Figures de l’urgence et communication
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Introduction
1Nous ne savions pas, en commençant à travailler sur l'urgence en 2003, que la France allait connaître un état d'urgence et que nous serions plongés dans l'actualité, au point que certains intervenants se sont interrogés sur le bien fondé de leur voyage… en cette période de crise.
2L'interdiction de circulation, l'interdiction des réunions, l'interdiction de communiquer dans l'espace public, sont autant de conséquences de cet état d'urgence dont nous voyons qu'il a beaucoup à voir avec les pratiques de communication. Au nom de l'urgence, les concertations et les négociations peuvent être supprimées. Mais nous aurons sûrement l'occasion de revenir sur ces questions dans les débats.
3Notre propos, en entamant une réflexion sur les pratiques de communication et l'urgence, était double.
4D'une part il s'agissait de poursuivre la réflexion que le GREC/O mène depuis plusieurs années autour des effets dynamiques des processus de communication en situation.
5Ces recherches ont permis de développer une approche de la communication originale, centrée dans les phénomènes dits « inducteurs » à savoir les phénomènes produisant des « effets de communication », qui ne sont pas liés à la transmission d'un message tel que celui-ci est traditionnellement envisagé.
6Notre précédent thème de recherche concernait les conditions de « co-existence » organisationnelle.
7Nous avions mis l'accent sur les dimensions « minimales » d'une communication qui faisait parfois l'impasse sur le sens partagé pour se centrer sur des expériences partagées et une co-présence où la vicariance devenait l'élément important de la relation.
8Après l'espace, la vicariance ou le voisinage, c'est assez naturellement que les dimensions temporelles des interactions communicationnelles sont devenues nos objets d'attention.
9D'autre part, il s'agissait plus précisément de comprendre la situation paradoxale que l'on pouvait observer dans les organisations et qui se manifeste par des discours très contradictoires sur les questions du temps.
10Les organisations se pensent souvent sous le signe du projet, de l’anticipation, de la pro-activité et de la veille stratégique. On valorise l'anticipation de l'avenir voire le développement durable qui conjugue, à la fois éthique, de la responsabilité et éloge de la pérennité.
11Le discours de la planification et de la maîtrise du temps est omniprésent dans les discours institutionnels
12En même temps et simultanément, sans jouer sur les mots, les acteurs sur le terrain éprouvent des difficultés grandissantes dans leurs pratiques professionnelles du fait de l'accélération des rythmes de travail et l'on observe ce que certains ont appelé une tyrannie de l’urgence bien souvent synonyme d’épuisement et de stress professionnel.
13Cette situation est quelquefois mise en rapport avec l'usage intensif des TIC au point que les technologies sont souvent considérées comme étant la première cause du sentiment "d'urgence généralisé " qui sévit en entreprise.
14Que pensez de cette affirmation ? L'urgence n'est-elle pas utilisée comme un argument d'autorité bien commode parce qu'elle est la figure d'un pouvoir sans centralité et sans consistance ? Peux-t-elle être utilisée de manière stratégique comme certains manuels de gestion le préconise ? N'est-elle pas le signe s'une crispation sécuritaire qui serait le signe de l'avènement de cette société du risque dont parle Ulrich Beck ?
15Pour étudier ces questions et ces paradoxes, nous avons donc souhaité convier des chercheurs à réfléchir sur le sujet et nous sommes très heureux de voir que cette sollicitation a rencontré un très bon écho.
16Une analyse provisoire, et à enrichir, des phénomènes d’urgence nous a conduit à définir quatre axes de travail pour structurer la réflexion collective.
Premier axe : L’urgence comme mode de régulation sociale
17Il sera question dans cet axe de l'urgence comme nouvel impératif et comme rythme ordinaire des activités sociales mais aussi des mutations dans les représentations de l’urgence.
Deuxième axe : L’urgence et la dérégulation
18On s'interrogera sur les effets de rupture et de l’abandon des systèmes de communication ordinaires, dans l'urgence, qu’ils soient de nature technologique ou non
Troisième axe : L’urgence domestiquée
19On étudiera plus particulièrement la façon dont les professionnels de l’urgence savent au travers d’un certain nombre de protocoles, de procédures, de scénarii, à la fois détecter l’urgence, mais aussi la traiter d’un point de vue communicationnel, voire la programmer. Il sera question de la professionnalisation des situations d’urgence au sein desquelles les pratiques de communication sont essentielles.
Quatrième axe : L’urgence construite et subie, l’urgence instrumentalisée
20Enfin dans le dernier axe, seront évoquées les situations où l’urgence est construite et sert de cadre de référence à un certain nombre de situations de travail qui sont sources d’épuisement professionnel et de stress.
21Vous trouverez rassemblés dans un ouvrage intitulé "Vivre l'urgence dans les organisations" publié aux éditions l'Harmattan, le résultat des premières réflexions des chercheurs du GREC/O, issues des séminaires que nous avons tenus en 2004 et 2004 sur ce thème. Nous versons ces textes au débat.
22Je voudrais renouveler mes remerciements à tous les contributeurs et à toutes les personnes qui ont participé à cette rencontre très riche pour l'intérêt et l'honneur qu'ils nous font d'avoir accepté de prendre part à ce moment de débat scientifique.
Pour citer cet article
Référence papier
Valérie Carayol, « Figures de l’urgence et communication », Communication et organisation, 29 | 2006, 7-9.
Référence électronique
Valérie Carayol, « Figures de l’urgence et communication », Communication et organisation [En ligne], 29 | 2006, mis en ligne le 19 juin 2012, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communicationorganisation/3364 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communicationorganisation.3364
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