Voici ce qu’il dit […] »83. Un autre médecin, Jean-Chrysostôme Dupont, présente avec enthousiasme les Principes de physiologie de Charles-Louis Dumas et ajoute : « C’est l’éloge qu’en a fait un des hommes dont le suffrage est le plus propre à inspirer l’orgueil », précisant avec une note l’identité de cet homme exceptionnel : « Le médecin et sénateur Cabanis. Voyez son bel ouvrage sur les rapports du physique et du moral de l’homme »84. L’avis de Cabanis a donc force de loi pour ces jeunes médecins. En 1805, c’est le docteur Beauchene qui, dans le Courrier des spectacles, établit une hiérarchie entre la multitude de livres inutiles qui se publient sur la médecine et ceux « qui s’élèvent avec honneur pour le profit de l’art et de l’humanité ; tels sont les ouvrages de M.M. Cabanis, Alibert et Richerand »85. Cette admiration et ce respect des pairs se retrouvent dans une des principales publications scientifiques médicales, le Journal de médecine, chirurgie, pharmacie que dirigent alors Corvisart, Leroux et Boyer. Le talent de Cabanis est tranquillement affirmé. La seconde édition des Rapports est annoncée dans des termes qui indiquent qu’il ne peut y avoir de doutes sur ses mérites : « La seconde édition du bel ouvrage de M. Cabanis sur les rapports du physique et du moral de l’homme est […] sur le point de paraître »86. Cette approbation se fait un peu plus fortement sentir dans le compte rendu du nouveau livre de Richerand, Nosographie chirurgicale, à propos du « tempérament pituiteux, dont M. Cabanis a le premier déterminé le vrai caractère en le rapportant à l’inertie de cet ordre de vaisseaux »87. On ne résiste pas au plaisir de mentionner Barthez lui-même, figure essentielle dans l’histoire du vitalisme montpelliérain et maître, comme nous le savons, de François-Joseph Double. Dans l’édition des Nouveaux éléments de la science de l’homme qui paraît en 1806, l’année même de sa disparition, Barthez cite en effet à deux reprises « M. Cabanis » louant ses observations et remarques. Ainsi de ses indications à propos du besoin de repos et de soins spécifiques qui doivent être dispensés aux « personnes qui viennent d’éprouver de grandes fatigues » afin qu’elles puissent trouver le sommeil, Barthez souligne « ce qu’a très bien observé M. Cabanis »88. Ou encore au sujet des personnes mordues par des animaux sauvages et qui en prennent le comportement, il s’en rapporte entièrement à l’opinion de Cabanis pour faire part de ses propres réserves : « M. Cabanis dit très bien à ce sujet : Quoique le penchant à l’imitation entre vraisemblablement pour quelque chose dans ces phénomènes, il ne suffirait pas seul pour les déterminer »89.

35Ce qui frappe, quand on compare ces textes, c’est l’absence de toute polémique, de toute acrimonie. Les textes des médecins qui approuvent la démarche de Cabanis et se rangent de son côté se caractérisent par cette assurance dans l’éloge. Ils semblent ignorer qu’ils prennent parti dans un débat qui peut être virulent et dont les enjeux sont cruciaux pour beaucoup. C’est le cas de l’article de La décade de 1802-1803 dont nous avons parlé plus haut. L’auteur, qui signe R., fait constamment l’éloge de Cabanis en mettant l’accent sur les aspects scientifiques ou médicaux des points soulevés dans les Rapports. Il évite avec soin de faire la moindre référence à une possible discussion, quand il n’en nie pas l’existence :

  • 90 La décade philosophique, n° 1, 10 vendémiaire an XI, p. 16.

L’influence des maladies sur la formation des idées et des affections morales, si elle n’a jamais été contestée, n’a pas non plus été appréciée avec le soin qu’exige une étude qui peut répandre sur la connaissance de l’homme moral et intellectuel les plus vives clartés. Le C. Cabanis obtient donc la gloire d’avoir donné, le premier, une solution complète à ce problème90.

  • 91 Ibid., p. 20.
  • 92 Ibid., p. 24.

