Une région, plusieurs mondes, impressions d’une étude de terrain dans la région du Jarí, Amazonie brésilienne, août 2009
Résumés
Cette synthèse de terrain retrace quelques journées clefs d’un travail de recherche réalisé en Amazonie brésilienne entre janvier et août 2009 dans le cadre d’une thèse de doctorat en géographie sur la naissance et le développement de la région du Jarí, un territoire transfrontalier entre l’Amapá et le Pará. L’histoire récente de cette région est indissociablement liée à l’installation en 1967, par l’entrepreneur Américain D.K. Ludwig, d’une entreprise agro-industrielle, la Jari Cellulose S.A., pour la production de pâte à papier à grande échelle, reposant sur des plantations extensives, alors que la région était déjà peuplée de petites communautés vivant de cueillette et d’agriculture de subsistance. Avec l’arrivée de l’entreprise, la région a connu un important changement de cap, caractérisé par une nouvelle dynamique économique, mais aussi par des impacts sociaux et écologiques considérables, dont les effets contradictoires entre développement et conservation en contexte de l’Amazonie forestière n’ont pas encore été résolus dans la région aujourd’hui. Le voyage raconté ici est la dernière et plus lointaine excursion entamée pendant le travail de terrain. Il nous amène aux communautés de l’Estrada Nova, territoire situé au sud-ouest du domaine de l’entreprise Jarí Cellulose. Ici, la plupart des familles des communautés vivent dans un isolement prononcé, en indépendance absolue de l’entreprise où en coopération silencieuse avec celle-ci. L’article suivant inclut plusieurs témoignages de quelques-uns des personnages clefs rencontrés au cours de l’expédition au et à travers de l’Estrada Nova.
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Index de mots-clés :
entreprise agroindustrielle et agro-extractivisme de subsistance, expédition aux confins, populations traditionnellesIndex by keywords:
agro-industry versus subsistence agro-extractivism, expedition, traditional populationsPlan
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Crédits : Jean-Pierre Durut
- 1 Une traduction en estonien de cet article a été faite spontanément par Anna Galovich et a été un t (...)
- 2 La thèse intitulée « Genèse d’une région d’entreprise : contradictions du développement économique (...)
1Les pages suivantes1 retracent quelques journées-clés de mon travail de terrain dans le cadre de ma thèse de doctorat2, effectué entre janvier et août 2009 dans la « região do Jarí », une région transfrontalière entre l’état du Pará et l’état d’Amapá, au nord de l’Amazonie brésilienne. Il s’agit ici plus précisément de ma dernière et plus lointaine excursion, entamée depuis ma base de Monte Dourado, juste avant de quitter la région à la fin d’août 2009. La saison des pluies était arrivée à sa fin, et le fait d’avoir appris pendant quelques jours l’art de conduire (tant bien que mal) une moto à l’auto-école de Monte Dourado, ouvrait finalement la porte à la dernière tâche de mon travail de terrain. J’allais découvrir et interviewer des familles dans les communautés rurales les plus lointaines et les plus isolées de la région que je m’étais proposé d’étudier pour ma thèse : il s’agit du territoire occupé par la Jarí Cellulose, entreprise agro-industrielle brésilienne, dont l’installation dans la région remonte à 1967. Cette année-là, l’entrepreneur milliardaire Américain D.K. Ludwig arrivait dans la région et décidait, avec l’appui du gouvernement militaire au pouvoir à l’époque, de transformer une zone de forêt tropicale intacte et « sous-développée » en un pôle économique pour l’Amazonie à partir d’un grand projet agro-industriel, connu comme le « Projet Jarí ». Celui-ci consistait alors à produire de la cellulose à grande échelle, alors que la zone était déjà peuplée par de petites communautés dispersées sur le territoire et vivant de la collecte des ressources naturelles de la forêt (notamment le caoutchouc et la noix du Brésil). Aller voir ces petits communautés, dont certains sont présentes depuis l’époque de Ludwig, d’autres abandonnées ou créées depuis lors, était donc le but se cette « expédition moto » sur laquelle porte le présent texte.
La mission
- 3 Population vivant de cueillette.
2Mon travail de recherche visait à effectuer une étude géo-historique de l’évolution de la région du Jarí jusqu’à aujourd’hui, et d’identifier les principaux enjeux économiques, sociaux et environnementaux des dernières années à partir d’un approche par le territoire. Aujourd’hui, la région se trouve suspendue entre deux modèles très différents de mise en valeur du territoire. D’une part, l’agrobusiness d’exportation, développé autour de la production de cellulose et du bois certifié par l’entreprise Jarí Cellulose sur un territoire de 1,2 millions d’hectares répartie, entre les État de Pará et d’Amapá. D’autre part, l’agroextractivisme (cueillette et transformation de ses produits) de subsistance des populations locales, qui habitent soit dans des zones « démembrées » du territoire d’entreprise (mises à disposition des communautés), soit dans des aires naturelles de protection créées par le gouvernement à partir de 1990 afin de protéger les ressources et leur accès aux extractivistes3, comme la Reserve extractiviste (RESEX) du fleuve Cajari , ou la Reserve de Développement Durable (RDS) du fleuve Iratapuru (voir carte 1). La coexistence des ces deux modèles économiques sur un même espace, et la superposition entre territoire occupé par l’entreprise et aire protégée dans certains zones de la région, a provoqué un long conflit foncier et social entre État, entreprise et communautés dans les années 1980 et 1990, qui n’a pas encore été entièrement résolu.
Carte 1 : Le territoire d’entreprise de la Jarí Cellulose : une enclave de production agro-industrielle, cernée par des aires protégées.
Source : Le Tourneau, 2009, repris par Greissing.
3Aujourd’hui, le Projet Jarí occupe environ 1,3 millions d’hectares, sur lesquels se sont développées deux activités agroindustrielles principales (voir carte 2) : d’abord, la production de cellulose, depuis 2000, à base de plantations d’eucalyptus sur environ 120 000 ha, certifiées par le FSC ; deuxièmement, l’exploitation de bois tropical, depuis 2003, également certifiée par le FSC, sur 454 000 ha, constituant actuellement le plus grand territoire de boisement tropical certifié au monde exploité par une seule entreprise. Une troisième activité, l’élevage de buffles dans des zones inondables (várzeas) le long des fleuves (Jarí, Parú et Amazonas), n’est pas déclarée officiellement par l’entreprise.
4Approximativement 100 communautés rurales se situent actuellement à l’intérieur du domaine de l’entreprise, dont le statut foncier n’est pas encore officiellement défini (données 2009). Cela s’explique par le fait que l’entreprise et l’État se veulent tous les deux propriétaires légitimes de la terre.
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Cartes 2 et 3 : Le domaine de la Jari, à la frontière entre l’Amapá et le Pará, et le parcours de mon expédition à l’Estrada Nova
Le domaine de la Jari est caractérisé par : 1) l’existence de plantations d’eucalyptus et des aires d’exploitation forestière de l’entreprise. 2) des zones de superposition avec des aires protégées de l’État (Resex Cajari , RDS Iratapuru et EE Jari) ; ainsi que 3) l’existence d’environ 100 communautés rurales à l’intérieur du territoire de la Jarí des deux côtés du fleuve Jarí (qui trace la frontière entre l’Amapá et le Pará)
Source de la carte : en haut, Le Tourneau 2009, repris par Greissing. En bas : Jari Cellulose (mapa comunidades), repris par Greissing.
L’Estrada Nova un complexe territorial qui s’étende du Portão de Ferro jusqu’à la communauté du Recreio et aux berges du fleuve Paru (incluant aussi entre d’autres les communautés Estrada Nova, Incruso, e Serra Grande). En vert foncé, les plantations de la Jari Cellulose. En vert clair, les aires d’exploitation forestière de l’Orsa Forestal. En blanc, les zones de protection permanente autour des fleuves, et les terres rétrocédées à l’État par l’entreprise, ici celles autour de Braço, et de la zone générale de l’Estrada Nova, qui englobe les cinq communautés.
6Le manque de régularisation foncière dans la région du Jarí a eu des conséquences significatives surtout pour les communautés rurales de la région, qui se sont trouvées en dehors de la zone d’influence de l’État (c’est-à-dire de l’accès aux services et infrastructures de base généralement fourni par l’État), et ont été en même temps perçus comme des « éléments indésirables » pour l’entreprise, dont l’expansion territoriale se trouvait limitée par l’existence des communautés.
7Quelles sont les conditions de vie de ces communautés, et comment se positionnent-elles aujourd’hui vis-à-vis de l’entreprise ? Des relations d’alliance se sont-ils formées entre le monde de l’entreprise et celle des agro-extractivistes, où persiste-il des conflits entre eux sur le territoire ? Jusqu’à quel point sont-ils compatible ? Je voulais trouver des réponses sur le terrain, dans des zones à la périphérie du territoire d’entreprise. Mon expédition en moto allait s’avérer donc non seulement une aventure passionnante, mais surtout une nécessité « géographique » pour découvrir les extrémités du territoire.
L’expédition commence : préparation et départ depuis Monte Dourado
813 août 2009, 7h du matin, Monte Dourado, Pará . Une journée chaude très chaude comme l’on en connaît lors de la saison sèche tropicale, commence à Monte Dourado, cette ville située sur le fleuve Jarí, qui trace la frontière entre l’Amapá et le Pará, et qui débouche à environ 120 km plus au sud-est dans le gigantesque delta de l’Amazone, juste au sud de la ligne de l’Équateur.
9Je prépare mon sac avec un hamac et de la nourriture à apporter aux gens qui, je l’espère, m’accueilleront sur le chemin. J’accroche le tout au porte-bagages de ma moto, avec une bouteille d’essence de deux litres en réserve.
