- 1 A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation (désormais Monde), § 39, p. 414 ; (...)
L’homme est à la fois élan obscur et fougueux du vouloir
et sujet éternel, libre, serein de la pure connaissance1.
1La question du sublime occupe une place considérable dans la pensée de Schopenhauer comme l’une des voies qui mènent à sa visée éthique. La plupart des interprètes de Schopenhauer n’ont pas accordé suffisamment d’intérêt à sa théorie du sublime et ceux qui l’ont fait n’ont pris en compte que son caractère esthétique. Cependant, l’œuvre de Schopenhauer met en évidence son sens éthique à travers diverses voies passant par diverses formes d’affectivité, comme dans les exemples de la souffrance extrême, de la compassion, de l’expérience du sublime, tous étant liés à une connaissance métaphysique de l’unité de la Volonté. Si on la trouve dans la partie consacrée à l’esthétique de l’œuvre principale du philosophe, Le Monde comme volonté et comme représentation, cette théorie excède cependant ce cadre. Nous pouvons dire que le sublime est l’un des lieux de passage vers le domaine éthique, ce qui ne manque pas de nous rappeler le geste kantien dans la Critique de la faculté de juger. Comme Kant, pour Schopenhauer, le sentiment du sublime met en jeu une expérience de la liberté et de la vérité. Le sujet de cette expérience se trouve transformé quand le sens de l’existence devient inséparable d’une saisie de la totalité des choses. En revanche, l’accent que Schopenhauer met sur la corporéité et la remise en question de la représentation aux limites de sa métaphysique de la Volonté, ainsi que son discours sur la liberté sans aucune référence à une loi morale, marquent l’éloignement vis-à-vis de la perspective kantienne. Dans cet article, notre but est d’examiner la pensée du sublime comme un impensé, voire une possibilité éthique chez Schopenhauer, tout en tenant compte des analyses de Kant à ce sujet.
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- 2 Longin, Du Sublime, p. 64.
- 3 Ibid.
- 4 Idem, p. 52.
- 5 Idem, p. 61.
- 6 « When danger or pain press too nearly they are incapable of giving any delight, and are simply te (...)
2Comme l’étymologie latine du mot, sublimis, le suggère, la tradition rhétorique essayait de saisir le sens du sublime dans un geste consistant à s’élever, à (se) dépasser. « Le sublime est l’écho de la grandeur de l’âme »2, « le plus haut point, l’éminence du discours »3 qui « mène les auditeurs à l’extase »4 et « sous l’effet du véritable sublime, notre âme s’élève »5. C’est avec ces mots que Longin décrit le sublime dans son Traité du Sublime. Il y emploie le substantif, Hupsos (῞Υψος), et se focalise sur ce qui est sublime dans un discours, voire dans l’art. Mais comment le sublime devient-il un enjeu philosophique ? Dès que l’on transpose cette notion du domaine rhétorique à celui de l’expérience de la nature et du monde, le sublime devient un sentiment, et une expérience particulière dont il faudra analyser les dualités intrinsèques. C’est ainsi que le sublime ultérieurement analysé au prisme d’une terreur délicieuse par Edmund Burke en 17576 sera une source d’inspiration non seulement pour Kant, mais aussi pour Schopenhauer.
- 7 A. Schopenhauer, Der handschriftlicher Nachlass : « Dans les véritables Idées, la conscience meill (...)
- 8 Voir notamment les paragraphes § 39, § 40, § 41 du Monde, p. 411-412-413.
- 9 Monde, p. 414. Voir aussi A. Schopenhauer, Cours exhaustif sur la philosophie, p. 355-425.
- 10 Idem, p. 412-413.
3Outre ses Manuscrits de jeunesse7 où il évoque une dualité entre une conscience empirique et une conscience meilleure en parallèle de ce qui sera la révélation de la double nature de la conscience humaine dans l’expérience du sublime, Schopenhauer parle plus directement du sublime dans la partie esthétique de son œuvre principale8. En suivant de près ce que Kant dit à ce propos, il commence par remarquer que le sentiment du sublime, comme celui du beau, accompagne « le connaître pur, dénué de volonté, lequel implique nécessairement la connaissance de l’Idée, qui se tient en dehors de toute relation déterminée par le principe de raison »9. En effet, dès le début, Schopenhauer attire l’attention sur les autres dimensions de la même question, contrairement à Kant : tandis que celui-ci se focalise, quand il s’agit de la question du sublime, sur la violence que la raison fait subir à l’imagination, Schopenhauer met l’accent sur la question de la corporéité10 ; là où Kant parle de l’imagination, de la sensibilité, Schopenhauer parle du corps, de la volonté, à savoir du vouloir-vivre. Ainsi, Schopenhauer essaie d’accorder sa philosophie de la Volonté avec la question du sublime.
