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Kafka, le terrier et le monde : difficiles va-et-vient

Patrick Werly
p. 197-217

Résumé

Cet article s’interroge sur les raisons pour lesquelles Kafka a pu écrire Le Terrier dans la période berlinoise de son existence, ce qui amène à réfléchir sur la possibilité d’une lecture allégorique de Kafka. Si le récit est une allégorie de la littérature, comme cela a été souvent proposé, comment entendre les relations entre le dedans et le dehors, entre l’œuvre d’une vie et l’existence sociale ? Et comment cette excavation reprend-elle, pour la déconstruire, l’élévation de la tour de Babel ? L’une des hypothèses suivie ici est que cette construction figure le travail de la fiction, de l’imaginaire, et que le sifflement qui vient en interrompre la clôture donne à comprendre l’impossibilité d’en finir avec le dehors, l’existence d’une altérité qui défait la perfection du travail de l’imaginaire. Et si cette méditation de rongeur solitaire intervient à un moment où Kafka décide de vivre avec Dora dans une chambre de Berlin, ce ne peut être par hasard.

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Texte intégral

1Ces pages ont pour lointaine origine une conférence donnée à la librairie Kléber de Strasbourg dans le cadre de « l’Université hors les murs », lors de la protestation de l’Université française contre les projets du gouvernement, en 2008-2009. Je tiens à remercier Camille Radoux, qui ce jour-là avait bien voulu lire quelques pages du récit de Kafka, et Jacob Rogozinski, qui, patiemment et amicalement, m’invite depuis plusieurs années à publier cette réflexion, en partie réécrite pour l’occasion.

  • 1 Je citerai la traduction de Bernard Lortholary, donnée dans Un Jeûneur et autres nouvelles, Paris : (...)

2Kafka écrit Der Bau, « Le Terrier »1, à Berlin, pendant l’hiver 1923‑1924, au cours de ce qui sera la dernière période de sa vie, une période sur laquelle on manque d’informations, puisque les entrées du journal et les lettres se raréfient à partir de 1923, alors que les événements se succèdent. En effet, la maladie se faisant de plus en plus pressante, il prend sa retraite de l’organisme d’assurance où il travaillait, plutôt que de renouveler les congés pour maladie ; il rêve alors de quitter Prague et de s’installer en Palestine, pour y être horticulteur ou travailler dans un petit restaurant, tout en sachant que sa santé ne lui permettrait jamais ce voyage. Enfin c’est une période où il commence, à quarante ans, à s’éloigner de sa famille : après des vacances en juillet 1923 sur la Baltique où il rencontre Dora Dymant, une jeune femme de vingt ans qui travaille pour la colonie de vacances du Foyer Juif de Berlin, il s’installe avec elle à Berlin en septembre. C’est la première fois qu’il vit avec une femme aimée. Ensemble ils partagent l’extrême misère des Allemands dans l’après-guerre : c’est la période de très grande inflation où la valeur de la monnaie change d’heure en heure.

  • 2 Ein Hungerkünstler. Voir Un Jeûneur et autres nouvelles, op. cit.

3Pour toutes ces raisons, il envisage désormais de vivre de sa plume et pendant les six mois qu’il passe à Berlin, il écrit « Le Terrier », « Joséphine la cantatrice ou Le peuple des souris », « Un petit bout de femme » et peut-être d’autres textes. Les conditions de vie sont terribles, le charbon coûte une fortune et sa maladie s’aggrave, si bien que Max Brod, venu lui rendre visite, le ramène aussitôt à Prague. Il séjourne dans différents sanatoriums et c’est pour s’acquitter des frais qu’il décide de publier ses quatre derniers récits, rassemblés sous le titre Un jeûneur2, dont il relit les épreuves en mai 1924, dans le sanatorium proche de Vienne où il est soigné. Son agonie dure trois mois et il y meurt en juin 1924.

  • 3 Le manuscrit, conservé à la Bodleiana d’Oxford, est décrit p. 142 de la Kritische Ausgabe. Nachgela (...)

4« Le Terrier » est donc l’un des derniers récits qu’il a écrits, sans l’intégrer au recueil Un jeûneur et il semble qu’il n’ait pas cherché à le publier, pour se consacrer à un autre texte (« Joséphine » est écrit après). Dans le manuscrit, il est sans titre et vient après un fragment concernant un personnage nommé K.3. Il sera publié en 1931 avec d’autres inédits par Max Brod, qui lui donne son titre, Der Bau, un mot qui apparaît dans le récit et qui correspond à un verbe, bauen, que Kafka utilise souvent à cette époque.

  • 4 C’est le cas de Blanchot : « Le récit de Kafka n’a pas de fin. La dernière phrase est ouverte sur c (...)
  • 5 Voir la notice de Claude David à la Pléiade, tome II, op. cit., p. 1250-1251.

5Le texte est un long fragment, qui s’interrompt au milieu d’une phrase. De cette interruption, plusieurs interprétations ont été proposées : certains disent que le récit n’a pas été achevé par Kafka et qu’il est même inachevable par essence4. L’inachèvement s’expliquerait notamment par le fait qu’il n’était pas facile de faire intervenir la mort dans un récit à la première personne (mais l’argument n’est guère convaincant puisque dans les mêmes années, Schnitzler racontait la mort de mademoiselle Else, ou sa perte de conscience, par son seul monologue intérieur). D’autres interprétations se fondent sur le témoignage de Max Brod et Dora Dymant, qui ont dit que le récit avait été achevé par Kafka, ce qui expliquerait que le manuscrit finisse au bas d’une page au milieu d’une phrase5. On aurait donc perdu une partie du texte : s’agit-il de quelques phrases ou de quelques pages ? Est-ce un accident ou une destruction voulue par Kafka ? Rien ne permet de trancher.

6Le récit est l’un des plus dépouillés de l’auteur. La narration se fait à la première personne, il n’y a plus de narrateur extérieur et surtout plus d’autre être vivant que le narrateur, un personnage qui a perdu l’initiale qui désignait encore le protagoniste du Château et qui n’a plus aucun contour humain. Comme dans le cas d’un monologue intérieur, le lecteur est attiré dans une vie, dans un monde, qu’il ne peut voir de l’extérieur, mais dans « Le Terrier », ce n’est pas seulement parce que nous sommes tributaires de la conscience qu’a le personnage, c’est parce qu’il n’y a pas d’autre présence, pas de regard extérieur pour se poser sur le narrateur, dont nous entendons le soliloque et non le monologue intérieur, pensé et non prononcé. Ce monde est privé d’autres personnages mais aussi de cadre spatial et de temporalité nette, puisque tout s’y répète. Dans Le Château, il y avait encore une perspective, un projet, un espoir – mais ici c’est fini : le monde est complètement fermé, les issues parfaitement camouflées.

7Que peut-il rester alors pour un récit ? A première vue, presque rien et pourtant suffisamment de choses pour nous donner encore aujourd’hui à penser. Un narrateur nous dit comment il a agencé son terrier : il le décrit, il justifie certains détails de construction, il raconte ce qu’il y fait habituellement, comment il en sort et avec quelles difficultés il parvient ensuite à y rentrer. La seule péripétie du récit a lieu vers la fin, après qu’il a raconté son retour dans le terrier : il entend un sifflement discontinu dont il ne parvient pas à repérer l’origine ; le manuscrit étant incomplet, nous ne saurons probablement jamais avec certitude comment tout cela finit (mais Dora Dymant a dit que l’animal mourait à la fin).

