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Hors thème

Théâtre et presse, de 1590 à 2017

Les news et les nouvelles, objets de satire
Michael Palmer

Résumés

L’auteur étudie les pièces des dramaturges britanniques et, à titre moindre, français, de 1626 à nos jours, qui traitent des news, des nouvelles, et incidemment, des productions satiriques de la presse, des nouvellistes et des journalistes. Les dramaturgies produites pour la radio ou la télévision ne sont pas incluses dans la présente étude. L’auteur se réfère à l’occasion au contexte de l’époque où l’on produisait ces pièces et termine en se demandant pourquoi les confrères français, ces dernières décennies, délaissent la presse en tant que thème de leurs intrigues.

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Texte intégral

  • 1 En Angleterre, l’abolition effective de la censure en 1695 permit l’éclosion d’une presse politique (...)

1Les théâtres « modernes », à Londres et à Paris, apparaissent au XVIe siècle. À Londres, la première pièce satirique portant sur les nouvelles et la presse remonte à 1626. Y aurait-il une tradition de satires sur les nouvelles plus vivante sur la scène londonienne que sur la scène parisienne ? À Paris plus encore qu’à Londres, la censure intervenait sans pitié, tant au XVIIe siècle que par la suite, sur les productions théâtrales et la presse1. Si les dramaturges des deux villes ne prenaient pas de gants pour critiquer les journalistes, reflétant ainsi le plus souvent l’attitude qui avait largement cours, du moins parmi les élites, n’allaient-ils pas plus loin dans la satire à Londres qu’à Paris ? En tout cas, il se trouve que, ce dernier demi-siècle, plusieurs dramaturges à Londres ont traité ainsi la presse et ceux qui travaillent pour elle et l’influencent, et qu’il n’en est pas de même en France.

  • 2 Il arrive que Jonson (à l’en croire) préfère le lecteur qui le lit à l’auditoire qui assiste à une (...)

2La question complexe des interactions à l’œuvre entre les représentations théâtrales et leurs spectateurs n’est traitée que partiellement : on sait que William Shakespeare rédigeait dans ses pièces des passages susceptibles de plaire tantôt à la cour et aux élites, tantôt au parterre, aux groundlings qui, eux, assistaient aux représentations debout, au théâtre public du Globe. Toute référence à l’actualité — comme dans The staple of news de Ben Jonson ou, bien plus tard, dans The critic de Richard Sheridan — était-elle mieux comprise par les lettrés que par les groundlings2 ? Cela paraît probable. Mais une évidence s’impose : les pièces de théâtre, comme les journaux, veulent être intelligibles à tous immédiatement.

3Dans le présent article, nous procédons par un « va-et-vient » entre Londres et Paris, au fil des siècles. Nous terminons par des créations récentes des dramaturges outre-Manche, tout en nous demandant pourquoi leurs confrères en France, ces dernières décennies, délaissent la presse en tant que thème de leurs intrigues. Les journaux quotidiens — tels Le Monde, Le Figaro, Ouest-France, etc. — se prêteraient-ils moins à ce genre d’exercice ? C’est au cinéma, et non au théâtre, que le metteur en scène Patrice Chéreau décida, à partir d’un scénario de Georges Conchon, de réaliser Judith Therpauve (1978), inspiré de la reprise du quotidien régional Paris-Normandie (1972) par le « papivore » Robert Hersant.

4L’article s’attarde à la période qui va de 1600 à 2017. Il se concentre sur les news, les nouvelles, traitées de manière satirique au théâtre. Chez les dramaturges britanniques, depuis le milieu du XXe siècle, ne seront retenues que les pièces jouées au théâtre, sur scène ; celles produites pour la radio ou la télévision ne sont pas incluses. Une précision s’impose : depuis les années 1970, cinq dramaturges britanniques d’importance ont produit des pièces, plutôt satiriques, sur l’information, la presse, les journalistes et les patrons de presse.

  • 3 Ceux qui le consultent, par Internet, téléphone intelligent, etc., seraient encore plus nombreux. R (...)

52017-2018 : rentrée théâtrale à Londres — parmi les pièces les plus applaudies, Ink de James Graham ; l’intrigue tourne autour de Rupert Murdoch et de la transformation en 1969 du titre The Sun, quotidien alors sur le déclin. The Sun de l’équipe de Murdoch deviendra pendant plusieurs décennies le journal populaire le plus lu outre-Manche et il l’est encore en 2018, quoiqu’avec un tirage en baisse (1,5 million) et un lectorat de 3,5 millions3.

6Près de quatre siècles plus tôt, en 1626, une pièce de Jonson, The staple of news, jouée par la troupe The King’s Men (Jonson, 1988 : 10), celle de Shakespeare, fut donnée un temps sur la scène londonienne, au théâtre de Blackfriars ; l’intrigue, complexe et parfois obscure (du moins pour le lecteur d’aujourd’hui), satirise le newsmongering, la fabrique des nouvelles ; ce texte, depuis longtemps relevé par les historiens britanniques et français de la presse, est considéré comme l’une des toutes premières satires de cette industrie naissante (Weill, 1934 ; Fox Bourne, 1887).

  • 4 On estime, selon des sources qui ne sont pas des plus fiables, que la population en 1600 de la Gran (...)

7À Londres, en effet, parurent durant la décennie 1620 les premiers newspapers ; ils étaient autorisés à ne traiter que les nouvelles de l’étranger ; ils s’inspiraient de simples traductions de journaux importés des Pays-Bas ou s’en inspiraient ; l’actualité européenne était alors dominée par les débuts de la guerre de Trente Ans (1618-1648)4.

  • 5 Par exemple, 33 des 74 longs métrages réalisés entre 1928 et 1985, dont The Front Page et Network m (...)
  • 6 Pièce de théâtre ensuite transposée en films de cinéma.

8Ainsi, depuis près de quatre siècles, les dramaturges britanniques trouvent matière à intrigue dans les news et la presse. Bien des hommes de lettres, des écrivains et des journalistes furent également dramaturges. Notons au passage que plusieurs ouvrages de vulgarisation portant sur l’histoire de la presse ou sur la presse actuelle comportent une filmographie5. « La presse à la une », telle qu’elle ressort des films et parfois des téléfilms, n’est pas chose rare. Il n’en est pas de même des pièces de théâtre traitant de la presse et du journalisme — encore que bien des historiens de la presse aux États-Unis s’attardent sur The front page de Ben Hecht et Charles MacArthur (1928), qui se passe dans une salle de rédaction peu attrayante de Chicago6.

