UFPR (2011). Estudo Técnico da Situação Territorial de Uso e Ocupação da Área Nova Esperança, Município de Campo Magro: meio ambiente, urbanização e moradia. Relatório Final. Curitiba, Paraná.
La communauté Nova Esperança (PR) : l'incorporation des droits des migrants internationaux et des réfugiés aux revendications des mouvements de lutte pour le logement au Brésil
Résumés
La Communauté Nova Esperança s'est implantée en 2020 dans un espace public à la périphérie de la ville de Curitiba, capitale de l'état de Paraná, à partir des actions du Mouvement Populaire pour le Logement (MPL). La zone occupée, dont la superficie totale est de 371 420,23 m2, appartient à la Fondation d'Action Sociale, une entité publique liée à l'exécutif municipal de la ville de Curitiba. S’agissant d’une occupation, la zone est actuellement l'objet de l'action légale de reprise de possession. Face à la nécessité d'éclaircir les caractéristiques de la zone, le Parquet de l'état du Paraná a demandé à l'Université Fédérale du Paraná (UFPR) une étude technique sur les possibilités d'utilisation, d'occupation et de lotissement de la zone ainsi que sur les contraintes environnementales puisque la zone est située dans une commune d’environnement fragile. Dans cette étude, nous analysons l’environnement, les conditions générales de vie, de logement et les formes de génération de revenus d’environ 1 200 familles dont 65 % ont entre 25 et 59 ans et dont ¼ sont des immigrés particulièrement touchés par la pandémie et par la crise économique. Dans l’ensemble, nous avons identifié l'omission de l'État à l'égard des politiques de logement et de protection sociale. Dans le sens inverse, dans la communauté, les habitants préservant la forêt, organisent la collecte des déchets solides, construisent des bio digesteurs et certaines structures de bio-fosses dans le but de réduire la contamination des sols et des eaux souterraines. En outre, il y a le jardin communautaire, la cuisine collective et l’atelier de couture. La zone occupée est solution évidente au déficit de logements. En outre, la génération de revenus et les nouvelles formes de sociabilité entre brésiliens et immigrés sont des exemples qui peuvent inspirer la mise en place des politiques d’accueil et d’intégration.
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luta pela moradia, imigrantes, formas de sociabilidade, gestão de territórioTexte intégral
- 1 Le taux de chômage de la population brésilienne est d'environ 13% soit 14 millions de personnes sel (...)
- 2 A ce propos, voir les sites suivants:
- 3 Il s’agit du “Movimento Popular por Moradia”. Pour plus de détails, voir la page sur facebook https (...)
1Des études publiées dans plusieurs pays d'Amérique latine, des articles publiés sur des blogs (comme celui du COVIDAM) et les actualités dans les médias présentent des données inquiétantes sur l'impact de la pandémie sur la population immigrée dans le continente latino-américain. Outre l'impact économique et bien sûr sanitaire, il y a des conséquences dans le domaine de l'éducation (suspension des activités en présentiel), de la mobilité en générale et les sociabilités diverses. De manière générale, les effets de distanciation, de restrictions sociales et de circulation, en plus de la peur généralisée de contracter la maladie, sont fréquents dans toutes les réalités analysées. Cependant, issus de groupes nationaux très peu insérés dans les systèmes de santé de chaque pays, particulièrement vulnérables à la situation du marché du travail et tributaires des taux de change, les immigrés ont été particulièrement touchés par la pandémie et la crise économique qui frappent les cinq continents depuis le mois de mars 2020. En fait, le taux de chômage des résidents de Nova Esperança, dont ¼ sont des immigrants, est de 19%1. En outre, la population immigrée est confrontée à une augmentation des sentiments et des attitudes xénophobes et racistes2. Enfin, selon des données récentes de la publication « Refúgio em Números » (www.portaldeimigracao.mj.gov.br), la fermeture des frontières brésiliennes depuis 2020 n'a pas totalement empêché l'entrée des immigrants, forçant même certains d'entre eux à entrer illégalement dans le pays, ce qui les a transformés en sans-papiers. Cet ensemble de circonstances est à l'origine de la présence d'immigrés, ce qui est très rare, dans de nouveaux collectifs de lutte pour le logement, comme la Communauté Nova Esperança, qui s'est implantée en 2020 dans un espace public à la périphérie de la ville de Curitiba, capitale de l'état de Paraná, occupé à partir des actions du Mouvement Populaire pour le Logement (MPL)3.