10Ma destination : les communautés de l’Estrada Nova, une zonerelativement grande qui commence à environ 100 kilomètres de Monte Dourado et s’étend jusqu’au fleuve Paru (voir cartes 2 et 3). Cette zone est désignée par l’entreprise elle-même comme l’une des plus conflictuelles de la région. Je voudrais savoir pourquoi et découvrir le point de vue des familles habitant cette zone aujourd’hui. Après presque cinq mois dans ce coin à l’extrême nord de l’Amazonie brésilienne, j’avais déjà pu explorer plusieurs de communautés sur le domaine de l’entreprise, des deux côtés du fleuve Jarí. Pourtant, l’Estada Nova restait encore un trou noir dans la carte des lieux que j’avais pu visiter. A mon arrivée à Monte Dourado, j’avais d’abord pris contact avec la Fondation ORSA (FO), « bras social » de la Jarí Cellulose. Cette Fondation avait été crée en 2000 par la nouvelle gestion du projet Jarí, le « groupe ORSA », une corporation originaire de São Paulo et spécialisée dans la production du papier et cartons d’emballage. L’ORSA avait acheté le projet Jarí en 2000 quand celui-ci se trouvait confronté à une faillite imminente, suite à un incendie dans l’usine à cellulose.
11L’objectif de la Fondation ORSA : mettre en place de petits projets socio-économiques et éducatifs pour les populations locales, visant à la réduction des conflits existants entre entreprise, État et populations, et surtout, à la prévention de nouvelles contestations sociales dans le territoire d’entreprise, où les contrastes entre les company-towns de l’entreprise (Monte Dourado et Munguba), les chefs-lieux municipaux (Laranjal et Victória do Jarí), et les zones rurales, restent très accentués.
- 4 En Amapa, la population dans la partie sud de l’état (les communes de Laranjal et Vitória do Jarí (...)
- 5 Pour plus d’information sur l’évolution de la région du Jarí et du projet du même nom, ainsi que s (...)
12De fait, l’un des effets négatifs de l’installation du projet Jarí avait été l’arrivée d’une grande masse de migrants notamment du nord-est du pays, pauvres et attirés par l’espoir de trouver un emploi dans le projet4. Ce n’a pas été le cas pour beaucoup d’entre eux, et un véritable bidonville (le beiradão) s’est formé sur les berges du fleuve Jarí du côté de l’Amapá, où pullulaient la criminalité et la prostitution, alors qu’en face, du côté du Pará, était construite la ville de Monte Dourado, pour accueillir les bâtiments et les employés de l’entreprise5.
1. Le beiradão, favela de Laranjal do Jarí, dont l’origine date du début du Projet Jari ; 2. Le bateau-taxi qui fait la liaison entre Lanranjal et Monte Dourado fonctionne 24h sur 24h ! 3. Deux maisons typiques de la « company town » Monte Dourado ; 4. Dans mon logement à Monte Dourado, je me prépare pour l’expédition à l’Estrada Nova, chapeau en tête et GPS en main
13Á mon arrivée en janvier 2009, j’avais été très bien reçu par Rafael, directeur de la FO, et pendant les premiers deux mois j’avais pu passer beaucoup de temps avec les différentes équipes de la FO dans leur base à Monte Dourado, pour observer leur travail et participer aux différentes réunions avec des partenaires du secteur public et de la société civile. Dans cette première partie du terrain, en plus de ma familiarisation avec l’entreprise par le biais de la FO, j’avais aussi eu l’occasion de visiter le complexe industriel de l’entreprise à Munguba (notamment l’usine à cellulose), et j’ai pu collecter une bonne quantité de données en ville et dans quelques communautés à proximité de Monte Dourado. Mais je n’avais jamais pu arriver jusqu’aux communautés de la fameuse Estrada Nova, d’une part parce-que l’accès aux communautés rurales les plus éloignées du Monte Dourado n’était faisable qu’à partir de la fin de la saison de pluie (donc à partir de juillet) et, d’autre part, comme j’avais compris après quelques semaines, je ne pourrais y aller que de mon propre chef. L’entreprise m’avait fait comprendre clairement qu’elle ne voulait surtout pas que des chercheurs de l’étranger s’intéressent de plus près aux conditions de vie et aux témoignages des populations dans des zones dites « en conflit » avec l’entreprise. La réception inamicale de la FO à mon retour de l’expédition Estrada Nova allait effectivement le confirmer...
14Par chance je trouvais vite quelqu’un qui acceptait à me louer pour peu d’argent sa jolie moto bleu, une Honda Titan, alors que je ne disposait ni du permis de conduire moto ni de la connaissance indispensable des chemins forestiers de la région… Heureusement, on se trouvait dans une région contrôlée par l’entreprise et à l’abri de l’État, une réalité qui tombait bien pour moi, puisque je n’avais pas à craindre des contrôles de la police, mais dont les répercussions sont moins favorable pour les conditions de vie des nombreuses familles vivant à l’intérieur de la région, marquée par le manque frappant de toute sorte de services de base, transport et communications.
15Quand je pris donc finalement le chemin en direction de l’Estrada Nova, un matin d’aoùt baigné dans la lumière dorée du soleil, qui se levait alors sur les plantations d’eucalyptus à la sortie de la ville, je ne savait pas encore que ce dernier voyage allait être l’un des plus importants de tout mon séjour, et qu’une panne de moto et une tempête allaient créer les circonstances heureuses pour plusieurs rencontres extrêmement intéressantes… À quelque chose malheur est bon !
Sur le chemin : 1. Ma moto et moi, quelque part entre Monte Dourado et Braço. 2. L’horizon est en vue, la visibilité est bonne, le GPS marche, et la circulation des véhicules en sens inverse semblablement contrôlable : des conditions parfaites pour consolider les compétences d’un apprenti en motocyclisme au milieu de la forêt amazonienne…
16La première étape prévue : de Monte Dourado à la maison de Carlos (Estrada Nova). J’avais rencontré Carlos lors d’une visite à l’agence d’ADEPARA (Agence de la Défense de l’Agriculture au Pará) à Monte Dourado, où Carlos travaille deux fois par semaine comme technicien agraire. Nous avions eu un entretien particulièrement intéressant, à la fin duquel Carlos m’avait fortement encouragé à venir lui rendre visite, à lui et sa famille, dans la zone de l’Estrada Nova, où ils habitent. J’avais accepté son invitation, et faute d’un téléphone sur lequel j’aurais pu le prévenir, je ne pouvais qu’espérer trouver quelqu’un dans sa maison le jour de mon départ. Mon plan était d’ailleurs de faire un petit arrêt à environ 30 kilomètres de Monte Dourado, pour passer voir une famille de la communauté de Braço, avec laquelle je m’étais liée d’amitié lors de quelques voyages antérieures. Braço est la plus grande communauté du domaine de la Jarí du côté du Pará, avec environ 300 maisons, toutes reliées à un réseau d’électricité et avec facilement joignables depuis Monte Dourado grâce au bon état de la route. J’avais donc déjà pu aller trois fois à Braco par bus en juin et juillet, et loger chaque fois chez Joana et son fils Abimael, un jeune professeur, qui était devenu mon meilleur guide pour connaître la zone lors de ma première visite à la communauté.
Premier arrêt : un petit-déjeuner chez Dona Juana à la communauté du Braço
17Mon idée était donc de faire une visite-surprise à mes amis Joana et à Abimael, dans la communauté de Braço, en leur apportant un petit déjeuner de la ville (le pain frais est toujours très apprécié par les familles rurales puisqu’il n’y a pas de boulangeries dans la plupart des communautés rurales). Face à l’absence de panneaux routiers et d’une carte qui aurait pu m’indiquer la route à prendre pour arriver à ma destination souhaitée, j’avais espoir que chez Joana je pourrai demander ses informations. Mais j’apprendrai avec surprise qu’une grande partie des personnes vivant à Braço n’avaient jamais été à l’Estrada Nova et ne savaient donc pas exactement comment y aller. « Tu veux y aller toute seule en moto jusque là ? Cuidado – attention ! », me disaient-ils incrédules. Mais Abimael, qui se préparait pour aller à l’école, m’encouragea. Il y avait été qu’une seule fois, mais il connaissait Carlos et il m’affirmait qu’il fallait juste suivre toujours la grande route : d’abord vers le sud-ouest jusqu’au fameux « Portão de ferro », la porte de fer, où la route se réduira à une piste de sable parfois profonde, où il sera très difficile de conduire. Mais j’avais hâtes d’arriver à destination et après le déjeuner dans leur petite maison aux bords du terrain de football, je sautai en selle, décidée de suivre son conseil.
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Communauté du Braço : 1) Avec Mama Joana, avant de répartir en direction de l’Estrada Nova ; 2. Vu du terrain de foot depuis la maison de Joanan et Abimael, l’église catholique en arrière-plan.
19Initialement, la route de Monte Dourado jusqu’à la communauté du Braço (50 km environ) avait été large et en très bon état. Ce n’est pas surprenant quand on sait qu’elle fait la liaison entre Monte Dourado et une grande partie des plantations d’eucalyptus de la Jarí Cellulose.
20Pendant le trajet d’une heure et demie jusqu’au Braço j’avais donc longé d’interminables plantations d’eucalyptus de toute taille (des boutures récemment plantées jusqu’aux adultes de 7 ans, pouvant arriver à 20 mètres de hauteur), rarement interrompues par des petits bouts de forêt primaire. Si ce cadre ne change pas beaucoup pendant tout le chemin jusqu’à l’Estrada Nova, toujours proche de grands zones d’eucalyptus, la qualité de la route changeait drastiquement, de moins en moins carossable. Bien consciente de mon ignorance technique absolue sur les motos, je ne voulais surtout pas qu’il s’arrive une chose, une panne dans la forêt.
21Pourtant, c’est exactement ça qui m’arriva quelque part entre la communauté de Braço et l‘Estrada Nova : je suis tombée avec ma moto dans un fossé de la route, quelques kilomètres seulement après avoir laissé derrière moi la communauté de Braço. Incapable de la soulever du trou (le réservoir était plein), j’attendis du secours, me préparant déjà psychologiquement à passer une nuit en forêt étant donné la faible fréquentation de ce tronçon de la route. Pourtant, par un coup de chance, un camion rempli d’hommes (debout sur la remorque) s’approcha à peine une heure après mon malheur. La moto était vite sortie du trou, le camion repartit. Soulagée, je montais sur la moto pour répartit, mais toute de suite j’ai compris que le câble de l’accélérateur avait apparemment été coincé par la chute, car le moteur hurlait même au ralenti. Il fallait freinant en continu pour empêcher la moto de s’emballer et il m’était évidemment impossible de continuer la route. La recherche d’un mécanicien pour résoudre le problème s’avérait indispensable. Mais comment en trouver un en pleine forêt ? Après une heure de trajet environ, je vis apparaitre deux maisons, une à chaque côté de la route. J’étais arrivée au fameux poste appelé Porta de ferro (la porte du fer). On m’avait expliqué que ce nom rappelait l’existence d’une porte de fer érigée par la Jarí Cellulose, dans les années 1990, pour couper le passage entre Monte Dourado et la zone de l’Estrada Nova aux familles qui s’y étaient installées, et les faire partir.