Pour une « archéologie » des pièces de théâtre qui traitent des news et de la presse sur le mode satirique

9Campons le contexte de l’Angleterre dans lequel écrivaient Shakespeare et Jonson. Rappelons les incertitudes du pouvoir royal : l’Angleterre pansait ses plaies après une longue querelle dynastique, une guerre interminable avec la France, dite de « Cent Ans », et une réforme religieuse — le protestantisme anglican évinçant peu à peu et avec violence le catholicisme ; s’y ajouta une longue période d’incertitude sur la succession de la « reine vierge » Elisabeth, ce qui devait bien se faire finalement en 1603, lorsque Jacques VI d’Écosse lui succéda en devenant Jacques Ier d’Angleterre. Que de pièces de Shakespeare qui explorent les troubles dynastiques — The history plays ; que de pièces et masques de Jonson par lesquels l’auteur souhaitait s’attirer la faveur royale ! Londres, où commençaient à se multiplier les théâtres, était à la fois une ville en pleine expansion économique et démographique et la scène où se jouait le sort des dramaturges — la prison pour Jonson, la mort pour Christopher Marlowe (tué dans une rixe en 1593). Les théâtres étaient encore des entreprises bien modestes — mais, comme l’écrit Peter Brook, « [on peut] prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène toute nue » (2008/1968 : 11) — destinées à fournir des divertissements dans des quartiers où par ailleurs on chassait l’ours (bear-baiting) ou le faisait danser.

10Les pièces de théâtre et les périodiques étaient parfois traités de la même manière : les grandes bibliothèques — telle la Bodleian (« Bodley ») à Oxford, établie en 1602 — classaient souvent les pièces de théâtre tout comme les premiers « journaux » sous la rubrique ephemera, c’est-à-dire les choses éphémères dont la conservation n’était pas la priorité (West, 2001). On ne leur accordait guère de considération.

Le vocabulaire « news/nouvelles » dans les pièces de théâtre écrites des deux côtés de la Manche

  • 7 « Basic news », Newseum Content Book, (1995), Washington D.C., 6e édition, p. 3.

11Au théâtre, depuis les Grecs, les termes de message, lettre, billet, papier produisent un effet, un éventuel renversement de situation dans le déroulement de l’intrigue. Ils n’ont pas forcément le rôle d’attribut du « récit de la chose nouvelle » — « nouvelle » signifiant soit qu’elle s’est produite depuis peu, soit qu’on vient de l’apprendre, c’est-à-dire un fait nouveau (XIIIe siècle). En français, nouvelle provenait du latin populaire nouvella, mot au pluriel pour « choses récentes » (XIe siècle), mais qui signifiait aussi « récit imaginaire » (XIVsiècle) — novele, un genre littéraire où la fiction l’emportait. Vers le XVe siècle, « l’accent mis sur l’annonce d’un événement conduit le mot à désigner ce que l’on apprend par la rumeur publique (1549), puis les informations diffusées au public par divers canaux (1659) » (Rey, 1992 : 2402), dont les journaux. Bref, au théâtre, news/nouvelle renvoie à ce qui est nouveau, et ce, pour l’entendement des protagonistes de la pièce, les dramatis personae, et pour celui de l’audience. News, à la différence de newspaper ou the press, permet d’enjamber des temps très anciens aussi bien que les temps dits « modernes » ; la notion de news traverse les époques, même si l’on n’ira pas jusqu’à suivre le Newseum de Washington D.C. qui affirme que « les animaux échangent des news basiques7 ».

  • 8 « News », Oxford English Dictionary (1933), Oxford, Oxford University Press, p. 8.
  • 9 Il existe même une marque de cigarette ainsi libellée.

12A news a été employé un temps au singulier. Au XVIsiècle, en 1566, il y a mention d’a news8. L’emploi au pluriel s’est généralisé ensuite. Mais l’usage moderne (le bulletin radio, la BBC : Here is the news) atteste encore l’emploi du singulier. Pour signaler l’information principale, on peut dire : the lead story, the lead news-item, headline news. Le substantif news est maintenant galvaudé, en anglais et même en français9.

  • 10 Tidings : du vieil anglais tardif tïdung, de tïdan (« survenir, arriver »), ou alors du vieux norro (...)

13News — abréviation de new things et formule apocryphe d’une comptine d’enfants : news comes from North, East, West, and South — porte l’empreinte d’une étymologie qu’on peut qualifier d’anglo-saxonne. Nieuws et tydings, appellations courantes à la fin du Moyen Âge, renvoyant aussi bien aux nouvelles de personnes proches qu’étrangères, portent la trace des langues nordiques10. Il n’en est pas de même de « nouvelles », mot qui, lui, proviendrait du latin nova.

  • 11 Le prologue d’Ink reprend trois de ces cinq questions.

14À quoi « répond » une nouvelle, cet aliment des échanges qui fait qu’on en redemande ? On peut remonter à Quintilien, rhétoricien romain du Ier siècle, dont les questions — quis, quando, quibus auxiliis, quomodo, cur, qui devraient permettre à tout avocat d’organiser son argument — deviendraient à l’époque moderne les tant répétés cinq W : who, what, when, where, why, auxquels s’ajoute how11? Les communicologues modernes, comme Haold Dwight Lasswell (1902-1978), ajoutèrent : « avec quel effet ? », auquel nous ajouterions, pour notre part, « que importe le média, le support, le vecteur ». Francis Bacon, prosateur anglais, l’écrivait déjà en 1605 : l’essentiel, ce sont les mots, the medium of wordes. Les sémiologues de nos jours ajouteraient : « Les mots sont des signes, tout comme les images. » Aujourd’hui, les news font l’objet d’un traitement différent selon le média utilisé. Mais le mot news (jadis newes) traverse les époques.

Shakespeare et Jonson

  • 12 Longtemps on créditait Shakespeare de 37 pièces. Ces dernières décennies, on lui attribue un rôle d (...)
  • 13 « Même quand elles sont exactes, il n’est jamais bon / D’apporter de mauvaises nouvelles » (Déprats (...)
  • 14 tuer le messager (traduction libre).
  • 15 « Ne me tenez pas responsable de la mauvaise nouvelle que je vous apporte » (idem).

15Quant aux news/now — pour s’en tenir aux supports manuscrits et imprimés outre-Manche —, on constate que Shakespeare (baptisé en 1564 et mort en 1616) joue abondamment sur les mots now et news dans plusieurs de ses pièces12. À la fin du XVIsiècle, époque qui comptait bien plus d’analphabètes que de lettrés, où l’oralité primait sur l’écrit comme moyen de transmission, il évoquait à plusieurs reprises la tension entre l’écrit et l’oral (l’écoute), la croyance et la crédibilité. Dans Antony and Cleopatra (II, v. 85-86), la pièce datée vers 1606, Cléopâtre observe : « Though it be honest, it is never good / To bring bad news… »13. On trouve chez Shakespeare des allusions au rôle du message et du messager qui rappellent les grandes tragédies grecques. La formule tant reprise par la suite, « kill the messenger »14, ne s’inspire-t-elle pas de l’argument que tient le messager devant Cléopâtre : « The nature of bad news infects the teller... »15. Cette même crainte s’exprime par un garde, messager ou autre, dans la tragédie grecque. Dans Antigone de Sophocle (1962 : 94), le garde n’ose pas annoncer à Créon la mauvaise nouvelle : « Nul n’éprouve de tendresse pour un porteur de mauvaises nouvelles ». Mais, faut-il le préciser, dans la tragédie grecque, nulle trace de satire à cet égard.

