1Selon l’Organisation internationale des migrations (OIM, OAS, 2016, p. 11), les migrations vers l’Amérique du Sud ont augmenté de 35 % entre 2000 et 2013. Mais, si la grande majorité des pays de cette région accueillent des migrants de pays voisins, seuls quatre pays reçoivent une majorité de migrants d’origines non américaines : le Canada, les États-Unis, Cuba et le Brésil. Le Brésil est donc le seul pays d’Amérique du Sud à avoir reçu plus de migrants issus d’autres continents que de migrants des pays de la région. Entre 2010 et 2018, le nombre de demandes d’asile déposées au Brésil a été multiplié par 80 (UNHCR, 2019). Ce « boom migratoire » est sans précédent, non seulement par son importance, mais surtout en raison de la variété des pays d’origine des migrants : Amérique du Sud, Caraïbes, Afrique, Europe et même Asie.
- 1 À titre de comparaison, les deux autres pays de la région qui ont le plus attiré d’Haïtiens sont le (...)
- 2 Alors que les migrants africains ne représentent en moyenne que 0,6 % du total des migrants présent (...)
2L’article qui suit a pour objectif d’étudier plus particulièrement deux flux migratoires récents vers le Brésil. Le premier concerne la migration en provenance d’Haïti, qui commence à la suite d’un tremblement de terre qui a fait plus de 200 000 morts et a dévasté ce pays le 12 janvier 2010. Elle concerne une population d’environ 100 000 personnes entre 2010 et 2018 (OBmigra, 2019, p. 85). Le second flux de migration provient des pays Africains : 70 000 Africains, principalement issus de l’ouest du continent, ont rejoint le Brésil pendant la même période. Dans les deux cas, le Brésil fait figure d’exception continentale, puisque ce pays est, de loin, le pays d’Amérique du Sud qui a le plus attiré d’Haïtiens1 et d’Africains2 depuis 2010.
- 3 Les chiffres du HCR de 2020 font état de 79,5 millions de personnes déplacés à travers le monde en (...)
- 4 Selon les données de la Banque Mondiale, 1 377 000 Haïtiens résidaient dans un pays étranger en 201 (...)
3Alors que le nombre de déplacés forcés dans le monde n’a jamais été aussi élevé dans l’histoire de l’humanité3, l’Amérique Latine et les Caraïbes n’accueillaient en 2014 que 2,45 % des réfugiés dans le monde, selon les données du HCR (IPEA, 2017, p. 43). Comparées aux actuels schémas migratoires internationaux, les migrations haïtiennes et africaines vers le Brésil apparaissent donc comme un phénomène marginal. Leur originalité se trouve dans le fait qu’elles touchent des populations qui, jusqu’alors, n’avaient migré que dans un espace régional délimité – Cuba et République Dominicaine pour les Haïtiens et migrations intra-africaines pour les Africains – ou en direction des pays de l’hémisphère Nord, États-Unis, Canada et Europe en tête4.
4Par ailleurs, ces nouvelles migrations interviennent après une décrue en volume de la population immigrée dans le pays : alors que 5,1 % de la population brésilienne était d’origine étrangère en 1920, ce taux n’était plus que 1,3 % en 1970 et de 0,34 % en 2015 (OIM, 2017, p. 30). Il s’agira donc de comprendre en quoi les migrations africaines et haïtiennes au Brésil, bien que marquées par la difficile intégration de ces migrants au sein la société brésilienne, témoignent de l’insertion croissante de ce pays au sein du schéma des migrations internationales.
5En se fondant sur diverses sources académiques, sur des articles de presse et sur des rapports d’organisations internationales, l’objectif sera de dresser une typologie des migrations africaine et haïtiennes vers le Brésil. Pour se faire, nous-nous pencherons premièrement sur les routes empruntées par ces migrants et sur les acteurs, légaux et illégaux, qui interviennent le long de leur voyage. Ces migrations seront ensuite abordées d’un point de vu statistique, par l’étude des bases de données qui permettent de comprendre l’importance et l’évolution des flux, le profil socio-démographique ainsi que les principales destinations de ces migrants. Il s’agira enfin de situer ces nouveaux flux migratoires dans le contexte actuel des migrations au Brésil, et d’étudier la place et les perspectives qui leur sont offertes, dans une société marquée par des siècles d’esclavage et les fortes inégalités qui touchent les personnes de couleur noire.
6Le 19 mai 2018, un catamaran à la dérive est secouru par des pêcheurs au large de l’État du Maranhão, au Nord-Est du Brésil. À son bord se trouvent 25 africains ainsi que deux passeurs de nationalité brésilienne, immédiatement arrêtés par la police fédérale pour trafic d’êtres humains. Depuis le Cap-Vert, ces personnes ont effectué un voyage de 35 jours et parcouru 3000 km dans des conditions terrifiantes (Cardoso, 2018).
- 5 Avec certaines exceptions : 33 % des réfugiés congolais (en majorité de la RDC) ont ainsi déclaré ê (...)