1. Le fossé peu après Braço qui avait provoqué ma chute ; 2. La route très sableuse proche de la communauté « Portão de ferro », qui représente le début de la zone dénommée Estrada Nova.
22Au moment de mon arrivée, seuls une femme et son enfant se trouvaient présents au Portão de ferro, qui compte seulement de quelques 10 maisons, dont plusieurs sont dispersées dans la forêt et ne sont donc pas visibles depuis la route. J’explique mon problème à la femme, qui à ma grande surprise me parle d’un mécanicien, dont la maison se trouverait à seulement deux km d’ici, cachée dans la forêt mais accessible par un petit sentier vers la droite de la route principale. C’est ainsi que j’allais faire connaissance avec l’un des personnages les plus dynamiques – et critiques de l’entreprise – que j’aie rencontrés jusque-là.
Deuxième arrêt : « Portão de Ferro » : un après-midi chez la famille du mécanicien et self-made-man Francisco, alias « Chico », et sa famille
23Un quart d’heure plus tard, j’arrive à une petite maison en bois, dans une clairière au milieu de la forêt. Une femme et ses quatre enfants, ainsi qu’un groupe de chèvres coquines, viennent à ma rencontre.
24J’apprends que Seu Chico est absent, mais qu’il serait bientôt de retour. Sa femme m’invite alors à garer la moto et à déposer mes affaires. J’accepte de rester, plus encore avec la perspective de pouvoir prendre un bain dans la petite rivière à proximité de la maison. Il est une heure de l’après-midi et la chaleur est impitoyable. Au retour d’une baignade formidablement rafraichissante, et en attendant Seu Chico, on se pose tous pour discuter sur une petite place à coté de la maison, où l’on m’attribue la place d’honneur, un confortable hamac, suspendu entre deux arbres.
1. La maison de la famille de Seu Chico et Dona Edenida, seule dans une petite clairière à proximité du « Portão do ferro » ; 2. Un verre de lait de chèvre fraichement tiré, pour me souhaiter la bienvenue !
25En réponse à ma question sur l’âge des ses enfants, Dona Edenida me raconte que ça fait des mois que ceux-ci ne vont plus à l’école, et une année qu’elle est allée pour la dernière fois en ville, à Monte Dourado. Pas de transport scolaire disponible, et le bus pour la ville coûte 10 Reais par personne, beaucoup trop cher pour le salaire minimum brésilien (510 Reais par mois) que son mari Chico gagne par mois comme agent de santé, un poste qu’il avait eu la chance de trouver il y a trois mois seulement. Pendant que je goûte un délicieux verre de lait frais de chèvre, qu’un de ses fils venait de traire pour moi, Edenida m’explique que ça fait cinq ans qu’ils sont arrivés ici depuis le beiradão (ancien nom donné à Laranjal do Jarí dans les années 1970, et qui est encore associé à l’image de bidonville sur le fleuve que l’agglomération représentait à cette époque). Ils ont trouvé un endroit à côté de la route principale, où s’étaient installées aussi d’autres familles da la région. Mais peu après ils ont transféré leur maison à l’emplacement actuel pour être plus proche de la rivière, unique et indispensable source d’eau. Aujourd’hui, très peu de familles sont restées dans la communauté, la plupart ayant décidé d’aller en ville à cause du manque d’une école à proximité et à cause des difficultés de transport pour se rendre en ville. « On est resté les seuls ici, mais on ne voulait pas retourner à la ville », me confie Edenida. « Mon mari a des projets, il veut commencer l’élevage de poulets et produire de la farine de manioc. Il veut construire ça pour nous, pour nos enfants. Mais on est malheureux parce qu’on ne peut pas amener tous les jours nos quatre enfants à l’école de l’Estrada Nova, la seule de la région, qui se trouve à environ 10 km d’ici. Mon mari a une seule moto et devrait donc faire quatre allers-retours, deux fois par jour, pour amener et aller chercher les enfants. Mais il doit aussi travailler pour nous nourrir… ». Évidemment, un vrai dilemme.
26L’arrivée soudaine d’une grosse averse nous oblige à nous réfugier à la maison. Peu après, Francisco das Chagas Rodriquez, alias « Chico », est de retour à la maison. En un tour de main il a réparé ma moto.
27Chico a 36 ans, et comme je le verrais rapidement, il représente le prototype du « self-made-man » qui aime surtout son indépendance et sa liberté. Son discours est radicalement opposé à la présence de l’entreprise qui serait, selon lui, la raison principale du sous-développement de la région. Né au Maranhão (dans le nord-est du Brésil), il est arrivé à Laranjal do Jarí à l’âge de deux ans avec son père, qui avait été recruté au Maranhão même par des « rabatteurs » de la Jari Cellulose, comme la plupart des autres travailleurs de l’entreprise dans les années 1970, au début du projet de Ludwig. Son travail : défricher la forêt et la remplacer par des plantations. Le père de Chico amène toute sa famille, et Chico fréquente alors l’école de la Jarí à Monte Dourado jusqu’à l’âge de 18 ans. Puis, il travaille pendant six ans dans l’hôpital que Ludwig a fait construire (et qui est encore aujourd’hui l’unique hôpital sur le territoire d’entreprise du côté de Pará), avant de monter sa propre affaire, comme électricien à Laranjal. Quelques années plus tard, quand on lui propose un travail à l’usine de cellulose de la Jarí, Chico accepte, mais il reste à peine une année dans ce qu’il appelle la « bouche de l’enfer », où le bruit assourdissant, la chaleur et le mauvais traitement des travailleurs lui feront fuir de l’entreprise pour toujours, malgré la bonne rémunération (deux salaires minimum, environ 750 Reais à l’époque) que cette décision lui faisait perdre. Aujourd’hui, il prépare le terrain pour les deux projets dont Edenida m’avait déjà parlé et pour lesquels il a d’abord besoin d’une source stable de l’électricité. Il avait déjà construite sa propre petite usine hydroélectrique, mais une inondation cette année avait tout cassé. Maintenait il lui fallait donc mettre à côté un peu d’argent pour racheter les pièces cassées ou manquantes.
1. Chio et son fils avec une turbine défectueuse de leur PHE (petite usine hydroélectrique) ; 2. Toute la famille pose devant la rivière qui passe derrière la maison
28Quand je l’interroge sur son avenir, il affirme que le travail indépendant serait pour lui et ses enfants le « meilleur chemin », car il ne veut surtout pas que ses enfants soient obligés à devenir des « employés – esclaves » ni pour l’entreprise ni pour quelqu’un d’autre. « Mon père me prend pour un fou parce que j’ai choisi d’habiter ici, dans cette forêt isolée, mais c’est ici qu’il a de la nature, qu’il y a des poissons, qu’il y a de la terre. Ici, j’ai la liberté de construire quelque chose de stable pour mes enfants, ici ils peuvent courir et jouer. Ici je peux inviter la famille, j’ai ma liberté. En ville, il n’y pas ce même espace, tout est contrôlé par le voisin ou par le gouvernement ». Chico est protestant, il croit en Dieu et en son destin, devenir un bon agriculteur. C’est pour cela qu’il a décidé de rester ici, malgré la difficulté de vie dans l’Estrada Nova. « C’est ça la qualité de vie que je veux : être bien avec Dieu, être en bonne santé et disposer d’assez de nourriture pour nous tous. Le reste n’a pas de valeur ». Je veux savoir s’il pense demander de l’aide au gouvernement ou à la Fundation Orsa pour réaliser ses projets. Il me raconte alors ses vains efforts pour obtenir un crédit à la banque, le désintérêt du secteur public pour les communautés rurales habitant à l’intérieur du territoire de l’entreprise, et des actions (ou non-actions) de la Fondation Orsa, dont il soutient que les projets sont guidés surtout par l’intérêt économique de l’entreprise elle-même, mais n’offrent guère d’appui efficace pour les agriculteurs. « Il y a déjà quelqu’un de la FO qui est venu me voir ici pour me proposer à participer à leur projet dit « eucalyptus familial » ». J’avais, en effet, déjà entendu parler de ce projet pilote de la FO en zone rurale, qui consiste à inciter les agriculteurs de transformer une partie ou la totalité de leurs terres en eucalyptus, avec la garantie d’achat de la part de la Jari sept ans après la plantation. « Et cela ne suppose pas un investissement alternatif intéressant pour les agriculteurs ? », je lui demande. « Non, j’ai fait mes comptes », me réplique Chico vigoureusement. « La Jari promet un bénéfice de 2 000 Reais par hectare (~800 euros en 2009). Mais moi je n’ai qu’un seul hectare à disposition. J’aurais donc la perspective de gagner 2 000 Reais d’ici 7 ans…en déduisant encore les coûts qui s’accumulent pour entretenir la plantation pendant tout ce temps-la, et l’eucalyptus exige beaucoup du travail quand on ne dispose par des grands machines comme la Jarí. D’ailleurs, il va arriver un moment que je vais avoir besoin de l’argent pour acheter un médicament si quelqu’un de ma famille tombe malade, et comment pourrais-je alors trouver cette argent ? Et qui achèterais mon eucalyptus si ce n’est pas l’entreprise ? Je ne veux pas être dépendant du monopole de l’entreprise ! ». Chico me raconte par la suite que plusieurs des agriculteurs qui se sont engagés dans la production d’eucalyptus familiale auraient déjà abandonné le projet car ils se sont rendus compte de sa non- rentabilité, et certains auraient même du vendre leurs terres à la Jarí pour rembourser leurs prêts. « C’est exactement à quoi la Jarí veut venir », affirme Chico, « car elle prétende augmenter sa production d’eucalyptus mais elle n’a plus le droit d’élargir ses propres plantations car l’État ne le permets pas, donc l’entreprise à inventé cette nouvelle stratégie qu’elle vend comme un projet de développement. Or, ce qu’il faut que les agriculteurs produisent ici c’est, au contraire, des produits dont la région aurait besoin », rajoute Edenida. De l’eucalyptus personne n’en a besoin, et non plus du curauá [une fibre à haute qualité que la FO a introduit chez les agriculteurs de la région pour la vendre ensuite à une entreprise de transformation « partenaire » de la Jari à Santarém. Il faudrait plutôt fortifier la production de la farine de manioc, du riz, de la viande, des produits de première nécessité pour les populations locales. Elle serait très intelligente, cette entreprise. Elle ferait des projets pour gagner, pas pour perdre. C’est pour cela qu’ils veulent construire eux-mêmes leur propre business, en toute indépendance de l’entreprise. Notre discussion animée dura presque deux heures.