  • 16 « Alors, quelles sont les nouvelles sur le Rialto ? […] Et bien ? Quelles nouvelles ? […] Alors, Sh (...)

16Nous pouvons lire dans Le marchand de Venise de Shakespeare (date probable : 1596) : « Now, what news on the Rialto? […] How now, what news? […] How now Shylock! What news among the merchants? »16. Ces phrases évoquent la curiosité et l’impatience, la soif de nouvelles des brasseurs d’affaires et marchands. Bref, « mauvaises nouvelles » et nouvelles pour des marchands n’en font pas des objets « dignes » ou « légitimes »…

17Dans Les deux gentilshommes de Vérone (l’une des toutes premières pièces de Shakespeare, écrite avant 1593) figure un échange entre deux bouffons ; l’un d’eux s’appelle Vitesse/Speed. Il s’agit d’un véritable jeu verbal à plusieurs niveaux où sont évoquées en quelques mots à peine attentes, nouvelles lointaines, mauvaises nouvelles, encre noire sur papier, méprises provoquant le rire ainsi qu’aptitude à lire et à comprendre :

  • 17 SPEED. Et bien, seigneur Lance, quelles nouvelles de Votre Seigneurie ?
    LANCE. Rien qui fasse que c (...)

Enter SPEED. How now, signior Lance? What news for your mastership?
LANCE. With my master’s ship? Why it is at sea.
SPEED. Well, your old vice still; mistake the word. What news, then, in your paper?
LANCE. The blackest news that ever thou heard’st.
SPEED. Why man, how black?
LANCE. As black as ink
SPEED. Let me read them
LANCE. Fie on thee, jolthead; thou canst not read
SPEED. Thou liest, I can17...

18Pièce tardive (1611), The tempest, elle, comporte une méditation sur le temps : now est répété 79 fois au cours de la pièce. L’urgence temporelle et l’urgence spéculative se rejoignent.

The staple of news : pièce d’exception ?

  • 18 News from the New World Discovered in the Moon débute par « news, news, news ». Ce masque fut donné (...)
  • 19 Son éditeur (en 1640) imprime tour à tour Newes et News (Jonson, op. cit.).
  • 20 Auparavant, il existait bien des publications traitant des nouvelles ; il y en aurait eu 450 en Ang (...)
  • 21 Fournit « toute bonne copie, qu’elle soit vraie ou fausse » (traduction de l’auteur).
  • 22 « une personne qui a étudié des documents historiques pour établir les dates d’événements passés » (...)
  • 23 « nouvelles puritaines, protestantes ou pontificales » (traduction de l’auteur).
  • 24 « une fois imprimée, une nouvelle cesse d’être une nouvelle » (traduction de l’auteur).
  • 25 Ian Donaldson souligne que celui-ci exploite l’attrait de now et de new dans le Londres de 1626 (20 (...)

19Ben Jonson (1572-1637) est un autre dramaturge marquant du début du XVIIe siècle, qui, du reste, a rendu à Shakespeare un hommage qui fit date. Ses œuvres comportent principalement des pièces et des « masques », c’est-à-dire des spectacles d’une mise en scène coûteuse et éblouissante réalisés pour une seule représentation commanditée par la cour — celle de Jacques Ier (1603-1625), précédemment roi d’Écosse (1566-1625)18. Jonson rédigea The Staple of News (Parr, 1988)19 la décennie même où les premiers journaux apparaissaient à Londres : en effet, certains des imprimeurs de journaux parus à Amsterdam faisaient transcrire eux-mêmes une édition en langue anglaise, au tournant des années 1610-162020. Dès 1620 — année de parution à Londres des premiers corantos, feuilles d’information/news-sheets d’une seule feuille in-folio —, Jonson, dans son « masque » News from the New World, traite à la fois d’un printer of newes qui « give anything for a good Copie now, be’t true or false »21, d’un chronologer, chroniqueur qui établit les dates des événements passés / « a person who studied historical records to establish the dates of past events »22, en remplissant son livre de bavardages politiques afin d’éclairer la postérité sur la véracité des choses, et pour clore, d’un factor of newes, qui a pour gagne-pain la confection de lettres d’information qu’il envoie en province. En 1626, Cymbal, dans The Staple, occupe une position analogue et pose la question suivante à une interlocutrice : « Quelle sorte de nouvelles voulez-vous ? », et sait la satisfaire. Il fournit des nouvelles pour tous les goûts ; à ceux qui veulent des nouvelles sur les factions (parti[e]s adverses), il livre des « Reformèd news, Protestant news. And Pontificial news » à la demande23. Les allusions aux journalists — terme que Jonson n’emploie pas, et qui daterait dans nos deux langues plutôt de la fin du XVIIsiècle — qui fabriquent les nouvelles se multiplient. En témoignent : sources suspectes, abus de langage, exploitation marchande de « la primeur » de l’information, livraison sur commande, crédibilité accrue lorsqu’une information apparaît sous forme imprimée, encore qu’un personnage observe « When Newes is printed, It leaues [leaves] Sir to be Newes »24 ; et même évocation d’un staple, d’un monopole, d’une centrale donnant son imprimatur aux nouvelles agréées — référence possible à un litige concernant l’accès aux nouvelles de l’étranger (1625). Bref, peu après l’apparition des premiers journaux, Jonson insiste sur news et new dans News from the New World (1620), y retourne dans The staple of News (1626) et y revient dans l’une de ses dernières pièces, The New Inn (1629), dont « l’argument » comporte cette phrase : « And the court dissolves upon a news brought of a new lady, a newer coach, and a newer coachman called Barnaby »25.

  • 26 Why et how ne laissent-ils pas plus que les autres termes une marge d’interprétation, de subjectivi (...)

20Commerce-Cynisme-Censure-Contrôle-Combat : curieusement, ces « 5 C » complémentent « les 5 W »26 qui résument les questions auxquelles répond succinctement le récit de la nouvelle. Toujours est-il que la première pièce d’un grand dramaturge britannique qui traitait de l’industrie de la presse a donné en quelque sorte le ton : les manigances des journalistes et la crédulité du public allaient de pair. Les news — leurs sources, leur contenu, leurs « fabricants », et la crédulité qu’ils inspirent… — se prêtent aux satires. Jonson inaugure un genre théâtral.

21Industrie modeste et naissante, sous-ensemble de la librairie, et catégorie encore marquée par la survie des newsletters, les feuilles d’information manuscrites, la rédaction et l’édition des journaux imprimés donnaient déjà lieu, à en croire les exégètes du Staple of news, à la crainte d’un éventuel monopole (Jonson, op. cit.). À l’époque en effet, à Londres, ‪Nathaniel Butter et Nicholas Bourne, qualifiés de ‪premiers « maîtres du staple » (Rostenberg, 1957), jouaient un rôle important. Bourne imprimeur et Butter libraire publiaient un journal, le Weekly News, « appât pour attirer les poissons ».

  • 27 « Ah, vous êtes une femme de Beurre. Demandez donc à Nathaniel, le clerc, là-bas » (traduction de l (...)
  • 28 Il édite la première édition du Roi Lear de Shakespeare en 1608.