7Si cet évènement a attiré l’attention des médias brésiliens et internationaux, c’est précisément du fait de son caractère exceptionnel. La voie maritime n’est en effet utilisée que rarement par les Africains qui souhaitent se rendre au Brésil. Une étude de l’Instituto de Pesquisa Economica Aplicada (IPEA) réalisée en 2017 sur une population de 3900 réfugiés établis au Brésil, majoritairement originaires d’Afrique et du Moyen Orient, montre que seul 9,2 % d’entre eux se sont rendus au Brésil par la mer5. 12,4 % déclarent avoir emprunté une voie terrestre, en arrivant en avion dans un autre pays d’Amérique du Sud avant de continuer vers le Brésil. La très grande majorité – 70 % – s’est rendue directement au Brésil par voie aérienne (IPEA, 2017, p. 128).
8Il existe une grande variété d’itinéraires aériens pour relier l’Afrique et le Brésil. Si une solution commune est le transit par l’Europe, notamment pas les aéroports de Madrid et Lisbonne, il existe également des lignes directes entre l’Afrique et le Brésil. La quasi-totalité des 564 Angolais ayant participé à l’enquête de l’IPEA déclaraient ainsi être venus sans effectuer d’escale de leur pays vers le Brésil, alors que 40 % des Congolais affirment avoir fait escale en Angola ou en Afrique du Sud (IPEA, 2017, p. 129).
9Les ressortissants des pays d’Afrique noire, à l’exception des Sud-africains, ont tous besoin d’un visa pour pouvoir entrer sur le territoire brésilien. Ainsi, selon l’Organisation internationale des migrations (OIM, OAS, 2016, p. 28), il est commun que les candidats africains à la migration vers le Brésil utilisent de faux documents de voyages pour entrer à bord des vols intercontinentaux. Cependant, la voie irrégulière pour les Africains arrivés au Brésil reste minoritaire : l’enquête de l’IPEA (2017, p. 131) révèle ainsi que seuls 23,7 % des migrants enquêtés déclaraient avoir été dans une situation d’irrégularité à leur arrivée, alors que 68,9 % d’entre eux étaient détenteurs d’un titre de séjour légal, tels que des visas touristiques.
- 6 Entre 2010 et 2015, 44 361 Haïtiens sont ainsi entrés directement en franchissant une frontière ter (...)
- 7 Les visas sont toutefois réintroduits dès 2010 pour les Érythréens, les Ethiopiens, les Kenyans, le (...)
- 8 Système national d’enregistrement et de registres.
10Pour les migrants qui ont plus de difficultés à obtenir un visa, il existe la possibilité d’emprunter une route plus complexe qui vise à arriver dans la région Nord du Brésil, dans les États d’Acre et d’Amazonas. L’Équateur et le Pérou – frontalier des États d’Acre et d’Amazonas – se distinguent particulièrement par leur importance en tant qu’États de transit sur cette route. L’itinéraire par l’Équateur s’est affirmé tout d’abord après le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti : après cette catastrophe, les États d’Acre et, dans une moindre mesure, d’Amazonas, sont devenus les principaux points d’entrée des migrants haïtiens au Brésil6. Cela est dû au fait que Raphaël Correa, président de l’Équateur entre 2007 et 2017, a instauré en 2008 un principe de libre entrée et de libre circulation pour tous les étrangers sur le territoire national7. Dans les années qui ont suivies, les États d’Acre et d’Amazonas sont également devenus une porte d’entrée de plus en plus fréquente des migrants africains dans le pays : selon les données du SINCRE8, 21,5 % des migrants africains entrés au Brésil en 2017 sont arrivés par ces régions, alors qu’ils étaient 0,3 % en 2000 (Baeninger, Demétrio et al, 2019, p. 47)
11Migrations africaines et haïtiennes apparaissent ainsi liées par des itinéraires communs. L’étude des parcours migratoires de ces migrants met en valeur certaines étapes clefs de la migration, et notamment la place prise par les pays suivants : la République dominicaine, le Panamá, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie et, plus récemment, le Guyana. C’est ce que nous verrons plus en détail en étudiant les routes migratoires qu’utilisent les Haïtiens pour se rendre au Brésil.
12Il n’existe pas de liaison aérienne directe entre Haïti et le Brésil : les vols vers les villes telles que São Paulo sont chers (1 300 euros pour un aller simple) et nécessitent dans la plupart des cas de faire escale aux États-Unis. Entre 2010 et 2015, 40 650 Haïtiens sont entrés au Brésil par un aéroport international, la majorité d’entre eux (26 363 personnes) par l’aéroport Guarulhos de São Paulo (Peres, Baeringer, 2017, p. 129). Pour entrer au Brésil directement par voie aérienne, les Haïtiens doivent préalablement avoir obtenu un visa de l’ambassade du Brésil en Haïti, ce qui, pour plusieurs raisons, peut s’avérer très difficile. Premièrement, le passeport haïtien est classé par le passeport index 2020 comme celui qui ouvre le moins de portes de tous les États d’Amérique9. Ensuite, selon les témoignages de plusieurs Haïtiens recueillis en 2013 à Brasiléia (Acre) par l’association Conectas direitos humanos, les procédures pour obtenir un de ces visas en Haïti s’avéreraient trop complexes et sélectives pour représenter une véritable alternative à la route par l’Amérique du Sud10 (Reporter Brasil, 2013). Pour ceux ne pouvant obtenir de visa, la seule alternative a donc été l’entrée irrégulière sur le territoire, par les États du nord du Brésil.