29On l’a compris, Chico et sa femme ne sont pas particulièrement satisfaits de la présence de l’entreprise, dont ils trouvent qu’elle n’apporte pas le développement aux populations locales, mais serait qu’au contraire elle y fait obstacle. Par conséquent, comme l’entreprise ne laisse pas se développer à côté d’elle des initiatives qui pourraient constituer une concurrence, le côté du Para semblerait un « cimetière », alors que le côté de l’Amapá, notamment la ville de Laranjal do Jarí, connaissait une vraie dynamique de croissance économique et sociale. « Ici, le plus grand problème qu’on a c’est la Jari » , conclut Chico en souriant. « Mais au moins on est tranquille ici, l’entreprise elle a du nous accepter, elle nous ne dérange plus beaucoup. On a gagné cette bataille. Je suis fils d’ici, du Jari, de cette terre à la fin du monde, et je veux faire quelque chose ici pour le futur de mes enfants ». Quelle énergie, quelle détermination montrait cet homme de 36 ans ! Et le fait de ne pas avoir de droits de propriété sur la terre où se trouve leur maison ne semble pas l’empêcher de vouloir y investir et monter ses projets agricoles.
30Avant de répartir, en mangeant des œufs de leur propre petit élevage de poulets fermiers (« galinha caipira »), je leur montre un diaporama avec des impressions des paysages neigées en Autriche. Il est 16h30, j’ai encore une ou deux heures de lumière pour arriver jusqu’à la maison de Carlos, à la communauté de l’Estrada Nova. Il faut que je me dépêche…
31Je reprends le chemin, toujours tout droit sur la route. De nouveau, des paysages dominés par la monoculture défilent devant mes yeux. Je croise aussi des plaques vertes de la FO qui font preuve de l’existence des plantations d’eucalyptus familial, projet pionnier du développement rural proposé par la Fondation depuis 2008.
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1. Plantations d’eucalyptus en arrière-plan, au premier plan, un champ récemment planté ; 2. Plaque « publicitaire » du projet eucalyptus familial : « Projet de génération de revenu pour les communautés » (Projeto de Geração de Renda para Comunidades).
Prochain arrêt : la maison de Seu Carlos et Dona Eni, dans la communauté centrale de l’Estrada Nova
- 6 Forme de respect, dérivé de « Senhor ». « Dona » est son équivalent féminin.
33Quand j’arrive à la maison qui m’avait été indiquée comme celle de Seu6 Carlos et de sa femme Dona Ení, la nuit est déjà tombée. Deux femmes sont assises sur la terrasse devant une solide maison de bois au bord de la route. Une plaque signale la possibilité d’acheter du miel.
34Un peu surprises de voir un étranger apparaitre à cette heure-la, ils n’hésitent pourtant pas à m’inviter à m’asseoir avec eux. J’explique que je suis une chercheuse venue de France et que j’avais fait la connaissance de Carlos à Monte Dourado. L’une de femmes déclare être son épouse, Dona Eni ; l’autre une amie de la communauté. « Et tu es venu toute seule en moto depuis Monte Dourado ? Caramba, tu es courageuse ! », s’exclame Dona Eni avec une certaine admiration. Pendant qu’on me sert un plat de poisson frit avec du riz, j’apprends que Dona Ení est instutrice à l’école de l’Estrada Nova, qui se trouve à environ un kilomètre de leur maison. Je comprends alors que la communauté centrale de l’Estrada Nova n’est pas constituée par un ensemble de maisons proches une des autres, mais par des petits groupes de maisons ou même des maisons isolées, situées le long de la route principale ou un peu à l’intérieur, un peu cachées par la forêt et de préférence à proximité d’un point d’eau. La zone nommée Estrada Nova est constituée d’environ 250 familles, réparties entre plusieurs communautés, commençant par le Portão de Ferro et allant jusqu’ à Panaminho et Recreio sur le fleuve Paru, qui constitue lui-même la limite au domaine de la Jari.
35Fatiguée et bien secoué par les chocs de la route, je monte mon hamac entre deux piliers. Je ferme les yeux, les sons de la forêt m’emportent toute de suite à d’autres mondes...
36Le lendemain, Carlos n’était toujours pas arrivé de Monte Dourado. Je décide alors de rendre visite à l’école où Dona Eni travaille, et de chercher à interviewer Seu Araújo, son père, qui était arrivé à l’Estrada Nova en 1988, et qui habite juste à côté de l‘école.
37J’ai de la chance : Seu Araújo est à la maison et disponible pour répondre à mes questions ! On s’installe sur la terrasse de sa grande maison. Je veux d’abord des informations sur l’évolution géo-historique de l’Estrada Nova.
1. Avec Seu Araújo dans sa maison de l’Estrada Nova ; 2. Devant sa maison, l’unique téléphone public de toute la région, fonctionnant par liaison satellite.
38Seu Araújo me raconte alors qu’aujourd’hui l’Estrada Nova est dominée par l’eucalyptus et par des fazendas (dont la plupart seraient propriété d’employés de l’entreprise ou du gouvernement, ou encore des propriétaires des deux uniques chaines de supermarchés (« Ideal » et « Ramalho »), qui dominent la région. Avant, dans les années 1990, il y avait surtout des agriculteurs, qui s’étaient installées ici à partir de la fin des années 1980. À cette époque-là, il y avait encore très peu de gens ici. Certains étaient venus depuis la région d’Almeirim, par le fleuve Parú, et s’étaient installées à Recreio, une communauté organisée autour de l’extraction de la noix du Brésil. Un migrant qui a aujourd’hui 74 ans, Manoel Messias Borges, alias « Baiano », aurait été un de premiers à arriver ici. « Dans les années 1990, il n’y avait que de la forêt ici », m’explique Araújo. Les familles qui habitaient ici faisaient des petites plantations de manioc, des fruits et des légumes. Il y avait déjà une route de l’entreprise, plus petite que celle d’aujourd’hui, mais c’était bien parce qu’à cette époque-là, la Jari coopérait bien avec nous. Elle achetait souvent notre production pour ses restaurants. Et l’entreprise venait chercher la production ici, avec des camions à elle. Moi, par exemple, je vendais ma production à quatre restaurants de la Jari. Et c’était important pour moi, car j’ai élevé 18 enfants ici ». Contrairement à d’autres personnes âgées que j’avais rencontré auparavant, on ne lui donnait pas cet âge.
39Effectivement, à l’époque du Projet Jarí de Ludwig (1967-1982), l’entreprise comptait un très grand nombre d’employés, car les travaux sylvicoles se faisaient manuellement, et chaque grande silvivila (village érigé dans la forêt pendant les travaux de défrichement, plantation et récolte) avait son restaurant. Environ 15 400 personnes auraient travaillé dans le projet Jari en 1979, alors qu’en 2004 ils ne restaient que 3 000 (et seulement 1 500 en 2009), notamment à cause de la mécanisation des travaux et de la restructuration de l’entreprise, en 1982, en vertu d’une conception plus moderne du capitalisme liée à la reprise du projet par une nouvelle gestion (Industria e Comércio de Minérios S/A- ICOMI, de l’entrepreneur Antunes).
40L’une des difficultés des agriculteurs de cette zone et de la région en général est justement la diminution constante des consommateurs et de la demande de produits agricoles, remplacés désormais par l’offre des supermarchés de Monte Dourado et de Laranjal, dont la plupart des produits est pourtant importée de Belém ou même d’autres régions du pays. En effet, comme m’avait expliqué, à Monte Dourado, le chef du supermarché IDEAL, il est plus facile de se faire livrer des commandes de Belém par bateau que d’aller chercher des productions chez les agriculteurs des zones rurales, notamment à cause de la difficulté de circulation sur les routes en saison des pluies. Quel paradoxe, pour une région comme le Jarí, fertile et historiquement peuplé par des agro-extractivistes…
41Seu Araújo continue à raconter : à la fin des années 1990, le climat dans l’Estrada Nova a changé. L’entreprise commençait à vouloir expulser les agriculteurs parce qu’elle visait à amplifier ses plantations. C’était l’époque de la construction du Portão de ferro. L’entreprise avait donc commencé à défricher massivement à proximité et dans l’Estrada Nova. Des camions et des de grumes de bois nobles (madeira de lei), seraient sortis d’ici à cette époque, m’affirme Araújo, qui habitait déjà dans sa maison actuelle à cette époque.
42Lui aussi originaire du Maranhão, Araújo était arrivé ici en 1988, après un long parcours à travers l’Amazonie : il était d’abord collecteur de caoutchouc (seringueiro) et de noix du Brésil à Rio Branco, dans l’État du Roraima ; puis il est « devenu agriculteur » dans le Xingú au Pará, avant de venir ici en 1988. Sa maison, qui se trouve juste à côté de l’école, est jolie et grande, avec des tuiles vertes. La place derrière la maison abrite un grand jardin très propre et planté d’arbres fruitiers. Devant sa maison on trouve l’unique cabine téléphonique de toute la région ; elle fonctionne par liaison satellite !
43Aujourd’hui, Seu Araújo et sa femme vivent de leur retraite et de la vente de fruits à Laranjal, quand son fils vient chercher la production en moto pour l’amener au marché. Des ces 18 enfants, cinq sont partis à Belém et à Macapá, les autres se sont installés à Monte Dourado ; un seul fils habite dans l’Estrada Nova.
44Vers midi, je quitte la maison du Seu Araújo pour aller rendre visite à Seu Baiano. Ce que Seu Araújo m’avait raconté sur lui avait réveillé ma curiosité. Je voulais évidemment parler avec l’un des premièrs habitants de l’Estrada Nova !