22Dans The Staple, le jeu de mots « O, you’re a butter-woman! Ask Nathaniel / The clerk there »27 renvoie à Butter qui, pendant trente ans, semble avoir été l’un des principaux vendors ou commerçants de nouvelles imprimées et de pièces de théâtre28. Il se qualifie d’écrivain dans l’un de ses journaux, ou comme celui qui « transcrit les livres ». Les exégètes laissent entendre que Butter, tout comme deux de ses collègues, Nicholas Bourne et Thomas Archer, ses rivaux peut-être, appartenait à un syndicat « d’éditeurs de nouvelles » qui s’efforçait de se mettre en place vers 1622-1623 (McKenzie, cité dans Jonson, op. cit. : 258-259). Dans la pièce de Jonson, le personnage de Cymbal, à la tête du Staple (ce monopole en puissance), a beau être traité avec ironie, l’évocation de ses activités — imprimeur de livres et de journaux, éditeur, libraire… —, rappelle les activités de ses « modèles ».

  • 29 Mot qui, lui-même, provient de godsib, terme identifié vers la fin du Moyen Âge.

23La centralisation de la copie et la collecte de l’information dans un nombre restreint de lieux sources — la cathédrale Saint-Paul, le palais de Westminster, etc. — figurent dans The staple, tout comme la fabrication des journaux. Le personnage-clé de l’industrie naissante n’est autre que Cymbal, The Factor, celui qui fabrique. La prégnance de la transmission orale et l’importance des commérages sont suggérées par quatre femmes ou gossips29 — des parentes ou amies bavardant entre elles — qui figurent sur scène et représentent le public. De là les allusions à la crédulité du récepteur qui en veut pour son argent, aussi modique que soit la somme : un groatsworth, une infime quantité, qui ne vaut pas plus qu’un morceau de gruau.

24Que sait-on du théâtre au temps de Shakespeare et de Jonson, déjà ? Bien des choses, à en croire leurs exégètes. À leur époque, le théâtre public pouvait être mal vu des autorités, les pièces étaient à proprement dit jouées hors des murs de Londres et les théâtres furent fermés en temps de peste et aussi, dans les années 1640, pendant la guerre civile. Jonson, on le sait, recevait des émoluments de la cour et produisait des « masques » pour celle-ci. Nul indice ne fait croire qu’une pièce de Shakespeare ait été interdite. Deux théâtres — le Globe, théâtre public, et le Blackfriars, théâtre privé de dimensions plus modestes que le premier — ont abrité des productions de Shakespeare uniquement ou de Shakespeare et de Jonson (Bowsher, 2012).

Et à Paris… ?

25Dans les pièces des grands dramaturges français du XVIIe siècle — Corneille, Molière, mais pas Racine bien sûr, dont l’inspiration était tout autre —, c’est moins les milieux de la « fabrique » des nouvelles qu’on met en scène que la crédulité de celui qui gobe les nouvelles qu’on lui raconte. Au XVIIe siècle, note-t-on, le terme de nouvelliste renvoie au récepteur avide de nouvelles, tout comme à celui qui les livre oralement ou par écrit. Le nouvelliste abuse de la crédulité du récepteur.

  • 30 Qui fit jouer ses pièces au théâtre du Marais, qui luttait contre le seul théâtre permanent qui exi (...)

26Le menteur (1643), grand succès de Corneille30, comporte un passage où Isabelle s’interroge :

Dorante est-il le seul qui, de jeune écolier, / Pour être mieux reçu s’érige en cavalier ?

Que j’en sais comme lui qui parlent d’Allemagne, / Et si l’on veut les croire, ont vu chaque campagne ; / Sur chaque occasion tranchent des entendus, / Content quelque défaite, et des chevaux perdus ;

  • 31 La Gazette de Théophraste Renaudot date de 1631.

Qui dans une gazette31 apprenant ce langage, / S’ils sortent de Paris, ne vont qu’à leur village, / Et se donnent ici pour témoins approuvés / De tous ces grands combats qu’ils ont lus ou rêvés ! / Il aura cru sans doute, ou je suis fort trompée,

Que les filles de cœur aiment les gens d’épée ; / Et vous prenant pour telle, il a jugé soudain / Qu’une plume au chapeau vous plaît mieux qu’à la main. / Ainsi donc, pour vous plaire, il a voulu paraître, / Non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il veut être,

Et s’est osé promettre un traitement plus doux / Dans la condition qu’il veut prendre pour vous (Corneille, 2015 : vers 858-876).

  • 32 En 1658, quand Molière installa sa troupe, trois troupes permanentes de comédiens français se produ (...)

27Ensuite chez Molière32, La comtesse d’Escargagnas (1671/1682) débute ainsi :

  • 33 Journal que les réfugiés protestants imprimaient en Hollande contre Louis XIV.

LE VICOMTE. Je serais ici il y a une heure, s’il n’y avait point de fâcheux au monde, et j’ai été arrêté en chemin par un vieux importun de qualité, qui m’a demandé tout exprès des nouvelles de la cour, pour trouver moyen de m’en dire des plus extravagantes qu’on puisse débiter ; et c’est là, comme vous savez, le fléau des petites villes, que ces grands nouvellistes qui cherchent partout où répandre les contes qu’ils ramassent. Celui-ci m’a montré d’abord deux feuilles de papier, pleines jusques aux bords d’un grand fatras de balivernes, qui viennent, m’a-t-il dit, de l’endroit le plus sûr du monde. Ensuite, comme d’une chose fort curieuse, il m’a fait, avec grand mystère, une fatigante lecture de toutes les méchantes plaisanteries de la Gazette de Hollande33, dont il épouse les intérêts. Il tient que la France est battue en ruine par la plume de cet écrivain, et qu’il ne faut que ce bel esprit pour défaire toutes nos troupes ; et de là s’est jeté à corps perdu dans le raisonnement du Ministère, dont il remarque tous les défauts, et d’où j’ai cru qu’il ne sortirait point. À l’entendre parler, il sait les secrets du Cabinet mieux que ceux qui les font. La politique de l’État lui laisse voir tous ses desseins, et elle ne fait pas un pas, dont il ne pénètre les intentions. Il nous apprend les ressorts cachés de tout ce qui se fait, nous découvre les vues de la prudence de nos voisins, et remue à sa fantaisie toutes les affaires de l’Europe. Ses intelligences même s’étendent jusques en Afrique, et en Asie ; et il est informé de tout ce qui s’agite dans le Conseil d’en haut, du Prêtre-Jean, et du Grand Mogol (2010 : 1019-1210).

Retraversons la Manche

  • 34 « “Le monde entier est un théâtre” n’a-t-on cessé de répéter depuis les Grecs et les Romains et… Sh (...)
  • 35 « Je considère le théâtre comme un monde en soi » (traduction de l’auteur).
  • 36 Voir Lévrier (2007) et Sgard (1991).

