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Espaces urbains et informalité politique au Brésil

Frontières tacites. Confrontations et accords dans les favelas de Rio de Janeiro

Fronteiras tácitas. Confrontos e acordos nas favelas do Rio de Janeiro
Tacit frontiers: conflict and agreement in Rio de Janeiro’s favelas
Carolina Christoph Grillo
Traduction de Nicolas Bautès.

Résumés

Ce travail analyse les discontinuités spatiales produites par les dynamiques de confrontation armée et les accords engagés entre policiers, trafiquants et voleurs dans la ville de Rio de Janeiro. Il met l’accent sur les transformations produites par l’implantation d’Unités de Police Pacificatrice (UPP). En prenant appui sur une recherche ethnographique réalisée dans des favelas contrôlées par une faction du trafic de drogues, avant, pendant et après leur occupation par la Police Militaire, il souhaite analyser les relations entre les différents acteurs de la violence urbaine et montrer quelle cartographie tacite et partagée des territoires en résulte. L’argument central est le suivant : en dépit de la reformulation de la stratégie de combat contre le marché illégal de drogues - du modèle d’opérations topiques d’incursion policière vers ladite «pacification » - , tant le contrôle social que le trafic demeurent territorialisés. Les acteurs impliqués disputent et négocient les limites spatiales imposées à la conduite d’activités illégales et à la circulation de certaines catégories de personnes. Les circonscriptions de l’action du trafic, correspondant jusque-là au périmètre des favelas et l’intérieur de ces espaces, sont devenues plus malléables, tandis que la structure des bocas de fumo – lieux de vente de drogues - semble demeurer inchangée. Face à la fragilité des nouveaux arrangements entre pouvoirs locaux, les contrôles exercés par les trafiquants sur la pratique de l’agression et du vol (assalto), semblent ainsi étendus, introduisant de nouvelles tensions au sein des dynamiques criminelles.

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Texte intégral

  • 1 Pour les habitants de Rio de Janeiro, l’opposition entre « favela » et « asphalte » (asfalto) dénot (...)

1Dans la ville de Rio de Janeiro, les « guerres » entre groupes criminels rivaux et les confrontations et négociations informelles entre policiers et trafiquants aboutissent à une cartographie urbaine fragmentée qui interfère dans le quotidien des habitants de la ville et, majoritairement, dans celui des habitants des favelas. Des discontinuités de natures diverses établissent des interdits à la libre circulation des personnes et des limites aux activités quotidiennes, le tout produisant une économie du risque complexe. Les limites entre les lieux que fréquentent les trafiquants armés qui vendent des drogues, et ceux où s'exerce un contrôle policier régulier, tendent à accentuer le contraste entre favela et « asphalte »1. Avant tout, la démarcation des territoires d'action de l'une ou l'autre de ces factions armées impose un risque vital à quiconque ose traverser les frontières et fréquenter les favelas contrôlées par des factions rivales, même lorsqu'il s'agit d'habitants n'ayant aucune relation avec le trafic. À cela s'ajoutent des limites géographiques imposées par les trafiquants à l’égard du vol à main armée. De telles frontières - auxquelles je me réfèrerai dans cet article comme étant des frontières tacites - sont établies par confrontations et accords : en perpétuelle négociation, elles se révèlent facilement mouvantes.

2Depuis la fin de l’année 2008, lorsqu'a débutée l'implantation d'Unités de Police Pacificatrice (UPP) dans des favelas jusque-là « contrôlées » par des groupes criminels - principalement des factions du trafic de drogues -, des réagencements dans les relations de pouvoirs locaux ont conduit à la dislocation des frontières tacites qui prévalaient jusque-là. La contiguïté entre policiers et trafiquants dans l'espace des favelas a modifié les modes de relation qui s’étaient dessinés tout au long des trois décennies antérieures, reconfigurant soudainement la géopolitique locale. De tels changements ont eu des répercussions au-delà des relations entre la police et le trafic, introduisant de nouvelles tensions au sein des dynamiques criminelles.

3Ce travail aborde la production des discontinuités territoriales qui résultent des dynamiques de conflits et d'accords entre trafiquants, voleurs et police dans la ville de Rio de Janeiro, en s’intéressant particulièrement aux transformations survenues dans les relations entre le trafic, le vol et le territoire depuis l'implantation des UPP. Les analyses présentées s’appuient à titre principal sur un matériau de terrain collecté lors d’une recherche doctorale initiée en 2009 et soutenue en 2013. Cette analyse est prolongée par plusieurs réflexions non traitées dans la thèse, qui visent à approfondir la compréhension de la notion de frontières tacites initialement énoncée.

  • 2 Natasha Elbas Neri, colega do Núcleo de Estudos da Cidadania, Conflito e Violência Urbana da Univer (...)
  • 3 Les « bailes funk » sont des fêtes populaires organisées dans les favelas et les quartiers populair (...)
  • 4 Catégorie native qui se réfère à l'univers criminel. Synonyme de monde du crime.

4Ainsi, la recherche empirique consiste pour l’essentiel en une ethnographie réalisée de manière transversale dans différents quartiers de Rio de Janeiro, tous contrôlés par la faction du trafic de drogues dénommée Comando Vermelho. Elle porte une attention toute particulière à un espace de quatre favelas contiguës les unes aux autres. Avec l’aide d’une partenaire de recherche2, une partie de mon travail de terrain a consisté à accompagner des habitantes de favelas dans des baile funk3 organisés dans des zones contrôlées par le Comando Vermelho. De telles fêtes sont généralement organisées par les trafiquants locaux. Bien que généralement fréquentées par de nombreux habitants de favelas, des musiques d'exaltation au crime y sont diffusées, des drogues sont vendues aux abords directs du bal, et les trafiquants transitent souvent par la piste de danse en exhibant des armes à gros calibres4. Outre la fréquentation de ces fêtes, j'ai également commencé à me rendre quasi quotidiennement dans des logements et dans des bars, et à passer du temps dans les coins de rue de ces favelas, développant ainsi mes liens d'amitié avec plusieurs habitantes. Certaines d'entre elles entretenaient des relations de parenté avec des trafiquants ou des voleurs, et m’ont aidée à m'approcher d'eux et à gagner leur confiance, de sorte que j’ai été en mesure de faire connaissance et d’entretenir d'innombrables conversations informelles sur les sujets les plus variés, parmi lesquels ceux qui concernaient - de près ou de loin - le crime.

5J'ai débuté mon travail de terrain dans les favelas contrôlées par le Comando Vermelho quelques mois après l’implantation de la première UPP, lorsque personne n’envisageait encore que cette politique de sécurité publique allait bientôt s'amplifier. J'ai eu l'opportunité d’étudier une période dans laquelle la reproductibilité du trafic selon les modalités en vigueur paraissait éternelle et jamais ne devoir être mise en question; une période, postérieure, dans laquelle l'expectative de l'arrivée de l'UPP commençait à habiter l'imaginaire des « bandits » (bandidos) et des habitants de ces favelas ; enfin, une période au cours de laquelle j'ai pu assister au processus d'occupation et d'installation des UPP dans les principales favelas dans lesquelles ma recherche s'est concentrée. Le travail de terrain a été interrompu avant la période où l'efficacité de la « pacification » allait être largement questionnée. L'analyse des transformations qui ont pu être observées permet d'éclairer quelques-unes des dynamiques à l'œuvre dans les conflits qui avaient été déclenchés plus récemment.