45Lui et sa femme habitent seuls dans une maison à environ 10 km en direction de la communauté de Panaminho, à un endroit baptisé Incruso. Cela serait simple à trouver mais difficile à atteindre à cause du mauvais état de la route. On m’explique que j’identifierai son domicile par une petit église juste à côté de la maison, au bord de la route. Comme j’allais le comprendre plus tard, Seu Baiano l’avait fait construire lui-même, pour pouvoir y organiser les cérémonies de son culte adventiste.
46Par une bénédiction spéciale de Dieu j’arrive à la petite église qui m’avait été indiquée sans tomber cette fois-ci dans l’un des nombreux trous dans la route. En considérant son état actuel alors qu’on se trouvait déjà en saison sèche, je me demande comment ces familles arrivent à se déplacer en pleine saison de pluie…
47La bienvenue à la maison est cordiale. Au moment de mon arrivée, Seu Baiano est installé sur sa terrasse, à côté de sa femme, qui est en train d’entretenir des plantes dont les pots se trouvent dispersés un peu partout dans les alentours de la maison. Ils m’invitent à m’asseoir en affirmant d’être toujours heureux quand arrivent des visiteurs. Si la chaleur, les moustiques, et les grandes distances peuvent parfois être des facteurs déplaisants pour un chercheur en Amazonie, la cordialité et la disponibilité des populations y est incomparable, et constitue un véritable bonheur !
48Seu Baiano est un personnage impressionnant. À 74 ans, il se montre très animé et fier de ses capacités comme « producteur au bout du monde », comme il s’autodéfinit avec un sourire malin. En effet, sa production est tout à fait remarquable : de ses 100 orangers, il dit avoir récolté environ 90 000 oranges lors de la dernière récolte, ainsi que 50 caisses de papayes (mamão) par semaine. Avec sa femme, il récolte aussi des citrons et du poivre (pimenta do reino) dans un champ derrière la maison, et il a quelques pieds d’açai pour l’autoconsommation. Par ailleurs, ils possèdent 140 têtes de bétail blanc (gado blanco). « On a commençé avec trois têtes il y a 15 ans », affirme Baiano. Né dans l’état de Bahia (d’où son surnom), il arrive d’abord à Almeirim en 1982 où il reste pendant six ans. Agriculteur depuis toujours, il y travaillait un petit lot, trop petit (seulement trois ha) pas assez pour nourrir ses enfants. En 1988, il décide donc de partir par le fleuve en direction de l’Estrada Nova, parce qu’il avait entendu parler de la fertilité des terres d’ici. « Je suis venu voir, j’ai bien aimé, et donc je suis resté. J’étais l’un des premiers arrivés dans cette région, j’ai construit une petite baraque proche d’ici. Le soir, le jaguar feulait tour près de chez moi. Cela fait 27 ans maintenant », m’explique-t-il. « Aujourd’hui il a déjà pas mal de gens qui se sont installés ici. La Jari a essayé d’expulser tout le monde, mais elle n’a pas réussi. Je trouve qu’ici la vie est belle, je me lève le matin avec le chant des oiseaux, il n’y a pas de la violence, je mène une vie indépendante avec ma femme. On a neuf enfants. On est heureux ». De ces neuf enfants, un seul habite près d’eux à Estrada Nova et deux à Monte Dourado. Une surprise, le reste est parti vivre à São Paulo. « Une des nos filles a même une licence en Lettres », ajoute fièrement la femme du Baiano. Ils sont d’ailleurs contents de leurs revenus, une pension de retraites chacun, plus les recettes de l’agriculture et du bétail (ce dernier vendu seulement quand ils en ont vraiment besoin). Je leur demande si on pouvait aller voir les plantations. « Aujourd’hui on peut vendre plus que jamais, car on a signé un contrat avec plusieurs supermarchés à Monte Dourado et à Laranjal pour la vente d’oranges », m’explique Baiano pendant qu’on prend le petit chemin qui monte sur la petite colline derrière de la maison. Apparemment, pour certains produits, les supermarchés achètent directement aux agriculteurs. Où est-ce que Baiano, installé depuis longtemps et qui a réseau consolidé dans la région, est privilégié et donc un cas spécial parmi les agriculteurs de la région ? Quoiqu’il en soit, après les rencontres avec Chico et Carlos, voici quelqu’un qui semble aussi avoir trouvé sa place et son bonheur dans la lontaine Estrada Nova, si isolée. Mais à la différence de Chico et Carlos, Seu Baiano ne fait guère de reproches à l’entreprise. Il souligne pourtant qu’il n’a jamais voulu travailler pour la Jarí et qu’il n’a jamais non plus reçu d’aide de la part de celle-ci. Il représente le cas de quelqu’un qui a réussi à vivre en paix avec la Jari et à développer – malgré la difficulté créée par la distance de Monte Dourado – une agriculture très rentable et diversifiée, ainsi qu’un petit troupeau, pour lequel Seu Baiano montre beaucoup d’affection. Plus qu’un business visant le profit, le bétail constitue pour lui un plaisir et un investissement à long terme, dont il peut se servir au cas où il aurait besoin d’argent rapidement (une stratégie complètement différente de celle des grands fazendeiros).
1. Baiano montrant l’abondante récolte de ses orangers ; 2. Baiano, avec l’une des ses 150 têtes de gado branco
49Le soir, je rentre à la maison de mes hôtes Eni et Carlos. Pendant le diner, qu’on prend avec leurs deux enfants sur la terrasse devant la maison, bien éclairée grâce au générateur à essence qui bourdonne tous les soirs dans leur jardin, on parle encore des évenements qui ont agité l’Estrada Nova à la fin des années 1990. J’apprendrais que Carlos avait joué un rôle fondamental dans l’organisation de la résistance des familles de l’Estrada Nova contre les menaces d’expulsion de la Jari. Aujourd’hui, l’Estrada Nova constitue l’une des rares zones situées à l’intérieur du territoire d’entreprise, du côté du Pará, où quelques habitants ont effectivement reçu des titres de propriété (Carlos et Baiano, par exemple). Cependant, la plupart des familles disposent juste d’un droit de « posse », c’est à dire, d’un droit d’occupation, alors que la Jari Cellulose continue à être la détentrice légale des terres. Sur la « carte des communautés » produite par la Jari Cellulose elle-même (carte page 3), la zone de l’Estrada Nova représente effectivement une tache blanche, indiquant que l’entreprise ne développe aucune activité dans cette zone (les plantations d’eucalyptus appartenant officiellement au chef de la NDR et à l’entreprise Agrominas, les deux pourtant sous-traitantes de la Jari, où à des agriculteurs faisant partie du « projet eucalyptus familial »). Il s’agit donc d’une des zones démembrées, au moins pour l’instant, du domaine de la Jarí. Carlos explique : « Les terres de l’Estrada Nova sont des terras devolutas (c’est à dire, des terres rétrocédées par l’Union aux États fédérés), et n’ont donc jamais été propriété de l’entreprise, même si celle-ci les a occupées ou revendiquées. La Jarí a simplement envahi ces terres pendant les années 1990 afin d’augmenter ses plantation d’eucalyptus ».
50Carlos, lui-aussi originaire du Maranhão et fils d’un agriculteur, est diplômé de l’école fédérale agrotechnique de São Luis, diplôme obtenu en 1983. Arrivé à la région du Jarí en 1993, il travaillait d’abord comme technicien agricole pour la Jari (du 1993 à 1996), puis il a été sécretaire à l’agriculture de Vitória do Jarí (Amapá) pendant 2 ans, avant de commencer à travailler pour la mairie d’Almeirim, à la promotion de l’agriculture dans la commune. C’est ainsi qu’il est arrivé à l’Estrada Nova pour la première fois et c’est aussi ici qu’il a rencontré sa femme Eni, qui habitait déjà ici avec son père. En 2000, Carlos a eu la possibilité d’acheter un terrain d’un certain Seu Valdy, ex-employé de la Jarí, qui avait apparemment pu (d’une manière ou d’une autre) acquérir un titre de propriété. C’est sur ce terrain que Carlos et Eni ont construit leur maison, et ont mis en place leur propre projet agricole : une plantation de 1500 pieds d’açai et 4 ruches. En plus du salaire que Carlos reçoit comme technicien agricole, ces deux projets les font bien vivre. Plusieurs fabricants de « vin d’açai » de Monte Dourado et Laranjal viennent chez lui acheter. « C’est une bonne chose parce que l’açai ne demande pas beaucoup du travail, il pousse tout seul, et quand les acheteurs viennent c’est eux-mêmes qui montent sur l’arbre pour ramasser les fruits. Moi, je ne content d’encaisser », me dit-il avec un sourire malicieux. Carlos n’est pas bête, mais il est malgré tout aussi trabalhador (un bon trvailleur), on le remarque bien à la manière professionnelle avec laquelle il a construit sa maison, quan il prépare à manger ou quand il me fait partager ses plus profondes opinions sur ce que veut dire vivre et travailler dans la région du Jari. « Je ne parle pas la langue de l’entreprise comme d’autres dans cette région. Mais je suis en bonnes termes avec Madalena de l’équipe rurale de la FO. Elle vient souvent me demander conseil. J’ai travaillé pour eux pendant trois ans. Après, je suis parti, je n’étais pas d’accord avec leur politique, leur travail. Je les ai beaucoup critiqués pour certains projets, par exemple, celui del’eucalyptus familial, parce que ce projet ne profite qu’à l’entreprise. » Carlos me confirme ce que Chico du Portão de ferro m’avait déjà dit de ce projet. « J’ai toujours dit à la FO que les agriculteurs d’ici ont besoin d’autres projets : pisciculture, apiculture, petit élevage, gestion communautaire de la forêt. Mais l’entreprise ne veut pas entendre parler de ça. La FO développe quelques projets d’extractivisme, c’est bien, mais les extractivistes restent toujours pauvres. Parce qu’ils ont besoin d’autres sources de revenu complémentaires ».