Document 1 : registres de migrants haïtiens et de migrantes haïtiennes aux postes de contrôles terrestres aux frontières brésiliennes de 2010 à 2015.
Source : Peres, Baeringer, 2017, p. 12
13Le périple des Haïtiens commence dans la ville de Port-au-Prince (capitale d’Haïti), d’où ils partent le plus souvent en bus pour rejoindre Santo-Domingo, capitale de la République dominicaine. A partir de cette ville, les migrants choisissent, soit de prendre l’avion pour atteindre le Panamá et continuer à bord d’un bus vers la ville de Quinto en Équateur, soit de se rendre à Quinto en avion en faisant escale aux États-Unis (OIM, OAS, 2016, p. 30). Arrivés en Équateur, certains migrants commencent directement leur voyage vers le Brésil, d’autres restent à Quinto plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans l’attente de mettre de l’argent de côté pour continuer leur voyage ou d’obtenir un visa (Constante, 2015). Depuis les villes équatoriennes, les Haïtiens se rendent ensuite à Tumbes au Pérou avant de continuer leur voyage vers Lima, la capitale du pays.
14A partir de Lima, plusieurs options s’offrent aux migrants pour atteindre le Brésil. L’itinéraire le plus courant mène tout d’abord les migrants vers la ville de Cuzco dans les Andes, à la suite de quoi ils traversent Puerto Maldonado et continuent en van pour atteindre la ville d’Iñapari, elle-même très proche de la ville brésilienne Assis Brasil, une agglomération de 5000 habitants. Arrivés dans cette ville, les migrants parcourent 113 km jusqu’à Brasiléia, où se trouvent les bureaux de la Police fédérale, dans lesquels les migrants peuvent déposer une demande d’asile, ce qui leur permet de régulariser leur situation.
Document 2 : principales routes utilisées par les Haïtiens pour atteindre le Brésil.
Source : (OIM, OAS, 2016, p. 30).
15Face à la pression exercée sur les États d’Acre et d’Amazonas et la surcharge du système d’asile brésilien, le gouvernement Brésilien a décidé en janvier 2012 d’attribuer une type de visa spécifique aux migrants haïtiens, le « visa humanitaire », afin de leur permettre de se rendre légalement au Brésil sans passer par une procédure de demande d’asile classique. Ces dernières se soldaient en effet dans la quasi-totalité des cas par un rejet, les situations de catastrophes naturelles telles que le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti ne répondant pas aux cas prévus par la convention de Genève de 1951 sur le statut de réfugié. Limitée à 100 visas par mois jusqu’en avril 2013, la mise en place des visas humanitaires n’eut dans un premier temps qu’un effet relatif sur les arrivées illégales d’Haïtiens à la frontière nord. En avril 2013, le CNIg décidât donc de revenir sur le plafond maximum d’attribution de ce type de visa, qui bénéficia à un total de 48 361 Haïtiens entre 2012 et 2016 (Audebert, 2017, p. 12).
16La multiplication des arrivées en Equateur à partir de 2010 a conduit les autorités équatoriennes à mettre en place en 2015 un permis d’entrée via un système « d’émission de certification d’enregistrement touristique » spécialement créé pour les citoyens haïtiens. Couplée à la création des visas humanitaire et à la facilitation de leur obtention à partir de 2013, cette décision a eu pour conséquence que la route vers les États du nord a progressivement perdu de son attractivité. A partir de 2015, les États d’Amazonas et d’Acre ont ainsi cessé d’être les principaux points d’entrées irrégulières des migrants haïtiens vers le Brésil (Fulgênicio, 2016), et de nouveaux itinéraires migratoires se sont développés. Une route alternative a ainsi récemment émergé : elle fait passer les migrants par la République dominicaine, le Panamá puis par le Guyana, qui possède une frontière commune avec le Nord du Brésil par l’État du Roraima. Selon les données de la police fédérale, plus de 13 500 Haïtiens ayant transités par le Guyana sont arrivés dans la ville frontalière de Bonfim entre janvier et novembre 2019, contre seulement 993 pour toute l’année 2018 (Costa, 2019).
- 11 Sidney Antonio da Silva (2013, p. 4) reporte ainsi le témoignage de certains Haïtiens sur les viole (...)