28« All the world’s a stage », affirme Shakespeare au début du célèbre monologue de Jacques dans Comme il vous plaira (As You Like It) (2016 : 568-569)34 ; la formule sera continuellement reprise par la suite. Joseph Addison, dans The Spectator le 10 septembre 1714, s’exprime autrement : « I look upon the Play-house as a World within itself »35, avant de tomber sur les comédiens tout comme sur les critiques. The Spectator, quotidien fondé en 1711 par Addison, lui-même dramaturge, et Richard Steele, inaugurait une sorte de presse périodique où trônait l’essai. En France, Le Spectateur français (1711-1714) de Marivaux (1688-1763) a été calqué sur le Spectator. Ce genre de périodique connaîtra un succès en France tout au long du XVIIIe siècle36. Les pièces de Marivaux, par contre, ne comportent pas de phrases portant sur les nouvelles.

  • 37 « Les personnages dans une tragédie doivent-ils toujours s’exprimer afin d’être compris ? » (traduc (...)

29Dans ce « va-et-vient » entre pièces de théâtre et périodiques, à Paris et à Londres, on relève un essai d’Addison sur le spectateur dans son périodique : après avoir noté que le mot spectateur signifie habituellement une personne membre de l’auditoire lors d’une représentation publique dans un théâtre, il signale que son personnage, sir Roger de Coverley, se demande en assistant à une représentation d’Andromaque / « Andromachus » de Racine : « Should your People in Tragedy always talk to be understood? » 37 (Morley, 1889 : 37)

La scène parisienne, de nouveau

  • 38 Le Spectateur français sera continué par L’Indigent philosophe et Le Cabinet du philosophe. Voir Sg (...)

30En France, Marivaux, dramaturge qui écrivit pendant près d’un demi-siècle pour les théâtres de Paris, traita peu de la presse. Mais à titre d’homme de presse, on l’a vu, il créa son propre journal, Le Spectateur français, publié de 1721 à 1724, en s’inspirant de Spectator38.

  • 39 « The word “Spectator” being most usually understood as one of the Audience at Publick Representati (...)

31Le terme spectator fait référence à celui qui assiste à un spectacle39. Marivaux, tout comme Addison et Steele, n’était pas un vrai « professionnel » — terme sujet à caution. Son but était de diffuser non pas des informations, mais des observations et des réflexions morales.

32Un extrait du Spectateur français suggère l’ironie avec laquelle Marivaux note la préférence dont jouissent les livres sur « les brochures » :

Je m’amusais l’autre jour dans la boutique d’un libraire, à regarder des livres ; il y vint un homme âgé, qui, à la mine, me parut homme d’esprit grave ; il demanda au libraire, mais d’un air de bon connaisseur, s’il n’avait rien de nouveau. J’ai le Spectateur, lui répondit le libraire. Là-dessus mon homme mit la main sur un gros livre, dont la reliure était neuve, et lui dit : Est-ce cela ? Non, monsieur, reprit le libraire, le Spectateur ne paraît que par feuille, et le voilà. Fi ! repartit l’autre, que voulez-vous qu’on fasse de [ces] feuilles-là ? Cela ne peut être rempli que de fadaises, et vous êtes bien de loisir d’imprimer de pareilles choses.

L’avez-vous lu, ce Spectateur ? lui dit le libraire. Moi ! le lire, répondit-il ; non, je ne lis que du bon, du raisonnable, de l’instructif, et ce qu’il me faut n’est pas dans vos feuilles. Ce ne sont ordinairement que de petits ouvrages de jeunes gens qui ont quelque vivacité d’écolier, quelques saillies plus étourdies que brillantes, et qui prennent les mauvaises contorsions de leur esprit pour des façons de penser légères, délicates et cavalières. Je n’en veux point, mon cher ; je ne suis point curieux d’originalités puériles.

En effet, je suis du sentiment de Monsieur, dis-je alors, en me mêlant de la conversation… Pures bagatelles que des feuilles ! La raison, le bon sens et la finesse peuvent-ils se trouver dans si peu de papier ? Ne faut-il pas un vaste terrain pour les contenir ? Un bon esprit s’avisa-t-il jamais de penser et d’écrire autrement qu’en gros volumes ?40

  • 41 Le grand rival de Marivaux au théâtre. Il estimait certains journaux — plutôt des revues philosophi (...)
  • 42 On ne trouve pas grand nombre d’articles de journaux signés Beaumarchais, mais ce dernier ne joua p (...)

33Bien sûr, on ne pense pas à qualifier Marivaux — ou Voltaire41 et Beaumarchais42 — de « journaliste » ou d’« homme de presse » ; on les qualifie plutôt d’« hommes de lettres » ; relevons pourtant que même s’ils ne rédigèrent pas de pièces sur la presse, leur talent de polémiste pourrait le faire croire.

34François Moureau disséqua 29 pièces de théâtre traitant de nouvellistes et de journalistes entre 1672 et 1806, sur les quelque 10 000 pièces de la période. Il ne traita pas spécifiquement de la notion de nouvelle, mais il montra bien la diversité des nouvellistes — « de bouche », « à la main », des « feuillistes » — qui peuplaient les pièces satiriques les concernant. De telles pièces se multiplièrent autour de 1740, et de nouveau vers 1760 et 1775. Certaines d’entre elles ne furent jamais représentées et beaucoup ne le furent que sur des scènes privées. La crainte de la censure a pu en être la cause. L’actualité politique servit de stimulant. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les journalistes eux-mêmes ainsi que les circonstances de la génération et de la diffusion des nouvelles ne favorisent nullement cette profession qui n’en était pas encore une. Et à Moureau de dire le bien qu’il pense des ouvrages de Frantz Funck-Brentano (1905, 1909) consacrés — au début du XXe siècle — aux nouvellistes du XVIIIe siècle (1988 : 153-166). Et à nous de noter la place accordée au théâtre, mais non nécessairement aux pièces traitant des nouvelles et des journalistes — par les Mémoires secrètes, qualifié par Jean Sgard (2011), collègue de Moureau, du « plus vivant » des journaux du XVIIIe siècle.

35Plus récemment, des chercheurs revalorisent les textes d’Edme Boursault (1638-1701), que ce soit au théâtre ou dans le journalisme, notamment. Sa Comédie sans titre est présentée comme la première grande comédie française à prendre pour sujet le journalisme (Croft et Gevrey, 2018).

À Londres, à la fin du XVIIIe siècle

36Nos remarques sur l’analogie franco-britannique attestent le respect que bien des hommes de presse français avaient pour certains « modèles » britanniques ; et au XIXe siècle, le Times de Londres était toujours très considéré.

37Fin XVIIIe siècle, à Londres, on jouait The Critic de Sheridan (1751-1816). Pièce-satire qui a pour sujet le théâtre, elle traite des dramaturges, et quelque peu de la presse théâtrale. Comme c’est souvent le cas pour les pièces ici évoquées, les rapports tendus entre la France et l’Angleterre apparaissent en filigrane. Le début même de la pièce suggère l’intrigue.

38M. et Mme Dangle échangent quelques mots autour de leur table de petit déjeuner. M. Dangle, parcourant un journal, déclare, irrité :

Pshaw! — Nothing but about the fleet, and the nation! — and I hate all politics but theatrical politics. Where’s the MORNING CHRONICLE?