Frontières tacites

6Dans les zones où j'ai réalisé mon travail de terrain, le trafic assumait un caractère sédentaire, établissant des points commerciaux fixes, facilement identifiables tant par ses clients potentiels que par la police ou par les groupes rivaux, ce qui rendait nécessaire une défense armée afin de protéger drogues, argent, vies et liberté. Des groupes de trafiquants contrôlaient non seulement le lieu de vente de la drogue - la routine des bocas de fumo -, mais aussi l'ensemble du territoire dans lequel s'inscrivait cette pratique, interférant dans les diverses sphères de la vie sociale circonscrites à leurs aires d'influence. Aux prises avec des frontières floues entre la favela et l'asphalte, la démarcation qui me paraissait la plus évidente pour distinguer le « dedans » du « dehors » des collines contrôlées par le Comando, était signalée par l'espace dans lequel les bandits pouvaient circuler ostensiblement armés, et par celui où les véhicules de police pouvaient avancer sans être la cible de tirs.

  • 5 Voir Valladares, 2005.

7L'identification des limites des collines contrôlées par le Comando ne fait pas ici référence à l'habituelle distinction favela/asphalte. Celle-ci est très largement critiquée dans la mesure où elle tend à réifier la ségrégation territoriale, se réfère aux favelas comme des espaces d'exclusion sociale marqués par l'absence d'État et aboutit à la représentation d'une « ville divisée » (cidade partida pour reprendre l’expression de Ventura, 1994).5 Je me réfère à la production de frontières qui ne correspondent pas nécessairement à de supposés « dedans » et « dehors » des favelas, mais qui résultent des expériences effectives de conflits entre trafiquants de différentes factions et, principalement, entre trafiquants et police. Plus opératoire semble être ici l'opposition émique entre morro (morne, ou colline) et pista (piste, terme désignant la ville, le dehors) qui, bien que fonctionnant comme synonyme à l'opposition favela et asphalte, ne se limite pas à un supposé groupe d'attributs qui caractérisent objectivement les favelas comme des entités éminemment différentes du reste de la ville, et qui renvoie davantage à l'organisation de l'expérience quotidienne des habitants de Rio de Janeiro. La catégorie morro de comando se réfère spécifiquement à la production d'un contraste dont le critère principal est l'extension de l'espace d'action des trafiquants.

  • 6 Alemão est le terme utilisé dans le jargon des favelas pour se référer aux trafiquants d'une factio (...)

8Au sein du périmètre d'action d'une firme de trafic de drogues, liée à une faction, il n'est pas surprenant que les trafiquants circulent armés, sans se préoccuper de dissimuler les armes. Cette pratique résulte de l’existence et de la réalité de ce que l'on peut désigner comme des « zones de risque » dans lesquelles la police n'entre que dans le cadre d'opérations d'incursion. Du point de vue des membres d'autres factions, de telles zones sont considérées comme des morros de Alemão, où l’on va seulement en cas d’invasion avec l’objectif d’assurer le contrôle des bocas de fumo locales6. Même les habitants des favelas courent des risques pour leur vie s’ils pénètrent dans le territoire contrôlé par une faction différente de celle qui contrôle leur lieu de vie.

  • 7 Autre manière, dans le langage courant, de désigner la première personne du pluriel. En français, l (...)

9Des conflits personnels entre les leaders de ces factions produisent des discontinuités qui ont des effets bien au-delà des simples démarcations de territoires relatives à l'établissement des points de vente de drogue. Ce sont à la fois des frontières physiques qui interfèrent dans la circulation des personnes et leur accès à l'espace public des favelas, et des frontières discursives, qui distinguent ceux qui se reconnaissent ou se présentent comme « nous » (nós) ou « on » (a gente)7. Aussi, quiconque se reconnaît ou appartient au CV (Comando Vermelho) est « nous », et quiconque appartient ou se reconnaît dans le groupe ADA (Amigo Dos Amigos) ou dans le TCP (Terceiro Comando Puro) est reconnu comme “a gente”, de sorte que dans les territoires du trafic, l'usage du mauvais pronom personnel pour désigner la première personne du pluriel peut avoir pour conséquence d'être assassiné. Comme le souligne Farias (2008), « savoir localiser les frontières et les actualiser en fonction des changements de commandos des factions criminelles sont deux éléments importants de l'ensemble des informations accumulées par les habitants pour tenter d'organiser leurs routines » (Farias, 2008, p. 180).

10Au-delà des « zones de tolérance » dans lesquelles le trafic conduit ouvertement ses activités, les autres espaces de la ville – couramment dénommés « la piste » (a pista) - sont interprétés par lesdits « bandits » comme des territoires hostiles, où ils ne peuvent compter sur la défense armée du gardien de la boca de fumo et peuvent être surpris par la police ou par des membres de faction ennemie à tout moment. Les trafiquants ne sortent de leurs favelas qu'armés, dans des cas très sporadiques et en groupes - les dénommés bondes -, pour escorter le chef d'un morro allié, traverser « la piste », pour exécuter une mission (évasion de prisonnier, se débarrasser d'un corps, etc.) ou, enfin, dans des situations de guerre, lors de l'invasion d'une favela contrôlée par une faction rivale. Le reste du temps, ils cherchent à éviter les déplacements dans la ville et quand ils osent sortir dans des centres commerciaux, des cinémas, restaurants, boîtes de nuit ou à la plage, ils font tout pour éviter d'être reconnus, restant en alerte et fuyant face à tout regard suspect.

11Les frontières tacites entre le morro et « la piste », et entre les zones contrôlées par l'une ou l'autre des factions tendent à être plus fréquemment traversées par des voleurs que par des trafiquants. Seules les personnes s'adonnant au vol se rendent dans « la piste », circulant à travers les espaces où la police patrouille régulièrement, où ils sont susceptibles à tout moment d'engager des échanges de tirs. Dans ces cas, ils assument des risques bien plus importants que s'ils restaient dans la favela, prenaient leur tour de garde ou profitaient de leur temps libre sous l'œil de leurs amis, c'est-à-dire sous la protection armée « du territoire », qui rend toute action policière difficile. Ils outrepassent les frontières tacites qui ordonnent géographiquement la cohabitation minimum acceptable entre la loi et le crime, et se lancent armés dans le territoire hostile de la rue - où il est « normal » de se déplacer armé. Comme le disait un voleur à ses amis trafiquants, « Vous vous cachez de la police. Je vais dans leur direction. » Contrairement aux trafiquants, les personnes spécialisées dans le vol attirent la répression policière en direction des favelas : en effet, les opérations policières sont aussi motivées par la volonté de limiter l'augmentation des vols dans des espaces donnés, et par la récupération des véhicules volés. Les voleurs les plus malins évitent pourtant les problèmes avec les trafiquants locaux en choisissant souvent d'opérer dans des zones proches de celles des factions rivales et en prenant soin d'abandonner les véhicules volés à proximité (hors des espaces contrôlés). Cependant, même avec ces précautions, les relations entre trafic et vol sont complexes, paradoxalement marquées par des conflits et des liens d’interdépendances.