17Le coût de tels voyages, qui peuvent prendre des jours, voire des mois, varie de trois à cinq mille dollars. Dans la plupart des cas, cet argent sert à payer des passeurs, surnommés « coiotes » au Brésil. Les migrants haïtiens et africains qui passent par cette route sont en effet transportés et guidés par des trafiquants qui leur fournissent les logements, les moyens de transport et les aident à traverser la frontière brésilienne. Ces trafiquants, mais aussi parfois des représentants corrompus de l’État11, exploitent la situation de vulnérabilité des migrants, et profitent du manque d’accès aux informations concernant les droits et l’assistance légale dont ils pourraient bénéficier.
18L’action de ces passeurs commence parfois dès l’origine du projet migratoire des migrants, en Haïti et en Afrique. Au Sénégal, souligne l’universitaire Régis Minvielle (2015, p. 7), les passeurs disposent de contacts au sein des ambassades brésiliennes à Dakar et d’une série relais locaux qui organisent le passage des frontières et les voyages vers le Brésil, de manière directe (vols vers São Paulo) ou en passant par l’Équateur. Ce modèle de « voyage organisé » se retrouve dans d’autres pays d’Afrique : le journal The Intercept Brasil (2018), cite ainsi l’exemple de Fitha, un migrant somalien de 32 ans, qui dit être arrivé à São Paulo depuis Johannesburg en Afrique du Sud, après avoir acheté un « pack de voyage » à des faussaires, qui lui ont proposés de faux documents lui permettant de se rendre au Brésil, moyennant la somme de 4000 dollars.
19Dans des pays comme le Sénégal, le Ghana ou l’Angola, ces passeurs présentent aux migrants une version faussée de la situation du Brésil, en leur faisant notamment miroiter un accès facile au marché du travail et de hauts salaires (Fernandes, de Faria, 2017, p. 7), alors même que, depuis 2014, le Brésil est plongé dans un grave crise économique marquée, notamment, pas un accroissement du taux de chômage et du nombre de travailleurs informels. En Haïti, la même déformation de la réalité concernant la situation et les perspectives de travail au Brésil, couplée à l’augmentation des demandes de visa déposées par des Haïtiens à l’ambassade brésilienne de Port-au-Prince et de l’accroissement des délais, a poussé les Haïtiens souhaitant se rendre au Brésil à rechercher « des moyens chers, risqués et informels pour concrétiser leur projet migratoire » (Costa de Sá, Fernandes, 2016, p. 12).
20Les trafiquants, notamment péruviens et équatoriens, ont vite compris l’avantage qu’ils pourraient tirer de cette situation en proposant la traversée illicite des frontières terrestres vers le Brésil en échange de plusieurs milliers de dollars. L’exemple de Michelle Brenelus, une commerçante haïtienne partie vers le Brésil afin d’y trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille en Haïti, le montre bien. En 14 jours de voyage, elle explique avoir dû dépenser plus de 3500 dollars pour atteindre sa destination : 2000 dollars pour les passeurs qui organisent le voyage, 450 dollars dans un agence de voyage à Quito en Équateur, 500 dollars pour les policiers péruviens, 200 dollars à Lima au Pérou, 250 dollars à Cusco… Arrivé au Brésil, elle n’a plus d’argent et doit demander de l’aide à sa famille : « c’est le seul argent qui ne m’a pas été volé », déclare-t-elle à l’association Conetas Direitos Humanos (Reporter Brasil, 2013).
21Chaque étape du voyage vers les États du Nord du Brésil est donc marquée par de l’extorsion. Plus les migrants se rapprochent de la frontière avec le Brésil, plus ils se trouvent à la merci des passeurs « coiotes ». Proches d’atteindre leur objectif et après un voyage éreintant de plusieurs semaines, ils se trouvent dans une situation de dépendance et se voient obligés d’accepter les conditions fixées par les passeurs, qui leur vendent à des prix très élevés la traversée de distances pourtant très courtes.
22Les États d’Acre et d’Amazonas ne constituent pas des lieux d’installation pour les migrants Haïtiens, qui continuent le plus souvent leur voyage vers les villes du sud, plus attractives économiquement. Regroupées par Peres et Baeninger (2017, p. 132), les données du SINCRE montrent ainsi que seuls 3225 Haïtiens ont établi leur résidence dans une ville de la région Nord entre 2010 et 2015, contre 10 844 pour la Région Sud-Est et 12 734 pour la région Sud. L’État de São Paulo (région Sud-Est) arrive en tête des destinations, avec 8 775 Haïtiens enregistrés, suivi par l’État du Paraná (Sud, 2995 enregistrements), de Santa Catarina (Sud, 2879 enregistrements) et Rio Grande do Sul (Sud, 2769 enregistrements). Il est intéressant de constater que Rio de Janeiro reste une destination marginale pour les migrants : moins d’1,8 % du total des Haïtiens y ont établi leur résidence entre 2010 et 2014 (Costa de Sá, Fernandes, 2016, p. 5).
