Notes
Généalogie de la morale (désormais GM), Préface, § 6 / KSA 5, p. 252.
« […] la grande forme de la vie s’est en effet montrée toujours du côté des πολύτροποι les moins scrupuleux », Le Gai Savoir, § 344 (trad. P. Klossowski, Œuvres, II, p. 240) / KSA 5, p. 576.
P. Wotling, Introduction, in : Fr. Nietzsche, Éléments pour la généalogie de la morale, p. 21.
À l’époque de Nietzsche, la philologie est déjà engagée dans une nouvelle appréhension de l’Antiquité gréco-romaine, passant outre son caractère « classique » (de modèle idéalisé) pour se rapprocher de l’ethnologie et plus généralement de l’anthropologie. Par ailleurs, Nietzsche a en particulier bénéficié des recherches de son ami indianiste Paul Deussen, et s’est nourri de publications anthropologiques et ethnologiques pour rédiger la Généalogie de la morale. Voir à ce sujet, dans le présent volume, l’article de A. U. Sommer, « Une vue d’ensemble sur la Généalogie de la morale », et celui de E. Salanskis, « Un compagnon généalogiste de Nietzsche : Walter Bagehot ».
« À peine ose-t-on encore parler de la volonté de puissance : autrement à Athènes ! », Fr. Nietzsche, Fragments posthumes (désormais FP), fin 1880 / KSA 9, 7 [206], p. 360.
Crépuscule des Idoles, « Ce que je dois aux Anciens », § 3 / KSA 6, p. 157.
La physique des présocratiques présente des exemples foisonnants (Empédocle, Poème, DK B 17 lignes 27-29 ; Diogène d’Apollonie, DK B 5, etc.). En histoire, le récit de Thucydide porte explicitement sur la confrontation de deux puissances, Sparte et Athènes. Pour la médecine, voir ci-dessous. En morale, La République de Platon tâche d’établir la puissance de la justice (II, 358b), et témoigne ce faisant d’une généalogie sophistique de la justice (358e-359b) où puissance et impuissance jouent un rôle central (voir notre livre Une Morale pour les mortels, chapitres « La morale des impuissants » et « La puissance de la justice », p. 122 sq.).
Par delà bien et mal, § 259 (nous traduisons).
GM, II, § 18, trad. P. Wotling, p. 168 / KSA 5, p. 326.
P. Wotling, Introduction, op. cit., p. 24.
Par delà bien et mal, V, § 186 / KSA 5, p. 105. L’expression Typenlehre est en italiques dans le texte.
Les dates de vie sont incertaines. Dans De Theognide Megarensi, Nietzsche retient comme hypothèse possible une naissance en -563 et une mort peu après -484 (KGW I/3, p. 432-433, p. 464). Cette datation n’est pas universellement acceptée, certains spécialistes considérant que Théognis a vécu « en plein vie siècle » (J. Carrière, Introduction, in : Theognis, Poésie élégiaque, p. 8 et p. 174-175).
GM, I, § 5, trad. P. Wotling, p. 72-73 (le mot marqué d’un astérisque est en français dans le texte) / KSA 5, p. 263. Cf. Par delà bien et mal, § 260 / KSA 5, p. 209.
Voir les pistes récapitulées par A. U. Sommer, Kommentar zu Nietzsches Zur Genealogie der Moral, p. 108. On n’oubliera pas d’ajouter à l’ouvrage de L. Schmidt, Die Ethik der alten Griechen (spécialement ch. IV, p. 289 sq.), les Prolegomena rédigés par Fr. Welcker dans son édition Theognidis reliquiae, travail de premier ordre pour Nietzsche, particulièrement § 7-11, p. xviii-xxvi, et § 14-16, p. xxix-xxx, où le sens “social” ou “politique” des termes agathos, esthlos, kakos, deilos est présenté avec force, Welcker montrant que l’usage “moral” de ces termes est rare chez Théognis (Nietzsche a sans aucun doute été éclairé par Welcker et lui doit une bonne part de sa compréhension de ces termes chez Théognis ; voir De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 421 : « Welcker […], qui, s’étant le premier attaché à ces questions avec le plus grand soin, donna une appréciation nouvelle et correcte de l’usage politique [civili] des mots ἀγαθός et κακός » [nous traduisons]).
Texte original latin publié dans KGW I/3, 18 [2], p. 415-463.
Texte republié dans KGW II/1, p. 3-58. Pour une présentation, voir A. K. Jensen, « Nietzsches Valediction and First Article: The Theognidea ». Les écrits sur Théognis ont retenu encore récemment l’attention des études nietzschéennes (R. Cristi, O. Velasquez [eds.], Nietzsche on Theognis of Megara ; recension critique par C. Santini, « News on “Nietzsche on Theognis of Megara” ? »).