12Avec la création du programme de sécurité publique et l'implantation d'unités de police pacificatrice à partir de la fin de l’année 2008, donnant lieu à des arrangements entre policiers et trafiquants, de nouvelles difficultés sont apparues pour la pratique du vol, gênant encore plus les dynamiques d'accords qui permettent au trafic d’adopter et de maintenir ses routines. La Police Militaire (PM) en est venue à occuper de manière permanente et à contrôler une série de quartiers jusque-là sous l’influence des trafiquants, de sorte que la démarcation des limites territoriales - jusqu'où il est facile de faire quoi et à quels coûts et pour quelles conséquences - se trouve à nouveau objet de franche négociation dans les zones dites « pacifiées ». Les échanges de tirs entre policiers et trafiquants ont initialement cessé là où étaient implantées les unités de police pacificatrice (UPP), mais depuis 2013, ils sont à nouveau très fréquents, ce que la presse nationale analyse comme relevant d'une « crise » des UPP, ou comme le « retour » du trafic de drogues.

13Menezes (2014) identifie, dans les paroles d'habitants des zones « pacifiées » la perception d’un projet des UPP en « crise » où tout serait en train de « redevenir comme avant ». Même s'il ne semble pas pertinent de parler d'un « retour » du trafic, étant donné qu'il n'a jamais cessé d'opérer, il convient néanmoins de noter que les échanges de tirs sont redevenus très fréquents, de même que les pratiques de coercition envers les habitants, les trafiquants n'hésitant pas à user de la force, et enfin que certaines bocas de fumo se sédentarisent à nouveau. C'est justement en questionnant ce qu'il était en train de se passer avec les UPP que m'est venue l'idée d'explorer la notion de frontières tacites, pour réfléchir à la composition de nouveaux arrangements et sur la répartition existante du territoire entre police et trafic dans les zones « pacifiées ».

Le modèle des opérations topiques et la pacification

14Dans la perspective de l’accueil de la Coupe du monde de football de 2014 et des Jeux olympiques d'été de 2016, le Gouvernement de l'État de Rio de Janeiro s'est engagé à reformuler, au travers des UPP, les modes de relations entre police et trafic dans les zones considérées stratégiques pour la sécurité des méga-événements. Une ville dans laquelle il existe des zones contrôlées par des groupes criminels, où les policiers utilisent des fusils d'assaut pour combattre la criminalité commune et où les tirs dans l'espace public font partie du quotidien des forces de l'ordre, ne peut recevoir de tels événements sans passer par de considérables transformations. Depuis l'augmentation substantielle des menaces à la sécurité personnelle et patrimoniale observée dans les décennies 1980 et 1990, Rio de Janeiro est présentée comme une ville violente et divisée entre le morro et l'asphalte, ce qui contribue à ce que la « métaphore de la guerre », se diffuse comme clé d'interprétation pour penser le problème de la violence urbaine (Leite, 2001). Dans ce contexte, la politique de « pacification » est apparue comme une alternative à une « guerre » présumée, conduisant à ce que la police apaise les conflits qu'elle tendait jusque-là à renforcer.

15Parmi les cibles principales des actions policières figurent les groupes armés qui se disputent le contrôle territorial des favelas, de sorte que la « métaphore de la guerre » entre le morro et l'asphalte s’est constituée pour évoquer une « guerre contre les drogues » qui s’est développée à l'échelle internationale. Au long des dernières décennies, la stratégie adoptée localement contre le trafic s’est essentiellement basée sur le combat contre les réseaux de distribution des drogues, et donc par la confrontation armée entre policiers et trafiquants. Des opérations ponctuelles d'incursion dans des favelas, réalisées avec l'objectif de saisir des drogues, des armes et de l'argent, et d'arrêter ou de tuer des suspects constituent le point central d'un mode spécifique de relation entre police et trafic auquel je me réfèrerai comme étant un modèle d'opérations topiques. De telles méthodes de combat contre le crime et les drogues s'appuient sur le fait qu'il n'existe pas de contrôle policier régulier dans certains lieux de la ville, de sorte que la présence de la police s'opère seulement au moyen d'opérations sporadiques et relativement imprévisibles. Avec l'argument qu'il n'y a pas suffisamment de sécurité pour que les policiers envisagent de faire des rondes quotidiennes et pour qu'ils puissent intervenir selon les mêmes modes que ceux auxquels ils ont recours dans le reste de la ville, de grandes portions de territoire sont désignées comme des zones à risque et reléguées au contrôle armé de criminels. Dans le même temps, la priorité de la lutte contre le trafic de drogues constitue une justification à la création de territoires d'exceptions dans lesquels s'opère la suspension des droits civils. Ainsi, « la possibilité omniprésente d'irruption de tirs constitue l'un des principes structurants de la phénoménologie de la vie quotidienne dans la favela » (Cavalcanti, 2008, p.37).

  • 8 La foi publique est un terme juridique qui désigne un crédit accordé, en vertu de la loi, aux docum (...)

16Entre 2002 et 2011, ont été enregistrés à Rio de Janeiro plus de 10 000 homicides commis par des policiers en service - dénommés « actes de résistance » - sachant que, comme le signalent Misse, Grillo, Neri et Teixeira (2013), les circonstances de ces morts ne sont pas dûment éclaircies. Comme les corps sont le plus souvent déplacés dans un hôpital au titre de l’assistance aux blessés, et que les morts tendent à avoir lieu dans ces « zones à risque », il est rare que soit réalisée une expertise sur le lieu des faits. Les seules « preuves » de la légalité de l'action policière létale sont la « foi publique » (fé pública)8 déposée par les policiers, l'arme supposée avoir été appréhendée avec le corps de la victime et, lorsque c'est le cas, les antécédents criminels du mort. Il convient de noter que l'extermination de suspects est devenue centrale dans la stratégie des politiques de répression contre le trafic, s'institutionnalisant au moyen de dispositifs légaux qui rendent difficile la mise en cause de policiers pour la mort de civils.

17Aussi, l'intervention de la police dans des favelas ne relève pas d’une mission de sécurité publique destinée à la population, mais de régulation des activités du trafic. Les opérations conduisent de manière fondamentale à occasionner des préjudices aux trafiquants et à affaiblir leur capacité de résistance, ajustant la valeur du pot-de-vin ou de l'extorsion, autrement désignée par le terme arrego. En dépit d'être illégal, il est de notoriété publique que dans pratiquement toutes les favelas dans lesquelles il y a du trafic, s'opère le paiement de sommes d'argent - arrego -, de manière à éviter que soient réalisées des incursions dans la favela ou à ses abords pour contrôler la sortie des usagers de drogues. La capacité de résistance des trafiquants à l'action policière influe dans la transaction de « marchandises politiques », non sans ironie, fragilisant la sécurité des favelas lorsque les lieux de vente (bocas de fumo) sont faibles, c'est-à-dire, simultanément incapables de payer le dû (arrego) demandé (par la police) ou de résister à la répression policière.