4Dans l’Analytique du sublime de la troisième Critique, Kant décrit comment l’esprit humain se trouve élevé dans cette expérience du sublime en découvrant en lui-même une « toute autre faculté de résistance », une force supérieure aux forces de la Nature. Mais, comme chez Schopenhauer, il y a au fond ce rappel de notre impuissance, de notre petitesse face à l’aspect effrayant de la Nature :
- 11 E. Kant, Critique de la faculté de juger, § 28, p. 203.
Le surplomb audacieux de rochers menaçants, des nuées orageuses s’amoncelant dans le ciel et s’avançant parcourues d’éclairs et de fracas, des volcans dans toute leur violence destructrice, des ouragans semant la désolation, l’océan sans limites soulevé en tempête, la chute vertigineuse d’un fleuve puissant, etc., réduisent notre faculté de résistance à une petitesse insignifiante comparée à leur force. Mais leur spectacle n’en devient que plus attirant dès qu’il est plus effrayant, à la seule condition que nous soyons en sécurité ; c’est volontiers que nous appelons sublimes ces phénomènes, car ils élèvent les forces de l’âme au-delà de leur niveau habituel et nous font découvrir en nous une faculté de résistance d’une tout autre sorte qui nous donne le courage de nous mesurer à l’apparente toute-puissance de la nature11.
5L’expérience du sublime nous offre une possibilité de dépasser notre sentiment d’impuissance à la suite de la révélation de notre finitude dans la même expérience, ce qui, presque dans les mêmes termes, correspond à un dépassement de l’individualité chez Schopenhauer.
[…] Lorsque nous sommes au bord d’une vaste mer déchaînée, fouettée par la tempête : d’immenses vagues montent et descendent, s’écrasent avec violence contre les rochers abrupts du rivage, font virevolter en l’air l’écume, la tempête hurle, la mer mugit, les éclairs sillonnent l’obscurité des nuages, les coups assourdissants du tonnerre couvrent la tempête et la mer, […] l’ambivalence de la conscience du spectateur qui assiste, impassible, à cette scène, atteint son plus haut degré d’évidence : il s’éprouve d’une part comme individu, comme phénomène fragile de la volonté que le moindre coup porté par ces forces pourrait détruire, désarmé face à la violence de la nature, soumis, livré au hasard, un néant évanescent face à des puissances énormes, et d’autre part, en même temps, comme sujet de la connaissance éternel, calme, lequel, à titre de condition de l’objet, constitue le support de tout ce monde-là, la lutte terrible de la nature n’étant que sa représentation, lui-même se trouvant dans une sereine appréhension des Idées, libre et étranger à l’égard de tout vouloir et de toute détresse. Il s’agit là de l’impression la plus forte du sublime. Dans ce cas, elle est occasionnée par la vue d’une puissance infiniment supérieure qui menace d’anéantir l’individu 12.
- 13 E. Kant, op. cit., p. 203-204.
- 14 Idem, p. 204. « Une conservation de soi d’un autre ordre » s’oppose ici à tout ce que l’on peut me (...)
- 15 Cf. J. Young, « Death and Transfiguration: Kant, Schopenhauer and Heidegger on the Sublime »: « Th (...)
- 16 E. Kant, op. cit., p. 204.
- 17 Pour Schopenhauer, une expérience de la vérité serait, dans cette perspective, celle de la vérité (...)
- 18 Monde, § 61, p. 623 ; « das wirklich Reale » (WWV, p. 431).
6Soit l’immensité (sublime mathématique), soit la puissance de la nature (sublime dynamique) réduit l’individu au néant. Schopenhauer se focalise plutôt sur le sublime dynamique, établissant ainsi la continuité de sa pensée depuis sa Naturphilosophie jusqu’à son éthique : le sublime met désormais en évidence la force suprasensible chez l’homme face aux forces naturelles. C’est le même thème que Kant élabore lorsqu’il traite du sublime dynamique. Le sublime, dans cette perspective, révèle une autre sorte de résistance, il révèle « dans notre faculté de raison un autre critère non sensible qui subsume dans une unité cette infinité même et par rapport auquel tout dans la nature est petit »13. Cette résistance correspond, selon Kant, à une « conservation de soi d’un autre ordre »14, ce qui nous rend ainsi supérieurs à la nature, laquelle, jusque-là, nous écrasait avec sa puissance effrayante. Comme on peut le remarquer, Kant et Schopenhauer parlent tous les deux d’une sortie hors du soi, d’une sorte d’ek-stase qui a lieu dans cette expérience15. La nature « mobilise en nous notre force (qui n’est pas l’ordre de la nature), laquelle nous permet alors de considérer comme petits les objets de notre préoccupation (biens, santé et vie) »16, d’abandonner par là nos préoccupations, notre personnalité, voire nous-mêmes. Sur ce point, nous pouvons dire que le sublime constitue bien l’expérience de la vérité17 dans le sens d’une révélation du « réel véritable »18.