36La phrase ne tient nul compte des polémiques sur l’influence des états pathologiques du cerveau sur la formation des idées dont nous avons eu quelques aperçus. L’auteur poursuit la lecture des Rapports en marquant régulièrement son approbation : « Veut-on savoir suivant quel mode s’exerce cette influence de l’estomac sur le principe des facultés intellectuelles […] ? Il suffira de lire le huitième chapitre de l’ouvrage du C. Cabanis […] »91. Ici encore, nous savons que les positions de Cabanis n’ont pas semblé si simples à accepter à tous ses lecteurs, mais ces difficultés ne sont pas mentionnées. De même, sur l’influence du climat, sujet du neuvième mémoire des Rapports, son éloge ne laisse pas de place au doute : « Aucune question n’a été mieux débattue et plus savamment discutée »92. Pourtant, il s’agit d’un problème délicat, sur lequel Cabanis s’oppose à un proche, Volney. Mais ici encore, rien n’est dit des faiblesses possibles ni des débats. Cabanis est cet être exceptionnel que l’histoire de la médecine et de la philosophie attendaient :

  • 93 Ibid., n° 35, 20 fructidor an X, p. 456.

Également initié dans les secrets de l’organisation physique et des opérations de l’entendement ; il a ouvert et parcouru un champ nouveau de découvertes, et c’est de lui qu’on peut dire, sans être accusé d’exagération, qu’il a heureusement réalisé le souhait du vieillard de Cos, en faisant entrer la philosophie dans la médecine, et la médecine dans la philosophie93.

  • 94 Ibid.

37Incarnation moderne d’Hippocrate, tel apparaît donc Cabanis dans cet article qui prétend à une forme d’impartialité : « […] en nous interdisant tout éloge superflu, contentons-nous de le faire connaître »94.

Une œuvre d’écrivain : le style de Cabanis

  • 95 Spectateur du Nord, octobre 1802, p. 63.
  • 96 La clef, 26 janvier 1803, p. 5.

38Ce médecin philosophe est aussi un grand écrivain. Tous ceux qui traitent de son œuvre le soulignent, quelle que soit par ailleurs leur opinion sur sa pensée. Les auteurs des comptes rendus antirépublicains de La clef et du Spectateur du Nord commencent tous les deux par cet éloge, qui sera, ils le soulignent, le seul. L’un célèbre « Une imagination vive et brillante […] un style pur, élégant et facile, l’heureux accord du talent le plus distingué et des connaissances les plus variées »95, l’autre lui reconnaît « une élégance et une pureté de style qui lui sont propres »96. La fin du compte rendu de La décade est remarquable :

  • 97 La décade philosophique, n° 1, 10 vendémiaire an XI, p. 26.

Ce serait ici le lieu de parler du style de l’ouvrage, si les nombreuses citations que nous en avons faites ne mettaient le lecteur à même de juger avec quelle supériorité le C. Cabanis sait joindre à la profondeur de la pensée, le charme d’une expression toujours claire, énergique et précise. En le lisant, on reconnaît sans peine qu’il fut l’ami d’Helvétius, de Condillac, de Franklin, de Mirabeau et autres grands hommes qui ont fait l’ornement du siècle de la philosophie97.

  • 98 C’est bien à cet âge qu’il est envoyé à Paris par son père, auprès du poète Roucher, mais il n’aura (...)

39L’auteur semble s’être un peu laissé égarer par son imagination, car Helvétius est mort en 1771, alors que Cabanis n’avait que 14 ans98. Il n’empêche, associer le nom de Cabanis à ceux de deux grands philosophes et de deux hommes d’État célèbres du Siècle des lumières est essentiel pour sa démonstration. Le regard que l’on porte sur les mérites d’écrivain de Cabanis est en effet très lié non seulement à la philosophie des Lumières, comme on le dit ici, mais aussi à l’esthétique du XVIIIe siècle.

  • 99 Nouvelles politiques nationales et étrangères, 8 avril 1796, p. 794.
  • 100 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 547.
  • 101 La clef, 9 février 1798, p. 3485-3486.
  • 102 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. XV, 1765, article (...)
  • 103 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.
  • 104 La clef, 9 février 1798, p. 3486.
  • 105 Jean-Marie-Jérôme Fleuriot, Paris littéraire, Hambourg, chez R. O. Meslant, 1798, p. 103.
  • 106 Veillées des Muses, n° 10, vendémiaire an VII, p. 103.
  • 107 Ibid., p. 80.