On trouvera ces Nachgelassene Aufzeichnungen, d’abord celles datant de l’été 1864, dans KGW I/3, 18 [1], p. 395-414 (Theognis als Dichter), 18 [3], p. 463-464 (sans titre, Quem non haec senis poetae verba movent…), 18 [4], p. 464-470 (Studien zu Theognis) ; puis celles datant de février 1868-octobre 1869, dans KGW I/5, 75 [9], p. 223-224 (sans titre), 75 [13] [14] [15] [17], p. 228-238 (Beiträge zur Kritik der griechischen Lyriker. II. Der ursprüngliche Theognis, projet non achevé, voir la note des éditeurs, p. viii). Ce projet visait l’état initial des poèmes, alors que l’article de 1867 portait sur l’histoire de l’état actuel de ces poèmes dans les manuscrits disponibles, sous la forme de « la dernière rédaction », dont Nietzsche tente de déterminer la date (au ve siècle, selon lui) et les motifs (une disposition hostile d’un rédacteur hypothétique envers Théognis), tout en s’appuyant sur la piste des « mots-clefs » frayée par Welcker.
Fr. Nietzsche, recension parue dans Literarisches Centralblatt für Deutschland, 1869, Nr. 6, p. 144, sur l’ouvrage suivant : Theognidis Elegiae, e codicibus Mutinensi Veneto 522 Vaticano 915 edidit Christophorus Ziegler, Tübingen, 1868.
Particulièrement dans Die griechischen Lyriker (cours donné plusieurs fois de 1869 à 1879, KGW II/2, p. 122-123), et Geschichte der griechischen Literatur, <I-II> (cours donné en 1874 et 1875, KGW II/5, p. 74-79, édition française : Fr. Nietzsche, Écrits philologiques, vol. XI : Histoire de la littérature grecque, p. 97-102).
Mentions du nom de Théognis dans les fragments posthumes suivants, de 1870 à 1885 : fin 1870 / KSA 7, 6 [17], p. 135 ; hiver 1870-1871 /KSA 7, 8 [75], p. 250 ; 1871 / KSA 7, 9 [43], p. 292, 9 [112], p. 316 ; printemps 1871-début 1872 / KSA 7, 14 [27], p. 386 ; été 1871-printemps 1872 / KSA 7, 16 [18], p. 400 ; septembre-octobre 1871 / KSA 7, 17 [9], p. 410 ; été 1872-début 1873 / KSA 7, 19 [130], p. 460 ; printemps-été 1883 / KSA 10, 7 [163], p. 296 ; juin-juillet 1885 / KSA 11, 36 [43], p. 569.
Fr. Nietzsche, De Theognide Megarensi, II, 9, KGW I/3, p. 439-440 (nous traduisons, et nous corrigeons inexstinctum de KGW en inexstinctam, cf. Musarionausgabe, Bd. I, p. 229). Rappelons que le latin acerbus qualifie couramment l’âpreté des fruits non mûrs.
De Theognide Megarensi, III, <14> / KGW I/3, p. 455 (nous traduisons).
Voir sur la question, dans sa complexité, Fr. Nietzsche, Histoire de la littérature grecque, <I-II>, § 6 (consacré aux œuvres élégiaques), p. 97-102 (cf. KGW II/5, p. 74-79).
Fr. Nietzsche, Histoire de la littérature grecque, p. 152 (cf. KGW II/5, p. 149) : « l’élégie est la forme du sentiment qui s’exprime ou se chante, avec un contenu d’ordre plus général et qui exprime une souffrance ». À la page 98, Nietzsche avait déjà rappelé la parenté entre ἔλεγος et ἐλεγεία, le premier terme exprimant plus clairement la tonalité de deuil, proche du thrène (chant funèbre).
Le mot même de logos dans le composé « gnomologie » manifeste cette indifférence au mètre (le λόγος étant par définition une parole non versifiée), si bien que la γνωµολογία est en réalité un terme technique de rhétorique (voir Platon, Phèdre, 267c). Sur la γνωµολογία, discours énonçant des sentences ou maximes, voir Aristote, Rhétorique, II, 21 (à noter que, par après, λόγος dans ce mot composé pourra signifier « recueil » de sentences, sens qui est d’ailleurs retenu dans l’expression allemande Spruchsammlung). Pour l’opération mentale de séparation entre le mètre poétique et le fond gnomique (la matière même de la pensée, à portée pratique), voir par exemple l’invitation d’Eschine à propos de vers hésiodiques, Contre Ctésiphon, 135.