18Misse (1999) définit de « marchandise politique », « toute la marchandise dont la production ou la reproduction dépend fondamentalement de la combinaison de coûts et de ressources politiques, pour produire une valeur d'échange politique ou économique ». Dans le cas de l'arrego, la marchandise politique négociée consiste en un relâchement de la répression contre le trafic des agents à qui l'État délègue la prérogative légale de combattre ce marché. Le modèle de gestion des territoires utilisé par le trafic dans les favelas implique la circulation nécessaire de marchandises politiques, car les points de vente de drogues sont fixes et doivent être facilement identifiables pour les usagers qui cherchent les points de vente, ce qui conduit à ce que leur localisation soit connue par les policiers et par les trafiquants rivaux. En conséquence, une défense armée est nécessaire au bénéfice de la vie et de la liberté des trafiquants et pour que des drogues et de l'argent circulent dans ces lieux. Cependant, la supériorité des forces de l'État impose que soient aussi négociées les marchandises politiques, de manière à réduire les interruptions dans le flux normal des routines du trafic.

  • 9 L'implantation des UPP ne concerne qu'une seule zone occupée par la milice.

19Néanmoins, avec la reformulation des stratégies de répression promues dans certaines zones par les UPP, la relation du trafic au territoire et à la police a commencé à souffrir de quelques transformations. Mises en œuvre par le Gouvernement de l'État de Rio de Janeiro, sous le mandat du gouverneur Sérgio Cabral Filho, les UPP consistent en une proposition de « reprise » du pouvoir de l'État sur le territoire à travers l'occupation de la Police Militaire dans des zones qui jusque-là étaient présentées comme étant sous domination des factions du trafic de drogues9. Le principal mérite des UPP a été de modifier la relation entre police et trafic dans les zones dites « pacifiées », substituant le modèle des opérations topiques d'incursion policière dans les favelas par le modèle de la pacification, caractérisée par des occupations stables. Même si le trafic continue d'agir dans les zones d'implantation des UPP, les échanges de tirs étaient devenus moins fréquents, entraînant une baisse significative du nombre de morts violentes (Cano et alli, 2012; Misse, D., 2014). Les enquêtes d'opinion réalisées dans des favelas occupées dans les premières années du projet ont indiqué de hauts indices d'approbation et la perception d'une augmentation de la sécurité de la part de la population (FGV, 2009; IBPS, 2010).

20Malgré tout, le projet de « pacification » a progressivement été critiqué pour promouvoir la militarisation de la gestion urbaine, pour adopter des pratiques de coercition de la population et pour s'articuler à une conception de la citoyenneté qui se restreint à l'intégration au marché de consommation, par la formalisation des commerces dans les favelas, et par le paiement de comptes de consommation d'eau, d'électricité et de télévision câblée. Se basant sur sa recherche concernant l'UPP-pilote du Morro Santa Marta, Fleury (2012) observe que « le commando policier a une mission disciplinaire qui transcende la défense du territoire contrôlé par les trafiquants, mettant en évidence un haut pouvoir discrétionnaire du commando coercitif dans la définition de cet ordre social » (p.213). Pour Machado da Silva (2013), « les UPP mettent en évidence un processus de territorialisation du contrôle social dans lequel les activités de maintien de l'ordre public ne visent plus à contrecarrer les activités interdites, mais à contrôler des zones tenues comme dangereuses ».

21Des problèmes liés aux abus de pouvoir et des crimes, homicides, tortures, agressions, dommages sur le patrimoine et confiscation de bien, commis par les policiers des UPP contre la population locale, ont suscité une mobilisation contre la « pacification », qui a progressivement gagné une plus grande visibilité à partir de 2013, après l'importante répercussion de la disparition de l'aide-maçon Amarildo Dias de Souza, torturé et assassiné par des policiers de l'UPP de Rocinha. Cependant, ce travail n'abordera pas le thème de la violence policière contre les habitants et le problème de l’ingérence des UPP sur la vie quotidienne dans les favelas. L'objectif de cette analyse se limite seulement à étudier les modalités selon lesquelles les UPP ont modifié les dynamiques entre le trafic, le vol et le territoire dans les favelas occupées.

22Les reconfigurations des arrangements entre la police et le trafic ont entrainé la modification du tracé des frontières négociées, produisant de nouvelles discontinuités dans l'espace des favelas. Si auparavant, la « zone de tolérance » au sein de laquelle on s’attendait à rencontrer les trafiquants armés comprenait pratiquement tout le territoire des favelas, aujourd'hui, les policiers circulent tranquillement par les voies principales des quartiers dits « pacifiés ». Dans certains lieux, il a été possible d'observer des points de vente (bocas) qui ont maintenu la même configuration qu'avant l'implantation des UPP et, même s’ils n'occupent plus les voies principales du morro et ne changent que rarement de lieu, ils continuent à être gardés par un groupe armé. On note une compression des circonscriptions d'action du trafic, dont les limites continuent à être accordées au moyen de conjugaisons particulières entre le paiement de l'arrego et les expériences vécues de confrontation, celles-ci fussent-elles transportées vers l'intérieur des favelas. Pourtant, la majeure partie des points de vente s’est prévalue d'autres méthodes de sécurité pour faire face à la contiguïté territoriale avec la police. Maintenir un surveillant contrôlant le mouvement des équipes policières, garder les chargements de drogue dans une cachette et payer des pots-de-vin comptent parmi les méthodes utilisées tour à tour selon les circonstances.

23Il existe actuellement des zones d'UPP plus conflictuelles que d'autres, comme il existe des périodes perturbées et des périodes calmes. Des changements de commandement des UPP, des alternances de pouvoir dans le trafic local et des épisodes ponctuels, comme un homicide, un échange de tirs pendant une fête ou la fuite d'images filmant des hommes armés dans des favelas occupées peuvent déboucher sur le déclenchement de confrontations, jusqu'à ce que de nouveaux arrangements géopolitiques soient configurés. La production d'une cartographie tacitement partagée - parce que jamais explicite ni évidente - des espaces des favelas entre policiers et trafiquants n'est en aucun cas immédiate ou aisément résolue.

Territoire et hiérarchie dans le trafic de drogues dans les favelas

  • 10 La traduction du terme « dono » par celle de « chef », dans le contexte qui intéresse cette recherc (...)

24Pour mieux comprendre l'organisation de la résistance du trafic à la « pacification », il convient d'être attentif à l'importance de la relation de « possession » au territoire et de la sédentarité des points de vente dans la structuration de la vente des drogues au détail dans les favelas. Comme cela a déjà été mentionné, l’ancrage territorial du trafic (et donc sa visibilité) implique une plus grande vulnérabilité des bocas de fumo, même si ce modèle de vente de la drogue au détail demeure incontournable dans l’agencement des relations de pouvoir internes dans les favelas de Rio de Janeiro. La hiérarchie du trafic de drogue dans les favelas se structure à partir de la relation de « possession » sur un territoire, c'est-à-dire, du « droit » à l'exclusivité de la commercialisation de drogue dans des zones spécifiques. Ce droit « appartient » à celui qui est reconnu comme étant le « chef du morro » (dono do morro10), et est garanti par la faction qui, à son tour, authentifie le pouvoir de commandement et garantit la concentration des richesses. La conservation du flux de retour des ventes du commerce illégal de drogues, dans une structure hiérarchique, s'appuie sur le « droit » inaliénable d'exploitation des « territoires pour le trafic » par la faction et, par conséquent, par les chefs de morros qui la composent.