40Le style de Cabanis fait l’objet de louanges dans la presse depuis la lecture de son premier mémoire à l’Institut en 1796. Les Nouvelles politiques nationales et étrangères signalent : « On y a trouvé de la saine philosophie exprimée avec élégance »99. La parution de Du degré de certitude de la médecine début 1798 s’accompagne de très nombreux comptes rendus qui soulignent tous l’importance du style. L’article publié par le médecin Roussel dans La clef, le journal qui attaquera si violemment Cabanis quelque temps plus tard, et celui de la Gazette nationale signé « T » (Thurot déjà, peut-être ?) développent tout particulièrement ce thème. Dans Du degré de certitude, dit « T », « le style est toujours pur, clair et élevé »100 alors que Roussel souligne chez Cabanis « une logique sévère qui n’admet que des idées claires, et avec cela le talent de les rendre avec précision et élégance »101. On voit ici que les termes se répondent d’un article à l’autre. Dans la description qu’ils en donnent, le « beau style » de Cabanis répond à tous les critères du siècle tels qu’on les trouve dans l’article de Jaucourt dans l’Encyclopédie ou encore dans le discours de Buffon pour sa réception à l’Académie française. Il est essentiel au XVIIIe siècle d’articuler les raisonnements de façon à ce que le lecteur puisse suivre sans effort, comme le souligne Jaucourt. C’est cela la « clarté » du style, comme on le voit chez Jaucourt qui affirme : « La clarté de l’arrangement des paroles & des pensées, est la première qualité du style. On marche avec plaisir dans un beau jour, tous les objets se présentent agréablement […] »102. Ainsi, « T » explique en ces termes les mérites du nouveau livre de Cabanis : « […] c’est sans doute sous [le] double rapport de la brièveté d’expression, et de l’étendue des idées, qu’est éminemment recommandable l’écrit que vient de publier le citoyen Cabanis »103. Roussel, dans La clef, lui fait écho : « [Cabanis] joint des vues philosophiques très profondes, cet esprit d’analyse qui est une acquisition de ce siècle, une logique sévère qui n’admet que des idées claires, et avec cela le talent de les rendre avec précision et élégance […] »104. Les mêmes éloges se retrouvent dans l’ouvrage sur le Paris littéraire qui paraît à Hambourg à la même époque, et dans lequel Fleuriot, à propos d’une œuvre plus ancienne, Observations sur les hôpitaux, reprend les éloges du moment : « […] on [y] trouve une foule de choses bien pensées, bien écrites, qu’on chercherait en vain dans de gros volumes […] »105. Ne pas faire long quand on peut faire court, être « clair », c’est aussi ce que relève Jean-Louis Laya à propos de l’article de Cabanis sur la guillotine qui paraît alors : « On retrouve dans cet ouvrage tout le talent déjà connu du Cit. Cabanis, qui joint à la méthode concise et serrée d’un excellent logicien, l’art de rendre avec élégance les idées qu’il a conçues avec clarté […] »106. Cet article paraît d’ailleurs dans un journal consacré à la littérature, la Veillée des Muses, et les rédacteurs prennent soin de justifier leur incursion dans les sciences médicales en se référant à la mythologie et à l’histoire : « Apollon exerça la médecine, et […] les deux Esculapes qui eurent des autels dans Épidaure, étaient fils du Dieu de la poésie. On dit qu’Hyppocrate [sic] fit des vers… »107. Curieusement aucun de ces articles ne rappelle les aspirations littéraires du jeune Cabanis, dont la traduction en vers de l’Illiade avait reçu les suffrages de Voltaire.

  • 108 Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Discours prononcé à l’Académie française le jour de sa réce (...)

41Les partisans autant que les détracteurs de Cabanis insistent sur l’élégance de son style. Il s’agit clairement d’une référence à cet autre élément indispensable mis en lumière par Buffon, le goût : « Bien écrire, c’est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir en même temps de l’esprit, de l’âme et du goût »108. L’article de la Gazette nationale y fait d’ailleurs référence, tout en ajoutant un autre élément tout aussi important :

  • 109 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.

