Navigation – Plan du site

AccueilNuméros35La sociologie avec ou sans guille...

La sociologie avec ou sans guillemets

L’ombre portée de Comte sur les sciences sociales germanophones (1875-1908)
Wolf Feuerhahn
p. 157-196

Résumé

L’histoire de l’importation du terme de « sociologie » dans l’espace germanophone n’est pas celle d’une appropriation heureuse et spontanée. Il a été le plus souvent évité ou utilisé entre guillemets. Pour comprendre ce rapport passionné à la « sociologie », cet article propose une enquête de sémantique historique transnationale qui part d’un relevé bibliométrique des titres de livres incluant ce terme, publiés en allemand jusqu’en 1908 (création de la « société allemande de sociologie »). Comte y apparaît comme un spectre qu’on cherche à repousser. Les connotations socialistes françaises et la proximité imaginée entre la sociologie et les sciences de la nature expliquent la méfiance au long cours des savants germanophones à l’égard de ce label.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Max Weber, « Roscher und Knies und die logischen Probleme der historischen Nationalökonomie (1903-1 (...)

1Depuis plus de cent années, le fait disciplinaire organise le cours de la vie savante. Participent de la reproduction des canons disciplinaires non seulement les formations, les financements ou les intitulés des postes universitaires à pourvoir, mais aussi le discours historique tenu par les représentants des disciplines. La sociologie n’échappe pas à ce type de production indigène. Comme toutes les histoires disciplinaires, celle de la sociologie expose un panthéon avec ses auteurs phares. À côté d’Émile Durkheim, Max Weber joue ainsi incontestablement un rôle de père fondateur de cette science. Pourtant, à y regarder de plus près, celui-ci a peu utilisé cette dénomination pour caractériser son travail. Quand il l’a fait, c’est le plus souvent, en employant des guillemets comme si le terme ne pouvait être repris qu’avec prudence1.

2C’est cette prudence et les raisons de celle-ci qui vont m’occuper ici. Comment se fait-il que celui que l’on classe sans hésiter parmi les sociologues se soit si peu dénommé tel et se soit tant méfié de cette étiquette ? La question me semble d’autant plus légitime à poser que si l’on élargit la focale, Max Weber est loin d’être le seul à avoir émis des réserves vis-à-vis d’une telle dénomination.

3Il est un texte qui manifeste d’autant plus ce malaise qu’il a été rédigé par des auteurs aux positions parfois très opposées dans l’espace des sciences philologiques, historiques et sociales de l’Allemagne au début du XXe siècle : il s’agit de l’invitation à fonder une société allemande de sociologie (Einladung zur Gründung einer Deutschen Gesellschaft für Soziologie) signée par vingt-six savants allemands et adressée en 1908 à d’autres figures centrales de la science de ce pays. Ce texte qu’on aurait pu imaginer conquérant, a bien du mal à justifier l’emploi du terme de « sociologie ». Loin d’aller de soi, il nécessite, à le lire, d’être défendu contre toute une série de malentendus :

  • 2 « Was aber in Deutschland gerade vielen der gediegensten Gelehrten den Gedanken einer solchen Organ (...)

4« Mais ce qui, en Allemagne, fait précisément reculer beaucoup des savants les plus solides eu égard à l’idée d’une telle organisation réside dans la polysémie du concept de sociologie et le dilettantisme indéniable que, par bien des aspects, recouvre sa bannière »2. Polysémie, dilettantisme : difficile donc d’en faire un étendard pour une institution qui revendique la rigueur et le sérieux scientifique.

  • 3 Helmut Schelsky, Die Arbeit tun die anderen. Klassenkampf und Priesterherrschaft der Intellektuelle (...)

5Revenir sur cette critique du terme de sociologie s’impose d’autant plus qu’elle continue à peser sur les débats entre certains sociologues contemporains. En effet, en 1975, dans son ouvrage Die Arbeit tun die anderen. Klassenkampf und Priesterherrschaft der Intellektuellen (Ce sont les autres qui font le travail. Lutte des classes et domination hiérocratique des intellectuels), le professeur de sociologie et de philosophie du droit à l’Université de Münster Helmut Schelsky (1912-1984) repartait d’une critique de la conception défendue par Saint-Simon et son disciple Auguste Comte pour critiquer la tendance consistant à faire de la sociologie une « science sociale planificatrice » et émancipatrice. Afin de faire barrage à cette appréhension de la science, dont l’école de Francfort représentait selon lui un avatar contemporain et dont il dénonçait l’emprise sur « l’esprit de l’époque », Schelsky forgea l’étiquette d’« Anti-Soziologie » (anti-sociologie) pour caractériser sa position3.

  • 4 L’article de Eckart Panckoke (« Soziologie ; Gesellschaftswissenschaft », in Otto Brunner, Werner C (...)

6Avant de proposer une interprétation de cette réticence, un premier repérage de l’usage du terme à l’époque s’impose. Une telle enquête devrait, de façon générale, permettre d’éviter un travers récurrent des histoires disciplinaires qui consiste à partir de la définition contemporaine de la science pour en faire la généalogie. Ces pratiques érigent les œuvres passées qui apparaissent congruentes avec ce que l’on nomme de nos jours « sociologie » au rang de travaux précurseurs4. Au contraire, l’hypothèse de sémantique historique qui me guidera ici repose sur l’idée que la dénomination choisie n’est pas anodine, qu’elle est à analyser en rapport avec ses contextes d’usage et qu’elle a une fonction performative. Relever l’apparition du terme de « sociologie » en allemand devrait ainsi mettre au jour un autre paysage de cette science au tournant des XIXe et XXe siècles.

Usages de l’étiquette « sociologie » dans le monde germanophone (1875-1908)

  • 5 Sébastien Mosbah-Natanson, « La sociologie comme « mode » ? Usages éditoriaux du label « sociologie (...)
  • 6 En l’occurrence : « sociologie », « sociologue », « sociologique », « anthropo-sociologie » et « ps (...)
  • 7 Le catalogue ne recense toutefois pas uniquement les ouvrages existants, mais aussi ceux qui ont ét (...)

7Depuis les travaux de Sébastien Mosbah-Natanson, on sait qu’en France, au tournant du siècle, « la sociologie est à la mode »5. Pour établir ce fait, l’auteur n’est pas parti d’une définition préalable de ce qu’est la sociologie, mais a recensé tous les ouvrages parus en français et en France comportant une série de mots-clés présents dans les titres des publications6. Je conduirai ici une enquête bibliométrique analogue à propos des pays de langue allemande. Pour ce faire, j’ai eu recours au catalogue de la Staatsbibliothek de Berlin. Cela n’est pas sans présenter des problèmes voire des biais. Rien ne garantit en effet que tous les ouvrages publiés aient été achetés par cette institution sans compter le fait qu’une partie des fonds a été détruite pendant la Seconde Guerre mondiale7. Mon hypothèse est toutefois que, si un certain nombre de titres a pu disparaître du dénombrement par ce biais, la prétention de Berlin à s’ériger en capitale scientifique de l’Empire garantit au moins un ordre de grandeur de la production d’ouvrages « sociologiques » à l’époque.

  • 8 La situation semble donc à front renversé si on la compare à celle qui a alors cours en France (Cf. (...)

8Seront donc considérés ici comme « ouvrages sociologiques » non pas ceux que l’on pourrait de nos jours être amenés à juger tels, mais tous les livres publiés en langue allemande dont le titre comprenait soit les substantifs « Sociologie »/« Soziologie », soit les adjectifs « sociologische » / « soziologische ». Cette enquête prenant pour objet un fait de sémantique historique transnationale, je ne m’arrêterai pas sur l’expression « Sozialwissenschaft » (science sociale). Elle est alors beaucoup plus souvent employée et n’a pas suscité un rejet analogue à celle de « sociologie »8.

  • 9 Cette question très importante dépasse les ambitions de cet article. Elle relèverait d’une histoire (...)
  • 10 La seule exception à ce principe constitutif du corpus concernera Max Weber qui n’a quasiment publi (...)
  • 11 Ce premier repérage devrait être complété par une enquête dans les archives des éditeurs pour voir (...)

9Certes les nouvelles dénominations disciplinaires peuvent apparaître d’abord dans des articles de périodiques avant de faire l’objet d’ouvrages9. Une analyse plus fine de l’émergence de la « sociologie » nécessiterait donc d’étudier le corpus des titres d’articles10. Toutefois, il m’a semblé que le choix du titre d’un ouvrage n’est jamais indifférent et qu’en ce sens, pour un auteur, revendiquer, dans les années considérées (1875‑1908), l’appartenance de son livre à la catégorie de « sociologie » était un acte militant11.

10La période analysée n’est pas choisie au hasard : elle s’étend de la première occurrence d’un titre en allemand usant du terme de « sociologie » jusqu’à la création au mois de janvier 1909 de la « société allemande de sociologie ».

  • 12 J’espère pouvoir étudier à l’avenir l’émergence et les usages de l’étiquette de « sociologie allema (...)

11Or, une telle enquête statistique offre un panorama de la sociologie de langue allemande au tournant des XIXe et XXe siècles bien différent de celui auquel nous sommes habitués12.

  • 13 À l’exception de remarques sur la Belgique au début de son article (S. Mosbah-Natanson, op. cit., p (...)
  • 14 Ont également été dénombrées les deuxièmes éditions d’un ouvrage lorsqu’elles étaient modifiées et  (...)

12Il apparaît d’abord qu’en termes purement quantitatifs, les ouvrages « sociologiques » publiés en allemand sont beaucoup moins nombreux qu’en France. Dans ce dernier pays, Sébastien Mosbah-Natanson dénombre 237 ouvrages de ce type publiés entre 1876 et 1915 soit au cours de 39 années13. Au cours d’une période plus courte (33 ans, entre 1875 et 1908) et dans un espace linguistique, démographique et géographique beaucoup plus important (Empires allemand et austro-hongrois), on ne recense que 62 ouvrages « sociologiques »14.

13Si l’on affine désormais la comparaison, on remarque qu’entre 1876 et 1905, les publications sociologiques germanophones correspondent toujours approximativement à un tiers des publications françaises.

Tableau 1 : Nombre d’ouvrages sociologiques parus en France et en français (col. 2) et en langue allemande (col. 3)

Tableau 1 : Nombre d’ouvrages sociologiques parus en France et en français (col. 2) et en langue allemande (col. 3)

(source utilisée pour la France : S. Mosbah-Natanson, 2011, p. 111.)

  • 15 L’enquête de S. Mosbah-Natanson est partie de ces affirmations de Durkheim et de Tarde. Elle cherch (...)

14Si la sociologie est à la mode en France, comme le disent G. Tarde et E. Durkheim à la fin des années 189015, c’est loin d’être le cas en Allemagne.

15À voir le nombre de publications sociologiques germanophones publiées chaque année (graphique 1), on remarque simplement que la courbe est croissante.

16Jusqu’en 1890, les ouvrages sociologiques sont rares, à partir de 1891, il n’est plus une année sans la publication d’un tel livre. Enfin de 1903 à 1908, un nouveau palier semble franchi puisqu’on en compte au moins trois par an.

Graphique 1 : Nombre d’ouvrages « sociologiques » publiés en langue allemande entre 1875 et 1908 (Total : 62 titres)

Graphique 1 : Nombre d’ouvrages « sociologiques » publiés en langue allemande entre 1875 et 1908 (Total : 62 titres)

17L’écart avec la représentation habituelle que l’on a de l’histoire de la sociologie allemande à cette époque est particulièrement manifeste si l’on considère les « sociologues », autrement dit les individus qui ont publié au cours de la période au moins deux « ouvrages sociologiques » :

Graphique 2 : Palmarès des « sociologues » (1875-1908)

Graphique 2 : Palmarès des « sociologues » (1875-1908)
  • 16 Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft und Gesellschaft : Abhandlung des Communismus und des Socialismus a (...)
  • 17 Voir les articles réunis plus tardivement dans le premier volume de ses Soziologische Studien und K (...)

18Parmi ces huit noms, on n’en retiendrait sans doute de nos jours que deux : H. Spencer et G. Simmel. Surtout, des auteurs qui occupent de nos jours une place éminente au panthéon de l’histoire de la sociologie n’y apparaissent pas : Max Weber et Ferdinand Tönnies notamment. Dans le cas de Weber, même si l’on tient compte du fait qu’il a, au cours de cette période, publié de façon préférentielle des articles et que l’on traverse le corpus de ces textes, aucun ne contient, dans son titre, les substantifs « Sociologie », « Soziologie » ou les adjectifs « sociologisch », « soziologisch ». Comme nous l’avons vu, les rares emplois qu’il fait de ces termes sont accompagnés de guillemets. Le cas de Tönnies est plus complexe. Il est indéniablement l’un de ceux qui s’est très tôt revendiqué de la « sociologie ». Certes, Das Wesen der Soziologie, son premier titre comportant ce substantif a été publié assez tardivement, peu avant la création de la société allemande de sociologie. Mais l’attitude de Tönnies vis-à-vis du terme comme de Comte était loin d’être hostile. Dans la préface à la première édition (1887) de son ouvrage resté le plus célèbre – Gemeinschaft und Gesellschaft – il cite explicitement parmi les sources qui l’ont « influencé » : « les grandes œuvres sociologiques d’A. Comte et de Herbert Spencer » dont il dit qu’elles l’ont souvent accompagné dans ses réflexions et que loin de vouer aux gémonies, il discute16. Au cours des années 1890, F. Tönnies se réclame fréquemment dans ses articles de la sociologie17.

Un label étranger

  • 18 Jacques Guilhaumou, « Sieyès et le non-dit de la sociologie : du mot à la chose », Revue d’histoire (...)

19« Sociologie » est un néologisme français forgé une première fois par Sieyès dans les années 178018, puis une seconde fois en 1824 par Auguste Comte et dont la première occurrence publiée se trouve dans le quatrième volume du Cours de philosophie positive que ce dernier fit paraître en 1839 :

  • 19 A. Comte, C., 47e leçon sur la sociologie. Comte opte pour le terme de « sociologie » pour prendre (...)

« Je crois devoir hasarder, dès à présent, ce terme nouveau exactement équivalent à mon expression, déjà introduite de physique sociale, afin de pouvoir désigner par un nom unique cette partie complémentaire de la philosophie naturelle qui se rapporte à l’étude positive de l’ensemble des lois fondamentales propres aux phénomènes sociaux »19.

20Rechercher le terme de sociologie dans des titres allemands revient donc à s’interroger sur un fait historique transnational. On peut d’emblée dire que l’appropriation de cette désignation d’une science avant d’être celle d’une discipline fut une affaire compliquée. La question se pose surtout de savoir si la nationalité d’origine du terme a joué ou non un rôle dans cette difficile appropriation.