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7Le sublime, à travers ses deux modalités, exprime en général la confrontation de la sensibilité avec l’infini. Le sublime mathématique révèle l’impuissance de l’imagination (surtout de son opération de compréhension) à présenter l’infini. En revanche, le sublime dynamique révèle l’impuissance, la fragilité de l’individu face aux forces de la nature. Mais dans les deux cas, il révèle ce qui fait la sublimité du sublime. Devant l’immensité et les forces de la nature, l’individu découvre tout d’un coup en lui-même ce qui dépasse ces deux aspects de l’infini. Au-delà de l’imagination, on se trouve en relation avec une force suprasensible que Kant n’hésite pas à identifier à la Loi morale elle-même. Notre destination sublime, à savoir la destination de la raison humaine qui présente les idées à l’imagination dans cette situation, se révèle, et c’est ce qui constitue la dimension de plaisir, de satisfaction dans l’expérience du sublime chez Kant.
- 19 J. Rogozinski, « Le don du monde », p. 183.
- 20 Ibid.
8Par conséquent, cette pensée indique une « finalité cachée »19, « finalité de la contre-finalité »20 en relation avec la Loi morale, ce qu’on ne trouve pas chez Schopenhauer quand il parle du sublime. Ses considérations sur cette question ne font que servir de support à sa thèse principale sur les deux dimensions du monde qu’il s’agit de considérer comme représentation et comme volonté. En revanche, ces deux dimensions peuvent être considérées dans le cadre d’une réflexion sur le sublime schopenhauerien à partir de la double nature de la conscience se présentant comme la révélation essentielle de cette expérience. Cela peut nous renvoyer à la philosophie de la conscience meilleure que Schopenhauer met en avant dans ses Manuscrits de jeunesse et qui,
- 21 R. Malter, Der eine Gedanke: Hinführung zur Philosophie Arthur Schopenhauers, p. 5-6. Nous traduis (...)
vue sous l’angle de la métaphysique de la volonté, montre déjà le visage de Janus du monde. […] Suivant consciemment Platon, Schopenhauer fit la distinction entre un monde sensible et un monde suprasensible, le royaume de Dieu et le royaume du néant, une existence humaine temporelle, sans espoir, et une existence hors temporelle, accomplie. Ce schème de duplicité emprunté à Platon se présente au jeune Schopenhauer, qui suit également Kant, comme duplicité de la conscience. La doctrine encore objective des deux mondes, devient une philosophie de la duplicité, qui a un caractère moniste dans la mesure où elle considère cette duplicité de l’existence humaine comme l’action d’une seule conscience21.
- 22 Cf. Monde, § 39.
- 23 Idem, p. 413.
- 24 Dans le texte original : « eine veränderte Erkenntnißweise » (WWV, § 70, p. 523). En d’autres term (...)
9Dans le Monde, nous nous trouvons face à la distinction entre l’individu et le sujet pur de la connaissance comme les corrélatifs des côtés positif et négatif du sentiment du sublime – distinction ainsi mise en évidence par Schopenhauer sans aucune référence à la Loi morale (que Schopenhauer critique à chaque occasion), sans aucune finalité qui descellerait finalement le sens éthique de l’existence22. Cette pensée nous offre plutôt une élévation « accompagnée de conscience au-dessus de la volonté »23, et menacée par le souvenir de la corporéité. Il s’agit donc d’une autre sorte de représentation : représentation libérée de la domination de la Volonté ; représentation qui se trouve finalement capable de révéler l’essence des choses de la façon la plus adéquate possible. Toutefois, il faut avouer que cela constitue un point controversé chez Schopenhauer, car il situe, de cette manière, la possibilité de la vraie liberté sur le plan de la représentation. Il peut paraître étonnant que Schopenhauer donne un rôle central à la raison humaine dans cette situation, sans pour autant en faire l’éloge. En effet, pour avoir accès aux Idées, il faut une sorte de transformation de la faculté de connaître24 qui, en général, reste un instrument de la Volonté. En tenant compte notamment de sa particularité comme le pouvoir de saisir la totalité des choses, la raison, dans une telle expérience du sublime (comme expérience de la négation de la Volonté), permet d’entrevoir un autre ordre de choses. Il s’agit de l’acte de s’élever vers les Idées, un acte de dépassement. Pour Schopenhauer, il faudrait penser cela indépendamment d’un passage à la raison pratique et à ses Idées pratiques, contrairement à ce qu’affirme Kant.
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- 25 Dans la mesure où il s’agit d’un sujet pur connaissant, libéré de la volonté, de tous ses rapports (...)
- 26 J. Young, art. cit., p. 137. Young souligne l’idée de l’humanité dans la pensée de Schopenhauer : (...)