MRS. DANGLE. Yes, that’s your gazette.

  • 43 « […] il n’y est rien que des histoires sur la flotte et la nation ; je déteste toutes les nouvelle (...)

DANGLE. So, here we have it: « Theatrical intelligence extraordinary » (Sheridan, 1985 : 339)43

  • 44 Nom qui reprend celui de Gustavus Puffendorff, et ce substantif nous donnera « le puffisme » : « I (...)

39L’intrigue de la pièce tourne ensuite autour des entreprises d’un dramaturge, M. Puff44, imbu de lui-même, qui vante sa propre pièce, en stratège de la publicité, et médit de celle de tout autre. « Puff » — la promotion, la persuasion — renvoie à Henry Fielding, grand romancier, mais aussi dramaturge, qui a écrit Gustavus Puffendorff (1741).

40Irlandais, fils d’un couple de « théâtreux », Sheridan retient d’autant plus l’attention qu’il alliait une carrière politique de premier plan à celle de dramaturge ; cette double influence a contribué à faire taire ses éventuels critiques. William Cobbett, pamphlétaire et polémiste, a pointé à l’époque cette « alliance naturelle entre la politique et le théâtre » (Sheridan, 1985 : 48) ; et l’on sait par ailleurs que le Times (créé en 1785 sous le titre Daily Universal Register, appelé The Times dès 1788) allait, lui-même, s’adonner à une pratique courante dans la presse d’alors : accepter une forme de publicité déguisée pour faire du « puffisme » — critiques louangeuses — des pièces dont il rendait compte.

  • 45 Ce même Trollope est de ces romanciers qui tentent de composer des pièces de théâtre (deux) et comp (...)

41Au XIXe siècle, à Londres, le Times dominait la presse quotidienne, surtout pendant la première moitié du siècle. Il ne semble pas avoir inspiré de grands dramaturges ; on relève que dans son roman, The way we live now, Anthony Trollope dépeint de manière satirique le Daily Telegraph, ce quotidien qui, pendant les années 1870, détrônait le Times, sous le nom de Morning Breakfast Table45.

Et en France au XIXe siècle ?

42Plusieurs chercheurs qui collaborent au site Médias 19 traitent aujourd’hui de la presse au théâtre. Olivier Bara et Marie-Ève Thérenty (2012) se sont penchés sur la question, avec d’autres collègues, dans Presse et scène au XIXe siècle. Relais, reflets, échanges. Ils relèvent que presque toutes les pièces où la presse et les journalistes sont campés sont des satires, parfois des vaudevilles. Ils notent que la chercheuse Amélie Calderone conclut ainsi son étude de L’école des journalistes, pièce de Delphine Gay, la femme d’Émile de Girardin, homme de presse français majeur du siècle : « une matrice des pièces qui prennent à partie le monde journalistique —l’École des journalistes de Delphine Gay » (Bara et Thérenty, 2012 : en ligne). La « pièce reçue le 21 octobre 1839 à l’unanimité par le comité du Théâtre-Français […] n’a pu obtenir de la censure l’autorisation d’être représentée » (idem.); elle ne fut même pas jouée. Bien d’autres pièces traitant de la presse et du journalisme connurent longtemps en France, comme dans bien d’autres pays, un sort analogue. Dans Les effrontés d’Émile Augier, œuvre représentée en 1861, « le journal […] est présenté comme un moyen de spéculation moderne dans le cadre d’une satire plus générale des milieux financiers » (idem.). Bara et Thérenty notent que « la réception houleuse de cette pièce révèle cependant […] les difficultés que peut éprouver un dramaturge à prendre la presse comme sujet de pièce au XIXe siècle, du fait de la collusion entre journalisme et théâtre, et de la prétendue solidarité entre tous les gens de lettres » (idem.). Jean-Claude Yon, dans son analyse des Effrontés, pièce à succès, relève que peu d’autres pièces prirent la presse comme objet et que le personnage de Giboyer serait « le seul personnage de journaliste du répertoire dramatique du XIXe siècle à être devenu un type » (idem : 13).

43Une fois de plus, ce ne sont pas les nouvelles, stricto sensu, qui sont au cœur de la satire de la presse en France, mais de nouveau ressort la consanguinité entre presse et théâtre.

Les dramaturges britanniques et la presse : un demi-siècle revisité (1972-2017)

  • 46 A contrario, on relève que Michael Frayn, un autre dramaturge d’importance des dernières décennies, (...)
  • 47 De Jonson, on met en scène souvent The alchemist, Volpone et Bartholemew fair. Anthony Parr, spécia (...)

44Et maintenant un bond en avant : ces dernières décennies, dans une Londres cosmopolite et sur une scène londonienne qui a connu ses heures de gloire et bien des restrictions budgétaires, les affres et turbulences de la presse britannique inspirent bien des dramaturges : Arnold Wesker, Tom Stoppard, Howard Brenton et David Hare, James Graham46 — dramaturges, il faut préciser, qui ont pu assister à de nombreuses occasions à des productions des pièces de Shakespeare, mais moins souvent à des mises en scène des pièces de Jonson47… Il y a comme la nostalgie de Fleet Street et de la presse rotative, dont Rupert Murdoch, présenté comme un deus ex machina à l’œuvre depuis 1969, annonçait la fin.

45Si l’on considère certaines pièces britanniques à succès de ce dernier demi-siècle où figurent les intrigues des journalistes et de la presse en général, on peut dire que leurs auteurs saisissent bien la nature de leurs personnages et le milieu où ils évoluent. On songe aux correspondants étrangers et un photographe de presse dans Night and Day de Stoppard (1978), pièce qui n’est pas une satire : les journalistes y discutent des conditions de l’emploi dans les journaux britanniques et du rôle des syndicats ; Stoppard y exprime son attachement à la liberté de l’information et de la presse, et met l’accent sur la concurrence qui sévit entre les journalistes à la recherche du scoop. Une trilogie de textes de Wesker s’intitule tout simplement Les journalistes, à partir d’une pièce écrite en 1972.

46Pravda, de Brenton et Hare, a été mise en scène et dirigée par ce dernier au National Theater de Londres en 1985 ; elle a été reprise au Chichester Festival Theater en 2006. Michael Billington, critique théâtral du Guardian, a posé alors directement la question : « Cette pièce tient-elle toujours ? » Ce à quoi il a répondu positivement, même si la technologie de la rédaction et de la fabrication des journaux a bien changé. À l’en croire, les auteurs ont sous-estimé en 1985 combien la jouissance des leviers politiques dont disposait Rupert Murdoch (le modèle du personnage de Lambert Le Roux) était gratifiante ; on n’avait qu’à le regarder déguster le spectacle des premiers ministres successifs lui faisant la cour.