Par le nombre et l’étendue des vues que présente cet écrit, il rappelle continuellement l’admirable discours de Buffon sur la manière d’écrire l’histoire naturelle ; mais il est encore plus intéressant par les sentiments qu’il inspire. L’auteur ne se montre pas seulement savant et philosophe ; c’est un ami tendre de l’humanité souffrante. Instruire et guérir, voilà son but ; mais soulager et consoler est le besoin de son cœur109.

  • 110 La clef, 9 février 1798.
  • 111 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. XV, 1765, article (...)
  • 112 « Journal II, 8-9, pluviôse an XIII, 24 janvier 1805 », cité par Victor Del Litto, La vie intellect (...)
  • 113 « Vie de Henry Brulard, I, 20 », cité par Victor Del Litto, La vie intellectuelle de Stendhal…, p.  (...)

42Dans La clef, Roussel signale également l’importance de la sensibilité dans l’écriture de Cabanis à propos du « tableau qu’il trace du caractère et des devoirs du vrai médecin » qui, dit-il, « ne peut avoir été inspiré que par le plus pur amour de l’humanité »110. Les deux critiques retrouvent cette composante du style que Jaucourt recommande pour bien écrire : « Tâchez sur-tout d’avoir un style qui revête la couleur du sentiment, cette couleur consiste dans certains tours de phrase, de certaines figures qui rendent vos expressions touchantes »111. On comprend alors que Cabanis puisse être, pour ses contemporains, cet « excellent écrivain » que salue, dans la Gazette de France, en 1802, l’auteur d’un compte rendu très négatif sur les Rapports. De même, les critiques adressées par Stendhal à Cabanis écrivain prennent une autre couleur. Dans son Journal, à la date du 4 pluviôse an XIII, Henri Beyle note à propos de Cabanis : « La manière d’énoncer les faits me semble si générale qu’elle en est vague. Cet auteur ne me plaît point. Lire Bacon et Hobbes »112. Malgré cette déception, qui étonne en 1805, il poursuivra ses lectures et dans Vie d’Henry Brulard, il livre ce paradoxe : « Je vénérais Cabanis, Tracy et J.-B. Say. Je lisais souvent Cabanis dont le style vague me désolait »113. Le style de Cabanis précis, élégant, concis pour ceux qui ont reçu la même formation intellectuelle que lui, est condamné par le premier de nos écrivains romantiques. Pourtant, il reste aussi à ses yeux un philosophe majeur dont l’œuvre imprègne son travail, comme celui de nombre d’autres écrivains, savants et philosophes du XIXe siècle.

43Au terme de cette étude, on est frappé par l’importance que tous les courants de pensée ont accordée à la parution des premiers mémoires dans le recueil de l’Institut national d’abord, des Rapports, ensuite. Qu’ils l’attaquent ou qu’ils le louent, tous s’accordent pour reconnaître qu’ils sont là face à un ouvrage qui marque l’histoire de la philosophie et de la médecine. La virulence même des journaux antirépublicains ou des médecins inquiets par ses vues radicales s’accompagne toujours de cet aveu, l’œuvre a un mérite certain.

44On voit aussi la permanence du prestige de Cabanis. Il est déjà présent dans ses années de prime jeunesse, alors que la Révolution n’a pas encore divisé les camps. Il est très fort pendant le Directoire, et il reste très grand ensuite, malgré les vicissitudes de ses relations avec Napoléon Bonaparte. Les journaux les plus soumis aux directives de l’Empereur, comme la Gazette nationale, continuent de le célébrer.

  • 114 Par exemple : J. Pigeaud, « Cabanis et les rapports du physique et du moral », Revue médicale de la (...)

45Le résultat le plus surprenant est sans doute la figure de Cabanis, grand écrivain qui se dessine à la lecture de ces comptes rendus. Dans la réception actuelle de son œuvre, c’est la phrase de Stendhal, critiquant son « style vague », qui est retenue114. On s’aperçoit qu’il ne s’agit pas de l’opinion commune alors, mais d’une vue propre au grand écrivain qui forgeait déjà son style singulier à la lecture des Idéologues vénérés.