10L’individu dépasse son individualité, la réalité phénoménale de l’existence, de la finitude et dépasse surtout ce qui soutient cette réalité, à savoir la Volonté. En un unique instant, il voit la totalité de ce qui est : le monde comme Volonté se trouve ainsi re-présenté, et au-delà (ou en deçà)25 du chaos infernal des phénomènes du monde, l’individu ou le sujet pur connaissant de cette expérience retrouve l’ordre des Idées. Or, il faut noter que l’Idée qui nous concerne ici est celle de l’humanité, et c’est en se référant à elle que Schopenhauer approfondit ses analyses sur l’empathie, la sympathie et la compassion26.
Le sentiment du sublime naît de ce qu’un objet nettement défavorable pour la volonté devient objet de la pure contemplation, laquelle ne peut être maintenue que si on se détourne constamment de la volonté en s’élevant au-dessus de l’intérêt de celle-ci, en quoi réside précisément la sublimité de l’état affectif27.
- 28 Voir les paragraphes 44, 63, 66 ; dans les Compléments, le chapitre XLVII.
On retrouve ici le désintéressement comme condition du sentiment du sublime : nous élever au-dessus de nos propres intérêts, écarter notre volonté, notre vouloir-vivre pour une contemplation pure de la sublimité de la nature, c’est ce qu’exige également la définition de la valeur morale des actions. Comme dans le phénomène de la compassion, le sentiment du sublime révèle le caractère illusoire de la phénoménalité et de la perspective qui en découle, aussi bien que le sentiment d’appartenance à une totalité d’êtres, sentiment d’unité avec le monde : une vision qui dépasse celle qui se focalise sur des séparations, des écarts entre les êtres, parce qu’elle est prisonnière de la réalité relative dont l’égoïsme est l’auteur. Cela constitue, comme on peut le remarquer, le point qui permet à Schopenhauer de s’inspirer de la formule des Uphanishads – formule évoquée en dehors des passages explicitement consacrés au sublime28 – qui désigne la visée fondamentale de sa pensée : Tat tvam asi (à savoir « tu es ceci », « Das bist Du »).
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- 29 Idem, § 41, p. 425.
- 30 Idem, p. 426.
- 31 Ibid.
- 32 Ibid.
- 33 G. Badoual et C. Floren, « Kant et la question de l’éternité », p. 45-46.
11Le sublime rend possible la remise en cause de la représentation en général, tout en restant dans les limites de celle-ci. Nous pouvons dire que cette expérience du sublime révèle le caractère illusoire du niveau de la représentation, elle nous fait entrevoir un au-delà de la représentation qui n’est en revanche pas un au-delà de ce monde. Le recours aux Idées platoniciennes joue ici un rôle important, ce qui met en évidence la caractéristique commune au sentiment du beau et à celui du sublime chez Schopenhauer 29. La contemplation esthétique des Idées qui définit ainsi les sentiments du beau et du sublime ne se trouve cependant pas sans rapport avec la dimension éthique de la pensée schopenhauerienne – notamment dans la mesure où elle engage une réflexion sur la liberté, la vérité et l’éternité. En effet, à travers la « signification pure »30, « la nature la plus intime »31 des choses « qui s’ouvre à moi, me parle »32, on se trouve libéré du joug de la volonté, du vouloir-vivre. D’un autre côté, si on parle d’une contemplation dans l’expérience du sublime, il faut noter que l’effort, contrairement au sentiment du beau, y joue un rôle central : la sérénité d’esprit accompagnant une pensée de l’éternité et de la liberté ne demeure pas exempte d’un rappel constant de notre individualité, de notre corps, de notre mortalité. Il faut donc toujours un effort pour nous élever au-dessus de la réalité phénoménale dont le sublime révèle le caractère illusoire. Il faut noter également que c’est grâce à cet effort que nous devenons conscients de la double nature de notre conscience : nous nous rendons compte que nous ne sommes pas seulement des êtres finis et éphémères appartenant au monde des phénomènes, mais aussi des êtres déterminés de manière intemporelle ; ce que nous sommes se situe donc au-delà des déterminations temporelles de l’existence. Cette opposition qui traverse notre être de cette manière nous renvoie à l’opposition établie par Kant entre le monde sensible et le suprasensible, le temporel et l’intemporel. Sur ce point il faut noter que « cette opposition, fidèle dans sa structure à la tradition métaphysique, revêt chez Kant un sens nouveau, où l’idée du suprasensible ne conduit plus à dépasser ce que notre être peut avoir de ‘‘trop humain”, mais se fait jour au contraire une compréhension radicale de la manière proprement humaine d’être au monde »33. Ainsi, dans cette pensée du sublime, rien ne nous indique un au-delà, un monde autre que ce monde.
- 34 Monde, § 70, p. 738. Schopenhauer souligne plusieurs fois dans son œuvre que « la liberté est un m (...)