  • 6 Ibid., p. 1253.

8Pour aborder le récit, je partirai de deux aspects : sa temporalité et sa voix narrative. La temporalité intrigue parce qu’on ne sait pas très bien dans quel temps il parle : il s’exprime souvent au présent, mais un présent atemporel, qui correspond à la certitude que son terrier est éternel ou au moins fait pour durer (« j’ai infiniment de temps, à l’intérieur du terrier j’ai toujours infiniment de temps », p. 149). Il utilise aussi les temps du passé, le prétérit en allemand, ce qui permet de jouer sur l’ambiguïté, comme le rappelle Bernard Lortholary dans sa préface (p. 119-120) : ainsi lorsqu’il évoque sa sortie du terrier, on ne sait pas s’il s’agit d’une sortie unique ou si elle est répétée dans le temps et Claude David y lit un événement « typique et schématique », dans une vie faite de répétition6. Il faut noter aussi que, quand il emploie le présent, on ne sait s’il est en train de vivre et d’éprouver ce qu’il raconte dans le même temps ou s’il se remémore en le revivant au présent ce qu’il a souvent vécu. Claude David remarque également que l’animal vieillit à mesure que le récit progresse. Dans l’ensemble, la temporalité est flottante et la voix n’est pas ancrée dans un moment particulier.

9De ce fait même, cette voix a quelque chose de flottant elle aussi. Ainsi, quand elle parle au présent ou au futur proche (« Je vais désormais changer de méthode. Je vais, en direction du bruit, bâtir dans les règles une grande tranchée […] », p. 157), on se demande comment il pourrait parler (ou pire, écrire) pendant qu’il agit, pendant qu’il s’affaire avec autant de fébrilité. Pourtant il ne parle pas après coup car d’une part le récit ne se présente pas comme un journal, d’autre part, dans le récit complet, le narrateur mourait à la fin. On se demande aussi bien sûr comment cet animal pourrait parler – et comment sa parole nous est transmise : ce que nous lisons, est-ce la trace d’une parole orale ou écrite ? Et en ce cas, qui a tracé ces mots ? Après tout, un tel animal, même s’il est difficile à caractériser (probablement plus proche du blaireau que de la taupe ou du hamster), doit avoir du mal à tenir un stylo.

  • 7 Cristina Terrile, La Crise de la volonté ou le romanesque en question, Paris : Honoré Champion, 199 (...)

10Une autre question, corrélative, se pose : à qui cette parole peut-elle être adressée ? Comme le remarque Cristina Terrile, autrui n’a pas d’existence dans le terrier, il n’existe qu’à l’état de cadavre, ce qui n’empêche pas le narrateur de soupçonner sa présence partout7. Autrui n’est donc qu’un fantasme inquiétant, une idée diffuse à laquelle la parole donne par moments des contours un peu plus précis. Ainsi vers la fin, quand il pense que le bruit a cessé et qu’il cherche quelqu’un à qui le dire (p. 160) – mais cela dure à peine le temps d’une phrase et il oublie vite ce projet. Un peu avant, il s’était adressé à la deuxième personne au terrier et à la place-forte

« C’est pour vous, galeries et places, et pour toi surtout, place forte, que je suis venu, au mépris de ma vie après avoir eu longtemps la bêtise de trembler pour elle et de remettre mon retour vers vous » (p. 149)

et on peut se demander si dans l’ensemble ce n’est pas à eux qu’il parle. Mais un peu avant encore il disait que le terrier c’était lui-même :

« je sais fort bien que c’est là ma citadelle, […] qui ne peut d’aucune façon appartenir à personne d’autre et qui est tellement à moi que pour finir je puis tranquillement y recevoir de mon ennemi même la blessure mortelle, car mon sang s’épanchera dans mon sol et ne se perdra pas » (p. 146),

– du coup, se dit-on, n’est-ce pas à lui seul qu’il s’adresse ? La citadelle, n’est-ce pas une « citadelle intérieure », pour faire écho au livre de Pierre Hadot sur Marc Aurèle ? Cette parole est résolument hors du monde ; comme la temporalité, elle est flottante, sans intermédiaire, c’est une parole absolue, sans attache avec le reste, pour dire un monde où il n’y a que lui et son terrier.

  • 8 Voir B. Lortholary, Introduction à l’édition « GF » de Un Jeûneur, p. 122‑123 ; voir aussi la notic (...)

11Pourquoi ce récit à ce moment-là de l’existence de Kafka ? Quel sens prend-il, dans cette période berlinoise de sa vie ? Dans ce contexte, on est tenté de se dire que la solitude inquiète qu’il décrit, c’est celle de sa vie de célibataire, qui lui permettait de tout organiser autour de l’activité d’écriture. Or c’est précisément la vie à laquelle il est en train de renoncer, et c’est l’une des raisons pour lesquelles le récit a souvent été lu comme une allégorie de la création littéraire. Cette lecture a été encouragée par l’occurrence de nombreux termes polysémiques qui peuvent renvoyer à l’écriture, y compris der Bau, qui signifie « terrier », mais aussi « construction, culture », etc., et se prête aisément à la métaphorisation. Tout le monde ne partage pas cette interprétation et certains préfèrent insister sur ce qui dans le récit y résiste8. Mais on peut ne pas concevoir l’allégorie comme univoque ni comme la suprématie d’un sens figuré sur un sens littéral. Quand elle est métaphore continuée, l’allégorie perd en effet son sens littéral (c’est ce que Fontanier appelle un allégorisme) mais il peut aussi se faire que le sens littéral se maintienne en même temps qu’un sens figuré (c’est ce que Fontanier nomme proprement allégorie ; c’est également ainsi, en distinguant les quatre sens de chaque verset, qu’était interprétée la Bible en régime chrétien pendant le moyen-âge ; enfin dans l’exégèse juive traditionnelle, c’est ce qui permet de conjuguer le sens naturel, peshat, et la recherche d’un approfondissement du sens ou midrash). Or, on peut lire « Le Terrier » sur les deux plans, littéral et figuré, même si certains éléments d’un plan n’ont pas de correspondance dans l’autre.

12Pour essayer de comprendre ce qu’est cette construction, ce terrier, quelle forme il a et quel sens lui donner, si l’on peut y voir une allégorie et en particulier une allégorie de la littérature, le mieux est de partir de la description qu’en donne le narrateur lui-même et, puisque cette description est longue, du moment où il parle de l’entrée labyrinthique de son terrier. Cela me permettra, dans un deuxième temps, d’interroger les rapports du dedans et du dehors pour ce récit, c’est-à-dire, si l’on adopte une lecture allégorique, les rapports de l’œuvre littéraire et de l’existence – ou encore de mieux comprendre le statut de l’acte d’écrire parmi les autres actes de l’existence.

  • 9 Dans l’édition Fischer, p. 173-174 ; dans l’édition de Pasley, p. 116.