47Nous nous demandions au départ pourquoi les dramaturges de ces dernières décennies en France ont quelque peu délaissé la presse comme objet, lieu de vie, pour leurs intrigues. Les journaux quotidiens — tels Le Monde, Le Figaro, Ouest-France, etc. — se prêteraient-ils moins à ce sujet ? Pourtant, ce que l’on sait de la lutte qui s’établit entre les divers services, opposant les « baronies » les unes aux autres, et des tensions entre les financiers et les rédactions auraient pu s’y prêter… On songe entre autres aux tensions entre les « baronies » du Monde, disons à l’époque de la direction de Jacques Fauvet, ou même aux dernières années d’Hubert Beuve-Méry (années 1960-1970), relevées par bien des ouvrages, ou encore aux péripéties que Le Parisien libéré d’Émilien Amaury vécut lors de la lutte l’opposant au syndicat des ouvriers du livre (années 1970). Est-ce que la presse écrite et les grands quotidiens nationaux n’ont plus en France de résonance suffisante dans l’espace public pour figurer dans une pièce de théâtre ?

48Si la technologie et les conditions de financement de la presse et de l’information évoluent, toute pièce traitant « des médias » de son époque risque d’être cantonnée à l’époque en question. En 2017, le metteur en scène Ivo von Hove a produit à Londres Network, une pièce qui reprenait le scénario d’un film éponyme, réalisé dans les années 1970, portant sur la télévision. Il expliquait que le film était une satire, mais que, dans la situation présente — où la reality TV et le fake news dominent —, sa pièce était une « tragédie moderne ». Ajoutons pour notre part : d’ici un siècle, cette production sera-t-elle vue elle-même comme un avatar du passé ? Deuxième ajout : données — du latin datum, data — se rapproche de fait, factum — mais perd le sens de « nouveau, nouvelle ». Faut-il opposer raw data à hard news ?

49Ink, pièce de Graham (2017), traite de l’acquisition du Sun en 1969 par Murdoch. Journal quotidien en déclin, il faisait partie du groupe de presse dont le navire amiral n’était autre que le Daily Mirror, au tirage alors le plus élevé de la presse quotidienne britannique — plus de quatre millions d’exemplaires. En l’espace d’un an ou presque, The Sun sous Murdoch, avec comme rédacteur en chef Larry Lamb, parvint à dépasser le Mirror. L’intrigue de la pièce tourne autour de personnages — journalistes, typographes, patrons de presse rivaux — qui se trouvent en plein drame. Ce drame repose sur un fait réel, c’est-à-dire l’enlèvement et l’assassinat de la deuxième femme du groupe Murdoch. Celle-ci, enlevée par méprise à la place de madame Murdoch, fut bel et bien assassinée. Toutes les vieilles recettes d’un journalisme populaire à sensation, en phase avec un lectorat qui, pendant quelque quarante ans, s’était attaché au Mirror, étaient actualisées par le Sun, sans oublier les tensions réelles entre patrons de presse, à l’exemple de Murdoch et Lamb qui déstabilisaient « la vieille garde » à l’époque.

Conclusion

50Jonson, dans les années 1620, rédigea The staple of news, pièce satirique sur un phénomène tout récent — les premiers « journaux » de Londres. Bien plus tard, les méfaits de la « presse Murdoch » des années 1969-1970 ont inspiré Brenton et Hare quand ils ont écrit Pravda (1985) ; enfin, la pièce de Graham Ink (2017) remonte à des événements qui se sont déroulés près d’un demi-siècle plus tôt. En 2018, les journaux et télévisions britanniques de Murdoch restent une force majeure dans le paysage médiatique britannique.

51Depuis des lustres, le théâtre met ainsi en scène la presse de son époque. Que ces pièces soient particulièrement satiriques en dit long. Elles s’inspirent de la place centrale que les « news », les médias et leurs méfaits occupaient et occupent encore outre-Manche.

  • 48 Pour ne prendre que deux exemples : la Royal National Theatre, à Londres, comporte trois salles de (...)
  • 49 Mais on prétend que le théâtre The Rose pouvait accommoder de 1 950 à 2 400 spectateurs et The Swan (...)
  • 50 Pour des représentations modernes des salles de théâtre du temps de Shakespeare et de Jonson, voir (...)

52Aujourd’hui, les scènes de théâtre londoniennes ont souvent des dimensions plus importantes que leurs contreparties parisiennes48 ; les dimensions des estrades où se donnaient les pièces de Shakespeare et de Jonson étaient bien plus modestes que celles des scènes modernes ; de surcroît, les nobles pouvaient occuper une partie de l’estrade où se donnaient les pièces49. Dans The staple of News, il est probable que les « quatre commères » jouaient, elles-mêmes, les spectateurs sur l’estrade, le proscenium50. Elles symboliseraient la diversité des publics et de leurs goûts. La nature même des scènes et salles de théâtre ne contribue-t-elle pas aux effets du traitement satirique ?

53On note qu’à la censure comme obstacle s’ajoute la caducité rapide du contenu. Anthony Parr estime que les références à l’actualité d’alors (les années 1620) dans The staple of news expliqueraient en partie l’oubli où elle est tombée : les allusions contemporaines trop abondantes ne facilitent pas d’éventuelles reprises. A contrario, Murdoch, né en 1932, mais pendant plus d’un demi-siècle un personnage central du paysage médiatique britannique et international, expliquerait la résonance actuelle que peut avoir Ink. Faut-il par ailleurs noter qu’aucun « patron de presse » des groupes français médiatiques d’aujourd’hui n’inspire les dramaturges contemporains ?

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Notes

1 En Angleterre, l’abolition effective de la censure en 1695 permit l’éclosion d’une presse politique très engagée, ce qui ne se produisit en France qu’en 1881, mises à part de brèves périodes révolutionnaires en 1789, 1848 et 1870.

2 Il arrive que Jonson (à l’en croire) préfère le lecteur qui le lit à l’auditoire qui assiste à une représentation de sa pièce au théâtre.

3 Ceux qui le consultent, par Internet, téléphone intelligent, etc., seraient encore plus nombreux. Rappelons la population du Royaume-Uni (2016) : 65,6 millions.

4 On estime, selon des sources qui ne sont pas des plus fiables, que la population en 1600 de la Grande-Bretagne avoisinait les 4 millions et celle de Londres, les 200 000.

5 Par exemple, 33 des 74 longs métrages réalisés entre 1928 et 1985, dont The Front Page et Network mentionnés ici, proviennent des États-Unis (Wolgensinger, 1989).

6 Pièce de théâtre ensuite transposée en films de cinéma.

7 « Basic news », Newseum Content Book, (1995), Washington D.C., 6e édition, p. 3.

8 « News », Oxford English Dictionary (1933), Oxford, Oxford University Press, p. 8.

9 Il existe même une marque de cigarette ainsi libellée.

10 Tidings : du vieil anglais tardif tïdung, de tïdan (« survenir, arriver »), ou alors du vieux norrois tíðindi (qui a donné tidende en danois et en norvégien). De même origine que le mot néerlandais tijding et que l’allemand Zeitung.

11 Le prologue d’Ink reprend trois de ces cinq questions.

12 Longtemps on créditait Shakespeare de 37 pièces. Ces dernières décennies, on lui attribue un rôle de collaborateur dans deux autres pièces : The Two Noble Kinsmen et Edward III.