  • 20 On compte 13 ouvrages traduits sur les 62 qui constituent le corpus étudié.

21Si l’on regarde le poids des ouvrages traduits parmi ceux que j’ai classé comme « sociologiques », il apparaît tout d’abord qu’ils sont loin d’être majoritaires. Ils représentent seulement 20 % de ces derniers20. Quant à leur répartition dans le temps, on les trouve tout au long de la période qui sépare 1875 de 1908 :

Graphique 3 : Poids relatif par année de publication des traductions dans le corpus d’ouvrages sociologiques

Graphique 3 : Poids relatif par année de publication des traductions dans le corpus d’ouvrages sociologiques
  • 21 Grande-Bretagne (6 ouvrages traduits ; 45,1 % de la totalité des traductions), France (3 ; 23 %), I (...)

22On peut toutefois déjà remarquer que ces ouvrages traduits proviennent seulement de quatre pays différents : Grande-Bretagne, France, Italie et États-Unis21. A priori, avec 6 ouvrages, la Grande-Bretagne semble largement dominer (elle représente 45 % du nombre d’ouvrages sociologiques traduits). Toutefois, si l’on regarde de plus près, elle n’est représentée que par un auteur : Herbert Spencer. Ce dernier apparaît certes particulièrement prolixe, mais d’abord parce que les Principles of sociology paraissent en plusieurs volumes. Si, maintenant, on regarde le nombre d’auteurs par pays, les choses changent.

23France et Italie sont toutes deux représentées par trois auteurs. Pour l’Italie, il s’agit de Cesare Lombroso, Enrico Ferri et Achille Loria. Pour la France, les ouvrages sont traduits à la toute fin de la période considérée (en 1907 et 1908) et les auteurs concernés sont A. Comte (Soziologie), G. Tarde (Die sozialen Gesetze : Skizze zu einer Soziologie) et E. Durkheim (Die Methode der Soziologie).

24Il apparaît donc, tout d’abord, que si la part des traductions est loin d’être majoritaire, celle de Comte en leur sein est non seulement largement minoritaire, mais aussi tardive – notamment par rapport à Spencer qui inaugure le label sur la période considérée. Toutefois, il faut rappeler que Comte n’a jamais publié d’ouvrage dont le titre comportait le mot de « sociologie ». Le fait que les trois derniers volumes du Cours de philosophie positive aient été publiés sous le titre de Soziologie entre 1907 et 1911 témoignerait plutôt du fait que le mot était spontanément associé à son œuvre. Cette faible représentation de Comte ne prouve pas non plus que ce dernier n’occuperait qu’une place marginale aux yeux de ceux qui se revendiquent en Allemagne de la « sociologie ». Car la connotation étrangère voire comtienne du terme apparaît pour le coup nettement si l’on considère les textes publiés directement en allemand.

25Prenons à titre d’exemple celui qui, chronologiquement fut le premier : Ludwig Gumplowicz. Dans son ouvrage sur la lutte des races, sous-titré « recherches sociologiques » publié en 1883, ce professeur de théorie constitutionnelle (Verfassungslehre) à l’université de Graz se présente comme un pionnier qui découvre un nouveau territoire :

  • 22 Cité d’après la traduction française d’époque : Louis Gumplowicz, La lutte des races : recherches s (...)

« Je présente modestement l’esquisse d’une science destinée à prendre, quelque jour, de grands développements, une importance considérable. Son véritable nom serait histoire naturelle de l’humanité. Pourquoi ai-je choisi un titre qui implique sociologie ? J’ai voulu éviter toute méprise – un sens bien différent s’attachant à la première de ces appellations, depuis que Prichard a publié son Histoire naturelle de l’humanité. Quant au mot sociologie, emprunté à Comte, je crois qu’il est bien plus adéquat, qu’il caractérise bien mieux la nature et la portée de la science d’avenir que je présente en son état rudimentaire »22.

  • 23 L. Gumplowicz, op. cit., p. 1.

26Mais Gumplowicz mentionne aussi qu’en se réclamant de cette science, il s’oppose à un avis majoritairement négatif. Décrivant la réaction commune à l’usage du terme, il rappelle que « quand on entend parler de sociologie, on se méfie, on hausse les épaules, et cette doctrine, toute récente, est bien près d’être aussi décriée que le fut jadis la philosophie de l’histoire »23.

27Deux ans plus tard, son Précis de sociologie (Grundriss der Soziologie) présente également Comte comme le fondateur de cette nouvelle science qui, désormais diffuserait dans toute l’Europe et même en Amérique.

  • 24 Wolf Feuerhahn, « Zwischen Individualismus und Sozialismus : Durkheims Soziologie und ihr deutsches (...)
  • 25 Albert Friedrich Schäffle, Bau und Leben des socialen Körpers. Encyclopädischer Entwurf einer reale (...)

28Albert Schäffle, directeur de la Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft, que le jeune Durkheim érige en père fondateur de la sociologie24, ne publie certes pas d’« ouvrage sociologique » avant 1896, date à laquelle il modifie le sous-titre de son Bau und Leben des socialen Körpers. « Encyclopädischer Entwurf einer realen Anatomie, Physiologie und Psychologie der menschlichen Gesellschaft mit besonderer Rücksicht auf die Volkswirtschaft als socialen Stoffwechsel » (Esquisse encyclopédique d’une anatomie, physiologie et psychologie réelle de la société humaine considérant en particulier l’économie comme métabolisme social) devient « Allgemeine Sociologie » et « Specielle Sociologie » (Sociologie générale et spéciale). Mais dès l’avant-propos à la première édition de 1875, Schäffle caractérise ses travaux antérieurs comme des analyses spéciales relevant de la sociologie et juge le Cours de philosophie positive de Comte « génial ». Ce dernier aurait très tôt souhaité faire de la « biologie le fondement (Unterlage) de la sociologie ». Ce n’est que parce qu’il n’aurait seulement découvert l’existence du Cours au moment où son propre livre était sous presse que Schäffle ne lui aurait pas attribué un rôle de modèle pour sa propre entreprise. Cette dernière veut conduire dans le domaine de la science de la société (Gesellschaftslehre) un travail analytique analogue à celui mené par la biologie via l’histologie, l’anatomie et la physiologie25.

  • 26 Sur l’histoire du rejet du positivisme en Allemagne, voir Eckhardt Fuchs, Henry Thomas Buckle : Ges (...)

29L’association entre la sociologie et l’œuvre d’Auguste Comte est encore plus nette parmi les nombreux contempteurs de la « sociologie »26.

  • 27 Pour une analyse de la critique diltheyenne de Comte, voir Sylvie Mesure, Dilthey et la fondation d (...)
  • 28 Wilhelm Dilthey, Gesammelte Schriften, I. Band : Einleitung in die Geisteswissenschaften, Leipzig u (...)

30Prenons un cas particulièrement paradigmatique : celui de Wilhelm Dilthey. Son Introduction aux sciences de l’esprit (1883) est loin d’être une simple exposition de ce qu’il entend par cette expression, elle est aussi une vigoureuse critique de ce qu’elle est censée remplacer et notamment la « sociologie ». Celle-ci n’a aucune grâce à ses yeux. Elle n’est pas une véritable science, mais une reprise de l’ambition métaphysique dont toute la deuxième partie de l’Introduction est une critique, les tâches formulées par la sociologie sont insolubles et ses méthodes fausses. La pensée de Comte fait figure chez Dilthey de représentante par excellence de cette science27. Si elle est fortement critiquée c’est à première vue parce qu’elle défend comme celles de Thomas Buckle et de John Stuart Mill avec lesquelles Dilthey les associe presque systématiquement, une conception nomologique des sciences de l’esprit. Mais sa critique est loin de n’être qu’épistémologique. Lorsqu’il retrace l’émergence de la sociologie, Dilthey en fait l’enfant légitime de la Révolution française. Elle participe de la volonté politique de réorganisation de la société sous la direction de la science28 :

  • 29 « Der Ursprung der einen dieser Wissenschaften [der Soziologie] lag in den Erschütterungen der euro (...)

« L’origine de la [sociologie] résidait dans les bouleversements de la société européenne depuis le dernier tiers du XVIIIe siècle. Une nouvelle organisation de la société devait se développer sous la direction de l’esprit scientifique tel qu’il s’était affirmé avec puissance au cours du XVIIIe siècle. Ce besoin devait assurer l’unité de l’ensemble du système des vérités scientifiques s’élevant à partir des mathématiques, et justifier que la nouvelle science salutaire de la société soit son ultime chaînon. Condorcet et Saint-Simon étaient les précurseurs, Comte le fondateur de cette science synthétique (umfassend) de la société, Stuart Mill son logicien, avec l’exposé détaillé de Herbert Spencer, elle commence à écarter les fantaisies qui ont agité sa jeunesse impétueuse »29.

  • 30 W. Dilthey, op. cit., p. XVI-XVII.

31Dilthey réactive par là la critique adressée depuis le début du XIXe siècle par les défenseurs allemands de l’école historique du droit aux théories caractérisées comme « françaises et anglaises » du droit naturel qu’ils accusaient d’avoir, sous couvert d’universalisme anhistorique, imposé une conception particulière de l’individu et nié la singularité historique des différents peuples. L’Introduction aux sciences de l’esprit est conçue comme une reprise et une systématisation du projet de l’école historique contre la conception positiviste de la « sociologie » : « Les réponses de Comte et des positivistes, de St. Mill et des empiristes à ces questions me semblaient mutiler la réalité historique pour l’adapter aux concepts et méthodes des sciences de la nature »30.

  • 31 W. Dilthey, op. cit., p. 23-24.
  • 32 Sur la critique de Treitschke dans Die Gesellschaftswissenschaft. Ein kritischer Versuch, cf. Cathe (...)
  • 33 Ainsi se réjouit-il que Mohl ait suivi les critiques de Treitschke dans la deuxième édition de son (...)

32Pour Dilthey, prendre en compte la spécificité des sciences de l’esprit suppose de rappeler constamment l’historicité de leurs objets et l’impossibilité de réduire ceux-ci à des lois universelles de la nature humaine. Dans cette tâche, les Allemands auraient un avantage : la formation philologique et historique érigée en modèle universitaire par W. von Humboldt31. À la « Soziologie », Dilthey oppose donc la « Gesellschaftslehre » (doctrine de la société) qui s’est développée en Allemagne. Curieusement, il cite de façon élogieuse le libéral Robert von Mohl et Lorenz von Stein qui se référait même volontiers aux socialistes français. Pourtant, ces deux auteurs avaient été visés en 1859 par une critique ravageuse de la part de l’historien Heinrich von Treitschke qui refusait la dépolitisation qu’impliquait, selon lui, la distinction entre la société et l’État32. Il défendait au contraire la fonction intégratrice de l’État et donc le primat des Staatswissenschaften. En 1883, pour l’ami de Treitschke qu’est Dilthey, le conflit qui prévaut n’est plus interne au monde académique allemand, mais international. Il s’agit désormais de marquer l’opposition entre la science franco-britannique et celle qui prévaut en Allemagne33.

  • 34 W. Dilthey, op. cit., p. 17, 36n1, (où il marque une très forte opposition entre la « Soziologie » (...)

33La sociologie est donc très nettement présentée comme une science étrangère incapable de saisir la spécificité des différents peuples, à la différence de l’approche historique dont l’Allemagne se serait fait la garante pour lutter contre l’emprise scientifique, mais aussi politique et économique de ce qui est présenté comme un « couple » franco-britannique. Dans cette configuration, le sort de Comte pouvait être lié à celui de Spencer et leurs oppositions paraître secondaires. C’était le cas notamment chez Dilthey34.

  • 35 Cf. W. Feuerhahn, « Sciences de la nature versus sciences de l’esprit. Un conflit allemand des facu (...)

34Plusieurs faits expliquent l’émergence de cette représentation. Les revendications croissantes d’autonomie de la part des sciences de la nature eurent d’abord un impact crucial. Celles-ci aboutirent à la création de la première faculté des sciences de la nature par scission d’avec la faculté de philosophie, à Tübingen en 1863. Les dix ans de débats qui avaient précédé témoignaient qu’une telle proposition était vue comme une profonde remise en cause de la pensée des réformateurs de l’Université du début du XIXe siècle, et en particulier de l’idée selon laquelle les sciences philologiques et historiques avaient un rôle central à jouer dans la formation (Bildung) du citoyen35.

  • 36 Sans être membre du parti social-démocrate avant la Première guerre mondiale, F. Tönnies, avait à p (...)
  • 37 « Die Namensverwandtschaft Soziologie-Sozialdemokratie machte die ganze Richtung verdächtig » Wilhe (...)

35À cela devait s’ajouter l’émergence d’un parti social-démocrate qui devint en 1890 le premier en nombre de suffrages exprimés. Cet événement suscita des réactions véhémentes dans le monde académique parce qu’en promouvant une interprétation matérialiste des faits humains, elle semblait renforcer la relégation des sciences philologiques et historiques. Ce rejet avait un impact direct sur l’implantation de la sociologie dans les universités36. Nombreux étaient en effet ceux qui s’inquiétaient de la proximité étymologique entre « sociologie » et « socialisme ». Le chimiste Wilhelm Ostwald, par ailleurs grand admirateur de Comte, rappelle ainsi dans son autobiographie que « la parenté de nom entre la sociologie et la sociale démocratie rendait toute cette orientation [la sociologie] suspecte »37. La critique nietzschéenne du nihilisme dont tant la sociologie que le socialisme seraient les vecteurs participe très nettement de ce contexte. En 1889, dans le Crépuscule des idoles, Nietzsche réunissait ainsi sous la catégorie de « décadents » ce qu’il dénommait « la sociologie française et anglaise » et les « socialistes » :

  • 38 Friedrich Nietzsche, Crépuscule des idoles, « Divagations d’un “inactuel” », § 37, Paris : Gallimar (...)

« L’effet inconscient de la décadence se fait tyranniquement sentir jusque dans l’idéal de certaines sciences. Ce que j’ai à objecter à l’encontre de toute la sociologie française et anglaise, c’est qu’elle ne connaît d’expérience que les produits de décomposition de la société et prend en toute naïveté ses propres instincts de décomposition pour norme du jugement de valeur sociologique. La vie déclinante, le déclin de toute force d’organisation, c’est-à-dire de différenciation, de toute force capable de creuser des fossés, d’imposer une stricte hiérarchie, ce déclin est programmé par la sociologie actuelle comme un idéal… Nos socialistes sont des décadents, mais Monsieur Herbert Spencer est aussi un décadent : il voit dans le triomphe de l’altruisme quelque chose de souhaitable ! »38

  • 39 Horst Baier, « Die Gesellschaft – Ein langer Schatten des toten Gottes. Friedrich Nietzsche und die (...)