13L’entrée (ou la sortie) est l’endroit que l’animal a construit en premier et la description qu’il donne du labyrinthe qui la précède permet d’aborder la question de l’allégorie, de façon relativement consensuelle (p. 133-136). Il y est question d’un labyrinthe tout en zigzags et il se trouve que pour le décrire, le récit semble imiter son objet en forgeant une phrase plus labyrinthique que d’habitude, que ce soit en allemand ou dans la traduction de Lortholary9. Le récit semble donc adopter la forme de ce qu’il décrit pour figurer à sa façon le terrier. Mais l’inverse est-il vrai aussi ? Le terrier de l’histoire est-il une figure du récit et plus généralement une allégorie de l’œuvre littéraire, de la fiction narrative ?

  • 10 Heinz Politzer, Franz Kafka : Parable and Paradox, Ithaca, New York : Cornell University Press, 196 (...)

14La question a d’abord été posée par Heinz Politzer10, qui décode chaque partie du terrier comme une figure d’une œuvre de Kafka (la place forte centrale par exemple figurerait Le Château). Tout le monde ne s’accorde pas sur le fait que chaque partie du terrier renverrait à une œuvre de Kafka : un bilan aussi systématique aurait quelque chose d’une vanité d’auteur. Il y a cependant une partie du terrier dont l’interprétation allégorique fait à peu près l’unanimité et c’est son entrée labyrinthique. Tout le monde s’accorde à y voir une figure de l’œuvre littéraire, même si les avis diffèrent lorsqu’il s’agit d’identifier l’œuvre en question : Politzer pense au Procès ou au Château, d’autres pensent qu’elle renvoie aux premiers récits que Kafka considérait comme valables et spécialement à « Description d’un combat », un récit commencé en 1903, retravaillé pendant de nombreuses années, et dont il a publié certains fragments dans des revues (puis dans Considération en 1913). Or ce récit a quelque chose de labyrinthique, parce qu’il contient de nombreux récits dans le récit mais aussi parce qu’il arrive que l’histoire bifurque brusquement, que le narrateur s’interrompe dans son discours, passe brusquement à autre chose, se mette à courir, prenne des décisions que rien n’explique, etc. D’où peut-être, si l’on retient cette interprétation allégorique, la qualification du labyrinthe du « Terrier » comme un peu trop ingénieux, trop astucieux au goût du narrateur aujourd’hui.

15En ce cas, comment lire ce passage du « Terrier » ? Faut-il en décoder chaque signe, c’est-à-dire démembrer le sens littéral du récit, ou bien, tout en suivant le sens littéral, faut-il être attentif aux passages qui semblent figurer une autre construction, celle de la littérature ? C’est plutôt la seconde lecture qui respecte la complexité de l’écriture et il faut ajouter que l’interprétation du terrier comme œuvre littéraire n’est pas la seule interprétation allégorique possible. J. M. S. Pasley dans l’introduction de son édition recense quatre interprétations qui viennent rapidement à l’esprit : le terrier est l’œuvre littéraire de Kafka ; il est aussi le « soi » de Kafka, son inner self, l’intériorité de son corps, dans la mesure où le corps est dans la continuité de l’esprit ; il est une figure de la mère ; enfin une figure de la tombe. Ces quatre interprétations ne sont pas exclusives les unes des autres selon Pasley, qui écrit :

  • 11 On the literal plane, the tale concerns an animal sunk in its burrow ; on the metaphorical plane, i (...)

« sur le plan littéral, le récit parle d’un animal enfoncé dans son terrier ; sur le plan métaphorique, il parle d’un homme enfoncé dans son œuvre (une œuvre semblable à l’utérus et à la tombe) et dans son intériorité »11.

  • 12 Voir la notice de C. David pour la Pléiade, op. cit., p. 1260-1261.

La lecture gagne à respecter toutes les strates du récit : d’une part le sens littéral a autant d’importance que le sens figuré ; d’autre part ce sens figuré ne doit pas être monolithique ou univoque car plusieurs fils s’entretissent et il arrive qu’un sens prenne le pas sur l’autre puis passe à l’arrière-plan, etc. Du reste, à partir du sifflement, le récit renvoie moins à la littérature qu’à la mort (selon Claude David, le bruit incessant qui vient de partout à la fois est la mort que Kafka sait désormais imminente – et Max Brod a rapporté que Kafka appelait parfois sa toux sa « bête »12).

16Ajoutons que le labyrinthe est près de l’entrée et que la question évoquée dans ces pages est celle du passage d’un lieu à l’autre et donc, de façon générale, celle des relations entre la littérature et la vie, celle de la difficulté à passer de l’œuvre (de la construction, Bau) au monde extérieur, de la tâche personnelle aux relations avec les autres, une question très délicate pour Kafka. Dans cette perspective, quand le narrateur parle de ses moments casaniers, pendant lesquels il évite de se diriger vers la sortie, on peut comprendre qu’il s’agit des moments d’écriture ; et si les moments où il va vers la sortie sont des moments solennels, c’est qu’il n’y a pas de continuité d’un monde à l’autre : l’animal doit passer un seuil dangereux pour effectuer ce passage. Le labyrinthe est tout en zigzags car le narrateur ne peut avancer droit vers le monde : il lui faut trouver son chemin, qui n’est pas donné aisément. Et si le labyrinthe représente le début de son œuvre, c’est-à-dire le moment où a commencé à s’opérer pour Kafka la séparation d’avec le dehors, alors il est aussi une médiation dans le temps de l’existence et pas seulement dans l’espace social.

  • 13 Sur Dédale, voir Hubert Damisch, « La Danse de Thésée », in Ruptures / Cultures, Paris : Minuit, 19 (...)

17Cette interprétation du terrier comme œuvre littéraire est renforcée par d’autres éléments. D’abord, si cette partie du terrier est un labyrinthe, alors son constructeur a quelque chose de Dédale ; or Dédale est le premier architecte, le premier constructeur (Baumeister), et de façon plus générale le premier artisan, mais aussi le premier artiste, puisqu’il n’invente pas seulement le labyrinthe de Crète mais aussi l’art de la statuaire13. Comme le narrateur du « Terrier », Dédale n’a pas seulement construit le labyrinthe, il y est enfermé. Mais dans la mesure où le narrateur du « Terrier » est à la fois homme et animal, comme le Minotaure, il serait à la fois Dédale et le Minotaure. Certains aspects du récit renvoient donc à Dédale et à la question de l’art.

  • 14 Wir graben den Schacht von Babel, cité par J. M. S. Pasley dans son introduction au récit, p. 23 ; (...)

18Claude David voit trois constructions dominer l’imaginaire des derniers écrits : le terrier, le labyrinthe et la tour, considérée comme la construction, Bau, par excellence. La tour, à première vue absente ici, est pourtant présente sous une autre forme : le mot allemand qui sert de titre est en effet polysémique, puisque der Bau désigne aussi bien une construction au-dessus du sol qu’un terrier (dans der Bergbau, « l’exploitation minière », le mot renvoie également à l’excavation). La tour est donc figurée sous une forme renversée et le travail de construction se fait dans le sous-sol. Ce renversement apparaît ailleurs dans l’œuvre car un autre mythe est également présent à l’esprit de Kafka à cette époque, celui de la Tour de Babel, et qu’une note de 1923 dit : « Nous creusons la fosse de Babel »14. La tour devient chez Kafka une fosse, le travail de construction et d’élévation devient un travail d’excavation. Pourquoi ce renversement, qui est plus qu’un jeu sur la polysémie, et qu’est-ce que Babel ici ?