23Le même constat peut être fait en ce qui concerne les destinations des migrants africains. Toujours selon les données du SINCRE, l’État de São Paulo est la principale destination des Africains au Brésil : 59 % des Africains ayant obtenu un permis de séjour permanent entre 2000 et 2017 ont enregistré leur résidence dans cet État. Ces données rendent toutefois compte d’une diminution de la concentration des migrants Africains dans la région de São Paulo au profit des États de la région sud, qui sont ceux qui ont connu le plus fort taux d’accroissement des arrivées de migrants Africains pendant cette période : alors que 9 % de ces derniers y vivaient en 2000, ils étaient 26,7 % en 2017 (Baeninger, Demétrio et al., 2019, p. 47).
24Difficultés d’obtention de visas, parcours migratoire complexe, intervention de passeurs et attraits pour les régions du Sud et du Sud-Est… Il est possible de relever plusieurs similitudes entre les flux migratoires des Haïtiens et des Africains vers le Brésil. Il conviendra maintenant d’essayer d’appréhender les statistiques et les caractéristiques des migrations haïtiennes et africaines au Brésil. De combien de migrants parle-t-on ? Quels est leur profil socio-démographique ? Quel sont les spécificités des migrations haïtiennes et africaines par rapport aux autres migrations vers le Brésil ?
25Pour bien appréhender le volume de ces migrations, différentes bases de données sont rendues disponibles par les institutions publiques :
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Le SINCRE (Système national d’enregistrement et de registres) : il s’agit d’une base de données produite par la police fédérale, dans laquelle sont enregistrés tous les étrangers qui ont obtenu un RNE (Registre national d’étranger, document d’identité décerné à toute personne de nationalité étrangère qui réside de manière permanente ou temporaire au Brésil). Si les données du SINCRE permettent de connaitre le lieu d’entrée et de résidence des migrants en possession de titres de séjour légaux, elles ne prennent cependant pas en compte les sans-papiers et les demandeurs d’asile.
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Les données STI (Système de trafic international) : elles sont récoltées lors de l’arrivée d’un migrant à poste de contrôle (aéroport, frontière terrestre, maritime…), quel que soit le type de titre de séjour, en incluant les demandeurs d’asile.
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- 12 Il s’agit d’un organisme créé en 1997 par le Brésil pour traiter les demandes d’asile déposées dans (...)
Les données du CONARE (Comité national pour les réfugiés)12 : elles concernent spécifiquement les demandeurs d’asile.
26Si l’on regarde les données de la police fédérale concernant l’émission de titres de séjour aux Haïtiens, on peut s’apercevoir du caractère soudain de l’immigration haïtienne vers le Brésil. Alors que 401 titres de séjour avaient été décernés à des citoyens haïtiens jusqu’en 2010, 20 985 titres ont été accordés pour la seule année 2016. On constate toutefois une diminution progressive des chiffres à partir de 2017 puis en 2018, année où 9 359 titres ont été accordés à des Haïtiens au Brésil (OBmigra, 2019, p. 85).
Document 3 : nombre de titres de séjours de long termes accordés à des Haïtiens au Brésil, par année d’arrivée
Source : OBmigra, 2019. p.85. Elaboration : auteur
- 13 Entre 2010 et 2015, 62 944 hommes haïtiens sont rentrés au Brésil, contre 22 135 Haïtiennes (Peres, (...)
27L’étude des données du STI pour la période 2010 et 2015 montre que 74 % des migrants haïtiens sont des hommes, âgés en moyenne de 28,7 ans, avec une majorité comprise entre 20 et 36 ans13. En ce qui concerne leur catégorie socio-professionnelle, Sidney Antonio da Silva (2013, p. 5) constate la forte représentation de travailleurs du bâtiment, de vendeurs au détail, d’agriculteurs, avec une forte prédominance de travailleurs informel. Si le niveau d’études est généralement faible parmi la population haïtienne – 60 % des Haïtiens au Brésil ont un niveau d’école élémentaire et 5 % un niveau collège –, elle apparait cependant plus élevée que la moyenne nationale d’Haïti. En effet, alors qu’Haïti a un taux d’analphabétisme proche de 40 %, seuls 1 % des migrants haïtiens se sont déclarés illettrés (ibid. 2013, p. 5).
28L’immigration féminine haïtienne peut paraître à première vue marginale (26 % du total entre 2010 et 2015), mais Peres et Baeninger (2017, p. 133) remarquent que la tendance va vers une augmentation de son importance. En effet, entre 2014 et 2015, le nombre de femmes haïtiennes qui ont obtenu un RNE au Brésil est passé de 2590 à 3728, alors que, pour les hommes, ce chiffre a diminué de 6337 à 5541. Une différence notable est la tendance plus forte pour les femmes à s’insérer dans le schéma de l’immigration légale : 54,1 % des Haïtiennes (11 974 personnes) sont arrivées directement en avion au Brésil en possession d’un visa en règle, là où 54 % des Haïtiens hommes sont entrés sans visa par une frontière terrestre (ibid, 2017, p. 129).