36Le succès des ouvrages de Nietzsche au tournant du siècle a amené un certain nombre de chercheurs à montrer leur impact dans la formation en Allemagne d’une manière singulière de pratiquer les sciences sociales, empreinte d’une critique de la modernité et de la science (Kulturkritik)39.

37La méfiance vis-à-vis de la sociologie résultait donc de l’association qui était alors faite par nombre d’universitaires entre l’idée qu’elle incarnerait l’emprise de la démarche nomologique des sciences de la nature sur les sciences de l’esprit, qu’elle serait une science française renouvelant l’esprit de la révolution ainsi que la réalisation du socialisme sur le terrain scientifique.

Un cas singulier : Georg Simmel

  • 40 Klaus Christian Köhnke, Der junge Simmel – in Theoriebeziehungen und sozialen Bewegungen, Frankfurt (...)
  • 41 Georg Simmel, « Le problème de la sociologie », Revue de métaphysique et de morale, 1894, p. 497.
  • 42 G. Simmel, « Le problème de la sociologie », p. 499. Je reprends ici les analyses très précieuses d (...)

38La production de Georg Simmel manifeste que le rejet de la sociologie est d’abord et avant tout lié à celui de Comte comme de Spencer représentés comme des défenseurs d’une appréhension des sciences de l’esprit calquée sur celle des sciences de la nature. Parmi les sociologues qui sont passés à la postérité, il occupe une place à part. Il est l’un des seuls à avoir très tôt employé le terme de « sociologie ». Mais il ne s’est jamais revendiqué de Comte40. Son article sur « le problème de la sociologie » (1894) est un effort pour se démarquer de toutes les appréhensions répertoriées de la sociologie dont le dénominateur commun consiste selon lui à « embrasser l’ensemble de tout ce qui arrive dans la société, et exécuter la réduction de tout l’individuel au social »41. Il ne cite personne et définit de son côté cette science comme celle qui étudie les « formes d’association » (Formen der Vergesellschaftung). Il prétend de la sorte répondre à la critique émise par son collègue W. Dilthey qui assimilait la sociologie à une « philosophie de l’histoire »42 :

  • 43 G. Simmel, op. cit., p. 503.

« Ce problème spécial de la sociologie la sépare nettement de la philosophie de l’histoire. La philosophie de l’histoire veut faire rentrer les faits historiques, extérieurs ou psychiques, dans leur ensemble, sous des concepts généraux, qui satisfont à des besoins déterminés, éthiques, métaphysiques, religieux, artistiques. Tout à l’opposé se tient la sociologie, comme science spéciale ; son domaine éventuel, tel que je voudrais le fixer ici, s’enfermerait dans la série des phénomènes et dans leur explication psychologique »43.

  • 44 K. C. Köhnke, op. cit., p. 396-397.
  • 45 Otthein Rammstedt, « Editorischer Bericht », in G. Simmel, Gesamtausgabe, vol. 11 : Soziologie. Unt (...)

Ceci n’empêchera pas W. Dilthey, dans un rapport rédigé en 1898 à propos de Simmel pour une candidature en vue d’obtenir un poste de professeur extraordinaire à Berlin, d’en faire un promoteur de l’évolutionnisme spencerien44. Il n’y avait pas pire critique dans le monde académique allemand de l’époque. De façon générale, le fait qu’il se définisse comme un sociologue lui a manifestement valu de ne pas obtenir le poste45. Ce n’est que dans un texte rédigé au début du XXe siècle (1904-1905) pour son projet d’un deuxième volume de l’Introduction aux sciences de l’esprit et publié après la mort des deux hommes (1922) que Dilthey fera la distinction entre la sociologie comtienne et la sociologie de Simmel :

  • 46 « Meine Polemik gegen die Soziologie betraf das Stadium ihrer Entwicklung, wie es durch Comte, Spen (...)

« Ma polémique contre la sociologie visait l’étape de son développement tel qu’elle était caractérisée par Comte, Spencer, Schäffle, Lilienfeld. Le concept de la sociologie contenu dans ces travaux était celui d’une science de la vie en commun des hommes en société qui incluait aussi parmi ses objets le droit, les mœurs, la religion. Elle n’était donc pas une théorie des formes que prend la vie psychique étant donné les relations des individus en société. Simmel a avancé un tel concept de la sociologie »46.

  • 47 G. Simmel, Gesamtausgabe, vol. 22 : Briefe 1880-1911, p. 177 (où il exprime son rejet de Gumplowicz (...)

39La correspondance de G. Simmel avec Célestin Bouglé témoigne de la prudence qu’il observe quand il emploie la désignation de « sociologue » pour se caractériser47. En février 1894, il affirme certes :

  • 48 « Auf Ihre Frage nach der Richtung meiner Arbeiten erwiedre ich, dass ich mich ganz u. gar soziolog (...)

« Relativement à votre question sur l’orientation de mes travaux, je répondrai que je me consacre entièrement à des études sociologiques et que dans un temps proche je n’arpenterai plus aucun autre terrain et en particulier pas celui de la philosophie morale »48.

40Mais cinq années plus tard, en décembre 1899, Simmel semble avoir entièrement changé de position :

  • 49 « Sie dürfen doch nicht vergessen, dass die Sciences Sociales nicht mein Fach sind. Meine Soziologi (...)

« Mais vous ne devez pas oublier que les sciences sociales ne sont pas ma discipline. Ma sociologie est une discipline très spécifique dont il n’est aucun représentant en Allemagne à l’exception de moi ; et vis-à-vis des autres sciences sociales […], je ne suis qu’un profane et suis donc aucunement en état de rapporter à leur sujet. De façon générale, cela me fait un peu souffrir qu’à l’étranger je ne sois considéré que comme sociologue – alors que je suis pourtant philosophe et que je vois dans la philosophie la tâche de ma vie et que je ne pratique la sociologie à vrai dire que comme une discipline mineure. Et lorsque j’aurai rempli mes devoirs à son égard en publiant une sociologie complète – ce qui devrait bien se produire au cours des prochaines années – je ne reviendrai probablement jamais à elle ».49

  • 50 O. Rammstedt, op. cit.
  • 51 Voir Heinrich Rickert, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft. Ein Vortrag, Freiburg i. Br., Leip (...)
  • 52 M. Weber, Wissenschaftslehre, p. 412-413. Sur Comte voir aussi p. 393, 424.
  • 53 « Allerdings hatte ein geräuschvolles Dilettantentreiben seinerzeit den Namen ‘Soziologie’ bei uns (...)

41Otthein Rammstedt a retracé l’écriture heurtée de la Soziologie finalement publiée en 1908 et les aléas de l’autodéfinition de Simmel. Il a surtout montré que cette genèse complexe était étroitement liée au discrédit de la sociologie dans l’Allemagne de l’époque50. Il faut dire qu’entre-temps ceux parmi les philosophes, juristes et économistes dont il était le plus proche – notamment Heinrich Rickert et Max Weber – s’étaient déclarés très nettement hostiles à ce qu’ils nommaient le « dilettantisme naturaliste » et qu’ils associaient à la sociologie51. Max Weber dénonçait encore en 1909 dans la « hiérarchie comtienne des sciences le schéma extérieur à la vie d’un grandiose pédant »52 et rappelait en 1910 que « l’activité bruyante de dilettantes avait en son temps tellement discrédité le nom de « Soziologie » que jusque dans un passé récent il y avait des savants sérieux qui avaient des scrupules à laisser publiquement naviguer sous cette bannière des travaux qui indubitablement présentaient des caractéristiques sociologiques »53.

Des terres plus accueillantes pour Comte et la sociologie : Leipzig et Berne

  • 54 Roger Chickering, « Der “Leipziger Positivismus” », Comparativ, Heft 3/1995, p. 20-31 ; Roger Chick (...)
  • 55 Sur cette querelle et son importance pour l’émergence de la conception wébérienne de la science, vo (...)

42Pour bien saisir les ressorts du rejet de la sociologie et de Comte au début du XXe siècle, il faut rappeler un facteur lié à la géographie académique allemande. Entre les années 1894 et le début du XXe siècle, la publication par l’historien de Leipzig Karl Lamprecht d’une histoire allemande (Deutsche Geschichte) a suscité une très vive controverse. Celle-ci a contribué à cristalliser deux pôles des sciences sociales allemandes. Ceux qui, à Leipzig, se faisaient les défenseurs du projet de Lamprecht et qui sont restés célèbres sous le nom collectif de « cercle positiviste »54 et ceux qui, à Berlin et dans le Sud-Ouest de l’Allemagne (Heidelberg, Fribourg-en-Brisgau) le dénoncèrent comme le témoignage de l’impérialisme des sciences de la nature jusque dans le domaine le plus rétif à elles, celui de l’histoire et en particulier de l’histoire politique55.

  • 56 Wilhelm Wundt, Logik. Eine Untersuchung der Principien der Erkenntniss und der Methoden wissenschaf (...)
  • 57 Karl Lamprecht, « Die Entwicklung der deutschen Geschichtswissenschaft vornehmlich seit Herder » (1 (...)
  • 58 Sur ce point, voir : W. Feuerhahn, « Œuvrer pour l’unité de la connaissance humaine, le Congress of (...)
  • 59 Paul Barth, Die Philosophie der Geschichte als Sociologie, 1. Teil : Einleitung und kritische Übers (...)
  • 60 P. Barth, op. cit., p. 6.
  • 61 P. Barth, op. cit., p. 7.
  • 62 P. Barth, op. cit., p. 12.
  • 63 Voir par exemple : P. Barth, op. cit., p. 55.
  • 64 P. Barth, « Paul Barth », in Schmidt R., Die deutsche Philosophie der Gegenwart in Selbstdarstellun (...)

43Il est frappant d’observer que les membres du cercle de Leipzig (Wilhelm Wundt, Wilhelm Ostwald, Karl Lamprecht, Friedrich Ratzel) étaient loin de rejeter sans autre forme de procès le terme même de sociologie aussi bien que la référence à Comte. Dans la deuxième édition de sa Logik, et en particulier dans la partie consacrée à la Logik der Geisteswissenschaften (1895), même s’il critique le fait que Comte n’ait pas distingué entre sciences de la nature et sciences de l’esprit et ait rattaché la sociologie aux premières, W. Wundt le considère malgré tout comme un auteur digne d’être discuté et attribue à la sociologie une place dans son arbre des sciences56. Karl Lamprecht mobilise Comte dans un esprit polémique. Il compare le rôle central que l’historien G. Droysen, figure héroïque de ses adversaires, fait jouer à la volonté à celui que Comte et Buckle font jouer à l’intellectualisme. Tous trois partageraient une approche monocausale des faits humains57. Au sein de ce cercle, le chimiste W. Ostwald revendiquait haut et fort la référence à Comte. Ceci dit, c’était lui aussi en réaction au rejet que ses collègues de Heidelberg – notamment W. Windelband – exprimaient à l’encontre du sociologue français58. Comte et la sociologie jouent donc dans le paysage allemand des sciences sociales de la fin du XIXe siècle le rôle de révélateurs. La preuve en est que ceux-là mêmes qui se revendiquent alors d’Auguste Comte ou de la sociologie ont bien souvent eu un lien étroit avec Leipzig et son cercle positiviste. Paul Barth (1858-1922) est sans doute le meilleur exemple d’une telle proximité. Privatdozent de philosophie dans cette Université, il avait publié en 1897 un ouvrage sur la philosophie de l’histoire comme sociologie59 dans lequel il cherchait à faire en sorte que l’histoire accède au rang de science. L’ouvrage s’ouvre sur une critique virulente des Grenzen der naturwissenschaftlichen Begriffsbildung de Rickert qui venaient de paraître (1896) et dont l’une des cibles n’était autre que l’historiographie défendue par K. Lamprecht. P. Barth dénonce l’idée selon laquelle l’histoire aurait pour but de se plonger dans l’individuel. Tel n’est pas l’objet d’une science, tout au plus d’une conception esthétique60. Le savant doit mettre au jour le général (das Allgemeine)61. Barth identifie dès lors sociologie et philosophie de l’histoire et les redéfinit comme « une science des destins de l’espèce humaine »62. Dans le chapitre qu’il consacre à A. Comte, Barth est très élogieux et insiste sur la proximité entre sa pensée et celle de Wundt63. Dans un exercice commandé d’autobiographie intellectuelle rétrospective publié en 1920, P. Barth résume le propos de son ouvrage en disant que pour dépasser l’état de récit (Geschichtsschreibung) et accéder au rang de « science » (Geschichtswissenschaft), l’histoire devait se mettre à l’école de la « sociologie » de Comte et de Taine64 :

  • 65 Ibid., p. 7-8 : « Die Geschichte als Wissenschaft oder die Philosophie der Geschichte kann durchaus (...)

« L’histoire comme science ou la philosophie de l’histoire ne peut suivre comme son modèle que la science de la nature, elle vise à montrer certaines étapes du développement de certains peuples et à établir que ce qui, en elles, coïncide, est une loi “empirique”.
La sociologie se fixe le même objectif, simplement elle ne souligne pas seulement les changements comme le fait la philosophie de l’histoire, elle a aussi une division “statique” qui cherche sur quelles raisons reposent la durée, la solidité de certaines situations, par exemple de certains rapports de classes »65.

  • 66 P. Barth, Philosophie der Geschichte, p. 213-214.

44Comte et la sociologie ne sont toutefois pas des objets en soi. Ils étaient avant tout mobilisés dans la querelle qui divisait les historiens allemands. Barth s’y érigeait en défenseur de K. Lamprecht et critiquait vertement ceux qui s’opposaient à lui. Il décrivait la situation allemande comme dominée par le « parti individualiste », rejetant toute idée de loi de l’histoire et faisant du point de vue individuel la particularité irréductible de cette science. Il l’opposait à la science française où les droits du « collectivisme » auraient déjà été reconnus66.

  • 67 Dirigée par Abroteles Eleutheropoulos (dont il est question plus loin), cette dernière fut intégrée (...)
  • 68 P. Barth, « Zur Einführung der neuen Folge dieser Zeitschrift », Vierteljahrsschrift für wissenscha (...)

45En 1899, P. Barth devenait l’éditeur de la revue fondée par R. Avenarius : Vierteljahrschrift für wissenschaftliche Philosophie et la renommait en 1902 (titre qu’elle conservera jusqu’en 1916) : Vierteljahrschrift für wissenschaftliche Philosophie und Soziologie. Elle était alors la seule revue du monde germanophone à comprendre dans son titre le terme de « Soziologie » et le restera jusqu’en 1916 (à l’exception de l’année 1909 où une éphémère Monatsschrift für Soziologie fut publiée67). Dans un bref éditorial publié en 1902, Barth justifiait ce nouveau titre – qui a dû paraître très iconoclaste à bien des philosophes de l’époque – en affirmant que loin d’être arbitraire la coordination de la philosophie et de la sociologie renvoyait à une nécessité : celle qui unit le savoir à la vie. La sociologie permettrait selon lui de répondre à des questions contemporaines laissées sans réponse par les autres sciences comme : « comment peut-on maintenir la vie en commun des hommes ? Qu’est-ce que le socialisme, qu’est-ce que l’individualisme ? Auquel des deux ou si les deux sont impliqués, selon quel mélange l’avenir leur appartient-il ? »68.