  • 15 Trad. M. Robert, in Œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 551 ; fragment également cité par J. M (...)
  • 16 « Das Negative zu tun, ist uns auferlegt ; das Positive ist uns schon gegeben » (troisième cahier). (...)
  • 17 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, Paris : Minuit, 1975. Voir i (...)

19Dans la Genèse, le mot désigne la tour que les hommes veulent construire pour se faire un nom, pour ne pas être dispersés, et il s’agit bien dans la note de Kafka de poursuivre cette entreprise, d’édifier une œuvre commune, à partir d’un langage commun (wir). Mais ce qui permettrait encore aujourd’hui à l’humanité de se faire un nom et de poursuivre la tâche qu’elle s’est donnée, ce n’est plus de s’élever, c’est au contraire de construire en contrebas, en souterrain, en négatif en somme. Car dans les hauteurs, aucun progrès n’est plus possible ; un autre fragment de 1923 le dit bien : « Qu’est-ce que tu construis ? – Je veux creuser un souterrain. Il faut qu’un progrès ait lieu. Mon poste est trop élevé là-haut »15. On peut penser que le fragment sur la fosse de Babel et « Le Terrier » montrent que la littérature doit se détourner de tout idéal et creuser, comme Mallarmé l’a fait pour le vers ; elle doit faire le négatif, comme le dit un autre fragment célèbre : « Il nous reste à faire le négatif, le positif est déjà fait »16. De ce mouvement, Deleuze et Guattari ont dit qu’il consistait à aller vers la minorité, vers le moins, dans la mesure où il n’y a de devenir possible qu’à partir de la minorité17. Il y aurait une histoire de l’excavation en littérature à écrire : entre les Notes du souterrain de Dostoïevski (1864) et La Cave de Thomas Bernhard (1976), elle passerait par Mrs Dalloway (1925) où Virginia Woolf donne forme à ses personnages en creusant entre eux des tunnels dans ce qu’elle appelait un tunnelling process.

  • 18 Yves Bonnefoy, « Kafka et la poésie », 2010.

20Il reste à essayer de comprendre ce que signifie chez Kafka cette inversion du mouvement vers le bas. On peut y lire plusieurs sens : l’écrivain ne construit plus une utopie comme dans le mythe de Babel, au contraire il en creuse la fosse, il enterre le mythe ; on peut comprendre aussi qu’il travaille désormais dans la direction opposée ; enfin qu’il montre les fondements de ce mythe, qu’il les fait apparaître en creusant sous ses murs, en somme qu’il le déconstruit. Dans une allocution prononcée à l’occasion de la remise du prix Kafka à Prague, Yves Bonnefoy a insisté sur ce travail de déconstruction propre à de nombreux fragments de Kafka, qui s’emploient à défaire les significations d’une situation, d’une figure dès qu’elles s’installent dans un récit, et œuvrent de ce fait à la poésie telle qu’il la conçoit18. On pourrait montrer que dès les premiers fragments publiés par Kafka en 1913 dans Considération, les lieux communs de la fiction ou plus généralement de l’imagination sont soumis à ce travail de déconstruction. « Le Terrier » poursuit cette tâche de façon magistrale en montrant qu’un terrier n’assure pas forcément la sécurité :

« Si ce n’était que pour ma sécurité que j’avais édifié le terrier, je ne serais certes pas floué, mais le rapport entre cet énorme travail et ma sécurité effective – pour autant du moins que je puis l’éprouver et en profiter – ne serait pas pour moi un rapport favorable. Il est très douloureux de se l’avouer, mais c’est indispensable […] » (p. 145).

La narration opère ici un travail de sape sans concession, en poussant la vrille de l’analyse dans la notion de sécurité ou d’habitat et, au fond, si j’ose dire, ce que fait le récit, c’est finir par avouer qu’il n’est pas de forteresse pour protéger de la finitude. Mais ce travail de creusement vers la lucidité ne permet plus d’atteindre une vérité, au sens où il ne rejoint plus une représentation telle que pouvait l’attendre le lecteur.

21Revenons au labyrinthe du terrier, qui est comme une construction dans la construction, et demandons-nous pourquoi l’animal conserve malgré tout cette partie dont il juge pourtant qu’elle est un peu trop ingénieuse, qu’elle est une défense trop facile et le défaut de son terrier :

« cet endroit lointain sous la mousse obscure est celui où je suis mortel, et c’est souvent que, dans mes rêves, une gueule concupiscente renifle alentour et sans trêve » (p. 126).

S’il diffère la décision de la reprendre, c’est que ce serait attirer dangereusement l’attention sur ce qui existe déjà. Conserver ce défaut, c’est donc un moindre mal. On peut toutefois se demander si ce n’est pas aussi une façon d’intégrer le défaut, l’imperfection, l’incomplétude et donc la finitude à son propre plan, comme si cela pouvait le préserver d’un défaut non prévu, comme si de cette façon il gardait la maîtrise même de ce qu’il ne maîtrise pas, comme s’il l’incluait dialectiquement dans sa construction. C’est cette volonté de maîtriser l’imprévisible qui échouera à la fin quand le sifflement se fera entendre mais à ce moment de son récit, il croit encore pouvoir intégrer à sa construction une part du dehors et c’est peut-être ce rôle d’inclusion que joue le seuil, qui est le lieu de l’articulation entre dedans et dehors, le lieu de la médiation.

  • 19 Ausgang, dans l’édition Fischer, p. 173 ; dans la traduction de Lortholary, Sortie, p. 134.

22A ce sujet, Politzer a fait remarquer que, curieusement, pour désigner ce lieu l’animal parle de la « sortie »19. Il le voit comme sortie plutôt que comme entrée car le danger, à ce moment-là du récit, ne vient pas de l’extérieur, il est plutôt d’aller vers l’extérieur. Mais s’il faut comprendre que l’animal essaie d’intégrer l’extériorité et le hasard à sa construction, le récit montre l’échec de l’entreprise dès lors que le sifflement se fait entendre – venu de l’extérieur ou de l’intérieur, peu importe car il est de toute façon étranger à l’entreprise de la construction. Mais si Kafka nous montre cet échec, nous le raconte, c’est aussi qu’il montre que le hasard, l’imperfection doivent être laissés à eux-mêmes, que tenter de les maîtriser est un leurre – et il l’écrit à un moment où il se sait très malade. En dernière analyse, laisser un défaut dans le terrier, ce n’est donc pas forcément tenter de l’intégrer dialectiquement, comme avait cru pouvoir le faire l’animal, mais ce serait pour Kafka, dit brutalement, accepter la ruine.