  • 115 Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, Paris, Buisson, 1803, p. 67.

46Probablement oublieux qu’il est déjà entré dans un autre siècle, l’auteur de la Statistique générale et particulière de la France écrit en 1803, à propos de Cabanis, dans la rubrique consacrée aux « Hommes célèbres dans les lettres, les sciences et les arts » : « Son livre sur les Rapports du physique et du moral, est un des plus importants et des plus profondément pensés, qui aient peut-être paru dans le dix-huitième siècle »115. Profond, juste, lumineux, tel apparaît Cabanis, dont les idées philosophiques et médicales marqueront sûrement la pensée du XIXe siècle.

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Notes

1 Ces expressions sont tirées du compte rendu publié dans la Gazette nationale du 17 mai 1790, le texte que Chamfort consacre à « Observations sur les Hôpitaux » dans le Mercure de France daté du 17 juillet de la même année n’est pas moins élogieux.

2 Voir par exemple le Courrier des spectacles, 11 juin 1803, p. 4.

3 Gazette nationale des 29 et 30 novembre 1802 et du 7 décembre 1802, signé Laya : il s’agit d’une reprise, avec quelques modifications, de l’article paru dans L’observateur des spectacles des 6, 7, 8, 9, 10 et 12 septembre 1802. La clef du cabinet des souverains [titre abrégé par la suite en La clef] des 26 et 27 janvier 1803 et des 1er et 3 février 1803.

4 Gazette nationale, 29 novembre 1802, p. 273.

5 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 3.

6 Sur l’histoire de la presse à cette époque, voir en particulier A. Cabanis, La presse sous le Consulat et l’Empire (1799-1814), Paris, Société des études robespierristes, 1975.

7 Mercure de France, n° 82, 2 pluviôse an XI (22 janvier 1803), p. 222. Le compte rendu du Mercure s’étend sur deux numéros (2 et 9 pluviôse an XI), c’est cet article, sans les notes, qui est repris par la Clef.

8 Gazette de France, 6 fructidor an X (24 août 1802), p. 1345.

9 Mercure de France, n° 82, 2 pluviôse an XI (22 janvier 1803), p. 218.

10 Journal général de médecine, de chirurgie et de pharmacie, ou Recueil périodique de la Société de médecine de Paris [titre abrégé en Journal général de médecine], t. XV, 7e année, p. 115.

11 Le Dr Cerise publie son édition critique en 1843 à Paris chez Fortin, Masson et Cie. Louis Peisse fait de même l’année suivante, chez J.-B. Baillière, à Paris également.

12 La décade philosophique, littéraire et politique [titre abrégé en La décade philosophique], n° 73, 10 floréal [3e trimestre] an IV (29 avril 1796), p. 199.

13 Gazette nationale, 24 germinal an IV (13 avril 1796).

14 Nouvelles politiques et étrangères, 8 avril 1796, p. 794.

15 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.

16 Il n’est pas besoin de rappeler ici les liens quasi filiaux qui attachent Cabanis à Mme Helvétius chez qui il loge.

17 La clef, 21 pluviôse an VI (9 février 1798), p. 3485.

18 Journal général de médecine, t. XV, 7e année, p. 125.

19 J. Garebeuf, Réflexions sur l’ouvrage de M. Cabanis ; ayant pour titre : Rapports du physique et du moral de l’homme, Limoges, Impr. F. Chapoulaud, An XI de la République, Avant-propos.

20 Ces Lettres sont publiées dans le n° 23 du 20 floréal an VIII (10 mai 1800), n° 26 du 20 prairial an VIII (9 juin 1800) et n° 27 du 30 prairial an VIII (19 juin 1800).

21 La décade philosophique, n° 23, 20 floréal an VIII (10 mai 1800), p. 263.

22 Mémoires de l’Institut national des sciences et des arts, pour l’an IV de la République. Sciences morales et politiques, Paris, Baudoin, thermidor an VI, t. I, p. 102.