  • 69 PBarth, « Zur Einführung der neuen Folge dieser Zeitschrift », p. VI.
  • 70 Demetrius Gusti, Egoismus und Altruismus. Zur soziologischen Motivation des praktischen Wollens, Le (...)

46Gustav Ratzenhofer était lui aussi en lien avec Leipzig et certains des membres du cercle positiviste. Bien que militaire de profession, il remercie chaleureusement dans sa Soziologische Erkenntnis (connaissance sociologique) sous-titrée « Positive Philosophie des socialen Lebens » (philosophie positive de la vie sociale) (1898) deux autorités dont il rappelle qu’elles exercent à Leipzig : W. Wundt et F. Ratzel69. Plus loin dans son livre, il expose de façon détaillée la loi des trois états d’A. Comte et se revendique d’elle. L’ouvrage de Demetrius Gusti (Egoismus und Altruismus. Zur soziologischen Motivation des praktischen Wollens) est, quant à lui, issu d’un doctorat soutenu à l’Université de Leipzig en 1904 et réalisé sous la direction de W. Wundt70.

  • 71 Wilhelm Ostwald, prix nobel de chimie (1909) et thuriféraire de Comte en deviendra même le présiden (...)
  • 72 Sur ce point, voir W. Feuerhahn, « Genèse polémique », à paraître.
  • 73 Rudolf Eisler, Soziologie. Die Lehre von der Entstehung und Entwickelung der menschlichen Gesellsch (...)
  • 74 Sur cette collection, voir Katharina Neef, Die Entstehung der Soziologie aus der Sozialreform : ein (...)

47Initié à Iéna par Ernst Haeckel en 1906, le mouvement moniste (Deutscher Monistenbund) qui promouvait un panthéisme défenseur d’une religion naturelle a assez rapidement séduit un certain nombre de membres du cercle positiviste et ajouté une connotation supplémentaire au terme de « sociologie »71. Rudolf Eisler (1873-1926) est sans doute un cas emblématique de l’association entre la pensée de Wundt, le monisme, la sociologie et la volonté de faire de Leipzig une université où les sciences de l’esprit pourraient dégager des lois sans renier la spécificité ontologique des faits qu’elles étudient (ce que Wundt nomme « synthèse créatrice »72). Après avoir soutenu une thèse de doctorat sous la direction de Wundt et défini la sociologie comme une « science de l’esprit » qui relève du principe wundtien de « jugement subjectif »73, Eisler devait fonder la première collection comprenant dans son titre le terme de sociologie (« Philosophisch-soziologische Bücherei » à Leipzig chez l’éditeur Klinkhardt) et y publier les Règles de la méthode sociologique de Durkheim en 190874.

  • 75 Voir Heinrich Waentig, Die Vorläufer Auguste Comtes. Inaugural-Dissertation der hohen philosophisch (...)
  • 76 H. Waentig, Die Vorläufer, p. 43. Dans la préface (Vorwort, non paginé) à l’ouvrage qu’il publia la (...)
  • 77 H. Waentig, Auguste Comte und seine Bedeutung für die Entwicklung der Socialwissenschaft, Leipzig : (...)
  • 78 H. Waentig, Auguste Comte, p. 13.
  • 79 H. Waentig, op. cit., p. 15.
  • 80 H. Waentig, op. cit., p. 13. La conclusion s’intitule « Zur Würdigung Auguste Comtes » (Éloge d’Aug (...)
  • 81 H. Waentig, Auguste Comte, p. 322, 328.
  • 82 H. Waentig, op. cit., p. 12.
  • 83 Auguste Comte, Soziologie, trad. Valentine Dorn, vol. 1, Jena, G. Fischer Verlag, 1907, p. VIII.
  • 84 A. Comte, Soziologie, trad. V. Dorn, vol. 1, p. X.
  • 85 Ibid.
  • 86 A. Comte, Soziologie, trad. V. Dorn, vol. 1, p. XI.
  • 87 A. Comte, op. cit., p. XII. Après la Première guerre mondiale, H. Waentig devint membre du parti so (...)

48Mais Leipzig a aussi donné naissance à une étude historique de la sociologie comtienne. Signe de la légitimité du sujet dans cette Université, une thèse portant sur la vie et l’enseignement d’Auguste Comte (Leben und Lehre Auguste Comtes) fut en effet soutenue devant la faculté de philosophie en 189375. Dans l’autobiographie qui clôt le premier livre publié en 1894, son auteur, Heinrich Waentig (1870-1943) affirme avoir travaillé sous la direction de Lujo Brentano, professeur ordinaire d’économie politique, de science financière et d’histoire économique (Nationalökonomie, Finanzwissenschaft und Wirtschaftsgeschichte) à Leipzig de 1889 à 1891, de son successeur, le professeur d’économie politique August von Miaskowski, véritable directeur de la thèse, et à nouveau de Wilhelm Wundt76. L’ouvrage de Waentig qui sera l’un des plus constants défenseurs de la sociologie comtienne en Allemagne, issu d’un profond remaniement de sa thèse et intitulé : Auguste Comte und seine Bedeutung für die Entwicklung der Socialwissenschaft (Auguste Comte et son importance pour le développement des sciences sociales)77 ne comporte certes pas le terme de « sociologie », mais dès l’introduction l’auteur se fixe pour objectif de défendre la légitimité de la naissance de cette science, un « enfant qui cause beaucoup de soucis » (Sorgenkind) que certains considèrent même comme un « cadeau empoisonné » (Danaergeschenk) du XIXe siècle, un siècle que Waentig caractérise d’ailleurs comme « socio-historique » (social-historisch)78. La sociologie, étant d’emblée présentée comme le produit de la pensée d’Auguste Comte, après avoir rappelé l’œuvre de ceux qu’il considère comme ses « prédécesseurs » dans le domaine (d’Héraclite à Condorcet)79, Waentig s’engage dans un éloge de l’homme et de l’œuvre et dans sa défense contre ses critiques allemands, en particulier W. Dilthey80. Le prisme de Leipzig se manifeste lorsque Waentig associe systématiquement des éloges de W. Wundt à ses critiques de Dilthey et de Carl Menger81. Malgré ces prises de position favorables à Comte, Waentig eut une carrière académique beaucoup plus rapide que F. Tönnies ou G. Simmel. Dès 1899, il devint professeur ordinaire de sciences politiques (Staatswissenschaften) à l’Université de Greifswald. À l’automne 1902 il obtenait un poste équivalent (wirtschaftliche Staatswissenschaften) à Münster avant d’occuper, à partir de 1904, celui de professeur d’économie politique (Nationalökonomie) à l’Université de Halle. L’année précédente (1903), il avait fondé une collection intitulée Sammlung sozialwissenschaftlicher Meister (collection des maîtres des sciences sociales) chez l’éditeur G. Fischer à Iéna. Choisir une maison d’édition si étroitement associée à une Université qui détonnait dans le paysage académique allemand n’était pas anodin. Iéna était en effet depuis les années 1860, par l’intermédiaire du professeur de zoologie Ernst Haeckel, l’un des rares centres académiques d’implantation en Allemagne du darwinisme, une doctrine par ailleurs très vivement critiquée. Waentig qui avait déjà loué dans son ouvrage sur Comte le développement de la « vision évolutionniste du monde » comme l’un des principaux acquis du XIXe siècle82 choisissait ainsi un camp bien précis sur le champ de bataille scientifique allemand. Dans cette collection qui avait vocation à créer un panthéon pour ces sciences sociales balbutiantes et fortement méprisées, Waentig publia entre 1907 et 1911 trois volumes des Leçons de philosophie positive d’A. Comte sous le titre Soziologie. Dans son introduction, il y déplore une nouvelle fois le peu d’influence de l’œuvre de Comte en Allemagne83. Pour contrer cette tendance, il souligne son rôle de fondateur d’une « nouvelle science de la réalité historico-sociale » à une époque où Goethe expliquait encore que l’histoire du monde est « la plus absurde qui soit »84. Faire valoir l’avance de Comte sur Goethe dans une Allemagne où le culte de l’auteur de Faust faisait partie de l’habitus national avait de quoi scandaliser. Mais l’objectif de H. Waentig allait au-delà d’un « intérêt purement historique »85. Il louait dans son œuvre le fait que « face au matérialisme économique il ait souligné le primat de l’esprit »86 et rappelait la vision de l’avenir qu’autorise la victoire du positivisme : « l’alliance pacifique de tous les peuples en un seul sans toutes les mesures contraignantes de l’économie coopérative dirigée par les grands industriels en tant que ce sont de grands capitalistes ». Waentig esquisse à vrai dire un horizon intellectuel quelque peu différent. Soulignant en effet le caractère univoque de la loi des trois états qui donne la priorité aux explications intellectuelles, il propose de l’équilibrer à l’aide de ce qu’il présente comme la position symétrique, celle de Marx qui considère « la culture de l’esprit comme une fonction de l’économie ». Et Waentig de conclure par une question qui ne pouvait que susciter le débat dans le monde académique germanophone de l’époque : « L’avenir sera-t-il une synthèse de Comte et de Marx ? »87.

  • 88 Sur l’institutionnalisation des premières chaires de sociologie en Allemagne après la Première guer (...)

49Cette description de la situation à Leipzig ne doit pas laisser penser que cette université était particulièrement favorable à la sociologie. Comme ailleurs en Allemagne, aucune chaire comportant cet intitulé n’y fut créée avant la Première guerre mondiale88.

  • 89 J. Surman, Zwischen Sozialismus. Onze des soixante-deux ouvrages « sociologiques » répertoriés ont (...)
  • 90 Ceci ne doit pas laisser penser à une opposition radicale entre les deux sociétés (dont l’histoire (...)

50Il ressort de l’analyse menée par Jan Surman que l’espace austro-hongrois ou même ce qui deviendra l’Autriche après la Première guerre mondiale, n’a pas présenté un tableau bien différent89. Il montre en effet que L. Gumplowicz est resté très isolé, tant à l’échelle interuniversitaire qu’à celle de l’Université de Graz même. Une société de sociologie fut certes créée dans cette université, mais cela eut lieu en 1908 au même moment que la société allemande de sociologie. Qui veut chercher une antériorité du monde austro-hongrois peut la trouver dans le fait que c’est à Vienne que fut mise sur pied la première société de sociologie, en 1907. Sur ce point, la différence est notable avec la société allemande de sociologie puisqu’elle avait été créée par des savants qui revendiquaient une proximité avec la social-démocratie90.

  • 91 Markus Zürcher, Unterbrochene Tradition. Die Anfänge der Soziologie in der Schweiz, Zürich : Chrono (...)
  • 92 Les informations relatives à L. Stein qui suivent sont empruntées à M. Zürcher, Unterbrochene Tradi (...)
  • 93 L. Stein publia dans cette collection 75 titres entre 1896 et 1913 (M. Zürcher, Unterbrochene Tradi (...)
  • 94 M. Zürcher, Unterbrochene Tradition, p. 76 et 74.
  • 95 M. Zürcher, op. cit., p. 72-73.
  • 96 M. Zürcher, op. cit., p. 77.
  • 97 M. Zürcher, op. cit., p. 78.

51Le cas de la Suisse semble répéter à l’échelle confédérale l’opposition franco-allemande au sujet de la sociologie. Comme l’a montré Markus Zürcher, alors que les universités de Genève et de Lausanne ont dès la fin du XIXe siècle créé les premières chaires de sociologie, Berne et Zurich s’y sont très longtemps opposés91. Il montre surtout que dans l’espace germanophone l’existence d’enseignements de sociologie tenait au tournant du siècle avant tout à des individualités. Le cas de l’Université de Berne est sans doute le plus éloquent. Y avait été élu à une chaire de philosophie Ludwig Stein (1859-1930)92. Né en Hongrie, de parents juifs, Stein avait d’abord exercé comme rabbin à Berlin avant de s’installer en Suisse et de soutenir une habilitation à l’Université de Zurich. Disposant d’une grande fortune, de soutiens politiques importants (la famille von Bülow notamment), il devait se faire le promoteur de la sociologie au cours de la vingtaine d’années au cours desquelles il exerça. La collection qu’il dirigeait « Berner Studien zur Philosophie und ihrer Geschichte » et dans laquelle il publiait les travaux de ses étudiants en doctorat édita trois ouvrages sociologiques entre 1899 et 190793. Stein se faisait le promoteur d’un « optimisme social » contre ce qu’il considérait comme le « pessimisme » nietzschéen qu’il combattait vivement94. Critique du déterminisme, il cherchait à dégager une « téléologie immanente » aux faits sociaux qu’il s’agissait de cultiver en promouvant la paix entre les hommes. La sociologie avait en effet une tâche politico-éthique à remplir. Et Stein réunissait régulièrement dans sa villa des personnalités du monde politique suisse95. Il définissait sa sociologie comme un juste milieu entre Spencer et Marx, évitant l’individualisme extrême de l’un et le socialisme de l’autre96. D’un point de vue méthodologique, prenant acte de l’opposition défendue par Windelband entre sciences nomothétiques et sciences idiographiques, il voyait dans la sociologie la science capable de réunir les deux. Il affirmait en effet qu’elle pouvait dégager des lois empiriques tout en reconnaissant que ces dernières ne sauraient avoir de valeur absolue, mais seulement comparative97. Contraint pour des raisons restées jusqu’à nos jours obscures de démissionner de son poste de professeur en 1910, l’Université de Berne devait cesser pendant quinze ans de proposer quelque cours de sociologie que ce soit. Ainsi disparaissait dans le paysage germanophone l’une des rares terres accueillantes pour la sociologie.

Conclusion

52La méfiance vis-à-vis du terme de « sociologie » dans le monde germanophone aura la vie longue. Elle persistera par-delà la création de la société allemande de sociologie et la Première guerre mondiale. Les griefs formulés dès les années 1880 restèrent vivaces dans les esprits. Dans un monde à peine sorti de la débâcle, la proximité du concept avec les sciences de la nature, son appellation d’origine française et son évocation du socialisme constituaient des obstacles quasi insurmontables.

  • 98 Cf. W. Lepenies, Les trois cultures, p. 245-249.
  • 99 Olivier Agard, « Situation de la sociologie schélerienne », in G. Raulet (dir.), Max Scheler. L’Ant (...)
  • 100 O. Agard, « Situation de la sociologie schélerienne », p. 165. Voir aussi W. Feuerhahn, « “L’homme (...)
  • 101 Dirk Käsler, « Der Streit um die Bestimmung der Soziologie auf den deutschen Soziologentagen 1910 b (...)