23Cette question du rapport entre l’intérieur et l’extérieur est centrale pour le récit, elle est à la croisée de toutes ses allées et venues et pour essayer d’y voir un peu plus clair, il faut continuer à suivre notre guide, qui a poussé le petit couvercle de mousse, qui s’est aventuré au dehors et qui s’apprête à rentrer dans son terrier. Mais il comprend alors que rentrer est aussi terrible que sortir, sinon plus, parce qu’il a peur d’être vu en entrant, peur qu’un ennemi fonde sur lui ou même qu’un simple animal de passage, intrigué de le voir entrer là-dedans, ne le suive et du coup n’indique la voie aux autres. C’est pourquoi il souhaite voir arriver tout de suite ce promeneur nonchalant, pour en finir avec lui (p. 142‑143). S’il hésite à rentrer, c’est donc qu’il attend un adversaire, un adversaire qui ne s’est signalé par aucun indice, qui n’existe que dans son imaginaire, qui est une fiction. Et c’est bien sur le plan de l’imaginaire que son discours le convoque, là où il est sûr de pouvoir le maîtriser et le dévorer. Tout ce discours naît du fait qu’il est bien forcé de reconnaître qu’il existe quelque chose d’extérieur à son monde, un autre monde que le sien, et qu’il préférerait avoir affaire à cette altérité tout de suite, en finir avec elle, renoncer provisoirement à la sérénité pour mieux la goûter ensuite. C’est encore une fois une façon d’inclure l’altérité dans son propre projet mais c’est refuser de reconnaître qu’autrui relève d’une autre temporalité que celle de son monde – et, de fait, l’autre n’obéit pas à son programme, ne répond pas à son attente. C’est même toute la réalité qui ruine ses plans puisque, une fois rentré, il découvrira autre chose, qu’il n’attendait pas : le sifflement intermittent. Le discours et l’imagination ne lui permettent donc pas de venir à bout de la finitude.

  • 20 Dans l’édition Fischer, p. 181 ; dans l’édition Pasley, p. 124 ; dans la traduction de Lortholary, (...)

24Mais ce qui fait encore l’intérêt de ce discours, c’est qu’il est animé de mouvements très divers et qui s’enchaînent très rapidement : le narrateur rêve d’abord de dévorer sa proie, puis il devient son propre ennemi en s’identifiant à lui à force de rôder autour de son entrée, enfin il se livre à toutes sortes d’hypothèses, d’objections à ces hypothèses, comme dans bien d’autres passages du récit. Et l’une de ces hypothèses me semble jouer un rôle important dans l’économie de l’ensemble, c’est l’idée de recourir à un homme de confiance, à laquelle il finit par renoncer en comprenant qu’il ne peut se fier qu’à lui-même. Pour cet homme de confiance, Kafka utilise un terme commercial, ein Vertrauensmann20, qui renvoie au monde pragmatique de l’entreprise plutôt qu’à la dimension éthique. Cet homme entièrement voué à lui, qui assurerait sa sécurité, ce serait en quelque sorte un alter ego (l’expression latine s’emploie en allemand), et dans le contexte de ces pages, où le narrateur cherche à intégrer l’altérité, le négatif, on se demande si Kafka n’a pas songé à ce mot avant de l’écarter. En effet, dans l’expression latine, l’autre devient « moi », ce qui faciliterait pour le narrateur le passage du dehors vers le dedans, la médiation entre l’altérité et l’intériorité familière : cet homme de confiance jouerait en quelque sorte le rôle du labyrinthe qui se trouve à ce moment-là de l’autre côté du bouchon de mousse. Mais cette hypothèse se révèle incompatible avec la sécurité et il lui faut la rejeter car même l’homme de confiance reste alter et ces pages jouent peut-être un rôle décisif dans le récit dans la mesure où elles permettent d’évacuer toute idée d’établir une relation avec autrui pour sauver le projet d’ensemble du terrier, de l’œuvre. A la fin de ce passage, l’œuvre est définitivement vouée à la solitude dans l’esprit de l’animal – et pourtant l’altérité ressurgira, et pas au moment voulu, sous la forme du sifflement.

25Les termes qu’il utilise pour évoquer cette hypothèse sont intéressants à plus d’un titre car l’homme de confiance lui permettrait de descendre, de rentrer en faisant « table rase » (reiner Tisch), en ne laissant aucun reste. Le renvoi à la tabula rasa n’est pas anodin car il peut évoquer la décision philosophique moderne de Descartes : faire table rase de toutes les conceptions pour tout reconstruire à partir du cogito. Il s’agit bien ici de se replier sur le cogito, sur une intériorité (le terrier, selon Pasley, c’est à la fois l’œuvre littéraire et le moi de l’écrivain), sauf qu’il ne s’agit plus de reconstruire le monde, de repenser patiemment les choses comme le voulait Descartes mais de construire un monde à soi, coupé de toute extériorité, un monde de fiction, un néant en somme, privé de toute altérité, de toute rencontre dans le temps.

26Mais il doit abandonner son hypothèse quand il comprend qu’il y a un reste : « il n’y aurait aucun reste, tout au plus mon homme de confiance [höchstens mein Vertrauensmann] » (p. 142, Fischer p. 181). Ce reste d’altérité, c’est le grain de sable qui vient gripper la fiction. S’il faut lui faire confiance, c’est qu’il reste libre, qu’il reste alter, qu’il ne devient pas du tout ego : or, dans le terrier il n’y a qu’un sujet, les autres n’existent qu’à l’état de cadavres. Une relation avec autrui est donc absolument impossible, toute confiance est impossible et autrui ne peut être un avantage, mais seulement une source de dommages. Et la question de la confiance est peut-être cruciale pour le terrier si l’on en croit l’expression allemande auf jemanden bauen, « compter sur quelqu’un » : la polysémie du verbe bauen laisse entendre que pour construire, pour écrire, il faut un fondement, il faut s’appuyer sur quelque chose ou quelqu’un en qui on puisse avoir confiance. L’épisode de l’homme de confiance ruine ce fondement ; rien d’étonnant à ce que tout se détraque une fois qu’il sera rentré chez lui.

  • 21 C. Terrile, La Crise de la volonté, op. cit.
  • 22 Walter Biemel, « La Vérité de l’art », in Po&sie 124, 2008, p. 108.

27Ici encore le récit ne déplie tout son sens que si l’on distingue nettement le narrateur de l’écrivain, ou du maître d’œuvre ou encore de la volonté narrative, comme l’appelle Cristina Terrile21 : Kafka ne souhaite pas écrire dans un retrait absolu, il en montrerait plutôt l’impossibilité ici. Et du reste il n’a peut-être jamais été un écrivain de la table rase : dès son premier livre, Betrachtung, il s’employait plutôt à partir des lieux communs pour les défaire patiemment et débarrasser le regard de ce qui l’encombrait, afin de percevoir le monde dans ce qu’il a de singulier, dans ce qui excède les représentations (songeons à la jeune fille sur le marchepied dans « Le passager du tramway » ou encore aux ombres mystérieuses qui courent dans la nuit de « Ceux qui passent en courant »). Dans une conférence de 1984, le philosophe Walter Biemel écrivait que le Je du « Terrier » était le sujet de l’ego moderne mais ajoutait que le récit montre justement que ce sujet ne peut dominer tout le domaine de l’étant. Le terrier, suscitant une préoccupation constante et infinie, ne peut jamais procurer une sécurité parfaite. Biemel lit Kafka à la lumière de la critique heideggerienne de la Métaphysique des Temps Modernes, ce qui me semble corroborer l’idée que Kafka montre la vanité de l’entreprise de la table rase22.