12Ce constat peut être considéré comme également valable pour la pensée schopenhauerienne : le sublime ne fait que mettre en évidence l’« humanité » de l’« être humain » : par conséquent, on se trouve proprement humain lorsqu’il s’agit de la présentation d’une occasion de pouvoir éprouver vraiment notre liberté34.
- 35 G. Badoual et C. Floren, op.cit., p. 49.
- 36 Idem, p. 52.
13La liberté concerne la révélation du côté suprasensible de notre être, de « ce que nous sommes essentiellement »35, ce qui implique que nous ne pouvons pas être réduits à notre existence phénoménale. Schopenhauer ne poursuit pas ce discours sur la liberté dans l’expérience du sublime de la même manière que Kant : la liberté, pour lui, n’implique pas la Loi morale et ne concerne pas « la possibilité de donner à notre action la pure forme (rationnelle) de la loi »36. Toutefois, tout cela ne nous empêche pas de lier cette pensée du sublime avec la perspective éthique de Schopenhauer qui constitue le cœur de sa philosophie.
- 37 Idem, p. 55.
- 38 A. Welchman, « The Evil in Schelling and Schopenhauer », p. 163.
- 39 Il faut souligner de nouveau que l’expérience du sublime ne met en avant un sujet connaissant pur (...)
14Finalement, le sublime, alors qu’il entraîne l’échec de notre faculté de représentation, désigne « ce qui l’excède absolument »37. L’illimitation qu’il suggère par rapport à l’espace et notamment au temps se trouve re-présentée en tant que totalité au moyen de l’intelligence humaine transformée : à travers un exploit cognitif perceptuel (non-rationnel, non-conceptuel)38, on se trouve libéré de la vision dépendant du principe de raison, du principe d’individuation. En effet, dans cette expérience, l’échec de la représentation (représentation qui va de pair avec les intérêts de la volonté individuelle) entraîne immédiatement la suppression momentanée de la volonté, et nous pouvons essayer de repenser ce moment où l’individu se transforme en sujet connaissant pur comme l’instant du sublime39.
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- 40 M. Henry, Généalogie de la psychanalyse, p. 179.
- 41 M. Henry, « Schopenhauer et l’inconscient », p. 96.
- 42 Monde, § 66, p. 690-691.
- 43 Idem, p. 691.
15Dans une telle perspective, ce qui participerait à cet instant du sublime sur le plan éthique serait le fait de voir au travers du principe d’individuation et au-delà de lui : une telle vision rendrait possible la justice, l’amour et la générosité, en supprimant toute différence entre mon individualité et les autres individus. Lorsque Schopenhauer dit que la misère de l’autre devient ainsi ma misère, la connaissance en question n’est pas du tout conceptuelle. Cette perspective contribuera plus tard à l’élaboration d’une phénoménologie de la vie comme celle de Michel Henry malgré les soi-disant défauts de celle-là, qui concernent selon ce dernier la réduction de la vie à l’apparaître, par conséquent, du « corps immanent au corps de la représentation »40. Malgré tout, et contrairement aux autres penseurs de la tradition philosophique, Schopenhauer arriverait à « reconnaître […] la strate la plus profonde de l’humanitas de l’homme, ce qui fait de nous ce que nous sommes, non pas d’abord des êtres connaissant le monde en même temps que livrés en nous-mêmes à la nuit de l’inconscience, mais des êtres vivants se sentant et s’éprouvant eux-mêmes, aimant et souffrant »41. C’est ainsi que l’homme « sait immédiatement et sans raisonnement, que l’en-soi de son propre phénomène est aussi celui du phénomène d’autrui, à savoir cette volonté de vivre qui constitue l’essence de toute chose et vit dans tout. […] Il se reconnaît, lui, son propre soi, sa volonté, dans chaque être »42. Il « a percé le voile de Māyā, et s’est détaché de l’illusion du principium individuationis »43.
- 44 Ibid.
- 45 Ibid.
- 46 Idem, § 65, p. 678. « Si épais que soit le voile de mâyâ qui enveloppe l’esprit du méchant, si sol (...)
- 47 Idem, p. 681.
16Alors que Schopenhauer parle d’un homme noble d’esprit, de « celui qui pratique les œuvres de l’amour [Werke der Liebe] »44, il semble nous désigner l’ouverture que le sublime réalise en nous confrontant avec l’illimité, en révélant le suprasensible en nous d’une autre façon que chez Kant, dans la « connaissance que notre vrai soi n’existe pas seulement dans notre propre personne, dans ce phénomène singulier, mais dans tout ce qui vit »45. Ainsi, les diverses situations de l’existence comme la souffrance extrême, la compassion, le secret pressentiment du méchant46, etc., telles qu’elles sont décrites par Schopenhauer, pourraient être considérées comme porteuses des indices de l’expérience du sublime. Chaque fois, le sublime amènerait une révélation par rapport à ce que nous sommes essentiellement. Il s’agirait d’entrevoir que notre phénoménalité se trouve « dépassée » dans une confrontation avec la « totalité » qu’implique notre choix intemporel, c’est-à-dire notre caractère intelligible. C’est ce que Schopenhauer essaie de décrire au moyen de l’image du miroir dans lequel un homme mauvais ne voudrait pas voir son propre reflet (« Ne me fais pas voir qui je suis »47). Pour ce dernier, une telle révélation reste insupportable, parce qu’il voit que la force de sa volonté individuelle est anéantie face à la force et à l’indifférence de la nature, et ensuite, pour une intelligence comme la sienne qui se trouve prisonnière du principe d’individuation, faire partie de la totalité implique qu’il n’y a essentiellement aucune différence, aucun écart entre son moi et autrui, ce qui lui révèle que le mal qu’il a infligé à autrui est aussi un mal envers lui-même, un mal qui s’inscrit dans le mouvement d’auto-consommation de la volonté métaphysique, de cette volonté se déchirant, se dévorant elle-même.