2Cette occupation est une conséquence évidente du déficit de logements, commun à tous les États brésiliens. La zone occupée, appelée Fazenda Solidariedade, appartient à la Fondation d'Action Sociale, une entité publique liée à l'exécutif municipal de la ville de Curitiba, mais située dans une municipalité voisine et dont l'usage est régi par le décret d'État 4435/ 2016 concernant les domaines d'intérêt des sources d'approvisionnement public. La zone d'occupation de Nova Esperança a été accordée avec autorisation d'utilisation depuis la fin de 2012 au gouvernement de l'État du Paraná et, bien qu'inutilisée depuis 2009, est l'objet de l'action de reprise de possession nº 4067-17.2020.8.16 .0024 depuis qu’elle a été occupée. Face à la nécessité d'éclaircir les caractéristiques de la zone d'occupation notamment résidentielle, le Parquet de l'état du Paraná a demandé à l'Université Fédérale du Paraná (UFPR) une étude technique sur les possibilités d'utilisation, d'occupation et de lotissement de la zone ainsi que sur les contraintes environnementales puisque la zone est située dans une commune de fragilité environnementale sensible (UFPR, 2021).
3La Communauté Nova Esperança abrite actuellement environ 1.200 familles (environ 4 000 habitants, dont 65 % ont entre 25 et 59 ans), dont ¼ sont des immigrés, occupant une superficie totale de 371 420,23 m2. Elle est actuellement organisée en 11 secteurs, avec une moyenne de 70 à 80 maisons par secteur, et chaque secteur a un chef désigné, responsable de l'inspection, de la gestion et de la mobilisation des équipes de travail. Ainsi, plusieurs projets générateurs de revenus ont été organisés, tels qu'une le jardin communautaire, la cuisine collective, l’atelier de couture à part le travail de collecte et de séparation des matières recyclables, et une zone de forêt préservée.
4De plus, les habitants de la Communauté, préservant la forêt, organisent la collecte des déchets solides, construisent des bio digesteurs et certaines structures de bio-fosses dans le but de réduire l'impact de l'occupation sur la zone karstique, une formation géologique sensible à la contamination des sols et des eaux souterraines. Cependant, ils ne disposent pas d'un système de collecte des eaux usées, et ils n'ont pas non plus pu raccorder leurs maisons au réseau d'approvisionnement par décision de l’Entreprise d'Assainissement du Paraná (SANEPAR) au mépris flagrant de la législation qui établit l'accès à l'eau comme un droit universel.
5La Communauté abrite également d'autres projets éducatifs tels que la bibliothèque communautaire et l'école itinérante qui, inspirée du modèle du Mouvement des Sans Terre (MST), consiste en un enseignement destiné aux adolescents, jeunes et adultes itinérants, garantissant ainsi le droit à l'éducation pour tous. Ces activités et projets en cours se déroulent dans des installations qui avaient été abandonnées et dégradées jusque-là, mais qui, après la consolidation de l'occupation, sont devenues des améliorations nécessaires et utiles grâce aux actions de revitalisation des habitants et des sympathisants. Dans le même registre, le Frente de Cultura a prévu divers espaces tels que des ateliers de percussions, des cours de capoeira et de guitare, en plus des activités liées au Centre Périphérique et à l'École de Samba. Des exemples d'activités économiques-environnementales, culturelles et éducatives comme celle-ci ne font pas exception dans des communautés comme c’est le cas de Nova Esperança. Au contraire, les activités de la Communauté sont un exemple clair de la façon dont une partie de la population sans domicile au Brésil vit et établit des formes solidaires d'organisation sociale qui, étant adéquates pour leur survie en période de précarité économique et de crise sanitaire, sont aussi clairement concernées avec la préservation de l'environnement.