53Tout au long des années 1920 la politique de démocratisation de l’université s’était traduite par la volonté de créer des chaires de « sociologie ». Promue par Carl Heinrich Becker, sous-secrétaire d’État de Prusse chargé des affaires universitaires, elle se heurta à de vives résistances98. Certains s’y opposèrent frontalement. Ce fut le cas de l’historien Georg von Below. D’autres se firent les chantres d’une irréductible spécificité allemande. Olivier Agard a ainsi justement rappelé que Max Scheler, l’un des premiers titulaires d’une chaire comportant dans son intitulé le terme de « sociologie », reconnaissait certes l’importance du positivisme et de Comte99, mais il cherchait avant tout un juste milieu entre ce qu’il nommait la « sociologie occidentale » et les « pan-vitalismes et les néo-romantismes anti-modernes »100. Ceci lui permettait de continuer à affirmer une singularité de la sociologie allemande. Par-delà les divergences doctrinales entre les dits « sociologues », un événement témoigne de la méfiance persistante à l’encontre d’une sociologie considérée comme franco-britannique. Lors d’un congrès organisé par la société allemande de sociologie à Heidelberg en 1924 et au cours duquel il avait présenté son projet de sociologie du savoir, Max Scheler, titulaire de la chaire de « philosophie et sociologie » de la nouvelle Université de Cologne, se vit reprocher par Alfred Weber, professeur à Heidelberg, de se contenter d’une sociologie « entre guillemets », trop proche de la « philosophie »101. La critique était particulièrement cocasse dans la bouche de celui qui défendait alors une Kultursoziologie volontairement distinguée d’une sociologie de la Zivilisation trop proche à ses yeux des habitudes françaises. Dans un contexte où la sociologie s’institutionnalisait, l’on cherchait donc une voie nationale singulière. Cinquante années plus tard, l’hostilité au mouvement étudiant de la fin des années 1960 allait conduire le très conservateur Helmut Schelsky à réactiver ces topoï et à tenter de faire de l’Allemagne une terre propice au développement de l’Antisoziologie.

Haut de page

Bibliographie

Agard Olivier : « Situation de la sociologie schélérienne », in Raulet Gérard (dir.), Max Scheler : l’anthropologie philosophique en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, Paris : Éditions de la MSH, 2002, p. 158-182.

Baier Horst, « Die Gesellschaft – Ein langer Schatten des toten Gottes. Friedrich Nietzsche und die Entstehung der Soziologie aus dem Geist der Décadence », Nietzsche-Studien 10-11, 1981-82, p. 6-33.

Barth Paul, Die Philosophie der Geschichte als Sociologie, 1. Teil : Einleitung und kritische Übersicht, Leipzig : O. R. Reisland, 1897.

Barth Paul, « Zur Einführung der neuen Folge dieser Zeitschrift », Vierteljahrsschrift für wissenschaftliche Philosophie und Soziologie, 26. Jahrgang, Neue Folge I, 1902, p. VII-VIII.

Barth Paul, « Paul Barth », in Schmidt Raymundt, Die deutsche Philosophie der Gegenwart in Selbstdarstellungen, Leipzig : F. Meiner, vol. 1, p. 1-20.

Berlan Aurélien, La fabrique des derniers hommes, Paris : La découverte, 2012.

Bond Niall, « Ferdinand Tönnies and western european positivism », Intellectual History Review, 19(3), 2009, 353-370.

Breuer Stefan, « De Tönnies à Weber. Sur l’existence d’un ‘courant allemand’ en sociologie » in Colliot-Thélène Catherine & Kervégan Jean-François, De la société à la sociologie, Lyon : ENS Éditions, 2002, p. 121-147.

Chickering Roger, « Der “Leipziger Positivismus” », Comparativ, Heft 3/1995, p. 20-31.

Chickering Roger, « Das Leipziger “Positivisten-Kränzchen” um die Jahrhundertwende », in Hübinger Gangolf, vom Bruch Rüdiger, Graf Friedrich Wilhelm (dir.), Kultur und Kulturwissenschaften um 1900 II : Idealismus und Positivismus, Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 1995, p. 227-245.

Colliot-Thélène Catherine, Le désenchantement de l’État. De Hegel à Max Weber, Paris : Minuit, 1992.

Colliot-Thélène Catherine & Kervégan Jean-François (dir.), De la société à la sociologie, Lyon : ENS Éditions, 2002.

Comte Auguste, Soziologie, trad. du français par Dorn Valentine, vol. 1, Jena, G. Fischer Verlag, 1907.

Dilthey Wilhelm, Gesammelte Schriften, I. Band : Einleitung in die Geisteswissenschaften, Leipzig und Berlin : Teubner, 1959, 9e éd. : 1990.

Eisler Rudolf, Soziologie. Die Lehre von der Entstehung und Entwickelung der menschlichen Gesellschaft, Leipzig : Weber, 1903.

Feuerhahn Wolf, « “Œuvrer pour l’unité de la connaissance humaine”, le Congress of Arts and Science de Saint Louis (1904) », in Feuerhahn Wolf & Rabault-Feuerhahn Pascale (dir.), La fabrique internationale de la science : les congrès scientifiques de 1865 à 1945, Revue germanique internationale, n°12/2010, p. 139-157.

Feuerhahn Wolf, « “L’homme tout entier” (der ganze Mensch) : un mot d’ordre philosophique des sciences de l’esprit allemandes », in Carroy Jacqueline, Richard Nathalie, Vatin François (dir.), L’homme des sciences de l’homme. Une histoire transdisciplinaire, Nanterre : Presses Universitaires de Paris Ouest, 2013, p. 215-231.

Feuerhahn Wolf, « Zwischen Individualismus und Sozialismus : Durkheims Soziologie und ihr deutsches Pantheon » in Hübinger Gangolf (Hg.), Europäische Wissenschaftskulturen und politische Ordnungen in der Moderne (1890-1970), Munich, R. Oldenbourg Verlag, Schriften des Historischen Kollegs / Kolloquien 87, 2014, p. 79-98.

Feuerhahn Wolf, « Genèse polémique de la conception wébérienne de la science », in Weber Max, Problèmes logiques des sciences historiques de la culture, Paris : Vrin, à paraître en 2014.

Feuerhahn Wolf, « “Sciences humaines” (XIXe siècle) », in Christin Olivier (dir.), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, vol. 2, Paris : Métailié, à paraître en 2014.

Feuerhahn Wolf, « Sciences de la nature versus sciences de l’esprit. Un conflit allemand des facultés », in Bourdeau Vincent & Macé Arnaud (dir.), La Pensée sociale et la nature au XIXe siècle, Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, à paraître en 2014.

Fornari Maria Cristina, Die Entwicklung der Herdenmoral. Nietzsche liest Spencer und Mill, Wiesbaden : Harassowitz Verlag, 2009.

Fuchs Eckhardt, Henry Thomas Buckle : Geschichtschreibung und Positivismus in England und Deutschland, Leipzig : Leipziger Universitätsverlag, 1994.

Grange Juliette, « Expliquer et comprendre de Comte à Dilthey », in Zaccaï-Reyners Nathalie (dir.), Explication – Compréhension. Regards sur les sources et l’actualité d’une controverse épistémologique, Bruxelles : Éditions de l’Université de Bruxelles, 2003, p. 13-34.

Guilhaumou Jacques, « Sieyès et le non-dit de la sociologie : du mot à la chose », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 15, 2006, p. 117-134.

Gumplowicz Louis (Ludwig), La lutte des races : recherches sociologiques, trad. Baye Charles, Paris : Guillaumin, 1893.

Gusti Demetrius, Egoismus und Altruismus. Zur soziologischen Motivation des praktischen Wollens, Leipzig : 1903.

Käsler Dirk, « Der Streit um die Bestimmung der Soziologie auf den deutschen Soziologentagen 1910 bis 1930 », in König R., Neidhardt, F. Lepsius R. M., Soziologie in Deutschland und Österreich von 1918 bis 1945. Materialien zu Entwicklung, Emigration und Wirkungsgeschichte, Kölner Zeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie, Sonderheft 23, 1981, p. 199-244.

Käsler Dirk, Die frühe deutsche Soziologie 1909 bis 1934 und ihre Entstehungs-Milieus. Eine wissenschaftssoziologische Untersuchung, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1984.

Köhnke Klaus Christian, Der junge Simmel - in Theoriebeziehungen und sozialen Bewegungen, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1996.

Kruse Volker, « Max Weber, der Anti-Soziologe » in Merz-Benz Peter-Ulrich & Wagner Gerhard (dir.) : Soziologie und Anti-Soziologie. Ein Diskurs und seine Rekonstruktion, Konstanz : UVK, 2001, p. 37-60.

Lamprecht Karl, Alternative zu Ranke. Schriften zur Geschichtstheorie, Leipzig : Reclam, 1988.

Lepenies Wolf, Les trois cultures. Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, trad. Plard Henri, Paris : Éditions de la MSH, 1997.

Lepsius M. Rainer, « Max Weber und die Gründung der Deutschen Gesellschaft für Soziologie », Transnationale Vergesellschaftungen. Verhandlungen des 35. Kongresses der Deutschen Gesellschaft für Soziologie in Frankfurt am Main 2010, 2012, p. 775-785.

Lichtblau Klaus, « Soziologie und Anti-Soziologie um 1900. Wilhelm Dilthey, Georg Simmel und Max Weber » in Merz-Benz Peter- Ulrich & Wagner Gerhard (dir.) : Soziologie und Anti-Soziologie. Ein Diskurs und seine Rekonstruktion, Konstanz : UVK, 2001, p. 17-35.

Lichtblau Klaus, Kulturkrise und Soziologie um die Jahrhundertwende. Zur Genealogie der Kultursoziologie in Deutschland, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1996.

Merz-Benz Peter-Ulrich & Wagner Gerhard (dir.) : Soziologie und Anti-Soziologie. Ein Diskurs und seine Rekonstruktion, Konstanz : UVK, 2001.

Mesure Sylvie, Dilthey et la fondation des sciences historiques, Paris : P.U.F., 1990.

Mosbah-Natanson Sébastien, « La sociologie comme “mode” ? Usages éditoriaux du label “sociologie” en France à la fin du XIXe siècle », Revue française de sociologie, 52-1, 2011, p. 103-132.

Neef Katharina, Die Entstehung der Soziologie aus der Sozialreform : eine Fachgeschichte, Frankfurt am Main : Campus Verlag, 2012.

Nietzsche Friedrich, Götzen-Dämmerung. Kritische Studienausgabe, éditée par Colli G. & Montinari M., Berlin : De Gruyter, vol. 6.

Nietzsche Friedrich, Crépuscule des idoles, traduit par Hémery Jean-Claude, Paris : Gallimard-Folio, 1974.

Ostwald Wilhelm, Lebenslinien – Eine Selbstbiographie, nach der Ausgabe von 1926/27 überarbeitet und kommentiert von Hansel Karl, Stuttgart, Leipzig : Verlag der Sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig, in Kommission bei S. Hirzel, 2003.

Panckoke Eckart, « Soziologie ; Gesellschaftswissenschaft », in Brunner Otto, Conze Werner, Koselleck Reinhart (dir.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 5, Stuttgart : Klett-Cotta, 1984, p. 997-1032.

Rammstedt Otthein, « Editorischer Bericht », in Simmel Georg, Gesamtausgabe, vol. 11 : Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, herausgegeben von Rammstedt Otthein, Frankurt am Main : Suhrkamp, 1992, p. 877-905.

Rehberg Karl-Siegbert, « Das Unbehagen an der Soziologie », in Kneer Georg & Moebius Stephan (dir.) : Soziologische Kontroversen. Beiträge zu einer anderen Geschichte der Wissenschaft vom Sozialen, Frankfurt am Main : Surhrkamp, 2010, p. 217-253.

Rickert Heinrich, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft. Ein Vortrag, Freiburg i. Br., Leipzig, Tübingen : Mohr – Siebeck, 1899.

Rickert Heinrich, Die Grenzen der naturwissenschaftlichen Begriffsbildung. Eine logische Einleitung in die historischen Wissenschaften, Tübingen, Leipzig : Mohr – Siebeck, 1902.

Schäffle Albert Friedrich, Bau und Leben des socialen Körpers. Encyclopädischer Entwurf einer realen Anatomie, Physiologie und Psychologie der menschlichen Gesellschaft mit besonderer Rücksicht auf die Volkswirtschaft als socialen Stoffwechsel, Tübingen : Laupp, 1875.

Simmel Georg, « Le problème de la sociologie », Revue de métaphysique et de morale, 1894, p. 497-504.

Simmel Georg, Gesamtausgabe, vol. 22 : Briefe 1880-1911, bearbeitet und herausgegeben von Köhnke Klaus Christian, Frankurt am Main : Suhrkamp, 2008.

Schelsky Helmut, Die Arbeit tun die anderen. Klassenkampf und Priesterherrschaft der Intellektuellen, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1975.

Schelsky Helmut, Rückblicke eines „Anti-Soziologen“, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1981.

Surman Jan, « Zwischen Sozialismus und Gesellschaftslehre. Die ‘Disziplinierung’ der Soziologie in Österreich vor 1918 », Diplomarbeit zur Erlangung des Magistergrades der Sozial- und Wirtschaftswissenschaften an der Fakultät für Sozialwissenschaften der Universität Wien, Vienne : juin 2006.

Tönnies Ferdinand, Gemeinschaft und Gesellschaft : Abhandlung des Communismus und des Socialismus als empirischer Culturformen, Leipzig : R. Reisland, 1887.

Tönnies Ferdinand, Gemeinschaft und Gesellschaft : Grundbegriffe der reinen Soziologie, 2. erheblich veränd. u. verm. Aufl. – Berlin : Curtius, 1912.

Tönnies Ferdinand, Soziologische Studien und Kritiken, Jena : G. Fischer, 1925.

Treitschke Heinrich von, Die Gesellschaftswissenschaft. Ein kritischer Versuch, Leipzig : Hirzel, 1859.

Waentig Heinrich, Die Vorläufer Auguste Comtes. Inaugural-Dissertation der hohen philosophischen Fakultät der Universität Leipzig vorgelegt zur Erlangung der Doktorwürde, Leipzig : 1894.

Waentig Heinrich, Auguste Comte und seine Bedeutung für die Entwicklung der Socialwissenschaft, Leipzig : Verlag von Duncker & Humblot, 1894.

Weber Max, Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen : Mohr – Siebeck, 7e éd., 1988.

Weber Max, Vollständige Schriften zu wissenschaftlichen und politischen Berufen, herausgegeben von John Dreijmanis, Bremen, Europäischer Hochschulverlag, 2012.