25Initialement dénommées « phalanges » avant d'être baptisées par la presse de comandos, les factions cariocas se sont développées à l'intérieur des prisons dans les années 1970, d'abord comme des instances de régulation de conflits entre prisonniers, canalisant les revendications collectives en direction de l'administration carcérale. Au cours de la décennie 1980, elles ont étendu leur influence à des espaces d'habitat des catégories sociales à faible revenu, sous la forme de  réseaux d'alliance ou, selon les termes de Misse (2003), les « réseaux horizontaux de protection mutuelle », entre leaders locaux du trafic de drogues - chefs de morros -, visant à défendre ses zones d'intervention commerciale. Actuellement, trois principales factions se disputent le contrôle de la vente de drogue dans des zones pauvres de Rio de Janeiro : le Comando Vermelho (CV), les Amigos dos Amigos (ADA) et le Terceiro Comando Puro (TCP).

26Bien que la faction soit un réseau d'alliances entre des chefs de morros, le discours de son existence influe aussi directement sur l'expérience quotidienne de l’ensemble des habitants de favelas. Célébrée dans des paroles de musique et quotidiennement évoquée par les jeunes de favelas, la faction mobilise une série de référents symboliques par la mise en discours de son existence, promouvant des liens affectifs et une idée d'appartenance commune. Le sentiment d'adhésion à la faction est la source du droit et de la morale qui régule l'économie du crime, scellant des alliances entre chefs du trafic et reconnaissant la distribution inégalitaire de droits, de privilèges et de prestige au niveau local.

27Les factions sont segmentées en entreprises locales du trafic - nommées firmes -, n'ayant pas de chefferie au-dessus des chefs de morro (Barbosa, 1998; 2005; Misse, 1999; 2003). Le trafic dans les favelas prend la forme d’une démultiplication d’entreprises locales du commerce de drogues, caractérisées par des relations hiérarchisées en interne, par une fixité territoriale des points de vente, par l'opulence armée des trafiquants et, finalement, par son articulation « translocale » en factions. La reproduction de ces firmes dépend de la possession d'un arsenal d’armes par le chef de morro. Le potentiel recours à la force - dans les fréquents échanges de tirs ou pour la punition de trafiquants et d'habitants - devient la condition d'existence du commerce de drogues ; et la possession d'armes - surtout celles de grande portée - assume un rôle central dans l’organisation des routines normales du trafic.

28La firme revendique le monopole de l'usage légitime de la violence dans ses zones d'action, cherchant à stabiliser les relations de pouvoir par l'exercice de la surveillance et de la punition. Toutefois, pour garantir son droit à l'exclusivité du commerce de drogues dans une favela déterminée et se prémunir des insurrections internes à la firme, le chef de morro doit aussi former une base politique locale, constituant des alliances par la distribution de dons. Selon Zaluar (2004),

pour accumuler beaucoup de richesse et beaucoup de pouvoir par les armes, les chefs ou négociants principaux du crime-négoce agissent comme des patrons dans le vieux style du patronage brésilien, transformant les employés et voisins dépendants des dons et des cadeaux distribués selon ses caprices et intérêts. (p.400)

29Ce qui permet la production, la reproduction et la réplication de relations sociales selon les modes de la firme et de la faction n'est pas seulement l'instrumentalisation de la violence et la circulation de capital et de marchandises, mais aussi la composition d'alliances politiques scellées par l'échange de cadeaux de diverses natures. Sur la base du matériau de terrain collecté, je propose de repenser le fonctionnement de la firme comme un système de distribution des responsabilités qui se structurent à travers les relations d’appropriation du le territoire assurées aux chefs de morro par la faction.

30L'organisation des activités relatives au commerce local de drogues relève de la compétence du responsable du morro, aussi appelé « front/devant du morro » ou « gérant général ». Celui-ci est nommé par le chef pour contrôler le fonctionnement des lieux de vente et pour assumer le pouvoir de contrôler une zone déterminée. À son tour, le responsable doit rendre des comptes à son patron, en lui envoyant la part convenue du bénéfice obtenu avec la vente de drogues. Tout comme la favela, les lieux de vente (bocas de fumo) et les différents prix ou charges de chaque drogue commercialisée sont la propriété du chef, qui distribue différentes responsabilités entre les « bandits », ceux-ci partageant les bénéfices générés dans les lieux de vente des différentes drogues, dont les prix leur ont été indiqués par leur hiérarchie.

31L'acte de donner à un trafiquant une responsabilité - une concession des droits d'exploitation commerciale de certaines zones, de points commerciaux ou de stocks de drogues vendues à un prix déterminé - est interprété comme un don, une attitude permettant d'offrir à quelqu'un une possibilité d'enrichissement et d'ascension hiérarchique. Néanmoins, il s'agit d'un don qui maintient un lien au donateur : la rupture du flux de retour des rendements obtenus peut conduire à perdre la concession définitivement ou, dans un cas ultime, entrainer la mort. Les responsabilités ne sont pas cessibles, mais doivent être considérées comme des « possessions inaliénables », analysées par Weiner (1992) qui, même quand elles sont laissées à l'attention d'autres ou passées en régime de succession, ne perdent pas leurs liens significatifs avec le donateur. De telles possessions authentifient l'autorité de leur possédant. Elles sont source de différence et de hiérarchie, contrôlant la reproduction de ses différences et le maintien de sa hiérarchie dans le temps. En concédant une responsabilité, le chef renonce à une partie considérable du bénéfice qui lui revient de « droit » sans la perdre de vue, et renforce les liens de réciprocité avec les trafiquants influents de la communauté dans laquelle il souhaite maintenir la légitimité de son pouvoir, se démarquant simultanément d’eux, par sa distance et sa supériorité.

32Du point de vue de la faction, le droit d'exploitation commerciale de « territoires pour le trafic » est inaliénable, le contrôle d'un lieu de vente d'une zone déterminée peut être transféré seulement suite à une guerre ou à un « coup d'État ». La guerre s'opère entre des segments appartenant à des factions rivales, et se traduit par l'invasion armée d'un territoire, tandis qu'un coup d'État résulte d'une conspiration coordonnée par un groupe interne à la firme, assurée par des trafiquants influents qui trahissent la confiance d'un chef de morro moyennant le soutien d'une faction ennemie. Cela constitue la trahison la plus importante à la faction. Aliéner un chef de morro de la possession de « son » morro implique de rompre avec la faction, celle-ci étant, par principe, un réseau de solidarité entre chefs de morro : elle authentifie leur pouvoir sur des régions géographiques déterminées.

33L'occupation des favelas par les UPP a laissé croire que les « territoires pour le trafic » avaient été finalement dépossédés de leurs chefs et, par là, « repris » par l'État. Cependant, une telle expectative se fondait sur l’hypothèse que le trafic nécessiterait de contrôler toute la circonscription de la favela pour continuer à opérer. Or, sauf dans quelques cas où le déploiement de l'UPP a coïncidé à un changement de la faction détenant le pouvoir, la structure hiérarchique de l'entreprise a été maintenue. Cela a contribué à maintenir l'existence d’autant de gérants qu’il existe de tailles de paquets de drogues à la vente, avec l’obligation de justifier les comptes auprès du patron. Ce qui a changé touche au modus operandi des bocas de fumo, et l'interface avec les usagers de drogues.