Voir Aristote, Rhétorique, II, 21, qui définit en début de chapitre le sens de γνώµη.
Rappelons que l’αὐλός, longtemps traduit par le terme « flûte », est une sorte d’instrument à anches, comme l’est notre haubois moderne. On a renoncé de nos jours à le traduire en un nom d’instrument moderne, puisqu’il n’a pas de correspondant exact.
C’est du moins la thèse de Nietzsche, aussi bien dans Histoire de la littérature grecque (<I-II>, § 6) que dans ses écrits antérieurs consacrés à Théognis.
Zur Geschichte der Theognideischen Spruchsammlung, KGW II/1, p. 29 (nous traduisons).
Idem, p. 32 (nous traduisons) (cf. p. 51, et Histoire de la littérature grecque, p. 99 [KGW II 5, p. 76]).
Les références données par les philologues pour attester ce fait général sont Eschine, Contre Ctésiphon, 135 ; Isocrate, À Nicoclès, 12-13 et 43-44 ; Platon, Lois, VII, 810e-811a.
Xénophon chez Stobée, 88.14 (nous traduisons). Voir Zur Geschichte der Theognideischen Spruchsammlung, KGW II/1, p. 30, 51, et Karl Dilthey, « Theognis bei Suidas », p. 151. Le choc des mots « poésie » et « traité » est frontal. Il faut donner toute sa portée aux termes technicisés qu’utilise Xénophon : il ne parle pas d’un chevalier (ἱππεύς, fonction qui fut l’apanage de la noblesse puis d’une élite), mais d’un homme versé dans l’équitation (nous traduisons ainsi ἱππικός, c’est-à-dire un technicien de l’équitation, terme répondant au mot ἱππική, lequel renvoie à une science).
Diogène Laërce, VI, 16, et voir tout particulièrement Zur Geschichte der Theognideischen Spruchsammlung, KGW II/1, p. 51.
Diogène Laërce, VI, 1.
Platon, Lois, I, 630a-d, avec référence aux vers 77-78 de Théognis.
Platon, Ménon, 95d-96a.
Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 3, 1129b29 ; IX, 9, 1170a12 ; IX, 12, 1172a13 ; X, 10, 1179b6. Éthique à Eudème, III, 1, 1230a12 ; VII, 2, 1237b14 ; VII, 10, 1043a17.
Cf. Fr. Nietzsche, Studien zu Theognis, KGW I/3, p. 467 : « L’usage par l’école socratique l’estampilla comme manuel scolaire. On en tira les gnomai [sentences] et on les fit apprendre par cœur aux élèves » (nous traduisons).
Pour le Socrate plébéien au milieu de la noblesse grecque, voir en particulier FP, été-automne 1884 / KSA 11, 26 [285], p. 226.
Comme le dit Nietzsche à plusieurs reprises dans ses travaux, l’état actuel des poèmes n’est « pas assez moral » pour coïncider avec les divers jugements sur Théognis qu’on trouve chez les auteurs de l’Antiquité (KGW I/5, p. 237, voir aussi p. 229, 233 ; et KGW II/1, p. 28, 32 : le recueil actuel n’est pas fait pour un usage pédagogique).
Fr. Nietzsche, De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 454 (nous traduisons).
Théognis, I, 53-60 (trad. J. Carrière modifiée). Les deux derniers vers ne sont pas toujours rattachés aux précédents (cf. l’édition de Welcker, Theognidis reliquiae, ad loc.). Voir les vers 1109-1114 où se trouve une variation des vers 53-60.
Traduction de J. Carrière, que nous avons donc modifiée ci-dessus entre autres pour ce vers, qui s’énonce en grec ainsi : οὔτε κακῶν γνώµας εἰδότες οὔτ' ἀγαθῶν. Les mots κακῶν et ἀγαθῶν sont au neutre pluriel.
Les vers 53-58 (annoncés pourtant comme 53-60) sont cités en extension (et dans une version identique du grec, au détail près de la leçon πλευρῇσι au lieu de πλευραῖσι) dans De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 431 ; les vers 54-56 sont cités à la p. 458 (à quoi s’ajoute, à la page 451, une simple référence aux numéros des vers 53-58). Les vers 57-60 sont cités en extension dans Zur Geschichte der Theognideischen Spruchsammlung, KGW II/1, p. 11 (avec comparaison du doublon formé par les vers 1109-1110 et 1113-1114, répétant avec quelques variations les vers 57-60). Dans les annotations de février 1868 à octobre 1869, on lit « Zweifelhaft 53-60 » (KGW I/5, 75 [13], p. 235, ligne 30), ce qui exprime donc un doute sur l’authenticité de la première occurrence du doublet (comparer ibid. ligne 10, où les vers 1109-1114 ne sont pas accompagnés de cette mention).