Wundt Wilhelm, Logik. Eine Untersuchung der Principien der Erkenntniss und der Methoden wissenschaftlicher Forschung, vol. 2 : Methodenlehre, 2. umgearbeitete Auflage, Suttgart : Verlag von Ferdinand Enke, 1895.

Zürcher Markus, Unterbrochene Tradition. Die Anfänge der Soziologie in der Schweiz, Zürich : Chronos Verlag, 1995.

Haut de page

Annexe

Liste des ouvrages publiés en langue allemande jusqu’en 1908 dont les titres comprennent les substantifs « Sociologie »/« Soziologie » ou les adjectifs « sociologisch » / « soziologisch » :

1875, Spencer, Herbert, Einleitung in das Studium der Sociologie, Leipzig, Brockhaus. Trad. Heinrich Marquadsen.

1877, Spencer, Herbert, System der synthetischen Philosophie : Die Principien der Sociologie. Bd 1 = Bd 6 des Gesamtwerkes ; Bd 2 = Bd 7, Stuttgart, Schweizerbart. Trad. Benjamin Vetter.

1883, Gumplowicz, Ludwig, Der Rassenkampf : Sociologische Untersuchungen, Innsbruck, Wagner.

1884, Schmidt-Warneck, Fedor, Die Sociologie Fichte’s, Berlin, Puttkammer & Mühlbrecht.

1885, Gumplowicz, Ludwig, Gumplowicz, Ludwig, Grundriss der Sociologie, Wien, Manz.

1889, Schmidt-Warneck, Fedor, Die Sociologie im Umrisse ihrer Grundprincipe, Braunschweig, à compte d’auteur.

1889, Spencer, Herbert, System der synthetischen Philosophie : Die Principien der Sociologie ; Bd 3 = Bd 8 des Gesamtwerkes, Stuttgart, Schweizerbart. Trad. Benjamin Vetter.

1890, Simmel, Georg, Über sociale Differenzierung : sociologische und psychologische Untersuchungen, Leipzig, Duncker & Humblot.

1891, Spencer, Herbert, System der synthetischen Philosophie : Die Principien der Sociologie ; Bd 4 ; Abt. 1 : Kirchliche Einrichtungen = Bd 9 des Gesamtwerkes, Stuttgart, Schweizerbar. Trad. Benjamin Vetter.

1892, Gumplowicz, Ludwig, Die sociologische Staatsidee, Graz, Leuschner & Lubensky. 2e éd. augmentée en 1902.

1892, Gumplowicz, Ludwig, Soziologie und Politik, Leipzig, Duncker & Humblot.

1893, Ratzenhofer, Gustav, Wesen und Zweck der Politik : als Theil der Sociologie und Grundlage der Staatswissenschaften ; Bd 1 : Die sociologische Grundlage : 1. Die Politik im allgemeinen ; 2. Die Politik im Staate, Leipzig, Brockhaus.

1894, Raspi, Eugen (mitgeteilt von), Emancipiert : Nach den Aufzeichnungen eines Prof. der Sociologie für eine Dame des 20. Jh., Zürich, Verl.-Magazin.

1895, Lombroso, Cesare, Die Anarchisten : eine kriminalpsychologische und sociologische Studie, Hamburg, Verl.-Anst. und Dr. (Richter). Trad. Hans Kurella.

1896, Schaeffle, Albert F., Bau und Leben des socialen Körpers ; Bd 1 : Allgemeine sociologie ; Bd 2 : Specielle Sociologie, Tübingen, Laupp.

1896, Spencer, Herbert, Einleitung in das Studium der Sociologie, Leipzig, Brockhaus. Trad. Heinrich Marquadsen Teil 1 u. 2 in einem Bd, 2e éd. augmentée.

1896, Ferri, Enrico, Das Verbrechen als sociale Erscheinung : Grundzüge der Kriminal-Sociologie, Leipzig, Wigand. Trad. Hans Kurella. Collection : « Bibliothek für Socialwissenschaft mit bes. Rücksicht auf sociale Anthropologie und Pathologie ».

1896, Eberle, Carl, Grundzüge der Sociologie z. Einführung in d. sociale Frage u. als Grundlage f. socialwissenschaftl. Vorträge, Flums, à compte d’auteur.

1897, Spencer, Herbert, System der synthetischen Philosophie : Die Principien der Sociologie ; Bd 4 ; Abt. 2 : Professionelle und kirchliche Einrichtungen = Bd 9 des Gesamtwerkes, Stuttgart, Schweizerbart. Trad. Benjamin Vetter.

1897, Kriegsmann, Georg, Grundsätzliche Bemerkungen über Sociologie und Politik, Wandsbeck, F. Pavogel.

1897, Barth, Paul, Die Philosophie der Geschichte als Sociologie, Leipzig, Reisland.

1898, Lilienfeld, Paul von, Zur Vertheidigung der organischen Methode in der Sociologie, Berlin, Reimer.

1898, Ratzenhofer, Gustav, Die sociologische Erkenntnis ; Positive Philosophie d. socialen Lebens, Leipzig, Brockhaus.

1898, Harpf, Adolf, Zur Lösung der brennendsten Rassenfrage der heutigen europäischen Menschheit : eine soziologische Studie mit einem Anhange zur Begründung der Sozialethik, Wien, Breitenstein.

1899, Schweiger, Lazarus, Philosophie der Geschichte, Völkerpsychologie und Sociologie in ihren gegenseitigen Beziehungen, Bern, Sturzenegger. Diss. (Bern). Collection de L. Stein : « Berner Studien zur Philosophie und ihrer Geschichte ».

1899, Reichesberg, Naúm (Dr. jur., ao Prof. à Bern), Die Sociologie, die Sociale Frage und der sogenannte Rechtssocialismus : Eine Auseinandersetzung mit Herrn Prof. Dr. Ludwig Stein, Vf. Des Buches : ‚Die soziale Frage im Lichte der Philosophie‘, Bern, Steiger & Co.

1899, Günther, Carl, Das Recht der Frau auf Arbeit : eine soziologische Betrachtung, Berlin, Leipzig, Wattenbach.

1899, Gumplowicz, Ludwig, Soziologische Essays, Innsbruck, Wagner.

1900, Willenbücher, Heinrich, Guyaus soziologische Aesthetik, Mainz, Prickarts.

1901, Gerhard, Adele & Simon, Helene, Mutterschaft und geistige Arbeit ; Eine psychologische u. soziologische Studie auf Grundlage e. internationalen Erhebung mit Berücksichtigung der geschichtlichen Entwicklung, Berlin, G. Reimer. 2e éd. inchangée en 1908.

1901, Hesse, Albert, Der Begriff der Gesellschaft in Spencer’s Soziologie, Iéna, Frommann.

1901, Loria, Achille, Die Soziologie ; Ihre Aufgabe, ihre Schulen u. ihre neuesten Fortschritte ; Vorträge gehalten an der Universität Padua im Januar bis Mai 1900, Iéna, Fischer. Trad. de l’italien Clemens Heiss.

1901, Quarch, Edmund Wilh., Zur Geschichte und Entwickelung der organischen Methode der Sociologie, Berne, Sturzenegger. Diss. (Berne), Collection de L. Stein : « Berner Studien zur Philosophie und ihrer Geschichte ».

1902, Gumplowicz, Ludwig, Die sociologische Staatsidee, Innsbruck, Wagner. 2e éd. augmentée.

1902, Dr. Kelles-Krauz, Casimir v. (Prof. in Brüssel), Die Sociologie im 19. Jahrhundert, Berlin, Aufklärung. N’est pas une traduction.

1903, Zenker, Ernst Viktor, Die Gesellschaft : Bd 2 : Die sociologische Theorie, Berlin, Reimer.

1903, Eisler, Rudolf, Soziologie : die Lehre von der Entstehung und Entwickelung der menschlichen Gesellschaft, Leipzig, Weber.

1903, Gusti, Demetrius, aus Jassy (Rumänien), Egoismus und Altruismus ; Zur soziol. Motivation d. prakt. Wollens, Leipzig, Hochschulschrift. Diss. (Leipzig).

1904, Eleutheropoulos, Abroteles, Soziologie, Iéna, Fischer. Collection : « Natur und Staat : Beiträge zur naturwissenschaftlichen Gesellschaftslehre ».

1904, Mitscherlich, Waldemar, Eine soziologische Betrachtung über die Entstehung der deutschen Frauenbewegung, Berlin, Schade. Diss. (Berlin).

1904, Park, Robert Ezra, Masse und Publikum : eine methodologische und soziologische Untersuchung, Berne, Lack & Grunau. Diss. (Heidelberg, dir. Windelband).

1905, Scherrer, Hans, Soziologie und Entwicklungsgeschichte der Menschheit, Innsbruck, Wagner.

1905, Hartmann, Ludo Moritz, Über historische Entwickelung : sechs Vorträge zur Einleitung in eine historische Soziologie, Gotha, Perthes.

1905, Stein, Ludwig, Einführung in die Philosophie und Soziologie Herbert Spencers, Stuttgart, Lutz.

1905, Egger, Ludwig, Taine und die moderne Soziologie, Wien, Fromme.

1905, Gumplowicz, Ludwig, Grundriss der Soziologie, Wien, Manz. 2e éd. augmentée.

1905, Spann, Othmar, Untersuchungen über den Begriff der Gesellschaft zur Einleitung in die Soziologie ; Bd 1 : Zur Kritik des Gesellschaftsbegriffes der modernen Soziologie, Tübingen, Laupp.

1905, Forel, August, Die sexuelle Frage : eine naturwissenschaftliche, psychologische, hygienische und soziologische Studie für Gebildete, München, Reinhardt. Énorme succès : dans la même année tirage des 11 à 15 000 exemplaires ; 1907 : 35 000 ex.

1905, Wikmark, Elon, Die Frauenfrage des schwedischen Bürgertums : eine ökonomisch-soziologische Untersuchung, Halle a. S., C. Marhold. Diss. (Heidelberg).

1906, Stein, Ludwig, Die Anfänge der menschlichen Kultur : Einführung in die Soziologie, Leipzig, Teubner.

1906, Schaeffle, Albert, Abriss der Soziologie, Tübingen, Laupp.

1906, Wernsdorf, Julius, Grundriss des Systems der Soziologie und die Theorie des Anarchismus, Iéna, Schmidt im Komm.

1907, Staničić, Aleksa, Ueber den Ursprung der Zadruga : eine soziologische Untersuchung, Bern, Scheitlin, Spring & Cie. Diss. (Bern).

Collection de L. Stein : « Berner Studien zur Philosophie und ihrer Geschichte ».

1907, Mayer, Eduard von, Fürsten und Künstler : zur Soziologie der Kunst, Berlin, Marquardt.

1907-1909, Ward, Lester F., Reine Soziologie : eine Abhandlung über den Ursprung und die spontane Entwicklung der Gesellschaft, Innsbruck, Wagner. Trad. J. V. Unger.

1907, Comte, Auguste, Soziologie, Iéna, G. Fischer. Trad. (Valentine Dorn). Introduction par Heinrich Waentig (collection : Fischer, « Sammlung Sozialwissenschaftlicher Meister ») (3 vol. : 1907-1911) 2e éd : 1923.

1907, Tönnies, Ferdinand, Das Wesen der Soziologie. Vortrag gehalten in der Gehe-Stiftung zu Dresden am 12. Januar 1907, Dresden, Zahn & Jaensch.

1907, Huth, Hermann, Soziale und individualistische Auffassung im 18. Jhdt, vornehml. bei Adam Smith u. Adam Ferguson ; Ein Beitrag z. Geschichte d. Soziologie, Leipzig, Duncker & Humblot.

1907, Ratzenhofer, Gustav, Soziologie. Positive Lehre von den. menschlichen Wechselbeziehungen, Leipzig, Brockhaus.

1908, Tarde, Gabriel, Die sozialen Gesetze : Skizze zu einer Soziologie, Leipzig, Klinkhardt. Trad. Hans Hammer. Collection : « Philosophisch-soziologische Bücherei ».

1908, Simmel, Georg, Soziologie : Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, Leipzig, Duncker & Humblot.

1908, Eleutheropoulos, Abroteles, Rechtsphilosophie, Soziologie und Politik : zwei Abhandlungen, Innsbruck, Wagner.

1908, Loewenthal, Eduard, Neues System der Soziologie : Nebst Nachtr. Zu meiner Fulguro-Genesis-Theorie, Berlin, E. Ebering.

1908, Durkheim, Emile, Die Methode der Soziologie, Leipzig, Klinkhardt. Trad. d'après la 4e édition (traducteur non mentionné). Collection : « Philosophisch-soziologische Bücherei ».

Haut de page

Notes

1 Max Weber, « Roscher und Knies und die logischen Probleme der historischen Nationalökonomie (1903-1906) », in Max Weber, Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen : Mohr – Siebeck, 7e éd., 1988, p. 91n2 (« Soziologie »), p. 11 (« modernen Soziologen »), p. 53 (« Soziologen »). Cf. Klaus Lichtblau, « Soziologie und Anti-Soziologie um 1900. Wilhelm Dilthey, Georg Simmel und Max Weber » et Volker Kruse, « Max Weber, der Anti-Soziologe », in Peter-Ulrich Merz-Benz & Gerhard Wagner (dir.) : Soziologie und Anti-Soziologie. Ein Diskurs und seine Rekonstruktion, Konstanz : UVK, 2001, p. 17-35 et p. 37-60.

2 « Was aber in Deutschland gerade vielen der gediegensten Gelehrten den Gedanken einer solchen Organisation fernrückt, ist die Vielseitigkeit des Begriffes der Soziologie und der unleugbare Dilettantismus, der sich vielfach mit ihrer Flagge deckt » (Georg Simmel, Gesamtausgabe, vol. 22 : Briefe 1880-1911, bearbeitet und herausgegeben von Klaus Christian Köhnke, Frankurt am Main : Suhrkamp, 2008, p. 672-673). Sauf mention contraire, je suis l’auteur de toutes les traductions.