23 Ibid., p. 104.

24 Sur le détail de cette analyse et du rôle que joue la folie, symptôme d’un désordre des organes de la génération, voir Mémoires…, p. 114-115 et mon article : M. Saad, « La mélancolie entre le cerveau et les circonstances : Cabanis et la nouvelle science de l’homme », Gesnerus, vol. 63, nº 1-2, 2006, p. 113-126.

25 La décade philosophique, n° 23, 20 floréal an VIII (10 mai 1800), p. 267-268.

26 Ibid., p. 268 et P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire II, fin du § VII, Peisse, p. 138, Lehec et Cazeneuve, p. 196.

27 Deux longs articles signés « R. » sont consacrés au nouveau livre de Cabanis dans La décade philosophique, n° 35, 20 fructidor an X et n° 1, 10 vendémiaire an XI.

28 La décade philosophique, n° 35, 20 fructidor an X, p. 458.

29 Ibid.

30 Gazette nationale, 8 frimaire an XI (29 novembre 1802), p. 274.

31 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 3.

32 Ibid.

33 Ibid.

34 Ibid.

35 Ibid., p. 4.

36 Ibid.

37 Ibid.

38 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § II, Peisse, p. 76, Lehec et Cazeneuve, p. 140.

39 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 4.

40 Le Concordat fut signé par les représentants du pape et les représentants de la France en juillet 1801, la loi est promulguée près d’un an plus tard.

41 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire VIII, § XIII, Peisse, p. 387, Lehec et Cazeneuve, p. 438.

42 Journal des débats, 12 septembre 1802, p. 4.

43 La clef, 3 février 1803, p. 7.

44 La décade philosophique, n° 5, 20 brumaire an X (11 novembre 1801), p. 311 : « On sait que nous avons depuis quelques jours le bonheur de posséder à Paris le célèbre comte de Rumford… »

45 Compte rendu en deux parties publié en thermidor et pluviôse an XI. Pluviôse an XI (janvier-février 1803), p. 269.

46 La clef, 1er février 1803, p. 7.

47 Mercure de France, pluviôse an XI, p. 275. Comme indiqué plus haut, ce passage est absent de la version publiée dans La clef.

48 Ibid., p. 276.

49 La clef, 26 janvier 1803, p. 6.

50 La clef, 27 janvier 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 234.

51 La clef, 3 février 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 273.

52 La clef, 3 février 1803, p. 6 et 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 272.

53 La clef, 3 février 1803, p. 7 et Mercure de France, pluviôse an XI, p. 272.

54 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § VI, n. 1, Peisse, p. 93, Lehec et Cazeneuve, p. 155.

55 La clef, 26 janvier 1803, p. 7 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 222.

56 Ibid.

57 La clef, 3 février 1803, p. 6 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 272.

58 La clef, 1er février 1803, p. 7 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 267.

59 Cette note apparaît dans la version publiée dans le Mercure de France, thermidor an XI, p. 267 sq., mais est absente dans le texte de La clef.

60 La clef, 1er février 1803, p. 7-8 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 269-270.

61 La clef, 26 janvier 1803, p. 6 et Mercure de France, thermidor an XI, p. 221.

62 Le compte rendu paraît successivement dans les numéros suivants : Journal général de médecine ; n° 74 (brumaire an XI, novembre 1802), n° 75 (frimaire an XI, décembre 1802), n° 76 (nivôse an XI, janvier 1803). Pour l’équivalence entre les mois du calendrier républicain et ceux du calendrier grégorien, je suis l’usage établi par les rédacteurs du Journal.