34Le chef d'une des favelas dans lesquelles j'ai enquêté avait l'habitude de dire qu'il n'était pas chef de morro mais plutôt chef des bocas de fumo de la favela, ce qui a été plus facile à comprendre après l'occupation de la police. Le locus du trafic est la boca de fumo. C'est en ces lieux que se concentrent les différents stocks de drogues vendues par le même vapor, chacun d'eux étant contrôlé par un gérant qui se charge de justifier les comptes auprès du chef ou du gérant général du morro. Les négociations qui s'opèrent hors des espaces de la boca, comme vendre des kilos de marijuana à un jeune de classe moyenne, ne sont pas sujettes aux contrôles de la firme, le trafiquant pouvant alors imputer la marge de bénéfice qu'il souhaite. La préservation des relations hiérarchiques dépend ainsi du maintien de la localisation de la vente de la drogue au détail (varejo), ce qui nécessite de résister aux pressions qui poussent à la déterritorialisation.

Les bocas de fumo dans des favelas “pacifiées”

35Sur la base de mes observations dans une zone qui comprend deux UPP, j'ai identifié dans les mêmes favelas la coexistence entre bocas de fumo avec et sans contrôle armé, depuis l'occupation des forces de police pacificatrice jusqu'à aujourd'hui. En dépit du fait que la majeure partie des trafiquants recherchés par la police ait fui la favela après l'annonce de l'occupation policière, quelques semaines après, les principaux leaders du trafics étaient déjà revenus et se concentraient sur un point spécifique de la favela, avec une défense armée bien organisée à ses alentours. Cette boca de fumo a recommencé à fonctionner avant même que ne soit négociée la réduction de la répression policière, quand l'UPP n'avait pas encore été inaugurée, la favela étant sous la vigilance du Bataillon de Police de Choc (Batalhão de Polícia de Choque, BPChq). Il s'agissait d'une boca stratégiquement située dans un lieu à partir duquel il était possible d'observer les mouvements des véhicules policiers, et disposant de nombreuses sorties facilitant la fuite éventuelle des trafiquants. En dépit d'une intense répression, il était possible de garder un centre de commandement territorialisé, où les chefs du trafic puissent être localisés pour qui les cherchait. Dans cette période initiale, la relation entre le trafic et la police a été tendue, mais les trafiquants disaient que cette situation n'était qu'une question de temps. Ils attendaient la sortie du bataillon de choc et l'installation définitive de l'UPP pour être en mesure de négocier un arrego et normaliser ainsi leurs activités.

36Un an plus tard, le point où se concentraient les principaux trafiquants de la zone a été déplacé dans une autre localité. J'ai alors accompagné une amie qui recherchait le responsable du morro pour résoudre le problème d'un parent arrêté et emprisonné. Nous avons dû demander des informations aux jeunes qui assuraient discrètement le poste d'une des bocas et, après avoir sollicité une autorisation par radio, ils nous expliquèrent comment arriver là où nous pourrions rencontrer le patron. Nous avons ainsi pénétré dans les ruelles étroites jusqu'à arriver dans un lieu où près de quinze hommes armés de revolvers assuraient la protection d'une boca et du responsable. Des jeunes, armés et apparemment mineurs, contrôlaient les angles de rue qui permettaient l'accès à la boca, mais à 200 mètres de là, se situait l'un des lieux de base de l'UPP et deux véhicules de police en stationnement. Le positionnement de ces jeunes mettait en évidence de nouvelles frontières divisant le territoire de la favela. Si jusque-là les limites tacitement conventionnées par les expériences de confrontation et de négociation étaient la division entre la favela et l'asphalte, à présent, des frontières internes à la favela se voyaient et étaient produites, changeant avec une plus grande facilité.

37Toutefois, en dépit de la persistance des postes armés, d'autres stratégies de sécurité se sont en grande partie substituées à ce type de résistance. Le caractère lucratif du trafic dépend du fonctionnement des bocas en divers points de la favela, et pas seulement dans ceux où peut se maintenir une protection armée. Voici comment un trafiquant décrivait la manière selon laquelle la boca de fumo fonctionnait dans les premiers mois qui ont succédé à l'occupation policière.

Les postes sont déjà revenus ici. [Moi: Avec des armes?] Non, seulement avec la radio. J'ai passé toute la journée à courir, jouant à me cacher, ou à jouer à cache-cache, je sais pas. Les minots restent là à surveiller où vont ceux qui sont dedans, et nous ont court vers là où ils ne sont pas. Le problème, ça va être quand il en vient un de dehors et de dedans en même temps.

38Le fonctionnement itinérant des bocas de fumo gardées par des guetteurs munis seulement de radios est l’une des stratégies de résistance à l'UPP. Une autre méthode de travail que j'ai pu observer réside dans l'absence de drogues sur la personne qui vend. Il va chercher la marchandise dans une cachette chaque fois qu'un acheteur vient à sa rencontre. Dans le cas où un policier l'aborde, il n'aura aucune drogue sur lui. La mobilité du vapor – vendeur situé dans la rue, vendant au détail - et l’absence de flagrant délit constituent deux méthodes non violentes de résistance du trafic à la présence de la police à l’intérieur de la favela, et tendent à être utilisées quand les policiers ne sont pas payés (arregados) par les trafiquants. Mais les ventes opèrent de manière plus facile lorsque la boca peut fonctionner avec une plus grande visibilité, dans les lieux déjà connus par l'ancienne clientèle et avec des réserves de drogues en main. À cette fin, la négociation de « marchandises politiques » est nécessaire, ce qui n'est pas toujours possible, mais qui demeure néanmoins fréquent. Selon Menezes (2014):

(...) les trafiquants des favelas « pacifiées » ont aussi appris à différencier les policiers agissant comme une « police de proximité ». Ils ont appris à savoir exactement qui composait chaque “tour”, par où passait chaque « poste » (plantão) et de quelle manière ils agissaient. Comme le décrivait un “ancien-trafiquant” de la Cité de Dieu (Cidade de Deus) : “Il y a un gardien (plantão) qui ”envoie“, de sorte qu'ils [les trafiquants] ne piaillent même pas. Il y a un plantão qui est tranquille. Et là, ils sont plus libres”. (pp.673-674)

39Lors de mes dernières visites dans des favelas « pacifiées », les bocas qui fonctionnaient sans surveillance armée n'étaient pas rares, mais tellement visibles et facilement identifiables qu'elles ne pouvaient qu'être le fruit d'arrangements : un ou plusieurs mineurs désarmés, immobiles dans un lieu qui a toujours fonctionné comme une boca, avec un sac à dos sur les épaules. Reste que tous les policiers en poste n'acceptent pas d'arrangement, la boca ne peut pas toujours ou n'est pas toujours disposée à payer et les ordres des commandos supérieurs de la police ne permettent pas toujours le maintien des accords, de sorte que les arrangements entre pouvoirs locaux demeurent instables.

Le sigle CVRL se réfère au « Comando Vermelho Rogério Lemgruber », en hommage à l’un de ses fondateurs. « Saudade eterna CD » est un hommage à un trafiquant mort, dont le nom serait CD

Photo : N.Bautès, 2014

L'effet-UPP sur la pratique du vol à main armée

40La réduction des vols - la soustraction de biens sous l'effet de graves menaces- est l’un des principaux effets attribués aux UPP dans les premières années de sa mise en œuvre dans la ville de Rio de Janeiro. La pratique d'attaques occasionne des problèmes pour le fonctionnement régulier des firmes, comme le soulignait Barbosa (1998), car le trafic dépend de l'établissement de relations de subordination et d’extorsion avec la police pour fonctionner. Or, le vol rompt fréquemment de telles dynamiques d'accords. Les voleurs subvertissent les frontières tacites entre le morro et la piste. Dans la mesure où les accords se sont trouvés plus difficilement contournables, la relation de la firme avec les agresseurs qui résidaient dans leurs zones d'intervention est devenue plus complexe encore qu'elle ne l'était jusque-là. Dans ce contexte, les obstacles à la réalisation de vols à main armée se sont intensifiés.