Les vers 53-56 deviennent les vers 19-22 dans l’édition Welcker, les vers 1009-1114 (doublon partiel des vers 57-60) deviennent les vers 13-18, et figurent donc dès la page 1 (annotée par Nietzsche dans son exemplaire personnel, voir Nietzsches persönliche Bibliothek, p. 591).
En particulier dans l’épisode emblématique de la guerre civile à Corcyre, Thucydide, III, 82. Tout l’épisode est une référence majeure pour Nietzsche (voir notamment Le Voyageur et son ombre, § 31 ; FP, été-fin septembre 1875 / KSA 8, 12 [21], p. 256-257).
Voir notamment Aristote, Politique, IV, 15, 1300a17-19 ; V, 3, 1302b31 ; V, 5, 1304b34-38, 1305a21-26 (avec les notes de J. Aubonnet ad loc., en
particulier tome II/2, p. 173-174). Chez Welcker : p. x-xii. Chez Nietzsche : De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 422-424, Die griechischen Lyriker, KGW II/2, p. 122.
Théognis, v. 39-52.
Aristote, Politique, IV, 8, 1294a21-22 : la noblesse ou « naissance illustre, bonne naissance » (εὐγένεια) est une ancienneté de richesse et de vertu. À comparer avec III, 13, 1283a37 : « la noblesse est l’excellence d’un genos [lignage] », et voir les autres références données ad loc. en notes par J. Aubonnet dans son édition. Voir aussi Théognis, v. 30, 129-130, 149-150 (attestant l’association vertu / richesse, tout en présentant déjà une distanciation critique et notant le divorce en cours entre vertu aristocratique et richesse).
Aspect économique d’ailleurs relevé par Nietzsche, De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 459-460.
Nietzsche a discuté ce mot ἀστῶν et tenté d’y voir le mot ἐσθλῶν (« des hommes de valeur »), qui aurait été confondu avec le premier par un copiste. Voir KGW I/5, p. 231.
Théognis, v. 189-192 (nous traduisons ; noter l’asyndète pour la formule « La richesse a mêlé la race », ce qui, en grec, renforce encore cette portion de vers, citée et expliquée d’ailleurs par Nietzsche, De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 459-460).
Les notes de Nietzsche dans Studien zu Theognis mettent particulièrement bien en valeur le constraste entre cette interprétation éthique ultérieure et le sens aristocratique originel des poèmes (KGW I/3, p. 464-470).
Théognis, v. 193-196. Voir aussi les vers 173-182, qui identifient la pauvreté comme source de l’impuissance politique.
Théognis, v. 183-185.
Fr. Nietzsche, Studien zu Theognis, KGW I/3, p. 465 (nous traduisons).
ἐσθλῶν µὲν γὰρ ἄπ' ἐσθλὰ µαθήσεαι, partie de vers particulièrement célèbre, citée ou mentionnée (avec ou sans les vers connexes) par les philosophes socratiques que sont Platon, Ménon, 95d-e, Xénophon, Mémorables, I 2.20, et encore Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 12, 1172a13 (cf. IX, 9, 1170a11-13), et bien d’autres auteurs plus tardifs.
Théognis, v. 27-38 (nous traduisons, texte grec établi par J. Carrière).
GM, I, § 10, trad. P. Wotling, p. 82 / KSA 5, p. 270. « Ressentiment » est en français dans le texte original.
FP, été 1887 / KSA 12, 8 [4], p. 334, lignes 11-12 (nous traduisons ; le terme schöpferisch a une fonction d’attribut dans ce style abrégé, d’où notre virgule).
Platon, République, I, 338c-339a.