28Ces pages sur la confiance sont l’un des moments les plus durs du récit, elles nient toute possibilité d’une relation à autrui, toute possibilité de faire place à un autre et en dernière analyse elles nient toute limite, toute finitude – et c’est cette négation que viendra ruiner bientôt le bruit. Or l’irruption du bruit montre bien la distance entre la voix du narrateur et celle de « l’auteur » ou de la volonté narrative, qui œuvre dans le récit en venant ruiner les efforts de l’animal et en contredisant sa voix narrative. Et si l’on veut essayer d’interpréter ces pages sur la confiance au plan d’une lecture allégorique où le terrier parle de l’activité littéraire, de l’écriture, il faut les analyser à partir de ces deux instances au moins.

  • 23 Traduction de B. Lortholary, dans La Métamorphose. Description d’un combat, Paris : Flammarion, « G (...)

29Pour la voix du narrateur, d’abord, ces pages montrent que, pour écrire, il faut être absolument seul, qu’il n’y a aucune place dans l’écriture pour autrui, aucune place pour l’extérieur. L’écriture littéraire n’est dans cette perspective qu’une combinaison de figures, qui n’a pas à dire la vérité du monde, elle construit un monde de fiction qui n’est qu’une expansion de soi (un soi qui n’a rien de psychologique, qui est lui-même une construction de la littérature puisque l’écrivain se façonne du dedans en écrivant). Et c’est bien ainsi que procède la voix dans « Le Terrier » : comme le dit Cristina Terrile, le narrateur n’agit que par instinct, plaisir, déplaisir, angoisse, etc., c’est-à-dire seulement par rapport à lui-même et jamais par rapport à autrui ni par rapport au monde. Son action n’est l’effet que de son propre pouvoir, un pouvoir libre, qui ne se limite que du dedans et faute d’histoire, faute de rencontres personnelles, le personnage n’a aucune singularité. Or, cette propension à laisser le discours intérieur tout envahir et créer un monde est déjà présente chez le narrateur de « Description d’un combat », ce récit des débuts, dont le labyrinthe de l’entrée est peut-être l’allégorie. Dans ce récit, en effet, l’un des narrateurs se promène et crée autour de lui le monde qu’il aimerait voir : « comme j’adore les forêts de pins, je traversai des forêts de pins »23, etc. Son désir est aussitôt satisfait par la puissance de son imagination, par une capacité de “fictionnement” qui lui évite toute confrontation avec la réalité et par là-même toute déception. Le principe de plaisir occupe tout l’espace mental du narrateur, au moins dans cette section de la nouvelle.

30On retrouve quelque chose de ce désir dans « Le Terrier » mais ici le narrateur est confronté au principe de réalité, ce qui nous oblige à lire ces pages d’un autre point de vue, celui de la volonté qui organise le récit, qui lui donne sa forme, et on peut se demander si Kafka ne songe pas à ce risque d’enfermement dans l’imaginaire quand il déclenche le sifflement dans le silence du terrier. Kafka n’est-il pas en train de reconnaître que la vie commune est incompatible avec la satisfaction du désir dans la seule fiction ? Il faut donc distinguer dans ce récit la voix narrative, celle qui nous parle, et la volonté narrative, celle qui fait parler cette voix, celle qui agence les différents moments de ce discours, qui lui donne son rythme et donne au récit sa structure : la volonté du maître d’œuvre, celle de l’écrivain. Or si cette volonté narrative propre à l’écrivain Kafka ne s’identifie pas à la voix du narrateur, qu’est-ce que cela signifie ? Ce passage sur l’homme de confiance permet de répondre : c’est l’un des plus durs, je l’ai dit, l’un de ceux où le narrateur est le plus cruel (il s’imagine dévorant sa proie, « lui arracher les chairs, le dévorer et le boire tout entier », p. 142) ; Kafka était trop lucide pour n’avoir pas conscience de ce sadisme et on peut donc se demander s’il n’a pas poussé à son extrême limite la solitude de l’animal, s’il ne l’a pas absolutisée de cette façon, pour réfléchir à ce qu’il y avait de cruel et d’invivable dans une telle solitude. Il a en effet conscience en 1923 de vivre une nouvelle époque de sa vie, du fait de son séjour à Berlin avec Dora Dymant : dans une lettre du 26 septembre 1923 à Oskar Baum, il écrit à propos de « cet acte follement audacieux qui consiste en un voyage de quelques jours à Berlin » (il ne sait pas encore qu’il y restera plusieurs mois) :

  • 24 Œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 1232.

« A l’intérieur de ma situation, c’est une audace folle, pour laquelle on ne peut trouver de point de comparaison qu’en feuilletant l’histoire du passé, disons la campagne de Russie de Napoléon. À en juger par le dehors, ça ne va pas trop mal pour l’instant, ce qui était d’ailleurs le cas aussi à cette époque-là »24.

Certes il laisse entrevoir que l’avenir pourrait être moins rose, certes il y a l’ironie, mais c’est bien une façon de dire qu’il a conscience de se lancer dans une entreprise nouvelle (ailleurs il évoque Christophe Colomb). Et c’est aussi pendant ces mois à Berlin qu’il écrit quelques récits qui sont des réflexions sur l’art (« Joséphine » en particulier), des bilans sur son œuvre, qui indiquent peut-être la conscience d’un changement. On peut donc penser qu’il a pu décrire cette solitude absolue parce qu’il était en train de s’en détacher et le récit lui permettrait en ce cas d’opérer ou de faciliter cette séparation d’avec soi-même. On peut dès lors se demander si la cruauté du narrateur ici n’est pas un adieu de Kafka à cette conception de l’écriture. Dans une telle perspective, tout le récit serait une hypothèse, celle de la solitude absolue de l’écrivain, de l’œuvre littéraire comme terrier, qui aboutirait à la conclusion que cette conception de l’écriture doit être rejetée, qu’elle s’effondre sur elle-même.

31L’ensemble du récit, par sa construction, montre qu’autrui et la finitude ne peuvent être écartés, qu’ils imposent une limite à l’expansion du soi dans l’imagination et la fiction (si l’on envisage que le sifflement vient de lui-même, de son imagination, cela ne change pas grand chose à l’histoire, à l’événement qui lui échappe). Pourtant, la fin étant perdue, on ne peut conclure pour Kafka. On peut seulement constater que le projet du terrier est d’abord le rêve du narrateur, une fiction qui est l’accomplissement d’un désir d’expansion infinie, sans limite ; et que ce rêve devient bientôt cauchemar pour lui. On peut aussi penser qu’il s’agit d’une fiction en partie autobiographique, au sens d’une autobiographie de l’écrivain et probablement de l’écrivain qu’il a été et qu’il n’est plus, d’une réflexion sur ce qu’est la construction littéraire au sein du monde et de ce fait d’une critique de ce qu’est la fiction, quand elle enferme celui qui s’y livre dans son propre imaginaire.