3 Helmut Schelsky, Die Arbeit tun die anderen. Klassenkampf und Priesterherrschaft der Intellektuellen, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1975, p. 251-363 (sur Comte p. 257). Cet ouvrage ainsi qu’un suivant (Helmut Schelsky, Rückblicke eines Anti-Soziologen, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1981) suscitèrent de nombreux débats y compris historiographiques sur la spécificité historique de la sociologie en Allemagne. C’est notamment le cas du livre publié par Wolf Lepenies en 1985 (Les trois cultures. Entre science et littérature, l’avènement de la sociologie, trad. Henri Plard, Paris : Éditions de la MSH, 1997). Cette question est également au centre de : Peter-Ulrich Merz-Benz & Gerhard Wagner (dir.) : Soziologie und Anti-Soziologie, Catherine Colliot-Thélène & Jean-François Kervégan (dir.), De la société à la sociologie, Lyon : ENS Éditions, 2002 ainsi que de l’article du disciple d’Arnold Gehlen : Karl-Siegbert Rehberg (« Das Unbehagen an der Soziologie », in Georg Kneer & Stephan Moebius (dir.), Soziologische Kontroversen. Beiträge zu einer anderen Geschichte der Wissenschaft vom Sozialen, Frankfurt am Main : Surhrkamp, 2010, p. 217253). Pour l’espace « autrichien », je renvoie au très riche mémoire de master de Jan Surman (« Zwischen Sozialismus und Gesellschaftslehre. Die „Disziplinierung“ der Soziologie in Österreich vor 1918 », Diplomarbeit zur Erlangung des Magistergrades der Sozial- und Wirtschaftswissenschaften an der Fakultät für Sozialwissenschaften der Universität Wien, Vienne : juin 2006). Voir également, sur la période postérieure à la Première Guerre Mondiale, l’excellent article d’Olivier Agard : « Situation de la sociologie schélérienne », in Gérard Raulet (dir.), Max Scheler : l’anthropologie philosophique en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, Paris : Éditions de la MSH, 2002, p. 158-182. D’autres références seront données plus loin.

4 L’article de Eckart Panckoke (« Soziologie ; Gesellschaftswissenschaft », in Otto Brunner, Werner Conze, Reinhart Koselleck (dir.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 5, Stuttgart : Klett-Cotta, 1984, p. 997-1032) n’échappe pas à ce travers. Voir à ce sujet : Wolf Feuerhahn, « “Sciences humaines” (XIXe siècle) », in Olivier Christin (dir.), Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, vol. 2, Paris : Métailié, à paraître en 2014.

5 Sébastien Mosbah-Natanson, « La sociologie comme « mode » ? Usages éditoriaux du label « sociologie » en France à la fin du XIXe siècle », Revue française de sociologie, 52-1, 2011, p. 103-132.

6 En l’occurrence : « sociologie », « sociologue », « sociologique », « anthropo-sociologie » et « psycho-sociologie » (S. Mosbah-Natanson, op. cit., p. 106).

7 Le catalogue ne recense toutefois pas uniquement les ouvrages existants, mais aussi ceux qui ont été perdus lors de la Seconde Guerre mondiale.

8 La situation semble donc à front renversé si on la compare à celle qui a alors cours en France (Cf. S. Mosbah-Natanson, op. cit., p. 107).

9 Cette question très importante dépasse les ambitions de cet article. Elle relèverait d’une histoire des formes matérielles de production scientifique. Seule une telle enquête pourrait déterminer en fonction des époques quels supports (articles, livres, communications lors de congrès…), et en vue de quelle fin, ont pu être préférés à d’autres.

10 La seule exception à ce principe constitutif du corpus concernera Max Weber qui n’a quasiment publié aucun ouvrage.

11 Ce premier repérage devrait être complété par une enquête dans les archives des éditeurs pour voir quelle fut la part respective des auteurs, des directeurs de collection ou des éditeurs dans le choix des titres.

12 J’espère pouvoir étudier à l’avenir l’émergence et les usages de l’étiquette de « sociologie allemande ».

13 À l’exception de remarques sur la Belgique au début de son article (S. Mosbah-Natanson, op. cit., p. 107), S. Mosbah-Natanson ne dénombre pas l’ensemble des publications francophones, mais seulement celles qui sont publiées en France et en français.

14 Ont également été dénombrées les deuxièmes éditions d’un ouvrage lorsqu’elles étaient modifiées et / ou augmentées. Pour la liste complète des ouvrages composant le corpus, voir l’annexe à cet article.

15 L’enquête de S. Mosbah-Natanson est partie de ces affirmations de Durkheim et de Tarde. Elle cherchait à interroger la représentativité de ces discours (cf. S. Mosbah-Natanson, op. cit., p. 103)

16 Ferdinand Tönnies, Gemeinschaft und Gesellschaft : Abhandlung des Communismus und des Socialismus als empirischer Culturformen, Leipzig : R. Reisland, 1887, p. XXVII. Ce n’est que la deuxième édition de cet ouvrage (1912) qui inclura dans son titre le terme de « sociologie » : Gemeinschaft und Gesellschaft : Grundbegriffe der reinen Soziologie (Communauté et société : concepts fondamentaux de la sociologie pure).

17 Voir les articles réunis plus tardivement dans le premier volume de ses Soziologische Studien und Kritiken, G. Fischer, Jena, 1925. La place nous manque pour développer la spécificité de la position de Tönnies ; sur ce point voir notamment Stefan Breuer, « De Tönnies à Weber. Sur l’existence d’un ‘courant allemand’ en sociologie » in C. Colliot-Thélène & J.-F. Kervégan, op. cit., 2002, p. 121-147, Niall Bond, « Ferdinand Tönnies and western european positivism », Intellectual History Review, 19(3), 2009, p. 353-370 ; Aurélien Berlan, La fabrique des derniers hommes, Paris : La découverte, 2012.

18 Jacques Guilhaumou, « Sieyès et le non-dit de la sociologie : du mot à la chose », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 15, 2006, p. 117-134.

19 A. Comte, C., 47e leçon sur la sociologie. Comte opte pour le terme de « sociologie » pour prendre ses distances vis-à-vis de Quételet qui employait l’expression « physique sociale ». Sur ce point, voir deux notes de Comte dans le volume 4 du Cours de Philosophie Positive : 46e leçon, note 1, p. 30 (Comte, Cours de philosophie positive : leçons 46-51, édition présentée et annotée par Michel Bourdeau, Laurent Clauzade et Frédéric Dupin, Paris : Hermann, 2012) et 47e l., note 3 (ibid., p. 126). Je remercie Michel Bourdeau de m’avoir éclairé sur ce point.

20 On compte 13 ouvrages traduits sur les 62 qui constituent le corpus étudié.

21 Grande-Bretagne (6 ouvrages traduits ; 45,1 % de la totalité des traductions), France (3 ; 23 %), Italie (3 ; 23 %) et États-Unis (1 ; 7,6 %).

22 Cité d’après la traduction française d’époque : Louis Gumplowicz, La lutte des races : recherches sociologiques, trad. de M. Charles Baye, Paris : Guillaumin, 1893, p. VII.

23 L. Gumplowicz, op. cit., p. 1.

24 Wolf Feuerhahn, « Zwischen Individualismus und Sozialismus : Durkheims Soziologie und ihr deutsches Pantheon » in Gangolf Hübinger (Hg.), Europäische Wissenschaftskulturen und politische Ordnungen in der Moderne (18901970), Munich : R. Oldenbourg Verlag, Schriften des Historischen Kollegs /Kolloquien 87, 2014, p. 79-98.

25 Albert Friedrich Schäffle, Bau und Leben des socialen Körpers. Encyclopädischer Entwurf einer realen Anatomie, Physiologie und Psychologie der menschlichen Gesellschaft mit besonderer Rücksicht auf die Volkswirtschaft als socialen Stoffwechsel, Tübingen : Laupp, 1875, p. V-VI.

26 Sur l’histoire du rejet du positivisme en Allemagne, voir Eckhardt Fuchs, Henry Thomas Buckle : Geschichtschreibung und Positivismus in England und Deutschland, Leipzig : Leipziger Universitätsverlag, 1994, p. 260-334.

27 Pour une analyse de la critique diltheyenne de Comte, voir Sylvie Mesure, Dilthey et la fondation des sciences historiques, Paris : PUF, 1990, p. 33-54 ; Juliette Grange, « Expliquer et comprendre de Comte à Dilthey », in Nathalie Zaccaï-Reyners (dir.), Explication – Compréhension. Regards sur les sources et l’actualité d’une controverse épistémologique, Bruxelles : Éditions de l’Université de Bruxelles, 2003, p. 13-34.

28 Wilhelm Dilthey, Gesammelte Schriften, I. Band : Einleitung in die Geisteswissenschaften, Leipzig und Berlin : Teubner, 9e éd. 1990, p. 90.

29 « Der Ursprung der einen dieser Wissenschaften [der Soziologie] lag in den Erschütterungen der europäischen Gesellschaft seit dem letzten Drittel des 18. Jahrhunderts ; eine neue Organisation der Gesellschaft sollte unter der Leitung des im 18. Jahrhundert mächtig herangewachsenen wissenschaftlichen Geistes sich vollziehen ; von diesem Bedürfnis aus sollte der Zusammenhang des ganzen Systems der wissenschaftlichen Wahrheiten, von der Mathematik aufwärts, festgestellt und als ihr letztes Glied die neue erlösende Wissenschaft der Gesellschaft begründet werden ; Condorcet und Saint-Simon waren die Vorläufer, Comte der Begründer dieser umfassenden Wissenschaft der Gesellschaft, Stuart Mill ihr Logiker, in Herbert Spencers ausführlicher Darstellung beginnt sie die Phantasien, welche ihre ungestüme Jugend bewegt haben, abzutun » (W. Dilthey, op. cit., p. 90).

30 W. Dilthey, op. cit., p. XVI-XVII.

31 W. Dilthey, op. cit., p. 23-24.

32 Sur la critique de Treitschke dans Die Gesellschaftswissenschaft. Ein kritischer Versuch, cf. Catherine Colliot-Thélène, Le désenchantement de l’État. De Hegel à Max Weber, Paris : Minuit, 1992, p. 111-118 (p. 112, C. Colliot-Thélène mentionne l’absence du terme de sociologie tant chez Treitschke que chez ceux qu’il critique).

33 Ainsi se réjouit-il que Mohl ait suivi les critiques de Treitschke dans la deuxième édition de son Enzyklopädie der Staatswissenschaften (W. Dilthey, op. cit., p. 85).

34 W. Dilthey, op. cit., p. 17, 36n1, (où il marque une très forte opposition entre la « Soziologie » de Comte et Spencer et la « Gesellschaftswissenschaft » des théoriciens allemands du droit public), et p. 90. Ceci ne veut pas dire que Dilthey ne distingue pas ces auteurs. Il mentionne aussi des critiques adressées par Spencer à Comte (op. cit., p. 23).

35 Cf. W. Feuerhahn, « Sciences de la nature versus sciences de l’esprit. Un conflit allemand des facultés », in Vincent Bourdeau & Arnaud Macé (dir.), La Pensée sociale et la nature au XIXe siècle, Besançon : Presses Universitaires de Franche-Comté, à paraître en 2014. Voir aussi l’article de J.-P. Domschke dans le présent numéro.

36 Sans être membre du parti social-démocrate avant la Première guerre mondiale, F. Tönnies, avait à plusieurs reprises témoigné de sympathie pour les luttes du mouvement ouvrier. Cela lui valut d’attendre d’avoir 54 ans pour obtenir un poste de professeur extraordinaire à l’Université de Kiel (1909).

37 « Die Namensverwandtschaft Soziologie-Sozialdemokratie machte die ganze Richtung verdächtig » Wilhelm Ostwald, Lebenslinien – Eine Selbstbiographie, nach der Ausgabe von 1926/27 überarbeitet und kommentiert von Karl Hansel, Stuttgart, Leipzig : Verlag der Sächsischen Akademie der Wissenschaften zu Leipzig, in Kommission bei S. Hirzel, 2003, p. 342.

38 Friedrich Nietzsche, Crépuscule des idoles, « Divagations d’un “inactuel” », § 37, Paris : Gallimard-Folio, trad. Jean-Claude Hémery, 1974, p. 82-83. J’emprunte cette citation à Maria Cristian Fornari, Die Entwicklung der Herdenmoral. Nietzsche liest Spencer und Mill, Wiesbaden : Harassowitz Verlag, 2009, p. 141 (voir dans le même ouvrage p. 136-141 et p. 240-247). Texte original : « die unbewusste Wirkung der décadence ist bis in die Ideale einzelner Wissenschaften hinein Herr geworden. Mein Einwand gegen die ganze Sociologie in England und Frankreich bleibt, dass sie nur die Verfalls-Gebilde der Societät aus Erfahrung kennt und vollkommen unschuldig die eigenen Verfalls-Instinkte als Norm des sociologischen Werturtheils nimmt. Das niedergehende Leben, die Abnahme aller organisirenden, das heisst trennenden, Klüfte aufreissenden, unter- und überordnenden Kraft formulirt sich in der Sociologie von heute zum Ideal… Unsere Socialisten sind décadents, aber auch Herr Herbert Spencer ist ein décadent, – er sieht im Sieg des Altruismus etwas Wünschenswerthes ! » (Götzen-Dämmerung, F. Nietzsche, Kritische Studienausgabe, éd. G. Colli & M. Montinari, Berlin : De Gruyter, vol. 6, p. 138-139).

39 Horst Baier, « Die Gesellschaft – Ein langer Schatten des toten Gottes. Friedrich Nietzsche und die Entstehung der Soziologie aus dem Geist der Décadence », Nietzsche-Studien 10-11, 1981-1982, p. 6-33 ; Klaus Lichtblau, Kulturkrise und Soziologie um die Jahrhundertwende. Zur Genealogie der Kultursoziologie in Deutschland, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1996. L’ouvrage d’A. Berlan, op. cit., s’inscrit dans cette ligne interprétative.

40 Klaus Christian Köhnke, Der junge Simmel – in Theoriebeziehungen und sozialen Bewegungen, Frankfurt am Main : 1996, Suhrkamp, p. 388. Le nom de Comte n’est même pas cité dans la Soziologie de Simmel (1908).

41 Georg Simmel, « Le problème de la sociologie », Revue de métaphysique et de morale, 1894, p. 497.

42 G. Simmel, « Le problème de la sociologie », p. 499. Je reprends ici les analyses très précieuses de K. C. Köhnke, op. cit., p. 396-397.

43 G. Simmel, op. cit., p. 503.

44 K. C. Köhnke, op. cit., p. 396-397.

45 Otthein Rammstedt, « Editorischer Bericht », in G. Simmel, Gesamtausgabe, vol. 11 : Soziologie. Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, herausgegeben von Otthein Rammstedt, Frankurt am Main : Suhrkamp, 1992, p. 888.

46 « Meine Polemik gegen die Soziologie betraf das Stadium ihrer Entwicklung, wie es durch Comte, Spencer, Schäffle, Lilienfeld charakterisiert war. Der in diesen Arbeiten enthaltene Begriff derselben war der einer Wissenschaft des gesellschaftlichen Zusammenlebens der Menschen, die als ihre Gegenstände auch Recht, Sitte, Religion in sich schloss. Sie war also nicht eine Theorie von den Formen, die das psychische Leben unter den Bedingungen der gesellschaftlichen Beziehungen der Individuen annimmt. Einen solchen Begriff von Soziologie hat Simmel aufgestellt » (W. Dilthey, op. cit., p. 420421). Cf. K. C. Köhnke, op. cit., p. 395.