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- 48 V. Stanek, La Métaphysique de Schopenhauer, p. 136.
- 49 Cf. A. Schopenhauer, Les Deux problèmes fondamentaux de l’éthique.
- 50 A. Schopenhauer, Mémoire sur le fondement de la morale, in : Les Deux problèmes fondamentaux de l’ (...)
17Quant à la compassion qui est, pour Schopenhauer, le seul mobile moral authentique, elle porterait l’indice du rapport à la question du sublime dans la mesure où elle constitue la base du geste consistant à sortir de soi-même, à « vaincre la source de tout mal, c’est-à-dire l’égoïsme, qui nous enferme dans les limites de notre moi individuel »48, pour saisir l’unité de l’essence de tous les êtres vivants. Ainsi, la réflexion sur l’expérience du sublime se présente comme une possibilité dans la pensée schopenhauerienne qui nous amène à reconsidérer la question du fondement de l’éthique, malgré la compréhension intermittente que cette même expérience entraîne, contrairement à la compassion qui, dans ce cadre, est un élément qui fonde l’éthique chez Schopenhauer49 en s’installant dans une durée. Elle se manifeste comme un événement où la fragilité, l’impuissance de l’homme, jusque-là ignorées, éclatent au grand jour dans ce fait même d’être exposé à autrui, à la souffrance d’autrui. C’est de ce sentiment brusque d’impuissance que dérive l’action qui constitue en elle-même le geste de dépasser cet état de l’être fini : aider autrui, essayer de soulager sa douleur, en d’autres termes répondre à son appel, mettent en évidence la sortie de soi-même par un acte entièrement désintéressé. Le mystère de cet acte correspond au caractère incompréhensible d’une telle « participation [Teilnahme] tout à fait immédiate, pour ainsi dire instinctive »50. Ainsi, on peut dire que la reconnaissance de notre impuissance conditionne la sortie de notre Moi dans ce phénomène de compassion ; mais il s’agit d’une reconnaissance accompagnée par une révélation : celle de la finitude dans le sens de notre « mortalité ». Cela équivaut à la révélation de notre caractère phénoménal : tout ce qui naît, tout ce qui meurt, tout ce qui fait partie de notre existence éphémère n’est autre que des phénomènes. La question de la finitude se situe donc au niveau des phénomènes chez Schopenhauer, ce qui interdit de la traiter en tant que finitude ontologique comme chez Heidegger. Quant à la difficulté que cette position constitue, nous pouvons essayer de la reconsidérer dans le cadre d’une pensée qui entrelace le monde comme représentation au monde comme Volonté. C’est seulement ainsi que nous pouvons espérer maintenir la vérité « charnelle » des relations intersubjectives qui se trouve, selon cette perspective, dans l’affirmation de la coexistence des êtres vivants, dans la communauté ; ce qui présuppose déjà l’affirmation de la corporéité, l’acceptation de notre individu en tant qu’être vivant, voulant, souffrant. Cette question de la compassion nous amène à la penser comme une expérience intersubjective par excellence, une expérience qui confirme, si l’on peut dire, notre « être-exposé-à-autrui », alors qu’elle révèle en même temps notre vulnérabilité dans la reconnaissance de la vulnérabilité commune de l’humanité, voire de tous les êtres vivants.
- 51 Idem, « que entre el ver/ Padecer y el padecer/ Ninguna distancia habia/ No siempre el peor es cie (...)
- 52 Idem, p. 341. Cela peut nous faire penser à cette remarque de Jacques Derrida sur Rousseau dans De (...)