  • 25 Voir Clayton Koelb, « Kafka imagines his readers… », op. cit.

32L’écriture de ce récit semble donc s’accompagner d’une double reconnaissance : celle du sens qu’il y a à vivre à deux et celle de la mort qui s’approche, l’une anéantissant tragiquement l’autre, du reste. En effet, la nécessité de prendre en compte le sifflement, l’impossibilité de le nier peuvent avoir ce double sens : quand l’animal échoue à intégrer l’altérité de façon dialectique, on peut y voir le signe que pour Kafka écrivain, la littérature doit renoncer à dévorer toute la vie qui lui est encore extérieure. L’acte d’écrire devrait de ce point de vue devenir l’un des actes de l’existence, un parmi d’autres, sans nier les autres domaines d’activité, sans nier par exemple la possibilité de vivre en couple, cette autre façon de construire quelque chose, de faire œuvre commune. Et comme le récit est une réflexion sur l’acte de construire, bauen, il ne peut manquer d’évoquer un autre grand moment de construction dans la vie de Kafka, de dix ans antérieur, en 1912-1913, quand il publie son premier livre, Betrachtung, et rédige en une nuit sa première nouvelle vraiment accomplie, « Le Verdict ». Et cet écho attire d’autant plus notre attention que ce moment de seconde naissance pour l’écrivain coïncidait avec la rencontre de Felice Bauer, dans les mêmes jours. Ses relations avec Felice étaient loin d’être simples et faciles, mais on sait qu’avec elle il songeait déjà à construire une famille25. Or il n’est pas impossible que, au moment où il vit avec Dora Dymant et rédige Der Bau, le patronyme de Felice Bauer ne soit présent à son esprit et qu’il songe à reprendre avec Dora cette construction qui avait échoué avec Felice, à en retrouver le bonheur, la félicité que disait le prénom. Mais ce ne sera pas possible car à cette date on ne peut se contenter d’interpréter le sifflement comme le rappel de l’altérité, de la vie sociale ou amoureuse. On doit y lire aussi la conséquence d’une découverte plus terrible, celle que la mort approche, et si la nouvelle est un bilan, c’est un bilan amer, par lequel l’écrivain qui introduit dans son récit le sifflement irrépressible songe à renoncer tout à la fois à la littérature, à la vie commune avec Dora et à la vie tout court. « Il reste à faire le négatif », a-t-il écrit, mais désormais il ne peut que l’éprouver, le subir et non plus le faire, le construire.

33Alors, peut-on sortir du labyrinthe de l’interprétation de ce récit ? Un labyrinthe, c’est un carrefour répété de nombreuses fois, jusqu’à égarer, une structure architecturale qui oblige à refaire toujours le choix, à choisir tout en se disant que ce choix n’est pas décisif, qu’il répond peut-être à un leurre, auquel cas il faut revenir sur ses pas, jusqu’à l’embranchement précédent et prendre l’autre voie. Le récit de Kafka lui aussi a quelque chose de labyrinthique dans la mesure où l’on a du mal à y trouver son chemin, à l’interpréter simplement et son interprétation est nécessairement labyrinthique dans la mesure où elle doit se faire selon plusieurs sens : lorsqu’on emprunte une voie (le récit comme allégorie de la littérature par exemple), on sait qu’il faut tenir compte d’autres voies possibles et parallèles, on sait donc qu’il faudra revenir au point de départ, reprendre à partir d’un autre sens la lecture des mêmes pages – même si aucune voie n’est ici une impasse. Mais il y a une différence de ce point de vue entre l’univers du terrier et le récit de Kafka : dans l’univers du terrier, Dédale, le constructeur qui égare ses victimes, est aussi le Minotaure, qui les dévore. Il n’en va pas de même dans la parole qu’est le récit : nous pouvons nous égarer dans les descriptions du terrier que nous fait le narrateur animal, ne pas comprendre ce qu’elles signifient, nous pouvons aussi nous égarer dans son discours intérieur, ses hypothèses et ses objections – et nous sortons alors désespérés de la confrontation avec l’artiste monstrueux, nous concluons à l’absurde, au néant – mais il y a aussi, tacite, la voix de l’écrivain ou de la volonté narrative, qui nous guide vers la sortie : le sifflement, on l’a souvent remarqué, est la seule péripétie du récit, il introduit donc une direction dans la temporalité, il permet d’en finir avec le ressassement infini, il indique le dehors au lecteur, l’altérité où l’on respire, qui met fin à la clôture. Kafka serait en ce cas notre Ariane, qui nous indique la sortie.

34Ajoutons une chose : pour qu’il y ait récit, muthos, on le sait, il faut une fin qui organise la logique des événements. Ce qui donne sens à la polysémie labyrinthique du « Terrier », je l’ai dit, c’est le sifflement final, qui permet de tout ressaisir de l’extérieur, de considérer cet imaginaire délirant dans son unité. Mais il nous manque les dernières pages, la fin – et c’est ce qui fait qu’on ne pourra jamais répondre tout à fait à la question posée : on ne pourra jamais savoir si le récit finissait sur une note à partir de laquelle se réordonnait l’ensemble. Et d’autre part, si Kafka a détruit ces pages (ce qui n’est pas sûr), c’est que la fin ne le satisfaisait pas. On pourrait dire : il n’y a donc plus qu’à se taire, à faire silence, mais c’est ce qui est impossible puisqu’on continue à entendre le sifflement et c’est ce qui fait que ce récit continue à nous hanter et qu’il y a une sorte de société, non pas secrète mais discrète, de ses lecteurs. Un autre fait qui laisse un doute et empêche de conclure avec assurance, c’est que Kafka n’ait pas publié « Le Terrier » : pourquoi, alors qu’il rassemblait d’autres récits pour son dernier livre ? La question nous oblige à nous demander si ce qui nous intéresse tant (la temporalité, la voix flottante, etc.), il n’a pas jugé que c’étaient des maladresses, des imperfections. Mais si nous sommes confrontés à cette absence de réponse, ce n’est pas parce que Kafka-Dédale nous aurait égarés dans son labyrinthe, c’est parce que Max Brod a publié un récit fragmentaire que Kafka ne destinait pas à la publication. Comment pourrait-on en vouloir à l’ami qui a rendu possible qu’existe cette petite société ?

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Bibliographie

Biemel Walter, « La Vérité de l’art » (Die Wahrheit der Metaphysik – die Wahrheit der Kunst, 1984), traduit de l’allemand, Po&sie, n° 124, 2e trimestre 2008, p. 105-113.

Blanchot Maurice, L’Espace littéraire, Paris : Gallimard, 1955 (coll. « Idées », 1978).

Bonnefoy Yves, « Kafka et la poésie », in Le siècle où la parole a été victime, Paris : Mercure de France, 2010, p. 289-298.

Damisch Hubert, « La Danse de Thésée », in Ruptures / Cultures, Paris : Minuit, 1976.

Deleuze Gilles et Guattari Félix, Kafka – Pour une littérature mineure, Paris : Minuit, 1975.