Deux allusions dans Le Gai Savoir (V, § 346, § 351), qui ne concernent pas l’apport des sophistes à la réflexion sur la morale. La cinquième partie du Gai Savoir fut rédigée entre le moment de la proposition que fit, en août 1886, le nouvel éditeur, E. W. Fritzsch, de rééditer les précédents ouvrages avec une nouvelle préface, et la livraison finale du manuscrit en décembre 1886. La rédaction de la Généalogie s’est faite entre le 10 et le 30 juillet 1887, selon les déclarations de Nietzsche, mais s’est en réalité poursuivie jusqu’à la fin du mois d’août 1887 (Lettre de Nietzsche à G. Brandes, 10 avril 1888, cf. A. U. Sommer, Kommentar zu Nietzsches Zur Genealogie der Moral, p. 3, et p. 51 du présent numéro des Cahiers philosophiques de Strasbourg). Notons cette différence : durant la période de rédaction de la Généalogie, en juillet-août 1887, on ne trouve aucune mention de la sophistique dans les annotations réunies en fragments posthumes (voir KSA 12, p. 323-338, annotations de l’été 1887), alors qu’on en trouve une mention dans les annotations de la période de l’été 1886 à l’hiver 1887 (réunies en KSA 12, p. 185-322, sans datation précise) : voir FP, été 1886-printemps 1887 / KSA 12, 7 [20], p. 302. L’annotation concerne Socrate et les morales philosophiques après lui ; Nietzsche fait allusion à sa tentative de se démarquer des sophistes, dont les analyses critiques en morale ne sont pas envisagées.
Le Gai Savoir, V, § 345. Cela n’enlève rien, au contraire, à sa volonté de trouver des compagnons pour la grande entreprise qui doit s’ensuivre. La dimension collective de cette dernière s’exprime en clair dans la Préface de la Généalogie, et jusque dans le « nous » utilisé par Nietzsche au fil des trois traités. Voir dans le présent numéro des Cahiers philosophiques de Strasbourg l’article de Q. Landenne, « La formation perspectiviste du “nous” dans la Généalogie de la morale », et celui d’E. Salanskis, « Un compagnon généalogiste de Nietzsche : Walter Bagehot ».
Le Gai Savoir, V, § 345 (trad. P. Klossowski) / KSA 3, p. 578.
Ibid.
Ibid. / KSA 3, p. 579.
Ibid.
Voir le § 6 de la Préface, qui envisage la morale (selon ses types) comme conséquence, symptôme, maladie, etc., ou comme cause, remède, stimulant, inhibition, poison, et qui réclame qu’on mette une bonne fois en question la valeur des valeurs morales.
Ce point ressort de deux annotations où Protagoras est mis sur le même plan que Démocrite, Thucydide ou encore Héraclite : FP, juillet 1879 / KSA 8, 39 [5], p. 576 ; printemps 1888 / KSA 13, 14 [116], p. 293. Mentionnons un vif débat entre commentateurs sur l’intérêt que portait ou non Nietzsche à la sophistique (pour un échantillon représentatif, voir Th. Brobjer, « Nietzsche’s Relation to the Greek Sophists », J. E. Mann, G. L. Lustila, « A Model Sophist: Nietzsche on Protagoras and Thucydides », où l’on trouvera des références aux publications antérieures).
Voir Fr. Nietzsche, Écrits philologiques, vol. VIII : Platon, p. 168-170 (cf. KGW II/4, p. 131-134).
Aurore, § 168 / KSA 3, p. 161 (trad. J. Hervier).
FP, automne 1887 / KSA 12, 9 [160], p. 430 (nous traduisons).
FP, novembre 1887-mars 1888 / KSA 13, 11 [375], p. 168 (nous traduisons).
Concernant l’historien, voir Fr. Nietzsche, Histoire de la littérature grecque, p. 216 (cf. les qualités scientifiques prêtées aux Thraces à travers Démocrite, Protagoras, Thucydide : FP, juillet 1879 / KSA 8, 39 [5], p. 576). Concernant Platon, Nietzsche tente régulièrement de le rapprocher des Juifs pensés comme représentant la prédominance du point de vue moral. L’insistance de ces rapprochements, sans fondements philologiques ni historiques, a de quoi étonner. Ainsi Platon aurait selon Nietzsche peut-être été à l’école des Juifs lors de son voyage en Égypte auprès des prêtres égyptiens (Crépuscule des idoles, « Ce que je dois aux Anciens », § 2, contra : FP, été 1880 / KSA 9, 4 [158], p. 141, qui différencie l’idéalisme platonicien de la distinction judaïque entre monde terrestre et monde céleste) ; Socrate et Platon ne seraient pas grecs dès lors qu’ils prennent le parti de la justice, mais « des Juifs ou je ne sais quoi [sic] » (FP, printemps 1888 / KSA 13, 14 [147], p. 331). Sur la primauté de la justice, on la voit pourtant attestée chez Théognis lui-même (voir ci-dessous). Ces considérations nietzschéennes ne sont pas des plus pertinentes.