18La signification éthique de l’existence se fonde ainsi sur cette rencontre avec autrui qui présuppose la reconnaissance de notre être souffrant. Cependant, les analyses de Schopenhauer nous amènent à faire une distinction entre cette reconnaissance de la souffrance universelle et la souffrance personnelle (de nous-mêmes et d’autrui). Alors qu’il cite Calderón, « entre voir souffrir et souffrir, il n’y a pas de différence »51, il ne manque cependant pas de préciser que la compassion comme cette capacité de ressentir la souffrance comme elle est dans l’autre ne rend pas identique nos vécus de souffrance. C’est pourquoi il souligne que « nous sommes […] clairement conscients à chaque instant que c’est lui qui souffre, et non pas nous : et c’est directement dans sa personne que nous sentons la souffrance, avec tristesse. Nous souffrons avec lui, donc dans lui : nous ressentons sa douleur comme sienne, et nous ne nous imaginons aucunement qu’elle est nôtre »52. Le fait que « nous souffrons avec lui » implique une autre souffrance que celle de l’autre. Même si « le degré initial de la reconnaissance dans la compassion est ce qui me porte à voir en l’autre souffrant mon semblable […] – [cette] similitude doit néanmoins préserver une différence radicale ». En effet,
- 53 A. Zielinski, « La compassion, de l’affection à l’action », p. 58.
Je ne puis prendre part directement à la souffrance de l’autre. Ma souffrance n’est pas identique à la sienne. Son vécu de souffrance n’est pas le mien. Je n’éprouverai pas sa souffrance – car je ne suis pas lui. Elle est inatteignable. La compassion exclut – et doit exclure l’identification. Elle consiste sans doute à s’approcher d’autrui et de sa souffrance, mais elle est aussi l’épreuve d’une distance, d’une séparation entre moi et l’autre. La tentation est cependant constante de croire connaître la souffrance d’autrui53 !
- 54 Mémoire sur le fondement de la morale, p. 388.
- 55 A. Zielinski, op. cit., p. 59.
19Il s’agit alors d’une participation mystérieuse de l’homme à la souffrance d’autrui, tout en préservant la différence entre lui-même et autrui. Au niveau métaphysique, on avait affaire à une reconnaissance de l’identité d’essence des êtres. Mais cette reconnaissance n’entraîne pas une compréhension entière de l’altérité de l’autre et de sa souffrance. Dans le phénomène de compassion, on « connaît », à travers une connaissance intuitive que Schopenhauer considère comme « simple appréhension [Auffassung] d’un cas concret où la compassion s’éveille immédiatement sans autre médiation intellectuelle »54, la souffrance en général, mais pas en tant que souffrance d’autrui ; on est conscient, comme dit Schopenhauer, que c’est un autre qui souffre. En d’autres termes, on est conscient de la souffrance, sans la « comprendre » en tant que souffrance de l’autre : « je ne peux jamais être à sa place, ni m’identifier à lui. Nul ne peut saisir le “tout” d’un autre. Nul ne peut faire le tour d’une souffrance ni de ses ambivalences. La “compréhension” sera toujours en échec, toujours en retard d’une interprétation »55.
- 56 Mémoire sur le fondement de la morale, p. 415.
20Ce point peut évidemment nous faire penser à un autre échec, à savoir l’échec de l’imagination dans l’expérience du sublime. Les deux cas renvoient finalement à notre impuissance, à la finitude. Impuissance à comprendre l’autre, impuissance à comprendre sa souffrance… « La différence spatiale qui me sépare de l’autre me sépare aussi de son bonheur et de son malheur »56 ; c’est ce que Schopenhauer met en avant pour décrire la base de l’égoïsme au niveau empirique. En revanche, nous avons signalé une autre dimension ouverte au même niveau à travers l’expérience de la compassion qui apparaissait comme un contre-courant dans la phénoménalisation de la Volonté : contre-courant qui fait partie de la nature de l’être vivant qu’est l’homme ; contre-courant qui vise, plutôt qu’une séparation, une ré-unification, en d’autres termes, le soulagement des blessures de la séparation causée par la phénoménalisation. Ainsi, on peut dire que dans cette expérience, il s’agit d’une visée instinctive qui demeure toujours en deçà de la lumière de la connaissance (rationnelle).
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- 57 Idem, p. 374.
- 58 Idem, p. 387.