Frontisi-Ducroux Françoise, Dédale : Mythologie de l’artisan en Grèce ancienne, Paris : La Découverte, 2000.

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Kafka Franz, La Métamorphose. Description d’un combat, traduit par B. Lortholary, Paris : GF, 1988.

Kafka Franz, Œuvres complètes, édition de Claude David, Paris : Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », tome III, 1984 (pour le Journal et la correspondance).

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Kafka Franz, Das Ehepaar und andere Schriften aus dem Nachlass, Gesammelte Werke in zwölf Bänden nach der Kritischen Ausgabe herausgegeben von Hans-Gerd Koch, Band 8, Francfort : Fischer Taschenbuch Verlag, 1994.

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Koelh Clayton, « Kafka imagines his readers : the rhetoric of “Josephine die Sängerin” and “Der Bau” », in Rolleston James (dir.), A Companion to the Works of Franz Kafka, Rochester (NY) : Camden House, 2002, p. 347-359.

Politzer Heinz, Franz Kafka : Parable and Paradox, Ithaca, New York : Cornell University Press, 1962, chap. VIII, “A Castle Within”, p. 318-334 (éd. allemande, revue et augmentée : Franz Kafka : der Künstler, Francfort : Fischer Verlag, 1965, « Das Schloss im Innern », p. 451-471).

Terrile Cristina, La Crise de la volonté ou le romanesque en question (Borgese, Green, Perutz, Pirandello, Kafka), Paris : Champion, « Bibliothèque de Littérature générale et comparée », 1997.

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Notes

1 Je citerai la traduction de Bernard Lortholary, donnée dans Un Jeûneur et autres nouvelles, Paris : Flammarion, « GF », 1993 ; les numéros de page donnés entre parenthèses renverront à cette édition. La première édition critique du texte allemand est celle de J. M. S. Pasley, Franz Kafka, Der Heizer, In der Strafkolonie, Der Bau, 1966. L’édition critique la plus récente est celle de Hans-Gerd Koch, dont le texte est repris au format de poche dans Das Ehepaar und andere Schriften aus dem Nachlass, 1994.

2 Ein Hungerkünstler. Voir Un Jeûneur et autres nouvelles, op. cit.

3 Le manuscrit, conservé à la Bodleiana d’Oxford, est décrit p. 142 de la Kritische Ausgabe. Nachgelassene Schriften und Fragmente II. Apparatband, Francfort-sur-le-Main : Fischer Verlag, 1992 : seize feuilles quadrillées, de 28,6 x 22,1 cm, vraisemblablement détachées d’un carnet. Le fragment qui précède « Le Terrier » commence par « Dann lag die Ebene vor K. […] » ; on le trouve dans Das Ehepaar und andere Schriften, op. cit., p. 165. Une traduction par Marthe Robert figure dans l’édition chronologique des récits à la Pléiade : Œuvres complètes, Paris : Gallimard, « La Pléiade », t. II, p. 737‑738. Sur l’interprétation de ce fragment dans son contexte, voir C. Koelh, « Kafka imagines his readers… », p. 348-349.

4 C’est le cas de Blanchot : « Le récit de Kafka n’a pas de fin. La dernière phrase est ouverte sur ce mouvement sans fin : “Tout continua sans aucun changement”. L’un des éditeurs ajoute qu’il ne manque que quelques pages, celles qui décrivent le combat décisif où succomberait le héros du récit. C’est l’avoir bien mal lu : il ne saurait y avoir de combat décisif », in L’Espace littéraire, Paris : Gallimard, 1955, p. 224.

5 Voir la notice de Claude David à la Pléiade, tome II, op. cit., p. 1250-1251.

6 Ibid., p. 1253.

7 Cristina Terrile, La Crise de la volonté ou le romanesque en question, Paris : Honoré Champion, 1997, p. 353.

8 Voir B. Lortholary, Introduction à l’édition « GF » de Un Jeûneur, p. 122‑123 ; voir aussi la notice de C. David à la Pléiade, op. cit., p. 1256.

9 Dans l’édition Fischer, p. 173-174 ; dans l’édition de Pasley, p. 116.

10 Heinz Politzer, Franz Kafka : Parable and Paradox, Ithaca, New York : Cornell University Press, 1962.

11 On the literal plane, the tale concerns an animal sunk in its burrow ; on the metaphorical plane, it concerns a man sunk in his (womb-like and tomb-like) work and self, Pasley, op. cit., p. 29.

12 Voir la notice de C. David pour la Pléiade, op. cit., p. 1260-1261.

13 Sur Dédale, voir Hubert Damisch, « La Danse de Thésée », in Ruptures / Cultures, Paris : Minuit, 1976, et Françoise Frontisi-Ducroux, Dédale : Mythologie de l’artisan en Grèce ancienne, Paris : La Découverte, 2000. Sur le labyrinthe, voir supra : François Makowski, « Hors-la-Loi.
Topos et nomos chez Kafka », in Les Cahiers philosophiques de Strasbourg n° 33, 2013, p. 109-148.

14 Wir graben den Schacht von Babel, cité par J. M. S. Pasley dans son introduction au récit, p. 23 ; dans l’édition du Journal par C. David, ce fragment, tiré du cahier H, et traduit par M. Robert, est inséré dans l’année 1923, in Œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 552.

15 Trad. M. Robert, in Œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 551 ; fragment également cité par J. M. S. Pasley, op. cit. : « Was baust du ? – Ich will einen Gang graben. Es muss ein Fortschritt geschehen. »

16 « Das Negative zu tun, ist uns auferlegt ; das Positive ist uns schon gegeben » (troisième cahier). Sur le négatif, voir supra : Léa Veinstein, « Kafka photographe », in Les Cahiers philosophiques de Strasbourg n° 33, 2013, p. 179-195.

17 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka. Pour une littérature mineure, Paris : Minuit, 1975. Voir infra : Igor Krtolica, « Deleuze-Guattari, lecteurs de Kafka », in Les Cahiers philosophiques de Strasbourg n° 33, 2013, p. 219-238.

18 Yves Bonnefoy, « Kafka et la poésie », 2010.

19 Ausgang, dans l’édition Fischer, p. 173 ; dans la traduction de Lortholary, Sortie, p. 134.

20 Dans l’édition Fischer, p. 181 ; dans l’édition Pasley, p. 124 ; dans la traduction de Lortholary, p. 142.

21 C. Terrile, La Crise de la volonté, op. cit.

22 Walter Biemel, « La Vérité de l’art », in Po&sie 124, 2008, p. 108.

23 Traduction de B. Lortholary, dans La Métamorphose. Description d’un combat, Paris : Flammarion, « GF », p. 132.

24 Œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 1232.

25 Voir Clayton Koelb, « Kafka imagines his readers… », op. cit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Patrick Werly, « Kafka, le terrier et le monde : difficiles va-et-vient »Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, 33 | 2013, 197-217.

Référence électronique

Patrick Werly, « Kafka, le terrier et le monde : difficiles va-et-vient »Les Cahiers philosophiques de Strasbourg [En ligne], 33 | 2013, mis en ligne le 15 mai 2019, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/1918 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cps.1918

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Auteur

Patrick Werly

Institut de Littérature comparée, Université de Strasbourg

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