6Selon le leader du Mouvement, il y a des immigrés dans plusieurs zones occupées situées dans la périphérie de Curitiba. La précarité des conditions de vie des immigrés au Brésil en raison de la crise économique qui frappe depuis 2018 est un fait relativement connu. Moins connue, cependant, est la présence d'immigrants dans les mouvements ou les mouvements populaires, comme c’est le cas de Nova Esperança. En effet, parmi les habitants de la communauté, la présence de 341 familles immigrées, pour la plupart haïtiennes, mais aussi vénézuéliennes et cubaines, attire l'attention. Au total, il y a environ 1 500 personnes, dont 141 ont fait l'objet d'une enquête socio-économique, fruit d'un partenariat entre l'Organisation Internationale pour les Migrations et la Pastoral do Imigrante (Curitiba, Paraná). Cette recherche a révélé une communauté d'immigrants en âge de travailler, vivant en unités familiales (dont six en situation de monoparentalité) avec des enfants. Répartis à peu près également entre hommes et femmes, ils sont scolarisés (51 % d'entre eux ont fréquenté partiellement ou totalement le lycée), 6 % ont fait des études supérieures et seulement 1 % d'entre eux sont analphabètes. Comparé à la population générale résidant à Nova Esperança, le taux de chômage de la population migrante est considérablement élevé. Alors que dans la population totale de Nova Esperança, nous avons 24,2% de salariés informels, 22,7% d'indépendants sans sécurité sociale et 19,4% de chômeurs, dans la population migrante de Nova Esperança, le chômage est de 44% ! D'autre part, 87,2% des familles immigrées perçoivent jusqu'au salaire minimum contre 43,3% de la population générale de Nova Esperança. Ainsi, on comprend que le risque d'expulsion touche 85 % des immigrés interrogés et les raisons d'avoir rejoint le mouvement de lutte pour le logement. Malgré la grave vulnérabilité socio-économique identifiée dans la population de migrants internationaux, y compris par rapport aux autres résidents de la communauté, seulement 39,7 % des familles immigrées reçoivent un certain type d'allocation sociale. Enfin, selon les données du Ministère Publique Municipale (MPM) se référant à la population générale de Nova Esperança, seuls 60% des personnes interrogées sont enregistrées auprès du système de santé unifié et, par conséquent, ont droit aux prestations de soins de santé et aux services de santé publique. Enfin, seuls 2 immigrés déclarent être de passage, démontrant ainsi la consolidation de la population d'origine haïtienne au Brésil.
7Malgré le faible niveau général d'intégration des immigrés dans la société brésilienne, dans la Communauté, les immigrés haïtiens se sont organisés en une association, l'Union de la Communauté des Étudiants et Professionnels Haïtiens (UCEPH). Outre son caractère associatif, l'Union et la Communauté elle-même fonctionnent comme des instruments de protection sociale face aux déplacements et vulnérabilités auxquels sont soumis les migrants internationaux au-delà de promouvoir leur capacité à produire de nouvelles formes de vie au milieu des structures de murs et d'exclusion qui propose la ville. En un mot, vivre en Communauté, c'est se protéger dans un monde où l'on est toujours sans protection et sans défense. De la même manière, l'expérience communautaire indique l'établissement de nouvelles relations sociales, avec participation aux décisions locales, l'établissement de nouvelles sociabilités et cordialités quotidiennes, bien différentes du schéma classique qui tourne autour des églises et du travail. Comme nous l'a dit un leader communautaire brésilien, « les immigrés sont confrontés aux mêmes difficultés que nous ; il n'y a pas de distance ». En conséquence, il y a une implication dans des activités brésiliennes, telles que la participation à des mouvements de lutte populaire, dans ce cas, pour le logement, et le fait qu'ils ont formé leur propre association. Ce sont de nouvelles dimensions de la vie sociale au Brésil, avec des répercussions aussi, bien sûr, dans les projets d'ascension sociale. En effet, comme nous l'a dit un immigré, comment acquérir un bien immobilier grâce à un prêt qui multiplie par 3 la valeur du bien désiré ? Par conséquent, parallèlement aux attentes traditionnelles concernant l'emploi et l'envoi de fonds, les immigrants de Nova Esperança qui ne veulent pas rentrer ou n'ont tout simplement pas les ressources pour le faire, ont réalisé, d'une part, l'importance et l'efficacité du système de protection brésilien social, dont le trépied repose sur l'universalisation des services publics en matière d'éducation, de santé et de sécurité sociale ; de l'autre, dans un type d'expérience dont les formes d'interaction sociale se déroulent dans un espace communautaire, de dialogues, de luttes, mais aussi d'apprentissage d'activités économiques durables. Dans quel espace auraient-ils une telle expérience ?