51Pendant qu’on se prépare pour aller voir ses ruches derrière la maison, Carlos me raconte ensuite ce qui s’était passé en 1999 : « Je voyait comment l’entreprise défrichait ici et faisait transporter des grumes pendant la nuit pour échapper les contrôles de l’IBAMA » (Institut brésilien de l’environnement). Prévenu par Carlos, l’IBAMA dénonça par la suite ces défrichement irréguliers à l’État. Par conséquent, Carlos était menacé par l’entreprise, mais il avait l’appui du maire Araci Bentes, qui était un de ses amis de Carlos. « Le conflit autour de l’Estrada Nova a été finalement réglé par un troc : les terres ont été passées à l’État, alors qu’en vérité ils lui appartenaient déjà, et l’entreprise a reçu des terres dans une autre partie de la région, proche d’Almeirim ». De cette manière, certains agriculteurs auraient reçu des titres de propriété, mais pas tous. Selon Carlos, il y a environ 300 lots dans l’Estrada Nova, dont seulement 20 auraient le titre de propriété. L’entreprise n’aurait pourtant pas encore jeté l’éponge. « Aujourd’hui les expulsions sont rares ; mais la Jari a adopté une autre tactique pour ré-accaparer de la terre. Le sort de la comunauté de Buritizal, à environ 10 km au sud-est de l’Estrada Nova, montre bien comment la Jari procède : en 2004, 31 000 ha auraient été « rendus » à l’État par l’entreprise, qui incluaient la communauté de Buritizal. L’État a ensuite mis en vente les terres situées tout autour de la communauté, et elles ont été acquises par une série d’acheteurs « fictifs », qui en vérité travaillaient pour une seule personne, le chef d’Agrominas, entreprise sous-traitante de la Jari. Aujourd’hui, toute la communauté de Buritizal est entouré par des plantations d’eucalyptus de l’Agrominas, et plupart des famillee sont parties en ville. C’est exactement ce que la Jari voulait… ». Tant l’ITERPA (Institut des Terres de Pará) que l’IBAMA seraient plus ou moins en cheville avec la Jari. C’est pour cela que l’Orsa Forestal n’aurait pas eu, jusqu’à présent, été contrainte à mettre en place un véritable système de « gestion communautaire de la forêt tropicale », comme elle l’avait pourtant promis à l’IBAMA, qui avait fait de l’inclusion de la gestion communautaire de la forêt la condition sine qua non de la libération d’une licence d’exploitation du bois tropical à la Jari. L’idée était que l’entreprise devrait payer les agriculteurs propriétaires des lots pour pouvoir exploiter des arbres sur leur territoire. Mais ce n’était évidemment pas de l’intérêt de l’entreprise, et le projet a été bloqué.
52Le soir, dans mon hamac, je me demande où les gens ici ont pris l’énergie pour lutter pour leur terre. Pourquoi sont-ils venus ici « à la fin du monde » (Chico) dans un premier temps ? Aventure, recherche de terre, de travail, de la liberté ? Et pourquoi sont-ils restés, malgré la situation conflictuelle avec l’entreprise, malgré l’avancée du « front de l’eucalyptus », qui dominent le paysage, malgré les difficultés de transport et l’isolement cette zone ? Et je me rappelle des phrases de Seu Araújo, qui disait avec orgueil : « J’aime bien être ici, c’est tranquille parce que personne ne vient plus nous déranger maintenant, on a gagné contre la Jari, ici à Estrada Nova ». Aussi Carlos, Chico, et leurs femmes semblent aimer vivre ici, en dépit des contraintes. Et je me rends finalement compte du paradoxe que cela constitue : le fait qu’ici, dans cette enclave de l’Estrada Nova, aux limites d’un grand domaine d’entreprise et entourée par des plantations d’eucalyptus, il semble y avoir aussi un espace de liberté et de tranquillité qui serait difficile à trouver ailleurs, où la concurrence et le prix pour la terre est forte. Et je crois comprendre que c’est cette liberté, dont ils peuvent désormais bénéficier en coexistence pacifique mais en toute indépendance de l’entreprise, qui est à l’origine de la décision de rester ici pour toutes les personnes que j’ai rencontrées ces derniers jours.
Chez Carlos & Eni : 1. « Temos mel » (Miel à vendre) ; 2. Carlos et moi, vêtus du beau costume d’apiculteurs ; 3. La petite rivière à côté de la maison est le plus grand bonheur des enfants, pour se rafraîchir après l’école
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1. Un des 1 500 pieds d’açai derrière la maison ; 2. Eni en train de préparer le poisson ; 3. Le résultat délicieux du 2
54Le soir, de retour de chez Carlos et Eni, je rencontre encore Seu Ze Filho, chef de la NRD, une entreprise sylvicole sous-traitante de la Jari, pour la région de l’Estrada Nova. Il travaille pour le « carioca », le propriétaire de la NRD, qui possède une fazenda juste à côté de la maison de Carlos. On y fait une petite ballade avant le diner. Deux maisons semi-terminées (une pour le carioca lui-même, l’autre pour les travailleurs et le cuisinier), plusieurs tracteurs, et une petite installation hydroélectrique abandonnée. L’endroit semble délaissé. Pendant qu’on mange du poisson dans la terrasse de Carlos et Eni, Ze Filho me fait part de ses préoccupations environnementales. C’est surprenant pour un chef d’une entreprise dont le travail principal consiste à planter, entretenir et couper les plantations d’eucalyptus. Cependant, Ze Filho m’assure qu’il n’avait pas su avant quelle quantité extravagante d’engrais et de pesticides il fallait mettre sur les plantations. Cela le rend malheureux au point qu’il ne voulait plus travailler ici. Il préparerait déjà sa sortie de l’entreprise et son retour vers « son » Maranhão (Ze Filho est lui aussi originaire de cet état du Nordeste !), mais il lui faut encore faire quelques économies. Ze Filho semble vulnérable et fatigué, on peut sentir sa déception quand il parle. Le lendemain, j’allais le rencontrer encore une fois par hasard dans la communauté de Recreio, son grand camion gris métallique plein de sacs et de matériel de sylviculture.
1. Une machine de la NRD pour la pulvérisation des pesticides ; 2. Le cuisinier des employés de la NRD dans l’Estada Nova, dans leur maison à demi construite.
Étape 3 : de l’Estrada Nova jusqu’aux bords du fleuve Paru : visite aux castanheiros de la communauté Recreio
55Le lendemain, 15 août, je pars en moto en direction sud-ouest. Ma destination : Recreio, une communauté au bord du fleuve Parú, qui est une des plus anciennes de la région. Comme Braço, mais à différence de l’Estrada Nova, Recreio peut être rangé parmi la catégorie des « communautés partenaires » de l’entreprise, celles qui ont réussi à établir une coopération profitable avec la FO. Depuis 2005, celle-ci a choisi la communauté de Recreio pour appuyer sa production et ses ventes de noix du Brésil, activité principale des familles de cette communauté, qui totalisait 51 familles en 2009.
56Je prends alors la route vers Panaminho, puis la bifurcation à gauche vers Serra Grande et Recreio. Encore une fois, la chance allait me diriger vers une autre rencontre agréable sur le chemin avant d’arriver à Recreio.
57La – petite – expérience de motocycliste acquise ces derniers jours m’a rassuré, et je profite pleinement de mon voyage sur ma jolie Honda Titan à travers les champs ouverts de l’Estrada Nova. Des plantations d’eucalyptus alternent avec des pâturages de fazendas et des bosquets forêt, souvent en toile de fond.
Sur le chemin à Recreio. 1. Une fazenda à droite de la route ; 2. plantation d’eucalyptus récemment plantée, la forêt en toile de fond.
58Sachant qu’il y avait naguère une forêt intacte ici, je ne peux pas m’empêcher de m’émerveiller du vert frais des pâturages, interrompue par le blanc des vaches, l’ocre de la route de terre devant moi, et le bleu-blanc du ciel. Néanmoins, une petite heure après mon départ de la maison de Carlos et Eni, des nuages de plus en plus noirs commençaient à se lever. Les orages arrivent si vite sous les tropiques ! Et effectivement, seulement quelques minutes plus tard, une pluie diluvienne commençait à tomber. Juste au moment où je décidais d’arrêter pour chercher un refuge quelque part dans la forêt, je vois devant moi sur la droite de la route un petit auvent, comme en ont parfois certaines stations de bus. Je gare ma moto à côté et je m’abrite sous son toit. Puis, pour fuir la pluie qui tombe horizontalement à cause du vent, je grimpe en haut des piliers pour me mettre juste sous le toit.
1. Le petit auvent salvateur ; 2. Cachée sur la poutre, j’échappe à la pluie qui tombe pratiquement à l’horizontale
59Le plus important : mettre mon ordinateur. à l’abri de l’eau. Allongée sur la poutre qui soutient le toit, je me rends compte de l’existence d’une maison à quelques mètres de la route. Le fenêtres sont fermées, mais il y a des poules qui courent autour. La maison, serait-elle habitée ? Quinze minutes plus tard, la pluie cède à nouveau la place au soleil. Et du coup la petite fenêtre de la maison en face s‘ouvre. Je vois un monsieur âgée et bien maigre essorer un drapeau et nettoyer le sol sous la fenêtre par où la pluie était entrée. Me rendant compte que ma position au-dessus du toit fait que je ne sois pas visible pour l’homme, je l’observe pendant quelques minutes en cachette, avant de descendre de mon poste. En me voyant, celui-ci se rapproche du portail en bois qui marque l’entrée de sa maison. « Bonjour ! Je me suis réfugiée ici à cause de la pluie. Je voulais aller à Recreio. C’est encore loin d’ici ? ». « Non, c’est juste à 40 minutes d’ici en moto », m’affirme-t-il. « Tu ne veux pas venir rapidement te chauffer avec un thé avant de repartir ? Mon nom est Guvenal ». Une telle invitation ne peut pas être refusée ! Seu Guvenal ouvre son portail pour me faire rentrer.
1. Seu Guvenal, dans sa cuisine, avec une belle vue sur son jardin ; 2. Chambre de Seu Guvenal : il alterne entre hamac et lit !