29La majorité des migrants provient de Port-au-Prince (la capitale, 51 % des départs) et de ses environs : Croix-des-Bouquets, Carrefour, Ganthier et Cabaret. D’autres villes ont une importance particulière comme Gonaïves (37 % des départs), Cap-Haitien ou encore Port de Paix. Pour Sidney Antonio da Silva (2013, p. 5) le fait que ces dernières villes se situent en dehors de la zone du tremblement de terre de 2010 est le signe que « les raisons des migrations domestiques et internationales à Haïti vont au-delà des situations actuelles comme les catastrophes naturelles ».
30Les migrations en provenance du continent africain vers le Brésil ont connu une augmentation de 182,77 % entre 2000 et 2010, puis de 47,63 % entre 2010 et 2014 (Uebel, Rückert, 2017). L’augmentation de ces migrations, qui se mesure sur le long terme, a donc un caractère imprévisible. Sur le graphique ci-dessous, on peut constater un « boom » de l’immigration africaine vers le Brésil à partir de 2010 : alors que 17 747 Africains ont obtenu un RNE entre 2000 et 2010, ce nombre a doublé entre 2010 et 2017 avec 35 981 RNE distribués, pour un total de 53 728.
31Document 4 : migrants africains ayant obtenu un RNE au Brésil entre 2000 et 2017, par année d’obtention.
Source : Baeninger, Demétrio et al., 2019, p. 40. Elaboration : auteur.
32Pour mieux appréhender les migrations africaines vers le Brésil, il convient également de se pencher sur les données du CONARE. Après les Haïtiens et les Vénézuéliens, les migrants africains forment le troisième groupe le plus important de demandeurs d’asile au Brésil. En moyenne, le nombre de demandes déposées au CONARE par des Africains a connu une croissance annuelle de 25,42%.
Document 5 : demandes d’asile déposées par des migrants africains au CONARE de 1999 à 2018
Source : Baeninger, Demétrio et al., (2019, p. 49). Elaboration : auteur.
3328 976 demandes ont été déposée entre 2012 et 2018, pour un total de 30 804 depuis 1999. Le taux d’acceptation des demandes d’asile formulées par des citoyens africains est particulièrement faible : seules 6,69 % du total des demandes déposées par des africains entre 1999 et 2019 ont débouché sur l’attribution d’une protection internationale. Ce taux très faible ainsi que le grand nombre de cas – 20 752 – de migrants africains qui attendent encore une réponse est un signe de la mauvaise application et de la loi et de la lenteur du processus d’attribution de l’asile brésilien, peu préparé aux nouvelles caractéristiques des flux migratoires contemporains.
34Concernant le profil des migrants Africains à destination des pays latino-américains, un rapport conjoint de l’OIM et de l’OAS (2016, p. 23) fait état d’une population jeune, masculine et diplômée. Les données du SINCRE mettent ainsi en valeur l’importance de la population d’étudiants dans les migrations africaines vers le Brésil : 32,9 % des migrants ayant obtenu un RNE, soit 17 334 personnes, ont obtenu un visa temporaire pour séjour d’étude. Le regroupement familial vient en second motif avec 15 % du total, soit 7908 personnes, suivi en troisième position par la régularisation de sans-papiers pour « motif familial » (9,3 %, 4912 personnes) (Baeninger, Demétrio et al., 2019, p. 45).
- 14 A l’exception du Mozambique et de l’Afrique du Sud.
35Enfin, en se penchant sur les données du SINCRE, il est possible de remarquer la grande diversité des pays d’origine, puisque plus 50 États du continent sont représentés. Les pays africains qui ont envoyé le plus de migrants vers le Brésil sont ceux de la côte ouest du continent14, dans lesquelles les langues les plus parlées sont le portugais et le français. L’Angola est le principal pays d’origine (14.749 personnes, 27,97 % du total), suivent ensuite le Cap-Vert (4226 personnes, 8,01 %), la Guinée-Bissau (4460 personnes, 8,46 %), le Nigéria (4160 personnes, 7,89 %), le Mozambique (4142 personnes, 7.86 %), le Sénégal (4067 personnes, 7,71 %), l’Afrique du Sud (2707 personnes, 5,13 %) et enfin la République démocratique du Congo (1798 personnes, 3,41 %) (Ibid., 2019, p. 41). Si l’on regarde cette fois les données du CONARE sur les pays d’origine des demandeurs d’asile entre 2000 et 2018, on remarque une variation dans les pays origines des migrants : avec 8.520 demandes (28 % du total), les Sénégalais sont le groupe le plus important. Viennent ensuite les Angolais (5.165 demandes, 17 %), les Nigériens (3000 demandes, 9,7 %) et les Congolais (2297 demandes, 7,5 %) (ibid, 2019, p. 49).
36L’augmentation quasi constante des migrations africaines et haïtienne vers le Brésil depuis 2000, le phénomène d’accélération de ces dernières depuis 2010 et la présence de migrants jeunes et de sexe masculin semble confirmer l’idée, défendue par Uebel et Rücket (2017), d’une « consolidation du pays dans l’agenda migratoire international et comme pays de destination ». Afin d’approfondir cette question, il s’agira maintenant de replacer les migrations haïtiennes et africaines dans le contexte contemporain des migrations internationales au Brésil.