8Le processus d'expulsion des résidents de la communauté de Nova Esperança, même s'il a été déterminé en première instance par le pouvoir judiciaire, est en cours d'analyse par la Cour de Justice du Paraná, qui recherche des solutions consensuelles dans le cadre de la conciliation, établie au sein de la champ d'application de la Commission des Conflits Fonciers qui modifient la pratique de la déterritorialisation établie à plusieurs reprises sans évaluation des conditions concrètes de la situation du logement au Brésil.
9Afin d'évaluer les alternatives à l'expulsion, le Ministère Public du Paraná a demandé à l'Université fédérale du Paraná une « étude technique » sur les conditions générales de la zone, du point de vue de la propriété, les possibilités d'utilisation à des fins de logement, les questions environnementales et le contexte de la situation du logement dans la région métropolitaine de Curitiba. Dans le cadre du cas, l'étude identifie l'omission de l'État, dans la représentation de ses différentes entités fédérées, à l'égard des politiques de logement et de protection sociale, notamment, mais pas exclusivement, lors de la crise sanitaire et économique résultant de la pandémie du COVID-19. L'augmentation du chômage et la baisse du revenu moyen, associées à la hausse des loyers, à l'absence d'alternatives à proposer à court et moyen terme, ont amplifié la crise sociale et intensifié les occupations dans des conditions d'habitat précaire. Il est essentiel de rappeler que le logement, en plus d'être un droit fondamental, est un besoin urgent pour les familles qui n'ont pas les moyens de payer les frais de logement. La reprise de possession de la zone, sans abri alternatif pour la population, les Brésiliens et les immigrés, qui sont déjà dans une situation précaire, aggravera la crise. Malgré ce fait incontestable, la Communauté Nova Esperança construit, dans la lutte pour le logement, de nouvelles formes de sociabilité, de génération de revenus et de préservation des ressources naturelles dont l’exemple peut inspirer
Notes
1 Le taux de chômage de la population brésilienne est d'environ 13% soit 14 millions de personnes selon une enquête réalisée par l'IBGE PNAD-COVID19, disponible sur le site www.covid19.ibge.gov.br/pnad-covid/
2 A ce propos, voir les sites suivants:
1)https://www.metropoles.com/brasil/refugiados-e-imigrantes-denunciam-xenofobia-no-sistema-de-saude-durante-pandemia, 2) https://migramundo.com/em-live-imigrantes-apontam-mercado-de-trabalho-e-xenofobia-como-desafios-principais-no-brasil/, 3) https://oestrangeiro.org/2020/05/21/a-xenofobia-e-os-espacos-cotidianos/ et 4) https://www.comciencia.br/pandemia-revela-outras-faces-da-xenofobia/
3 Il s’agit du “Movimento Popular por Moradia”. Pour plus de détails, voir la page sur facebook https://m.facebook.com/pg/MPMCuritiba/posts/
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1 : Communauté Nova Esperança |
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Crédits | Figure : Terra Batida e Plantear/UFPR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/40117/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 156k |
Titre | Jardin Communautaire – Nova Esperança |
Crédits | Photo : Terra Batida e Plantear/UFPR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/40117/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 547k |
Titre | Forêt préservée – Nova Esperança |
Crédits | Photo : Terra Batida e Plantear/UFPR |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/40117/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 470k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Elaine Cristina Schimtt Ragnini, Daniele Regina Pontes, José Ricardo Vargas de Faria et Márcio de Oliveira, « La communauté Nova Esperança (PR) : l'incorporation des droits des migrants internationaux et des réfugiés aux revendications des mouvements de lutte pour le logement au Brésil », Confins [En ligne], 52 | 2021, mis en ligne le 15 novembre 2021, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/40117 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/confins.40117
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