60Guvenal m’offre donc du thé avec du miel, qui se révèle être un produit des abeilles de Carlos ! Malgré les distances, tout le monde se connait ici. Sa maison est en bois, avec trois compartiments : cuisine, salle de stockage, et chambre. Il n’y a pas beaucoup de mobilier, juste le suffisant : un four, une radio, une étagère, une petite table, deux chaises, un hamac, un lit. Il a construite cette maison il y a cinq ans, me raconte-t-il. Avant, il habitait à la communauté de l’Estrada Nova, mais son fils vivait ici. Il y a deux ans, son fils est tombé malade et Guvenal était venu pour s’occuper de lui. Comme il vivait dans une petite baraque, il a décidé de faire une maison plus grande, ici, pour les deux. Après avoir guéri, son fils est pourtant parti en ville, et Guvenal est resté seul. « Ma femme est morte il y a huit ans déjà. Comme il n’y avait pas des services de santé ici, on a fait le tour des médecins à Laranjal et Monte Dourado à l’époque. Mais les médecins ne savaient pas quoi faire, et l’état de ma femme ne se stabilisait pas. Alors nous nous sommes préparés pour voyager à Belém. Mais elle est morte avant de partir… ». Cette homme, âgé de 72 ans mais bien robuste, me surprends ensuite par son analyse de la région et des développements du projet Jarí. Originaire de l’État de Ceará, dans le Nordeste), il a d’abord vécu plusieurs années dans « cette forêt autour d’Almeirim », avant de venir ici à l’Estrada Nova, où la terre semblait être plus fertile. « J’ai toujours travaillé pour planter, jamais pour l’entreprise », me dit-il avec orgueil, tout comme Chico, Araújo et Baiano. Aujourd’hui, il vit de sa retraite et de ses plantations de riz et de légumes, qui se trouvent à 2 km d’ici sur la route. Il y va à pied tous les jours.
61Je lui demande son opinion sur l’entreprise et les services de l’État. « Des services pour nous ici dans les zones rurales loin de la ville il n’y en a pas ! Ni de l’entreprise ni de l’État. De l’entreprise, je ne pense pas qu’elle ait aidé les populations d’ici. Je dis ça parce que ça fait vingt ans que je suis ici et je n’ai pas encore connu son aide. Quand j’habitais encore à l’Estrada Nova, l’entreprise achetait de temps en temps ma production. Mais à part ça, je ne l’ai jamais vue essayer de mobiliser les populations ici, de leur donner d’accès à des crédits pour investir dans l’agriculture [un point essentiel, puisque le FO affirme avoir essayé de mettre en relation les agriculteurs et le Banco do Brasil, mais sans succès jusqu’à présent]. Mais elle est bien vue dans les pays étrangers car elle dit faire du développement avec les agriculteurs, faire des routes, distribuer des médicaments. Mais en réalité, ce qu’elle voulait était que nous, les agriculteurs, partions d’ici ». Et Guvenal rajoute un commentaire qui m’impressionne tant il correspond à ce qui s’était passé avec moi à la fin de mon séjour, quand le directeur de la FO m’avait appelée pour me faire signer un « contrat de confidentialité » afin je ne puisse rien publier sans l’autorisation de l’entreprise. Je n’ai pourtant pas signé le contrat, et je suis sur que si je n’avais pas été sur le point de partir, la Jari m’aurait montré gentiment la porte. Il me disait alors : « Ici il n’y a personne qui contrôle ce que fait l’entreprise. C’est elle, et seulement elle. Point. Personne n’intervient. Parce que si tu commence à découvrir des erreurs qu’elle fait ici, elle t’attrape et te met dehors. Personne ne dit rien, parce que les seuls qui pourraient dire quelque chose seraient les politiciens, parce qu’ils ont la connaissance et l’autorité. Mais dans ton cas, si quelqu’un comme toi voulait écrire une thèse ici contre elle, cela ne fonctionne pas… ». Après au moins deux heures de conversation fascinante, et sans me laisser décourager, sans renoncer à continuer à croire dans la possibilité d’écrire une thèse (de doctorat !) qui puisse montrer l’éventail des expériences et la complexité des situations dans la région du Jarí, je remercie Guvenal pour son hospitalité, et je reprends mon chemin en direction de Recreio. Quels personnages, les habitants de l’Estrada Nova ! En effet, la perspicacité de cet homme âgé qui vit seul, et le fait d’être si bien informé sur la situation aussi dans le reste de la région du Jarí, alors qu’on se sent ici véritablement à l’écart de toute autre réalité, m’a vraiment impressionnée. Le doit-il au fait d’avoir une radio et de l’écouter chaque jour, comme Guvenal m’avait affirmé ?
62Après un voyage entre les grands flaques apparues sur la route après la tempête du midi, et encore prises dans mes réflexions, j’arrivais soudainement à une pente. Devant mes yeux je voyais apparaître le fleuve Paru derrière la forêt. J’étais arrivée à la communauté Recreio.
63
64Le Paru, dont le cours est quasi parallèle à celui du Jarí depuis sa source, dans le nord-ouest du Pará, jusqu’à l’embouchure dans l’Amazone proche de la ville d’Almeirim. Il a constitué longtemps l’habitat des Indiens Aparaí, avant que ceux-ci se soient déplacés plus au nord au début du projet Jarí (aujourd’hui, la plupart des 317 Aparai (Funasa, 2006) habitent le long du fleuve Paru de Leste, dans la Terre Indigène Paru d’Este et dans ParcNational de Tumucumaque, tous deux situés dans l’État du Pará, à la frontière avec la Guyane française et le Suriname). Une communauté du nom Recreio s’est formée à l’emplacement actuel au début du 20ème siècle, à l’apogée du commerce de la noix du Brésil et du caoutchouc dans la région du Jari. À cette époque, un énorme territoire, plus ample que la région actuellement définie comme région du Jarí, était contrôlé par un seul homme, le latifundiaire « Coronel » Ze Julio de Andrade. Cet homme avait monopolisé le commerce des ressources naturelles de la région du Jarí pendant presque 50 ans, jusqu’en 1948, quand le domaine passa aux mains d’un groupe de commerçants portugais (« Os Portugueses ») qui continuèrent à leur tour à exploiter les ressources de la région jusqu’à l’arrivée de Ludwig, qui transformera significativement l’économie de la région.
65Quelques maisons de la communauté, qui s’étend le long des berges du fleuve Paru, semblent encore dater de l’époque « près-Ludwig », vu le travail spécifique du bois de certaines façades. Encore aujourd’hui, les 51 familles qui composent la communauté vivent principalement de la commercialisation de la noix du Brésil et de la pêche.
1. Ancienne maison de la communauté ; 2. Vue de l’unique rue de la communauté, qui s’étend le long du fleuve Paru ; 3. Le poste de santé (à gauche), remarquer les sacs de noix empilés à droite du chemin ; 4. Curiosité architecturale, le magasin Raimundo, qui annonce qu’il « achète des noix » (compra-se castanha)
66Dans une conversation avec Seu Edison, leader de l’association de la communauté des producteurs de noix du Brésil, j’allais pourtant apprendre que Recreio avait connu une émigration de sa population vers la ville dans les années 1970, moment où le réseau de la commercialisation de la noix, construit par « les Portugais », avait été dissous par l’arrivé de Ludwig, dont les tentatives de poursuivre le commerce des produits de cueillette ont rapidement cédé aux activités agro-industrielles. Ce n’est que depuis 2000, et grâce à l’appui de la FO, que la communauté a recommencé à augmenter, les produits de cueillette ayant à nouveau un marché en hausse, ainsi que d’autres produits qu’ils n’exploitaient pas avant, comme le cacao natif et l’andiroba (huile provenant de l’arbre tropical Carapa guianensis). L’agriculture serait aussi une autre base, la commercialisation de ses produits s’avérant possible grâce à la situation de la communauté sur le fleuve Paru, qui permet l’écoulement de sa production par bateau jusqu’à Almeirim. Par ailleurs, trois agriculteurs de la communauté se seraient déjà mis à planter d’eucalyptus dans le cadre du projet de la FO. Je veux savoir s’il pense que cela allait donner des bons bénéfices. « Bon, on a déjà remarqué que si on travaille comment il faut, selon la norme de la Jari, cela donnera une bonne production. Mais au moins on protège l’environnement car on plante sur des jachères, qui ont été défrichées il y a longtemps. »
67Voici alors la première personne pleinement contente de ce projet et du partenariat de la communauté avec la FO. Je me demande pourtant si le discours « politiquement correct » d’Edison ne proviendrait pas aussi du manque de confiance en moi (qui sait si je ne travaille pas pour l’entreprise, comme une espèce d’agent visant à identifier les mécontents et les critiques de la Jarí ?). En effet, pendant toute conversation, Edison semble s’efforcer de louer le plus souvent possible l’aide de la FO et d’affirmer l’importance de l’entreprise. De fait Malena, de la FO, et son équipe rurale m’avaient toujours parlé de Recreio comme d’une communauté en essor et très coopérative, qui à côté du Cafezal (autre communauté extractiviste en aval du fleuve Paru, en direction d’Almeirim) constituerait un partenaire stratégique de la FO dans la région pour la promotion des activités extractivistes. Jusqu’à présent, l’intervention de la FO s’est pourtant limitée à un appui logistique pour la mise en place d’une association dans la communauté afin de mieux organiser la production de la noix. À ma question sur les avances de l’association, Edison me confie que celle-ci étaient encore en phase de planification, et qu’aucun résultat concret aurait été atteint jusqu’ici. Les castanheiros continuent à vendre leur noix pour un prix médiocre à des intermédiaires (dont l’un, Graciliano, est d’ailleurs aussi membre de l’équipe rurale de la FO…). Mais des négociations seraient déjà en cours pour une future vente directe à l’entreprise Jari, dont le grand chef, Seu Amoroso, avait décidé récemment d’investir dans ce secteur. En effet, en 2009 le groupe Orsa a acheté l’entreprise « Ouro Verde Amazônia » dans l’état de Mato Grosso, une entreprise spécialisée dans la recherche des nouvelles formes de valorisation de produits extractivistes. Aujourd’hui, Ouro Verde offre des produits comme l’huile ou la crème de noix du Brésil. Si la mise en relation entre les castanheiros et des entreprises du secteur extractivsite doit évidement être saluée, mais il faut quand même s’interroger sur la confusion entre commerce et développement que la FO semble appliquer ici de la même manière que dans le projet d’eucalyptus familial.
68Edison ne semble pourtant pas se préoccuper pour cela. La communauté est une des mieux équipées : elle est l’unique de la région à posséder un poste de santé et un centre de vigilance épidémique (à cause des incidents de malaria). Effectivement, Recreio semble être une communauté propre et bien organisée.