41Néanmoins, une certaine interdépendance entre le trafic et le vol persiste toujours, car les trafiquants dépendent des voleurs pour qu'ils leur fournissent des véhicules volés utilisés pour des missions, pour faire disparaître les corps des victimes d'homicides, pour le montage de voitures accidentées, leur utilisation au sein du morro, etc. Les trafiquants apprécient aussi les bijoux en or, les montres de marque, les ordinateurs portables, tablettes, téléphones et autres objets qu'ils ne possèderaient pas s'ils n'étaient pas en mesure de les acheter aux voleurs à un prix inférieur à celui du marché. Il convient de souligner que beaucoup d'assaillants travaillent aussi pour le trafic et, comme ils s'exposent habituellement aux risques de la piste et ont l'habitude d'être valorisés pour leur disposition - une conjonction de froideur et de courage -, ils sont sollicités pour participer à des missions et à des guerres.

42Toutefois, l'intensification de la répression policière observée depuis le début des années 2000 a conduit les trafiquants à imposer de plus en plus de restrictions au vol, car les voleurs attiraient la police vers le morro, obstruant la conduite des routines normales du trafic. Les opérations policières peuvent être réalisées en vue de récupérer des véhicules volés ou de réduire le trafic à cause de l'augmentation de vols dans une zone déterminée. Pour cela, les patrons de la firme tendent à établir des limites à la pratique du vol, parfois amenés à tuer et à expulser les voleurs de la favela qu'ils contrôlent. Les voleurs doivent ainsi maintenir un lien de travail ou, du moins, une bonne relation avec la boca pour pouvoir porter ou posséder des armes à feu et amener des biens volés à l'intérieur du morro. En dépit des concessions qu'ils consentent, les leaders du trafic se réservent le droit de punir ceux qui ne respectent pas les conditions imposées, comme celle de ne pas voler dans des zones proches de la favela, ou ne pas garder des voitures volées à l'intérieur.

43Il est absolument interdit de commettre des détériorations ou des vols à l'intérieur de la favela et les voleurs considèrent eux-mêmes cette pratique inacceptable. Une telle recommandation diffère, dans son fondement, de celle qui interdit de voler dans une zone proche de la favela. La première se réfère à la protection que le trafic prétend offrir aux habitants de leur zone d'intervention et à la répugnance au vol contre des personnes pauvres, tandis que la seconde s'inscrit dans une politique d'évitement des problèmes contre la police, susceptibles de nuire aux affaires du trafic. Il est plus difficile d'identifier la provenance des auteurs de vols commis dans des zones distantes, ce qui permet ainsi d'éviter le déclenchement d'opérations policières. Cependant, à l'exception de la frontière entre le morro et la piste, les autres limites géographiques associées à l'action des voleurs sont toujours imprécises, de sorte que la définition de ce qui est considéré ou non comme « proche » dépend d'un consensus tacite négociable jusqu'à un certain point.

44Comme il est beaucoup plus facile de pratiquer des vols sans avoir besoin de s'aventurer dans les chemins dangereux de la piste, certains voleurs se risquent à voler très près du morro et disent qu'ils ont volé loin, comptant que la vérité ne remonte pas, même si c'est parfois le cas. Les voleurs contournent systématiquement les prescriptions de comportement imposées par le trafic et actionnent des stratégies pour masquer leurs erreurs. Apprendre à mentir sur « qui a volé » et sur « où on a volé », garder des véhicules dissimulés dans le morro, omettre l'occurrence d'échanges de tirs avec la police, etc. Tout cela leur est essentiel pour poursuivre leurs carrières de manière autonome, distincte de leur emploi vis-à-vis du trafic (Lyra, 2013), et atteindre la même prospérité symbolique et économique dont profitent ceux qui les dominent dans la structure hiérarchique de la firme, selon les mêmes modes et selon les mêmes moyens que ceux « institutionnalisés » par le trafic.

45Le trafic se renforce aussi en assurant un certain contrôle sur les motos et sur les voitures volées - dénommés « boucs » - apportées à l'intérieur de la favela. De tels véhicules ne sont pas seulement des produits de vols destinés à être revendus, mais aussi un outil essentiel pour la pratique de nouveaux vols. La voiture est un objet trop grand pour pouvoir être aisément dissimulé, d'autant que la présence de véhicules suspects stationnés dans la favela fait souvent l'objet de délations à la police – par des informateurs anonymes qui vivent dans des favelas, dénommés X-9. Les voleurs ont pourtant besoin de l'autorisation du chef ou du responsable du morro pour garder des véhicules volés dans leur zone, car il y a toujours un risque que la police réalise des opérations pour les récupérer. Pour obtenir cette autorisation, le voleur doit travailler pour la firme, maintenir une relation d'amitié avec les trafiquants les plus influents de la favela et avoir l'habitude d'amener les voitures qu'ils commandent.

46Avec l'installation des UPP dans les favelas où ils résidaient, les voleurs ont cessé d'avoir un territoire sûr pour pouvoir se réfugier après les vols et ne disposent plus de lieux où garder les véhicules volés qu'ils utiliseraient pour commettre d'autres crimes et d'où ils retireraient des pièces pour les revendre. Ceux qui ont migré vers d'autres favelas ne possèdent plus la considération nécessaire vis-à-vis du trafic local pour être autorisés à garder les véhicules volés dans le morro. C’est un privilège réservé seulement aux voleurs ayant grandi dans la favela et qui ont développé des relations intimes avec les leaders de la boca. Même après la stabilisation des accords entre trafic et UPP dans les favelas occupées, quand de nombreux voleurs sont retournés dans leur lieu de résidence, le trafic n’a plus permis que stationnent des véhicules volés dans la favela. La présence de policiers dans les limites du morro facilitait la localisation et la récupération des véhicules, ce qui, à chaque occurrence, augmentait encore plus les difficultés de nouvelles et fragiles négociations de l'arrangement (arrego) avec la police.

47Dans les premiers mois qui ont succédé à l'occupation, j'ai observé que plusieurs de mes interlocuteurs voleurs tendaient à innover dans leurs méthodes d'action, utilisant par exemple des véhicules réguliers pour leurs opérations ou stationnant leurs véhicules volés hors de la favela. De telles mesures ont encore augmenté les risques et la pratique déjà dangereuse de vols. D'autres encore ont arrêté de voler des véhicules et des piétons - et ont agi selon des modalités impliquant une plus grande planification et ne pouvant être effectuées de manière aussi fréquente, ce afin de percevoir des bénéfices plus importants, comme les attaques contre des établissements commerciaux et résidentiels. La majeure partie des voleurs a abandonné le vol et se contente d’un emploi dans la boca de fumo.