On notera l’inversion de la chronologie : nul n’a avant Platon posé de morale en soi (ce que n’a d’ailleurs pas fait Platon littéralement), ni de bien en soi (ce qu’a fait Platon, mais ce bien-là n’est pas une notion “morale”, voir ci-dessous). Les sophistes, dont les meilleurs représentants (ceux auxquels pense Nietzsche, notamment Protagoras) sont antérieurs à Platon et au mieux contemporains de Socrate, n’ont pas pu critiquer cette position. En revanche, Nietzsche semble ignorer que la sophistique a eu une action corrosive envers les valeurs aristocratiques.
FP, printemps 1888 / KSA 13, 14 [116], p. 292-293 (trad. J.-C. Hémery, Œuvres philosophiques complètes, XIV, p. 83-84).
Le Banquet donne à travers Pausanias un témoignage sur les jugements multiples et antithétique touchant la paiderastia selon les cités et les aires culturelles hellènes et barbares (182 sq.) ; résultat : la chose n’est en soi ni belle ni laide (183d). Aristote relève : « Les choses belles et les choses justes, sur lesquelles la politique fait porter son examen, comportent de grandes disparités et errances, en sorte qu’elles semblent n’être que par convention et non par nature » (Éthique à Nicomaque, I, 1, 1094b14-16, nous traduisons). L’opposition nature / convention ou loi (nomos) est considérée comme typiquement sophistique.
République, VII, 537e sq. : la dialectique commence par produire un mal, la paranomie ; on ne doit pas permettre indistinctement à toute personne d’y goûter, ni à tout âge.
Théétète, 161c. Son statut de titre est parfois sujet à discussion (comparer 152c, 155e, 161c, 162a, 166d, 170e, 171c), d’autant qu’il ne figure pas dans la liste de Diogène Laërce (IX, 50-56). Voir la note 29 p. 259 de Mauro Bonazzi, in : J.-F. Pradeau (éd.), Les Sophistes, I.
Le terme grec exprime la privation de force (τὸ σθένος), tout en étant réservé aux cas de maladie. Voir Ancienne Médecine, 12.1, qui présente une distinction précise entre le participe ἀσθενῶν, « étant affaibli, malade » (comme dans notre extrait), et ἀσθενής, « faible » : « le faible est celui qui se rapproche le plus du malade, mais le malade est encore plus faible » (trad. J. Jouanna).
Platon, Théétète, 166d-167b (cf. 172a-b), trad. L. Robin fortement modifiée.
Les difficultés le sont aussi. Voir Anne Balansard, Enquête sur la doxographie platonicienne dans la première partie du Théétète.
Pour un examen de ce dédale stratégique, voir Daniel Babut, « Platon et Protagoras : l’“apologie” du sophiste dans le Théétète et son rôle dans le dialogue ».
Les arguments de F. M. Cornford (Plato’s Theory of Knowledge, p. 72) ne produisent aucune preuve. Il est indéniable que Platon prétend composer une défense de Protagoras, tout comme il a composé une défense de Socrate dans l’Apologie. Mais de même que plus personne ne prête à ce texte l’honneur d’être le verbatim ni même le compte rendu fidèle des arguments développés historiquement par Socrate, de même il faut dire que nous n’avons pas d’éléments pour assurer que c’était strictement les pensées de Protagoras, sans même parler de la forme de leur expression.
Gorgias, Éloge d’Hélène, 14 ; Platon, Phèdre, 230d (avec variations ou échos divers dans tout le dialogue sur le thème des remèdes, de la maladie, de la médecine, etc., par ex. 227d, 228b, 229c, 270c).
Perspective très nette chez Gorgias, Éloge d’Hélène, § 8. Voir Fr. Nietzsche, Histoire de l’éloquence grecque, p. 219, 222.
Rappelons que Platon dans le Timée prête des sensations aux plantes (77b-c). Nous disons couramment à notre époque qu’une plante a soif ou qu’elle cherche la lumière.
Robin traduit ainsi le verbe dokein, apparenté à doxazein plus haut, pour souligner la dimension politique ici du verbe. Mais on pourrait traduire aussi par « sembler », ce qui expliciterait la persistance du couple « être » et « paraître » qui travaille tout ce passage.
Théétète, 167c, trad. L. Robin modifiée.
Par-delà bien et mal, § 187 (trad. P. Wotling).
Platon, République, VI 505a-b ; Hippocrate, Du régime, III, 69.1 (rédaction située entre la fin du ve et le milieu du ive siècle). Pour un autre exemple de ce parallélisme des attributs facilitant une assimilation (du bien au plaisir, cette fois), voir Aristote, Éthique à Nicomaque, X, 2.