69Notre conversation ne sera pas trop longue puisque c’est l’heure de la messe, et Edison est, en plus de leader communautaire, aussi pasteur de l’église évangélique. Très élégant, il porte un pantalon noir, des chaussures brillantes, et une chemise blanche avec une cravate. L’église et fortement illuminée grâce au générateur à essence situé juste derrière, dont le bourdonnement se mélange de manière bizarrement charmante (et typiquement amazonienne) avec les chants des religieux.
70Je me promène lentement en direction de l’entrée de la communauté, où j’avais laissé ma moto. Et c’est là que je croise à nouveau le chef de la NDR, Ze Filho, que j’avais rencontré chez Carlos. Il me dit qu’il était venu acheter du poisson, car il avait effectué un travail dans une des plantations d’eucalyptus juste à côté, mais les pêcheurs ne sont pas encore rentrés. Ze Filho me propose alors de rentrer avec lui en camion jusqu’à l’Estrada Nova et de mettre la moto sur la plate-forme. Il ne serait pas raisonnable de conduire une moto la nuit à cause des trous dans la route, m’avertit-il d’un air préoccupé. Fatiguée d’une longue journée, et considérant que cela serait encore une bonne occasion de discuter tranquillement avec Ze Filho, j’accepte sa proposition. En attendant le retour des pêcheurs, on s’assoit alors près du fleuve pour profiter de la merveilleuse vue sur les eaux bleu sombre du Paru. Derrière, la silhouette noire des arbres tropicaux sur lesquels tombait la nuit.
71Peu après, on voit des ombres s’approcher sur le fleuve : se sont les pêcheurs qui rentrent de leur travail en deux barques bien chargées. Ils rapportent dix kilos de poisson frais qu’on amènera chez Carlos pour en faire un gros barbecue le lendemain. Contents, on prend le chemin du retour à travers la fascinante nuit noire de la forêt amazonienne.
Notes
1 Une traduction en estonien de cet article a été faite spontanément par Anna Galovich et a été un temps disponible à l’adresse suivante : http://blog.1800flowers.com/international/une-region-et/
2 La thèse intitulée « Genèse d’une région d’entreprise : contradictions du développement économique dans le région du Jarí, en Amazonie brésilienne », porte sur l’évolution de la région du Jarí dans le contexte du développement du grand projet économique agro-industriel débuté en 1967 et connu comme « Projet Jarí ». Elle discute les principaux enjeux socio-économiques et politiques de la région aujourd’hui, sur la toile de fond de la gestion actuelle de l’entreprise, qui se dit inspirée du concept RSE, et la mise en place récente de structures de l’état pour le développement régionale. L’analyse de base sur un approche territoire pour identifier l’inscription sur le paysage des contradictions du développement économique par un grand projet en contexte amazonien.
3 Population vivant de cueillette.
4 En Amapa, la population dans la partie sud de l’état (les communes de Laranjal et Vitória do Jarí d’aujourd’hui) a presque doublé entre 1970 (10 497 habitants) et 1980 (20 406 habitants). Dans la commune d’Almeirim, la population a presque triplé dans la même période (de 12 024 en 1970 à 33 082 habitants en 1980). Depuis 1980, la tendance à l’urbanisation s’intensifie. Les deux États ont, en effet, une dynamique populationnelle opposée : si la population d’Almeirim n’a fait que diminuer depuis 2000 (33 957 hab.) pour arriver à 30 903 habitants en 2007 (dont 20 056 urbains contre 10 847 ruraux, une présence rurale assez forte), celle de Laranjal a fortement augmentée, de 28 515 hab. en 2000 à 37 491 hab. en 2007 (avec une urbanisation record : des 37 491 hab. de la commune en 2007, 35 587 habitent dans la ville (Laranjal), seulement 1 904 personnes habitent dans les zones rurales de la commune)
5 Pour plus d’information sur l’évolution de la région du Jarí et du projet du même nom, ainsi que sur la nouvelle gestion par le groupe ORSA, voir mon article « “Les contradictions du développement en contexte de l’Amazonie forestière : le cas du projet Jarí sous la gestion du groupe ORSA », élaboré dans le cadre du colloque international CEISAL 2010 et mis en ligne sur le site HAL-SHS (archives ouvertes) le 3 juillet 2010. http://halshs.archives-ouvertes.fr/view_by_stamp.php
6 Forme de respect, dérivé de « Senhor ». « Dona » est son équivalent féminin.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Carte 1 : Le territoire d’entreprise de la Jarí Cellulose : une enclave de production agro-industrielle, cernée par des aires protégées. |
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Crédits | Source : Le Tourneau, 2009, repris par Greissing. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/6741/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 216k |
Titre | Cartes 2 et 3 : Le domaine de la Jari, à la frontière entre l’Amapá et le Pará, et le parcours de mon expédition à l’Estrada Nova |
Légende | Le domaine de la Jari est caractérisé par : 1) l’existence de plantations d’eucalyptus et des aires d’exploitation forestière de l’entreprise. 2) des zones de superposition avec des aires protégées de l’État (Resex Cajari , RDS Iratapuru et EE Jari) ; ainsi que 3) l’existence d’environ 100 communautés rurales à l’intérieur du territoire de la Jarí des deux côtés du fleuve Jarí (qui trace la frontière entre l’Amapá et le Pará) |
Crédits | Source de la carte : en haut, Le Tourneau 2009, repris par Greissing. En bas : Jari Cellulose (mapa comunidades), repris par Greissing. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/6741/img-2.png |
Fichier | image/png, 378k |
Légende | 1. Le beiradão, favela de Laranjal do Jarí, dont l’origine date du début du Projet Jari ; 2. Le bateau-taxi qui fait la liaison entre Lanranjal et Monte Dourado fonctionne 24h sur 24h ! 3. Deux maisons typiques de la « company town » Monte Dourado ; 4. Dans mon logement à Monte Dourado, je me prépare pour l’expédition à l’Estrada Nova, chapeau en tête et GPS en main |
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Fichier | image/jpeg, 72k |
Légende | Sur le chemin : 1. Ma moto et moi, quelque part entre Monte Dourado et Braço. 2. L’horizon est en vue, la visibilité est bonne, le GPS marche, et la circulation des véhicules en sens inverse semblablement contrôlable : des conditions parfaites pour consolider les compétences d’un apprenti en motocyclisme au milieu de la forêt amazonienne… |
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Fichier | image/jpeg, 40k |
Légende | Communauté du Braço : 1) Avec Mama Joana, avant de répartir en direction de l’Estrada Nova ; 2. Vu du terrain de foot depuis la maison de Joanan et Abimael, l’église catholique en arrière-plan. |
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Fichier | image/jpeg, 48k |
Légende | 1. Le fossé peu après Braço qui avait provoqué ma chute ; 2. La route très sableuse proche de la communauté « Portão de ferro », qui représente le début de la zone dénommée Estrada Nova. |
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Fichier | image/jpeg, 40k |
Légende | 1. La maison de la famille de Seu Chico et Dona Edenida, seule dans une petite clairière à proximité du « Portão do ferro » ; 2. Un verre de lait de chèvre fraichement tiré, pour me souhaiter la bienvenue ! |
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Fichier | image/jpeg, 40k |
Légende | 1. Chio et son fils avec une turbine défectueuse de leur PHE (petite usine hydroélectrique) ; 2. Toute la famille pose devant la rivière qui passe derrière la maison |
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Fichier | image/jpeg, 56k |
Légende | 1. Plantations d’eucalyptus en arrière-plan, au premier plan, un champ récemment planté ; 2. Plaque « publicitaire » du projet eucalyptus familial : « Projet de génération de revenu pour les communautés » (Projeto de Geração de Renda para Comunidades). |
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Fichier | image/jpeg, 44k |
Légende | 1. Avec Seu Araújo dans sa maison de l’Estrada Nova ; 2. Devant sa maison, l’unique téléphone public de toute la région, fonctionnant par liaison satellite. |
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Fichier | image/jpeg, 48k |
Légende | Incruso : La petite église constitue la porte d’entrée de la maison du Baiano (au fond) |
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Fichier | image/jpeg, 88k |
Légende | 1. Baiano montrant l’abondante récolte de ses orangers ; 2. Baiano, avec l’une des ses 150 têtes de gado branco |
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Fichier | image/jpeg, 52k |
Légende | Chez Carlos & Eni : 1. « Temos mel » (Miel à vendre) ; 2. Carlos et moi, vêtus du beau costume d’apiculteurs ; 3. La petite rivière à côté de la maison est le plus grand bonheur des enfants, pour se rafraîchir après l’école |
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Fichier | image/jpeg, 44k |
Légende | 1. Un des 1 500 pieds d’açai derrière la maison ; 2. Eni en train de préparer le poisson ; 3. Le résultat délicieux du 2 |
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Légende | 1. Une machine de la NRD pour la pulvérisation des pesticides ; 2. Le cuisinier des employés de la NRD dans l’Estada Nova, dans leur maison à demi construite. |
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Fichier | image/jpeg, 32k |
Légende | Sur le chemin à Recreio. 1. Une fazenda à droite de la route ; 2. plantation d’eucalyptus récemment plantée, la forêt en toile de fond. |
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Fichier | image/jpeg, 28k |
Légende | 1. Le petit auvent salvateur ; 2. Cachée sur la poutre, j’échappe à la pluie qui tombe pratiquement à l’horizontale |
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Fichier | image/jpeg, 36k |
Légende | 1. Seu Guvenal, dans sa cuisine, avec une belle vue sur son jardin ; 2. Chambre de Seu Guvenal : il alterne entre hamac et lit ! |
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Fichier | image/jpeg, 40k |
Légende | Vue de l’arrivée à la communauté Recreio. Ici, la route rejoint le fleuve Paru. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/6741/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 60k |
Légende | 1. Ancienne maison de la communauté ; 2. Vue de l’unique rue de la communauté, qui s’étend le long du fleuve Paru ; 3. Le poste de santé (à gauche), remarquer les sacs de noix empilés à droite du chemin ; 4. Curiosité architecturale, le magasin Raimundo, qui annonce qu’il « achète des noix » (compra-se castanha) |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/6741/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 65k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Ana Greising, « Une région, plusieurs mondes, impressions d’une étude de terrain dans la région du Jarí, Amazonie brésilienne, août 2009 », Confins [En ligne], 10 | 2010, mis en ligne le 30 juin 2014, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/6741 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/confins.6741
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