37L’étude des tendances récentes des migrations vers le Brésil remet en cause l’idée que les migrations internationales se réduisent aux mouvements de populations des pays du Sud vers les pays du Nord. Ainsi, les groupes nationaux les plus importants à avoir migré vers le Brésil entre 2007 et 2014 sont le Portugal (17 % du total de migrants accueillis par le Brésil dans cette période), les États-Unis (9 %), le Japon (8 %), la Bolivie et l’Italie (6 %) (Uebel et Rücket, 2017). Outre les liens historiques et linguistiques qui existent entre ces pays, ces flux peuvent s’expliquer par le développement économique et social du Brésil et la meilleure intégration de ce pays dans la mondialisation, qui s’accompagne d’une exigence de main-d’œuvre qualifiée pour des emplois spécifiques.
Document 6 : migrants internationaux ayant obtenu un RNE au Brésil, entre 2000 et 2017
Source : Baeninger, Demétrio et al., 2019, p.40. Elaboration : auteur.
- 15 80 000 demandes ont en effet été déposées cette année-là, principalement de la part de citoyens vén (...)
381 157 043 migrants internationaux ont reçu un RNE entre 2010 et 2015. En parallèle, le nombre de demandes d’asile dans le pays a augmenté de manière fulgurante à partir de 2010, si bien qu’en 2018, le Brésil est devenu le 6e pays du monde en termes de nombre de demandes d’asile déposées, après les États-Unis, le Pérou, l’Allemagne, la France et la Turquie15.
Document 7 : comparaison de la croissance des flux migratoires ayant pour destination le Brésil.
Source : Uebel, Rücket, 2017.
39Sur le tableau ci-dessus, on voit notamment que le taux de croissance des migrations en provenance du continent africain a dépassé celui des migrations en provenance de l’Amérique du Sud entre 2000 et 2010, et celles en provenance de l’Amérique du Nord et de l’Océanie entre 2010 et 2014. Quant aux migrations en provenance des Caraïbes (principalement Haïti et Cuba), elles ont connu la plus forte évolution, aussi bien entre 2000 et 2010 (655,80 % d’augmentation) qu’entre 2010 et 2014 (2484,33 % d’augmentation).
40Bien qu’elles soient numériquement assez marginales, les migrations africaines et haïtiennes vers le Brésil se distinguent par leur caractère inédit et diversifié, et par l’accélération qu’elles ont connu à partir de 2010. De plus, migrants africains et haïtiens diffèrent des autres populations étrangères au Brésil, notamment en raison de leur « visibilité » dans l’espace public, des conditions précaires dans lesquelles beaucoup d’entre eux vivent et des actes de xénophobie dont ils sont parfois les victimes. C’est cette place particulière des Africains et des Haïtiens au sein de la société brésilienne que nous allons brièvement d’analyser.
41La fin de l’esclavage en 1888 au Brésil a vu émerger une société socialement fracturée, dans laquelle les inégalités économiques et sociales frappent en particulier les personnes noires et métisses, dans les domaines du travail, de l’éducation, de la sécurité, des revenus, ainsi que dans les chiffres de la participation politique. Ainsi, selon les données de l’IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística), alors que les noirs et les métis représentaient 54 % de la population brésilienne en 2015, ils comptent pour 75,5 % des 10 % de la population la plus pauvre, là où 80 % des 1 % de la population la plus riche sont des blancs (Caleiro, 2018).
42Les migrants africains souffrent également du racisme structurel de la société brésilienne : indépendamment de leur formation initiale, ils occupent très souvent des emplois précaires, informels et peu rémunérés. Au Brésil, l’activité majoritaire des migrants africains est le commerce de rue (Minvielle, 2018), et les migrants rencontrent parfois beaucoup d’obstacles à mettre en œuvre leurs compétences. Signe encourageant cependant, Baeninger, Demétrio et al (2019, p. 51-52) mettent en valeur l’insertion croissante des migrants africains dans le marché du travail légal : alors que 1170 permis de travail avaient été distribués à des ressortissants africains en 2011, 5098 l’ont été en 2014, et 7887 à la fin d’années 2017. Pour beaucoup cependant, cette insertion a été le synonyme de précarisation : 80 % des Africains gagnent en effet des salaires compris entre 1,01 et 3 salaires minimum, soit entre 200 et 600 euros par mois (ibid., 2019, p. 45).
- 16 En 2013, l’association Conectas direitos humanos alertait ainsi sur les conditions de vie dégradant (...)
- 17 Soit un salaire mensuel situé entre 1000 et 2000 réais (entre 200 et 400 euros).
