La communication des nouvelles éthiques de l’entreprise
Notes de la rédaction
Dossier coordonné par Elizabeth Gardère et Gino Gramaccia
Texte intégral
Introduction
1Ce dossier invite le lecteur de tous horizons, l’universitaire, le chercheur, l’entrepreneur, l’industriel et le professionnel au sens large, à questionner son environnement et ses pratiques en termes d’éthique. L’information environnementale des entreprises est ici au cœur du dossier. Les risques sociaux et écologiques générés par certaines organisations sont à l’origine de l’émergence de la notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), agrégat mesurable d’actes concrets réalisés par les entreprises en faveur de l’environnement. Face à cette prise de conscience, le rôle joué par les entreprises n’est plus à démontrer, tant au niveau du développement durable, que d’autres actions dites éthiques. L’entreprise est aux prises avec les ONG, les consommateurs, l’opinion publique et les pouvoirs publics qui attendent d’elle la gestion des risques qu’elle engendre, la maîtrise de son activité et un véritable engagement éthique au contenu clairement défini et crédible. Certaines entreprises ont déjà commencé à intégrer cette préoccupation dans leur management et communiquent sur les actions menées et leur légitimité.
2La légitimité sociétale des multinationales se traduit au niveau des politiques de management et de communication, notamment en termes d’image car l’enjeu est devenu stratégique. Le bien-fondé de ces agissements se mesure par l’investissement socialement éthique ou encore à l’échelle des fonds éthiques. La gestion des relations avec les parties prenantes est à l’ordre du jour des décisions stratégiques et de la communication « éthiquement correcte ». Certaines organisations joueront la carte de l’amélioration de la productivité pour justifier de la démarche éthique, d’autres commercialiseront leurs produits en les différenciant par une labellisation sociale, parfois même, la diffusion d’une information préventive palliera les lacunes d’un investissement éthique peu reconnu et les confusions qu’occasionne le fleurissement de cette nouvelle terminologie qui reste à définir, tâche que s’emploient à réaliser les auteurs de cet ouvrage collectif. La confidentialité jusqu’alors de mise sur un tel sujet est aujourd’hui désuète en réponse aux pressions internes et externes. Le thème de la responsabilité sociale de l’entreprise, du développement durable, et de manière plus étendue des nouvelles éthiques, répond à un besoin urgent de maîtrise du risque qui dépasse les frontières de l’entreprise et même celui de la prise en charge étatique. L’évolution de la problématique conduit nécessairement les auteurs de ce dossier à questionner la terminologie (écologie, environnement, responsabilité sociale, développement durable, etc.), car il n’existe pas encore de définition normative. Mais alors qu’entend-on par responsabilité sociale de l’entreprise, citoyenneté ou éthique dans les discours managériaux ? De manière générale, ce sont des notions qui véhiculent un nouveau projet dans lequel le rôle de l’organisation est redéfini, ainsi que ses normes et ses valeurs en réponse aux corollaires de la globalisation : l’accroissement de la conscience collective éthique et la nouvelle responsabilité dont se dotent les entreprises, parties prenantes de la société. Il s’agit donc, selon l’Etat de Genève, « d’un engagement à respecter un ensemble de principes qui dépasse la simple application des dispositions légales ». Lorsqu’une entreprise choisit de s’engager dans une démarche de responsabilité sociale, elle cherche à réduire l’impact négatif de ses activités sur l’environnement et à diminuer les phénomènes d’exclusion sociale en menant des actions dans sa sphère d’influence. Les outils mis à disposition sont des codes de conduite, des labels environnementaux et sociaux et des pratiques éthiques d’investissement.
3Ces recherches tiendront aussi compte des considérations sociales, économiques et politiques qui marquent les discours tenus dans l’espace public par une diversité d’acteurs aux statuts et enjeux métissés, convergents et/ou divergents. Discours qui témoignent de l’engagement public que fait l’organisation à mener des actions en adéquation avec les attentes sociétales et ses intérêts présents et futurs. Autant d’éclairages qui clarifieront la problématique.
- 1 Nicole Notat, « La responsabilité sociale des entreprises », in Futuribles n° 288, juillet-août 20 (...)
4Par ailleurs, s’ajoutent à la dégradation de la biodiversité, aux questions de bioéthique, à l’effet de serre et à l’épuisement des ressources qui impliquent un défi de régulation planétaire, un problème d’inégalités entre les pays. En effet, face au phénomène de mondialisation, force est de constater que nombre de pays sont confrontés à des problèmes d’acculturation et de sous-développement. Pour préserver l’intégrité des personnes et un niveau décent des moyens, des projets culturels et humanitaires prospèrent et mobilisent tant les organisations intergouvernementales, du secteur public et privé que la société civile. Ces mesures d’ajustement et de correction des stratégies organisationnelles agissent comme une véritable gestion sociale et gouvernance à l’échelle mondiale, et s’évaluent par des systèmes de notations éthiques (stakeholders, agences de notation, syndicats, etc.) afin de favoriser la responsabilisation des entreprises. Mais cette notation sociale n’a de crédit aux yeux des enjeux organisationnels qu’en fonction de son référentiel. Qu’évalue-t-on exactement ? En réponse à ce flou, l’actualité fourmille d’exemples de détournement des mesures de contrôle et de notation, illustrant comment les organisations profitent des failles du système réglementaire encore à ses balbutiements pour contourner l’expression d’un véritable engagement éthique au détriment des pays hôtes (ex : dans le cas des délocalisations). Comme le fait remarquer Nicole Notat, on est loin des préoccupations des années 1970 sur « l’éco-développement » et « l’auto-gestion » qui conduisirent à la polémique de la « croissance zéro ». Désormais, les actions portent tant sur « la préservation de l’environnement, le respect des droits humains, la valorisation des ressources humaines, l’observation de règles fiables de gouvernance ou la lutte contre la corruption, etc. »1. Toutefois dans les faits, une nuance peut attirer l’attention : l’équilibre entre les modes discursifs et opérationnels est-il respecté ? Et en faveur de quels intérêts penchent les arbitrages ? L’environnement est ici envisagé comme un objet pertinent pour les sciences de l’information et de la communication, dans la mesure où à l’heure des bilans, il rappelle la nécessite du « vivre ensemble » en bonne intelligence, c’est-à-dire dans le respect de la problématique relationnelle pilotée par une charte éthique garante de la notoriété des organisations adhérentes au projet.
5Dans le prolongement des travaux de Blondiaux (1998), Nicole d’Almeida parle de « modèle démocratique représentatif qui est notre héritage politique et notre pratique historique de la démocratie [où] se profile la possibilité ou l’apprentissage d’un modèle participatif ou délibératif ». Voilà qui suggère une lecture plurielle et interdisciplinaire des nouvelles approches éthiques de l’entreprise, ainsi qu’un débat sur les limites de la communication des mêmes nouvelles éthiques.
Notes
1 Nicole Notat, « La responsabilité sociale des entreprises », in Futuribles n° 288, juillet-août 2003. pp. 12 - 28.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Elizabeth Gardère et Gino Gramaccia, « La communication des nouvelles éthiques de l’entreprise », Communication et organisation, 26 | 2005, 9-11.
Référence électronique
Elizabeth Gardère et Gino Gramaccia, « La communication des nouvelles éthiques de l’entreprise », Communication et organisation [En ligne], 26 | 2005, mis en ligne le 19 juin 2012, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communicationorganisation/3267 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communicationorganisation.3267
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