1Le 23 août 2021, Jean-Luc Nancy s’est éteint, au terme d’une vie intense.

2On sait sa fécondité philosophique. On sait son œuvre immense, à la fois profonde et joyeuse, mêlant sérieux et jeu, philosophie et goût des mots, érudition et brillance. Il ne fut pas en vain lecteur de Nietzsche.

3Fidèle en ses amitiés et ses engagements, il prit racine à Strasbourg, ville diagonalement opposée à son lieu de naissance. Penseur entré de son vivant dans le cercle des philosophes immortels, Jean-Luc Nancy aura été jusqu’au bout le compagnon de la Faculté de philosophie de Strasbourg. Les invitations à l’étranger se sont multipliées (Berlin, Berkeley, Irvine, San Diego…). Mais c’est en Alsace qu’il avait jeté l’ancre pour toujours, avec son co-équipier Philippe Lacoue-Labarthe. Professeur de lettres supérieures à Colmar de 1964 à 1968 après avoir réussi brillamment l’agrégation de philosophie, il est entré à l’Université de Strasbourg comme assistant en 1968, devint maître de conférences en 1973, puis professeur en 1988, jusqu’à son départ en retraite en 2002. Émérite à compter de cette date, il continuait de « tracer son sillon ». Son engagement pour l’enseignement ne s’est jamais démenti : ses anciens étudiants témoignent encore de l’attrait incomparable de ses cours. Quelques vieux papiers, égarés dans les archives de la Faculté de philosophie, portent la trace émouvante de son attention au programme de ses séminaires, aux exercices de préparation aux concours, à ses relations avec ses collègues. Derrière le philosophe au rayonnement international est resté l’homme généreux, d’une attention exceptionnelle à chaque personne qu’il avait devant lui, quelle qu’elle fût, étudiant, collègue, secrétaire.

4La Faculté de philosophie rend hommage à celui qui fut son doyen pendant huit années, défendant ardemment la place de la philosophie dans l’université. Il demeurera avant tout comme un penseur hors normes. Nous lui dédions ce numéro des Cahiers philosophiques de Strasbourg, publication qu’il avait fondée avec Philippe Lacoue-Labarthe. Il avait déjà toute sa place dans cette revue, dont un numéro lui fut entièrement consacré en 2017. Les Cahiers lui feront un nouvel hommage, prochainement. Sa pensée continuera de vivre parmi nous.