43Peut-être plus durement encore que la communauté africaine, la communauté haïtienne souffre d’exclusion et d’invisibilité sociale. C’est l’argument de la thèse, publiée en 2019, de José Ailton Rodrigues dos Santos, docteur de la faculté de São Paulo (USP). Bien que cette ville ait enregistré les entrées de 31 548 Haïtiens entre 2004 et 2019, ces migrants y vivent, selon lui, à la marge, dans des situations de grandes détresse sociale. Selon les données du SINCRE, alors que 35 % des migrants haïtiens disposant d’un RNE ont déclaré être sans occupation à l’échelle du Brésil, ce chiffre atteint 60 % des Haïtiens à São Paulo (Peres, Baeninger, 2017, p. 17). Cette situation d’exclusion se retrouve dès l’arrivée des migrants haïtiens au Brésil. Dans la ville de Manaus (État d’Amazonas), les Haïtiens sont souvent logés dans des conditions très précaires16. Ils occupent fréquemment des postes sous-qualifiés et sous-payés dans le domaine des services, de la construction, de la sécurité (gardiens), et nombreux sont ceux engagés dans les activités informelles. Si l’on prend l’exemple de la répartition des migrants haïtiens selon le salaire dans l’État du Paraná, on remarque leur surreprésentation dans les travaux de petits salaires : 87% d’entre eux gagnent en effet un salaire mensuel dont le montant est situé entre un et deux salaires minimums au Brésil17, alors que c’est le cas pour 66% des Africains dans cet État (Silva Vilas Boas, de Miranda Santos, 2017, p. 217).
44Selon Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky et Ana Gebrim (2017, p. 3), beaucoup de migrants haïtiens et africains, qui se représentent le Brésil comme un pays accueillant et s’attendent à y trouver rapidement un travail et un logement, « sont par la suite confrontés à une réalité locale bien plus complexe où les réactions racistes se multiplient ». Cette xénophobie peut être vécue comme un choc pour nombre d’Haïtiens et d’Africains qui n’avaient pour la plupart jamais fait l’expérience de racisme avant d’arriver au Brésil. Les réactions anti-migrants semblent par ailleurs s’être exacerbées dans le contexte de récession économique dans lequel est plongé le Brésil depuis 2014. Une augmentation des actes xénophobes a en effet été constatée en 2015 : 330 actes ont été enregistrés par le secrétariat aux droits de l’homme contre seulement deux en 2013, soit une augmentation de 633 % (Maciel, 2016). Couplé à l’augmentation de la précarité et de la pauvreté, le chômage, qui touchait 11,2 % de la population brésilienne en janvier 2020 (soit près de 12 millions de personnes), a pu provoquer au sein d’une partie de la population des réactions de rejet vis-à-vis des nouveaux arrivants dans le pays.
45Phénomène récent et en accélération depuis 2010, la migration d’Africains et d’Haïtiens vers le Brésil implique une population masculine, jeune et prête à saisir les possibilités de travail qui lui seraient offertes. Malgré la faible importance de ces flux d’un point de vue quantitatif, notamment si on les compare à la population totale, ce phénomène a placé les États d’arrivées (l’Acre et l’Amazonas notamment) et de destinations des migrants (São Paulo, Rio Grande do Sul et Paraná) devant des problématiques inédites.
46La mise en place des « visas humanitaires » apparait à ce titre particulièrement intéressant. En offrant une protection légale à des personnes particulièrement vulnérables, à la fois du fait de la situation dans leur pays d’origine et à cause des trafiquants agissant sur les routes vers le Brésil, et en permettant de désengorger en partie un système d’asile brésilien à bout de souffle, cette politique a été saluée comme une avancée des politiques migratoires brésiliennes par les Nations unies. La nouvelle loi de migration, adoptée en 201718, a, depuis, institutionalisé cette pratique en prévoyant, dans son article 14, la possibilité d’attribuer un visa pour raison humanitaire à toute personne qui en ferait la demande à l’ambassade brésilienne de son pays19.
47Toutefois, malgré les avancées de la législation, la situation des Haïtiens et de Africains au Brésil reste très précaire : la crise économique, la xénophobie et le racisme, le manque de qualification et les difficultés de maitrise de la langue constituent autant obstacles à l’insertion de ces migrants sur le marché du travail, et plus largement dans la société brésilienne. Cette situation remet en cause l’idée que le Brésil serait devenu un nouvel « Eldorado » pour les migrants internationaux. D’un autre côté, l’élection de Jair Bolsonaro en janvier 2019 a interrompu l’évolution de la législation brésilienne de migration vers une plus grande protection des droits. L’actuel président s’est en effet prononcé en faveur de l’abrogation de la loi de migration de 2017 et sa présidence pourrait aboutir au retour à une vision sécuritaire des migrations internationale.
48Les bouleversements politiques et économiques que traverse actuellement le Brésil menacent d’aboutir à de profonds bouleversements pour les migrants déjà présents dans le pays. Ceux-ci vont devoir affronter les conséquences d’une crise économique et sanitaire d’envergure, ainsi qu’un virage probable vers des politiques migratoires plus restrictives, qui diminueraient à la fois les droits des migrants déjà présents et les perspectives d’entrées pour ceux qui le souhaiteraient. Le contexte actuel risque par conséquent de conduire à une rupture majeure pour l’avenir des migrations vers le Brésil, et pour l’insertion de ce pays sur la scène internationale pendant les prochaines décennies.
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