63 Journal général de médecine, n° 74, brumaire an XI, p. 134.

64 Ibid.

65 P. J. G. Cabanis, Rapports, Mémoire I, § 6, p. 93.

66 Journal général de médecine, n° 74, brumaire an XI, p. 129.

67 Ibid., p. 130.

68 Ibid., p. 160-161.

69 Ibid., p. 161.

70 Journal général de médecine, n° 94, messidor (juillet 1805), p. 184-197.

71 Journal général de médecine, n° 80, floréal an XI (mai 1803), p. 469.

72 J. Garebeuf, Réflexions sur l’ouvrage de M. Cabanis…

73 Ibid., p. 2.

74 Ibid.

75 Ibid., p. 4.

76 Ibid., p. 5.

77 Ibid.

78 Journal général de médecine, n° 47, thermidor, p. 374-375.

79 Il s’agit en fait de Jean-Baptiste Bobé (1761-1849) dit Bobé-Moreau, chirurgien et médecin.

80 Journal général de médecine, n° 52, nivôse an IX (janvier 1801), p. 331.

81 Ibid., p. 356.

82 Magasin encyclopédique, t. VI, 3e année, p. 309.

83 F. Rampont, De la voix et de la parole, Paris, Feugueray, 1803, p. 1, note de bas de page.

84 J.-C. Dupont, Médecine . Y a-t-il de la différence dans les systèmes de classification dont on se sert avec avantage dans l’étude de l’histoire naturelle et ceux qui peuvent être profitables à la connaissance des maladies ?, Bordeaux, P. Beaume, 1803, p. 95.

85 Courrier des spectacles, 27 septembre 1805.

86 Journal de médecine, chirurgie, pharmacie &, messidor an XIII, p. 325.

87 Ibid., fructidor an XIII, p. 470.

88 P.-J. Barthez, Nouveaux éléments de la science de l’homme, Paris, Goujon, 1806, t. II, p. 81.

89 Ibid., p. 215.

90 La décade philosophique, n° 1, 10 vendémiaire an XI, p. 16.

91 Ibid., p. 20.

92 Ibid., p. 24.

93 Ibid., n° 35, 20 fructidor an X, p. 456.

94 Ibid.

95 Spectateur du Nord, octobre 1802, p. 63.

96 La clef, 26 janvier 1803, p. 5.

97 La décade philosophique, n° 1, 10 vendémiaire an XI, p. 26.

98 C’est bien à cet âge qu’il est envoyé à Paris par son père, auprès du poète Roucher, mais il n’aurait alors connu Helvétius que quelques mois, voire quelques semaines.

99 Nouvelles politiques nationales et étrangères, 8 avril 1796, p. 794.

100 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 547.

101 La clef, 9 février 1798, p. 3485-3486.

102 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. XV, 1765, article « Style », p. 553.

103 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.

104 La clef, 9 février 1798, p. 3486.

105 Jean-Marie-Jérôme Fleuriot, Paris littéraire, Hambourg, chez R. O. Meslant, 1798, p. 103.

106 Veillées des Muses, n° 10, vendémiaire an VII, p. 103.

107 Ibid., p. 80.

108 Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Discours prononcé à l’Académie française le jour de sa réception, 25 août 1753.

109 Gazette nationale, 16 pluviôse an VI (4 février 1798), p. 546.

110 La clef, 9 février 1798.

111 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. XV, 1765, article « Style », p. 553.

112 « Journal II, 8-9, pluviôse an XIII, 24 janvier 1805 », cité par Victor Del Litto, La vie intellectuelle de Stendhal. Genève et évolution de ses idées (1802-1821) [1962], Genève, Slatkine, 1997, p. 170.

113 « Vie de Henry Brulard, I, 20 », cité par Victor Del Litto, La vie intellectuelle de Stendhal…, p. 169.

114 Par exemple : J. Pigeaud, « Cabanis et les rapports du physique et du moral », Revue médicale de la Suisse romande, vol. 106, n° 1, 1986.

115 Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, Paris, Buisson, 1803, p. 67.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mariana Saad, « La réception immédiate de Rapports du physique et du moral de l’homme en France »Cahiers de philosophie de l’université de Caen, 57 | 2020, 17-40.

Référence électronique

Mariana Saad, « La réception immédiate de Rapports du physique et du moral de l’homme en France »Cahiers de philosophie de l’université de Caen [En ligne], 57 | 2020, mis en ligne le 31 décembre 2021, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cpuc/1445 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cpuc.1445

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Auteur

Mariana Saad

IHMC

Docteur en philosophie (Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1997), Mariana Saad a soutenu une thèse portant sur Santé et maladie dans l’œuvre de P. J. G. Cabanis et a publié de nombreux articles sur l’Idéologie, l’histoire du matérialisme et des idées politiques, ainsi que l’histoire de la médecine à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Elle est l’auteur de Cabanis. Comprendre l’homme pour changer le monde, Paris, Classiques Garnier, 2016.

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