48Ma perception, fondée sur la base du travail de terrain, que de nouvelles difficultés étaient en train d'être imposées à la pratique du vol a coïncidé avec la baisse du nombre de vols observés dans la ville de Rio de Janeiro dans les quatre premières années de l'implantation des UPP. Comme cela peut être observé dans le graphique ci-dessous, le nombre de vols enregistrés en 2012 était 37% moins important qu'en 2008. Certes, d'autres variables, comme l'augmentation substantielle de l'effectif de la Police Militaire et le nombre élevé de personnes tuées par la police en 2007 et 2008, doivent aussi être considérées, mais l'effet-UPP ne peut être écarté.

Figure 2 : Registre d’occurrence de vols dans la ville de Rio de Janeiro (2002-2014)

Figure 2 : Registre d’occurrence de vols dans la ville de Rio de Janeiro (2002-2014)

Source: Instituto de Segurança Publica/Rio de Janeiro

49Il est intéressant de noter que la tendance à l'augmentation des vols, observée à partir de 2013, coïncide justement avec la période à partir de laquelle on a commencé à parler de la « crise » des UPP. A ce moment, je n'étais déjà plus en train de conduire mes recherches de terrain dans des favelas, et pratiquement tous les voleurs desquels je m'étais rapprochée au cours de la recherche étaient en prison ou morts. Je ne dispose donc pas de sources qui me permettraient de comprendre les processus expliquant l'augmentation des vols observés depuis. La seule hypothèse qui me semble pertinente est la permission renouvelée des trafiquants au stationnement des véhicules volés dans les favelas occupées par les UPP. Dans le cas où cela serait vérifié, ce serait un indice fort de la fin du contrôle de la police sur les territoires dits ”pacifiés“ ou, pour le moins, sur une bonne partie d'entre eux, ayant succombé à la résistance du trafic ou aux arrangements (arrego).

Considérations finales

50Ce travail ne visait pas à évaluer l'implantation des unités de police pacificatrice dans les favelas, mais à analyser quelques-uns de leurs effets sur les dynamiques de confrontation armée et d'accords entre les acteurs de la violence urbaine à Rio de Janeiro, incluant la police. Le constat du maintien des bocas de fumo dans les favelas « pacifiées » ne doit pas conduire à la conclusion irresponsable de l'échec de l'UPP et de la pérennité de la vente de drogues en lien avec la corruption de la police. Pour comprendre ces dynamiques, il est important de reconnaître la capacité d'adaptation, de réorganisation et de résistance du trafic. La coexistence négociée entre les trafiquants et la police au sein de l'espace des favelas résulte dans une grande mesure de la difficulté de combattre la vente de drogues sans entraîner des guérillas quotidiennes dans des dizaines de zones occupées, ce qui ruinerait une fois pour toutes la proposition de « pacification » annoncée par le Gouvernement.

51En signalant la production de frontières dans l'espace urbain, je ne prétends pas non plus corroborer l'image d'un pouvoir parallèle. Il n'y a pas d'État dans l'État. La large supériorité du pouvoir armé de la police oblige les trafiquants à négocier la réduction de la répression, payant des pots-de-vin systématiques aux agents de police, ce qui ne se substitue pas pour autant à la résistance et à la confrontation. Trafic et État sont ainsi à la fois mêlés et en concurrence. En d'autres termes, « il n'existe pas un ”pouvoir parallèle“, mais un ”pouvoir tangentiel" qui nécessite d'établir une relation de voisinage avec l'appareil d'État » (Barbosa, 2005, p.372). C'est de cette relation de voisinage qu'émerge le problème des frontières.

52Les frontières auxquelles je me suis référée dans ce texte ne déterminent pas « qui » contrôle tel ou tel territoire, mais bien l'ensemble des risques associés aux différentes pratiques et à la circulation de certaines catégories de personnes dans les espaces de la ville. On pourrait se demander en quoi les frontières sont tacites si au final elles sont produites au moyen de confrontations et d'accords effectifs. Cependant, de tels accords et confrontations ne se réfèrent pas aux frontières : ils ne les expliquent pas. Les limites à la circulation résultent principalement de la latence des conflits et du savoir accumulé, qui permettent d'entrevoir où et comment elles peuvent émerger.

53Tout au long de ce texte, j'ai défendu l’idée que le maintien de la hiérarchie interne à la faction dépend de ce que le trafic demeure territorialisé, mais une telle relation avec le territoire se produit, en grande partie, à partir des dynamiques de confrontation et d'accords avec la police. Cette dernière joue un rôle crucial dans la composition de cette géopolitique urbaine, dans la mesure où elle mise sur la « territorialisation des contrôles sociaux » (Machado da Silva, 2013), dans lequel s'inscrivent tant le modèle des opérations topiques que la pacification. Tant que les contrôles demeurent territorialisés, le trafic demeurera aussi et les frontières tacites continueront à être produites.

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Notes

1 Pour les habitants de Rio de Janeiro, l’opposition entre « favela » et « asphalte » (asfalto) dénoterait la polarité des lieux de vie des classes urbaines aisées et des groupes paupérisés.

2 Natasha Elbas Neri, colega do Núcleo de Estudos da Cidadania, Conflito e Violência Urbana da Universidade Federal do Rio de Janeiro (NECVU/IFCS/UFRJ).

3 Les « bailes funk » sont des fêtes populaires organisées dans les favelas et les quartiers populaires depuis les années 1980.

4 Catégorie native qui se réfère à l'univers criminel. Synonyme de monde du crime.

5 Voir Valladares, 2005.

6 Alemão est le terme utilisé dans le jargon des favelas pour se référer aux trafiquants d'une faction ennemie, quelle qu'elle soit; terme générique pour désigner l'Autre.

7 Autre manière, dans le langage courant, de désigner la première personne du pluriel. En français, l’équivalent serait proche du pronom personnel « on ».

8 La foi publique est un terme juridique qui désigne un crédit accordé, en vertu de la loi, aux documents et certificats émis par un serviteur public ou par toute personne disposant d'une délégation du pouvoir public dans l'exercice de ses fonctions, le reconnaissant comme de confiance.

9 L'implantation des UPP ne concerne qu'une seule zone occupée par la milice.

10 La traduction du terme « dono » par celle de « chef », dans le contexte qui intéresse cette recherche, conduit à éluder l’allusion à la relation de possession qui confère un caractère spécial à la figure du dono.

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Légende Le sigle CVRL se réfère au « Comando Vermelho Rogério Lemgruber », en hommage à l’un de ses fondateurs. « Saudade eterna CD » est un hommage à un trafiquant mort, dont le nom serait CD
Crédits Photo : N.Bautès, 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/11246/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Figure 2 : Registre d’occurrence de vols dans la ville de Rio de Janeiro (2002-2014)
Crédits Source: Instituto de Segurança Publica/Rio de Janeiro
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/docannexe/image/11246/img-2.png
Fichier image/png, 35k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Carolina Christoph Grillo, « Frontières tacites. Confrontations et accords dans les favelas de Rio de Janeiro »Confins [En ligne], 28 | 2016, mis en ligne le 07 octobre 2016, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/confins/11246 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/confins.11246

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Auteur

Carolina Christoph Grillo

Postdoctorante au département de Sociologie de l’Université de São Paulo. Programme thématique FAPESP “A gestão do conflito na produção da cidade contemporânea: a experiência paulista”, carolina.c.grillo@gmail.com

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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