21La sortie de mon Moi vers l’autre est ce qui constitue le geste fondamental de la compassion : geste consistant à percer le voile de Māyā qui correspond au principe d’individuation provoquant ma séparation avec les autres êtres. La compassion implique en effet une illimitation de cet acte de se transcender vers tous les autres êtres vivants57, notamment dans la reconnaissance du fait qu’« on souffre » et de ma ressemblance, non seulement avec les autres hommes, mais aussi avec les animaux. Cette reconnaissance ne relève pas de la connaissance rationnelle, abstraite, conceptuelle, mais plutôt du « pressentiment » que Schopenhauer associe avec des instants de révélation (comme ce secret pressentiment chez le méchant). La compassion se trouve sur ce plan comme une tendance qui m’entraîne depuis moi-même vers l’autre, qui met en évidence, ainsi, le lien « secret » entre moi et lui. Même s’il reste discutable de déterminer toutes les actions humaines qui ressemblent à ce phénomène mystérieux de la compassion comme entièrement désintéressées, Schopenhauer souligne cependant le caractère manifeste de celle-ci au niveau empirique. Pour lui, la preuve est déjà là, à ce niveau, contrairement à la Loi morale, aux devoirs, aux impératifs de Kant58, qui restent abstraits aussi bien qu’indémontrables. En fin de compte, ce qui prouve le désintéressement total dans un tel cas, c’est l’abandon indéniable du Moi dont les exemples peuvent varier : de celui d’un homme pauvre qui s’efforce de rendre le porte-monnaie rempli d’argent qu’il a trouvé par hasard à son propriétaire (un acte de justice), à celui d’un autre qui se sacrifie pour sauver un enfant, ou plusieurs personnes, ou même un peuple (altruisme). Schopenhauer qualifie de mystérieux ce fait de la compassion, parce que, tout en faisant partie de la nature humaine, elle arrive à résister à la force primordiale qu’est l’égoïsme.
- 59 J. Young, art. cit., note 13, p. 143 : « Since for Schopenhauer, as for Hume, empathy is the basis (...)
22Dans cette perspective, tout semble être en accord avec sa Naturphilosophie : comme si l’on était toujours dans cette scène de conflit entre les Idées supérieures et les Idées inférieures. L’égoïsme, dans le cadre du mouvement de l’auto-connaissance de la Volonté, peut lui servir de miroir en montrant comment elle est ce qu’elle est en se consommant, en se déchirant ainsi. Celui-ci peut être supprimé, à un plus haut degré du même mouvement en suggérant le caractère « insupportable » pour la Volonté elle-même de ce que cette auto-connaissance vient de lui révéler. La compassion constitue ainsi un premier moment de ce qui deviendra une auto-négation, mais elle n’apparaît encore ici que comme un geste de sortie de Moi vers autrui. C’est surtout ce geste, dans la mesure où il implique de nous élever au-dessus de nos propres intérêts, de révéler le caractère illusoire de la phénoménalité, aussi bien que le sentiment d’appartenance à une totalité des êtres, qui nous fait penser le sublime comme une possibilité éthique chez Schopenhauer. En tant que révélation d’une force suprasensible en nous, en tant que rappel de notre corporéité, notre impuissance, notre mortalité et en tant que découverte d’une possibilité du dépassement de ce côté illusoire de la réalité, d’une possibilité de neutraliser le principe d’individuation pour saisir la totalité de l’existence, le sublime nous renvoie ainsi à une pensée éthique sans aucune référence à une Loi morale ou à une finalité cachée. La compassion, qui constitue le fondement de la pensée éthique de Schopenhauer, peut être considérée pour cela comme un geste consistant à « relier le sublime à la morale », évidemment d’une « manière très anti-kantienne »59.
- 60 Voir le discours de Socrate (201a-201c) dans Le Banquet de Platon. Voir aussi A. M. Ramos (éd.), B (...)
23Depuis Platon, nous sommes habitués à considérer le bien dans un rapport intime avec le beau60. L’apparition du sublime comme une nouvelle catégorie esthétique au xviiie siècle modifie inévitablement la vision éthico-esthétique comme l’on en témoigne dans le mouvement artistique de cette époque. L’affirmation du caractère limité des facultés humaines par les artistes romantiques se rapproche de celle de Schopenhauer soulignant l’échec de la faculté de représentation dans le sentiment du sublime, ce qui, à son tour, peut nous faire penser au sentiment brusque d’impuissance que nous trouvons dans le sentiment de compassion. Dans ces deux sentiments nous retrouvons la reconnaissance de notre vulnérabilité commune. En devenant le sujet libéré du joug du vouloir-vivre qui s’exprime dans mon ego, en réalisant une sortie hors du soi, je me trouve transformé en spectateur désintéressé de la tragédie humaine : le sublime nous renvoie ainsi à une voie possible du non-vouloir même si notre transformation dans cette expérience sera de courte durée, alors que la compassion me pousse à agir et à concrétiser cette transformation à travers ma main tendue vers l’autre souffrant.
- 61 Sans compter l’expérience du sublime qui reste comme une possibilité éthique sur le plan esthétiqu (...)
24Dans la pensée schopenhauerienne, le sublime met en exergue la double structure de la conscience humaine, ce qui rend possible la remise en cause de notre faculté de représentation. Quant à la question de la compassion, elle désigne le moment initial, voire le premier degré de l’auto-connaissance (de l’homme au niveau phénoménal, de la Volonté métaphysique au niveau de la chose en soi) sur le plan éthique61, dont le moment ultime s’exprimera dans la négation du vouloir-vivre. Que ce soit la conversion éthique ou le renoncement, la résignation, l’ascétisme impliqués dans cette auto-connaissance, tous sont liés à une connaissance « transformée », et nous avons vu ici comment la pensée du sublime la sous-tendait.