47 G. Simmel, Gesamtausgabe, vol. 22 : Briefe 1880-1911, p. 177 (où il exprime son rejet de Gumplowicz).

48 « Auf Ihre Frage nach der Richtung meiner Arbeiten erwiedre ich, dass ich mich ganz u. gar soziologischen Studien widme u. auf absehbare Zeit hin wohl kein andres Gebiet, namentlich nicht das moralphilosophische, wieder betreten werde » (Lettre du 15.2.1894, ibid., p. 112).

49 « Sie dürfen doch nicht vergessen, dass die Sciences Sociales nicht mein Fach sind. Meine Soziologie ist ein ganz spezifisches Fach, für das es ausser mir keinen Vertreter in Deutschland giebt, und den übrigen Sozialwissenschaften, […], stehe ich nur als Laie gegenüber und bin deshalb gar nicht in der Lage, darüber zu berichten. Es ist mir überhaupt einigermaassen schmerzlich, dass ich im Ausland nur als Soziologe gelte – während ich doch Philosoph bin, in der Philosophie meine Lebensaufgabe sehe und die Soziologie eigentlich nur als Nebenfach treibe. Wenn ich erst einmal meine Verpflichtung gegen diese damit erfüllt haben werde, dass ich eine umfassende Soziologie publizire – was wohl im Lauf der nächsten Jahre geschehen wird – werde ich wahrscheinlich nie mehr auf sie zurückkommen » (Lettre du 13.12.1899 à C. Bouglé, G. Simmel, Gesamtausgabe, vol. 22 : Briefe 1880-1911, p. 342).

50 O. Rammstedt, op. cit.

51 Voir Heinrich Rickert, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft. Ein Vortrag, Freiburg i. Br., Leipzig, Tübingen : Mohr – Siebeck, 1899, p. 69. Cf. aussi : Die Grenzen der naturwissenschaftlichen Begriffsbildung. Eine logische Einleitung in die historischen Wissenschaften, Tübingen, Leipzig : Mohr – Siebeck, 1902, p. 287, 293, 610-611. S’il n’adopta jamais entièrement le point de vue transcendantal axiologique de Rickert, Simmel ne cessa de prendre des précautions lorsqu’il employait le terme de « sociologie ».

52 M. Weber, Wissenschaftslehre, p. 412-413. Sur Comte voir aussi p. 393, 424.

53 « Allerdings hatte ein geräuschvolles Dilettantentreiben seinerzeit den Namen ‘Soziologie’ bei uns derart diskreditiert, dass bis in die jüngste Vergangenheit hinein es ernste Gelehrte gegeben hat, welche Bedenken trugen, Arbeiten unzweifelhaft soziologischen Charakters auch offen unter dieser Flagge segeln zu lassen. » (« Die Deutsche Gesellschaft für Soziologie », Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, vol. 31/2, 1910, p. 27-30 cité de Max Webers vollständige Schriften zu wissenschaftlichen und politischen Berufen, herausgegeben von John Dreijmanis, Bremen : Europäischer Hochschulverlag, 2012, p. 111)

54 Roger Chickering, « Der “Leipziger Positivismus” », Comparativ, Heft 3/1995, p. 20-31 ; Roger Chickering, « Das Leipziger “Positivisten-Kränzchen” um die Jahrhundertwende », in Gangolf Hübinger, Rüdiger vom Bruch, Friedrich Wilhelm Graf (dir.), Kultur und Kulturwissenschaften um 1900 II : Idealismus und Positivismus, Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 1995, p. 227-245. Ces travaux ne disent pas d’où provient la dénomination de « cercle positiviste ».

55 Sur cette querelle et son importance pour l’émergence de la conception wébérienne de la science, voir W. Feuerhahn, « Genèse polémique de la conception wébérienne de la science », in Max Weber, Problèmes logiques des sciences historiques de la culture, Paris : Vrin, à paraître en 2014.

56 Wilhelm Wundt, Logik. Eine Untersuchung der Principien der Erkenntniss und der Methoden wissenschaftlicher Forschung, vol. 2 : Methodenlehre, 2. umgearbeitete Auflage, Suttgart, Verlag von Ferdinand Enke, 1895, p. 12-24.

57 Karl Lamprecht, « Die Entwicklung der deutschen Geschichtswissenschaft vornehmlich seit Herder » (1898), reproduit in : Karl Lamprecht, Alternative zu Ranke. Schriften zur Geschichtstheorie, Leipzig : Reclam, 1988, p. 330.

58 Sur ce point, voir : W. Feuerhahn, « Œuvrer pour l’unité de la connaissance humaine, le Congress of Arts and Science de Saint Louis (1904) », in W. Feuerhahn & P. Rabault-Feuerhahn (dir.), La fabrique internationale de la science : les congrès scientifiques de 1865 à 1945, Revue germanique internationale, n° 12 / 2010, p. 139-157.

59 Paul Barth, Die Philosophie der Geschichte als Sociologie, 1. Teil : Einleitung und kritische Übersicht, Leipzig : O. R. Reisland, 1897.

60 P. Barth, op. cit., p. 6.

61 P. Barth, op. cit., p. 7.

62 P. Barth, op. cit., p. 12.

63 Voir par exemple : P. Barth, op. cit., p. 55.

64 P. Barth, « Paul Barth », in Schmidt R., Die deutsche Philosophie der Gegenwart in Selbstdarstellungen, Leipzig : F. Meiner, vol. 1, p. 7.

65 Ibid., p. 7-8 : « Die Geschichte als Wissenschaft oder die Philosophie der Geschichte kann durchaus nur der Naturwissenschaft als ihrem Vorbilde folgen, sie strebt für die einzelnen Völker gewisse Stufen der Entwicklung nachzuweisen und das in ihnen Übereinstimmende als ein « empirisches » Gesetz festzustellen.

Denselben Zweck stellt sich die Soziologie, nur dass sie nicht bloss die Veränderungen betont wie die Geschichtsphilosophie, sondern auch eine « statische » Abteilung hat, die untersucht, auf welchen Gründen die Dauer, die Festigkeit gewisser Zustände, zum Beispiel gewisser Klassenverhältnisse, beruht ».

66 P. Barth, Philosophie der Geschichte, p. 213-214.

67 Dirigée par Abroteles Eleutheropoulos (dont il est question plus loin), cette dernière fut intégrée dans l’Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik.

68 P. Barth, « Zur Einführung der neuen Folge dieser Zeitschrift », Vierteljahrsschrift für wissenschaftliche Philosophie und Soziologie, 26. Jahrgang, Neue Folge I, 1902, p. VII-VIII.

69 PBarth, « Zur Einführung der neuen Folge dieser Zeitschrift », p. VI.

70 Demetrius Gusti, Egoismus und Altruismus. Zur soziologischen Motivation des praktischen Wollens, Leipzig : 1903, p. 67.

71 Wilhelm Ostwald, prix nobel de chimie (1909) et thuriféraire de Comte en deviendra même le président à partir de 1910. Voir l’article de J.-P. Domschke dans le présent numéro.

72 Sur ce point, voir W. Feuerhahn, « Genèse polémique », à paraître.

73 Rudolf Eisler, Soziologie. Die Lehre von der Entstehung und Entwickelung der menschlichen Gesellschaft, Leipzig : Weber, 1903, p. 5. Wundt est le savant le plus cité (vingt fois) par R. Eisler.

74 Sur cette collection, voir Katharina Neef, Die Entstehung der Soziologie aus der Sozialreform : eine Fachgeschichte, Frankfurt am Main : Campus Verlag, 2012, p. 212-213.

75 Voir Heinrich Waentig, Die Vorläufer Auguste Comtes. Inaugural-Dissertation der hohen philosophischen Fakultät der Universität Leipzig vorgelegt zur Erlangung der Doktorwürde, Leipzig : 1894, Vorwort.

76 H. Waentig, Die Vorläufer, p. 43. Dans la préface (Vorwort, non paginé) à l’ouvrage qu’il publia la même année (Auguste Comte und seine Bedeutung für die Entwicklung der Socialwissenschaft, Leipzig : Verlag von Duncker & Humblot), Waentig remercie à nouveau A. von Miaskowski et W. Wundt.

77 H. Waentig, Auguste Comte und seine Bedeutung für die Entwicklung der Socialwissenschaft, Leipzig : Verlag von Duncker & Humblot, 1894. L’introduction et la première partie avaient déjà fait l’objet d’une publication dans : H. Waentig, Die Vorläufer, 1893. La préface (Vorwort) à l’ouvrage de 1894 rappelle la genèse de l’ouvrage (H. Waentig, Auguste Comte, Vorwort non paginé).

78 H. Waentig, Auguste Comte, p. 13.

79 H. Waentig, op. cit., p. 15.

80 H. Waentig, op. cit., p. 13. La conclusion s’intitule « Zur Würdigung Auguste Comtes » (Éloge d’Auguste Comte). Il apparaît donc que même si Waentig intitule la sixième et dernière partie du livre « Die Sociallehren Auguste Comtes kritisch beleuchtet » (Regard critique sur les doctrines sociales d’Auguste Comte), elle consiste bien plus en une réponse aux objections adressées à Comte depuis la publication de ses œuvres, et en particulier dans le monde germanophone. Je reviendrai sur ce point dans mon commentaire de la traduction du chapitre II de la sixième partie (voir infra).

81 H. Waentig, Auguste Comte, p. 322, 328.

82 H. Waentig, op. cit., p. 12.

83 Auguste Comte, Soziologie, trad. Valentine Dorn, vol. 1, Jena, G. Fischer Verlag, 1907, p. VIII.

84 A. Comte, Soziologie, trad. V. Dorn, vol. 1, p. X.

85 Ibid.

86 A. Comte, Soziologie, trad. V. Dorn, vol. 1, p. XI.

87 A. Comte, op. cit., p. XII. Après la Première guerre mondiale, H. Waentig devint membre du parti social-démocrate allemand. En 1920, il fut élu représentant du parti pour le parlement du Land de Prusse, en octobre 1927, il fut nommé président (Oberpräsident) de la province de Saxe et occupa entre les mois de mars et de novembre 1930 le poste de ministre de l’intérieur de la Prusse. Il démissionna du parti en 1931.

88 Sur l’institutionnalisation des premières chaires de sociologie en Allemagne après la Première guerre mondiale, voir : Dirk Käsler, Die frühe deutsche Soziologie 1909 bis 1934 und ihre Entstehungs-Milieus. Eine wissenschaftssoziologische Untersuchung, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1984.

89 J. Surman, Zwischen Sozialismus. Onze des soixante-deux ouvrages « sociologiques » répertoriés ont été publiés dans des villes appartenant à la monarchie austro-hongroise (Graz, Innsbruck et Vienne). Mais ces ouvrages pouvaient avoir été écrits par des savants œuvrant ailleurs (c’est le cas d’Eleutheropoulos, Privatdozent à Zurich).

90 Ceci ne doit pas laisser penser à une opposition radicale entre les deux sociétés (dont l’histoire des relations reste à écrire) puisque G. Simmel prononça la conférence fondatrice de la société viennoise et que R. Goldscheid, proche de W. Ostwald, qui avait contribué à créer à Vienne la première participa à l’établissement de la seconde.

91 Markus Zürcher, Unterbrochene Tradition. Die Anfänge der Soziologie in der Schweiz, Zürich : Chronos Verlag, 1995, p. 12-22. M. Zürcher relate la relégation de la sociologie à Zurich au début du XXe siècle à travers le sort tragique d’Abroteles Eleutheropoulos (M. Zürcher, Unterbrochene Tradition, p. 60-69).

92 Les informations relatives à L. Stein qui suivent sont empruntées à M. Zürcher, Unterbrochene Tradition, p. 69-81.

93 L. Stein publia dans cette collection 75 titres entre 1896 et 1913 (M. Zürcher, Unterbrochene Tradition, p. 18 et 292n51).

94 M. Zürcher, Unterbrochene Tradition, p. 76 et 74.

95 M. Zürcher, op. cit., p. 72-73.

96 M. Zürcher, op. cit., p. 77.

97 M. Zürcher, op. cit., p. 78.

98 Cf. W. Lepenies, Les trois cultures, p. 245-249.

99 Olivier Agard, « Situation de la sociologie schélerienne », in G. Raulet (dir.), Max Scheler. L’Anthropologie philosophique en Allemagne dans l’entre-deux-guerres, Paris : MSH, 2002, p. 164.

100 O. Agard, « Situation de la sociologie schélerienne », p. 165. Voir aussi W. Feuerhahn, « “L’homme tout entier” (der ganze Mensch) : un mot d’ordre philosophique des sciences de l’esprit allemandes », in Jacqueline Carroy, Nathalie Richard, François Vatin (dir.), L’homme des sciences de l’homme. Une histoire transdisciplinaire, Nanterre : Presses Universitaires de Paris Ouest, 2013, p. 215-231.

101 Dirk Käsler, « Der Streit um die Bestimmung der Soziologie auf den deutschen Soziologentagen 1910 bis 1930 », in R. König, F. Neidhardt & R. M. Lepsius, Soziologie in Deutschland und Österreich von 1918 bis 1945. Materialien zu Entwicklung, Emigration und Wirkungsgeschichte, Kölner Zeitschrift für Soziologie und Sozialpsychologie, Sonderheft 23, 1981, p. 220.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Nombre d’ouvrages sociologiques parus en France et en français (col. 2) et en langue allemande (col. 3)
Légende (source utilisée pour la France : S. Mosbah-Natanson, 2011, p. 111.)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/docannexe/image/1217/img-1.png
Fichier image/png, 20k
Titre Graphique 1 : Nombre d’ouvrages « sociologiques » publiés en langue allemande entre 1875 et 1908 (Total : 62 titres)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/docannexe/image/1217/img-2.png
Fichier image/png, 18k
Titre Graphique 2 : Palmarès des « sociologues » (1875-1908)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/docannexe/image/1217/img-3.png
Fichier image/png, 18k
Titre Graphique 3 : Poids relatif par année de publication des traductions dans le corpus d’ouvrages sociologiques
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/docannexe/image/1217/img-4.png
Fichier image/png, 10k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Wolf Feuerhahn, « La sociologie avec ou sans guillemets »Les Cahiers philosophiques de Strasbourg, 35 | 2014, 157-196.

Référence électronique

Wolf Feuerhahn, « La sociologie avec ou sans guillemets »Les Cahiers philosophiques de Strasbourg [En ligne], 35 | 2014, mis en ligne le 14 décembre 2018, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cps/1217 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cps.1217

Haut de page

Auteur

Wolf Feuerhahn

Philosophe et historien des sciences, chargé de recherche au CNRS (Centre Alexandre Koyré)

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search