Platon, Gorgias, 451e (nous traduisons).
Théognis, v. 255-256 (nous traduisons) (cf. Sophocle, fragment 329 Nauck, et Aristote, Éthique à Eudème, I, 1, 1214a5-6, Éthique à Nicomaque, I, 9, 1099a27-28). L’authenticité chez Théognis est souvent mise en doute, du fait qu’Aristote ne renvoie pas au poète de Mégare quand il cite ces vers (qui sont pour lui une inscription sur le temple de Létô à Délos). Nietzsche ne la met pas en doute, bien au contraire : ces vers témoignent selon lui du fait que Théognis a composé des petites pièces pour banquets, de l’ordre des chansons à boire et des énigmes (De Theognide Megarensi, KGW I/3, p. 446).
Théognis, v. 77-78 (nous traduisons), cité par Platon, Lois, I, 630a. La dissension vise ici la guerre civile entre partisans de la démocratie et partisans de l’oligarchie ou de l’aristocratie, type de guerre dont on sait par Thucydide combien elle pouvait être sanglante dans les cités grecques (III, 70-83, spécialement 81).
Platon, Lois, I, 630c.
Théognis, v. 148, cf. Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 3, 1129b. En l’état de la transmission des textes de l’Antiquité grecque, c’est ici la toute première occurrence du mot dikaiosunè, qui a pour particularité de désigner précisément la justice comme qualité éthique personnelle.
Cf. Aristote, Rhétorique, II, 21, 1394b13-14, témoignant que le grand nombre des gens (οἱ πολλοί, « les nombreux ») est d’accord avec l’idée qu’être en bonne santé est ce qu’il y a de meilleur. À propos de la santé comme valeur suprême pour le peuple comme pour les médecins, voir J. Jouanna, Hippocrate, p. 453-455, et entre autres Platon, Gorgias, 452a sq.
Le simple fait qu’il revendique de percevoir un misthos (rémunération) suffit à rendre Protagoras étranger à l’idéologie de la noblesse, malgré l’esprit libéral qu’il tente d’afficher pour ce qui est des modalités de sa perception (Platon, Protagoras, 328b-c, 348e-349a).
P. Wotling, Nietzsche et le problème de la civilisation, p. 122. Voir aussi son Introduction dans son édition de la Généalogie de la morale, p. 23.
On trouvera dans l’index verborum qui accompagne chaque volume d’Hippocrate dans la Collection des universités de France des références foisonnantes (voir les mots δύναµις, δυνάστης, δύναµαι, δυναστεύω, et ainsi de suite pour les mots des autres familles : κράτος, ἰσχύς…, ainsi que les mots de la faiblesse, ἀσθενής, ἀσθενεῖν, κάµνειν, lequels ont d’ailleurs donné une partie du vocabulaire désignant le fait d’être malade).
Sur cet aspect, bien trop riche pour être abordé concrètement ici, voir les éclaircissements de W. Müller-Lauter, Nietzsche. Physiologie de la volonté de puissance, à propos notamment de la lecture de W. Roux par Nietzsche, p. 145-214. Le livre de B. Stiegler, Nietzsche et la vie, développe la portée de la philosophie nietzschéenne du corps et son inspiration (critique) par la biologie et la médecine.
Voir les mentions du nom d’Hippocrate dans Histoire de la littérature grecque, p. 278 et passim (cf. KGW II/5, p. 321) ; Aurore, § 168 / KSA 3, p. 151 ; FP, juin-juillet 1885 / KSA 11, 36 [11], p. 554. L’édition empruntée à la bibliothèque de Bâle le 11 novembre 1875 est celle de C. G. Kuhn, Hippokrates, Opera omnia (1825-1827).
Voir l’ouvrage de J. Jouanna, Hippocrate, p. 453-464, à qui nous empruntons plusieurs des références ou des citations ci-dessous.
Nature de l’homme (-410/-400), § 4, trad. J. Jouanna (modifiée pour le terme δυνάµιος) dans Hippocrate, p. 458. La définition est attribuée à Hippocrate lui-même par Galien, mais une partie de la philologie moderne l’attribue à Polybe, disciple d’Hippocrate (J. Jouanna, Hippocrate, p. 571).
Voir Diogène Laërce, VIII, 83.
Alcméon de crotone (-vie siècle), mentionné par Aétius (= Diels / Kranz, 24 B 4, nous traduisons). Le terme de dunamis est généralement rendu par « propriété », « qualité » ou « vertu » dans les traductions actuelles du corpus hippocratique. Cela se comprend du point de vue de la tradition médicale, mais cela opacifie la problématique de la puissance. J. Jouanna souligne régulièrement cette problématique (par ex. Ancienne Médecine, Notice, p. 58, et note 1 à la p. 139).
J. Jouanna remarque que les tentatives pour trouver dans le corpus hippocratique des modèles politiques de la pensée biologique ont donné des résultats décevants (Hippocrate, n. 24 à la p. 460). Chez Platon, certaines réalités politiques sont schématisées par un vocabulaire médical, comme la guerre civile, στάσις, pensée comme une maladie, celle-ci étant inversement pensée comme une στάσις (Sophiste, 228, Timée, 82a, 85e-86a). Par ailleurs, un passage célèbre d’Aristote présente le corps animal comme une cité bien policée qui n’a plus besoin du « monarque séparé » pour fonctionner (Mouvement des animaux, 10, 703a29-703b2).
Voir J. Jouanna, Hippocrate, p. 459, 464. On peut relever en guise de panel les expressions suivantes : Vents 8.3, 8.4 et 8.7, respectivement βίῃ φερόµενος, κρατηθεὶς ὑπὸ τῆς θέρµης, βίῃ τὸ αἷµα βιαζόµενον ; Ancienne médecine, 3.5 : κρατεῖν ; 3.5, 4.2., 5.4, 7.2 : ἐπικρατεῖν ; 16.1 : τῶν δυναµιῶν, δυναστεύειν ἐν τῷ σώµατι.
Les corps sont conceptualisés comme supports de puissances, plutôt que comme corps en trois dimensions doués d’une grandeur, d’une figure, d’une orientation, d’un poids (ainsi que le fait en revanche l’atomisme). On voit dans certains traités hippocratiques un tropisme bien marqué en faveur du corps comme complexe de puissances (actives ou passives), par exemple Du régime, I, 3.1 (l’eau et le feu sont interprétés immédiatement en termes de puissances différenciées, le feu ayant puissance de mouvoir, l’eau, celle de nourrir). De manière similaire chez Aristote, les corps premiers air, eau, feu, terre sont constitués à partir des éléments que sont les puissances fondamentales, celles du sec, du chaud, du froid, de l’humide, qui sont toujours des puissances diverses d’agir et de pâtir (De la génération et de la corruption, II, 2-3). On peut y voir une continuité avec la définition de l’étant donnée dans Le Sophiste (247d-e), où est appelé étant cela même qui recèle de la puissance (dunamis), que celle-ci soit puissance d’agir ou de pâtir : « les étants ne sont rien d’autre que puissance ». Cf. à propos d’Hippocrate, Phèdre, 270c-d, et J. Jouanna, « La “collection hippocratique” et Platon (“Phèdre”, 269c-272a) ».
Ancienne Médecine (fin -ve siècle), 14.4 (trad. J. Jouanna modifiée).
Du régime (fin -ve / début -ive s.), III, 69.2 (nous traduisons).
Il s’agit d’un auteur qui entreprendrait de rédiger un traité sur le régime.
Du régime, I, 2.1 (trad. R. Joly modifiée). Comparer avec Ancienne Médecine, 3.5, 4.2, etc., et voir la Notice de J. Jouanna, p. 50-54.
Du régime, I, 2.2 ; cf. Ancienne Médecine, 10-11.
Aristote, Éthique à Nicomaque, II 5, à mettre en parallèle avec Hippocrate, Du régime, I, 2.2-3, et Ancienne Médecine, 4.2.
Aristote, Rhétorique, I, 5, 1361b3.
Du régime, III, 69.2 (cité plus haut).
Par delà bien et mal, § 108 / KSA 5, p. 92 (noter le singulier).
FP, automne 1885-automne 1886 / KSA 12, [2] 148, p. 139 ; 2 [151], p. 140.
« La morale » n’a pas même d’équivalent exact en latin, qui parle des mœurs (mores), ou utilise l’adjectif moralis dans diverses constructions. L’expression « la morale », apparue en français au xviie siècle (Dictionnaire historique de la langue française, s.v. « moral, ale, aux »), est sans doute l’ellipse d’une expression de type « la philosophie morale » (cf. Sénèque, Lettres, 89.9 : « philosophiae tres partes esse dixerunt […] : moralem, naturalem, rationalem »). L’expression désignait donc d’emblée une réflexion théorique sur les mœurs et les comportements humains. L’entente postérieure du terme « la morale » s’est affranchie de cette dimension toute théorique et intellectuelle.
GM, Préface, § 7, trad. P. Wotling, p. 58 / KSA 5, p. 254.
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