13 « Même quand elles sont exactes, il n’est jamais bon / D’apporter de mauvaises nouvelles » (Déprats, 2002 : 816-817.

14 tuer le messager (traduction libre).

15 « Ne me tenez pas responsable de la mauvaise nouvelle que je vous apporte » (idem).

16 « Alors, quelles sont les nouvelles sur le Rialto ? […] Et bien ? Quelles nouvelles ? […] Alors, Shylock, quelles nouvelles parmi les marchands ? » (Shakespeare, 1994 : 124-125, 128-129).

17 SPEED. Et bien, seigneur Lance, quelles nouvelles de Votre Seigneurie ?
LANCE. Rien qui fasse que ce seigneur rie. En effet, il flotte.
SPEED. Quoi! Toujours ce tic vicieux, prendre les mots de travers. Quelles nouvelles, allons, sur ce papier ?
LANCE. Les nouvelles les plus noires que tu aies jamais entendues.
SPEED. Comment ça, dis donc, noires ? 
LANCE. Et bien ! un noir d’encre.
SPEED. Voyons que je les lise.
LANCE. À bas ! Tête de bois, tu ne sais pas lire.
SPEED. Tu mens, je sais. (Shakespeare, 2000 : 136-137).

18 News from the New World Discovered in the Moon débute par « news, news, news ». Ce masque fut donné devant le Roi le 6 janvier et le 11 février 1621. [En ligne]. https://math.dartmouth.edu/~matc/Readers/renaissance.astro/9.1.Moon.html. Page consultée le 4 mars 2019.

19 Son éditeur (en 1640) imprime tour à tour Newes et News (Jonson, op. cit.).

20 Auparavant, il existait bien des publications traitant des nouvelles ; il y en aurait eu 450 en Angleterre entre 1590 et 1610. Mais elles étaient plutôt occasionnelles, non périodiques.

21 Fournit « toute bonne copie, qu’elle soit vraie ou fausse » (traduction de l’auteur).

22 « une personne qui a étudié des documents historiques pour établir les dates d’événements passés » (traduction de l’auteur).

23 « nouvelles puritaines, protestantes ou pontificales » (traduction de l’auteur).

24 « une fois imprimée, une nouvelle cesse d’être une nouvelle » (traduction de l’auteur).

25 Ian Donaldson souligne que celui-ci exploite l’attrait de now et de new dans le Londres de 1626 (2011). Donnée pour la première fois quelques jours à peine après le couronnement du roi Charles Ier, le 2 février 1626, The Staple of News y fait allusion. Brendan Dooley et Sabrina A. Baron (2001) relèvent que la satire de Jonson porte sur la demande de nouvelles « toutes fraîches ». « Et la cour se disperse à la nouvelle d’une nouvelle dame, d’un carosse plus neuf encore, et d’un nouveau cocher appelé Barnaby » (traduction de l’auteur).

26 Why et how ne laissent-ils pas plus que les autres termes une marge d’interprétation, de subjectivité ?

27 « Ah, vous êtes une femme de Beurre. Demandez donc à Nathaniel, le clerc, là-bas » (traduction de l’auteur).

28 Il édite la première édition du Roi Lear de Shakespeare en 1608.

29 Mot qui, lui-même, provient de godsib, terme identifié vers la fin du Moyen Âge.

30 Qui fit jouer ses pièces au théâtre du Marais, qui luttait contre le seul théâtre permanent qui existait en 1634, le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, où jouaient depuis cinq ans les Comédiens du Roi et qui avait le monopole des représentations théâtrales profanes à Paris.

31 La Gazette de Théophraste Renaudot date de 1631.

32 En 1658, quand Molière installa sa troupe, trois troupes permanentes de comédiens français se produisirent à Paris.

33 Journal que les réfugiés protestants imprimaient en Hollande contre Louis XIV.

34 « “Le monde entier est un théâtre” n’a-t-on cessé de répéter depuis les Grecs et les Romains et… Shakespeare érigea en enseigne du Globe le fameux Totus mundus agit histrionem de Petrone » (Banu, dans Shakespeare, 2006 : 17).

35 « Je considère le théâtre comme un monde en soi » (traduction de l’auteur).

36 Voir Lévrier (2007) et Sgard (1991).

37 « Les personnages dans une tragédie doivent-ils toujours s’exprimer afin d’être compris ? » (traduction de l’auteur).

38 Le Spectateur français sera continué par L’Indigent philosophe et Le Cabinet du philosophe. Voir Sgard (op. cit.).

39 « The word “Spectator” being most usually understood as one of the Audience at Publick Representations in our Theatres… » (Morley, 1883 : 489).

40 [En ligne]. https://archive.org/.../lespectateurfran00mariuoft/lespectateurfran00mariuoft_djvu.txt. Site non accessible.

41 Le grand rival de Marivaux au théâtre. Il estimait certains journaux — plutôt des revues philosophiques — et guère les journalistes. Il n’écrivit pas de pièce sur la presse ; il laissera des Conseils à un journaliste (mai 1737) destinés plutôt aux éditorialistes et aux critiques littéraires.

42 On ne trouve pas grand nombre d’articles de journaux signés Beaumarchais, mais ce dernier ne joua pas moins, au cours d’un certain nombre d’années, un rôle de tout premier ordre pour un journal publié en français à Londres, le Courrier de l’Europe (1776-1792). Beaumarchais fut en effet l’éminence grise de cette feuille qui eut une importance politique exceptionnelle (Sgard, op. cit.). Et le dramaturge demeure célèbre, entre autres, pour son passage sur la calomnie. Voir Le barbier de Séville ou La précaution inutile, acte II, scène 8.

43 « […] il n’y est rien que des histoires sur la flotte et la nation ; je déteste toutes les nouvelles politiques à l’exception de la politique théâtrale ; passe-moi plutôt le Morning Chronicle. Ah ! Le voici : “Nouvelles théâtrales extraordinaires” » (traduction de l’auteur).

44 Nom qui reprend celui de Gustavus Puffendorff, et ce substantif nous donnera « le puffisme » : « I am, Sir, a Practitioner in Panegyric, or to speak more plainly — a Professor of the Art of Puffing ».

45 Ce même Trollope est de ces romanciers qui tentent de composer des pièces de théâtre (deux) et comprennent que leur talent est ailleurs.

46 A contrario, on relève que Michael Frayn, un autre dramaturge d’importance des dernières décennies, préféra le roman à la pièce de théâtre pour écrire une satire des mœurs journalistiques de Fleet Street, au milieu des années 1960 : Towards the end of the morning (1967).

47 De Jonson, on met en scène souvent The alchemist, Volpone et Bartholemew fair. Anthony Parr, spécialiste de Staple of news, n’avait connaissance en 1988 que d’une seule production récente de celle-ci… en Nouvelle-Zélande.

48 Pour ne prendre que deux exemples : la Royal National Theatre, à Londres, comporte trois salles de théâtre dont la plus importante, où a été jouée Pravda, peut accueillir plus de 1 100 spectateurs ; la Comédie française peut faire jouer ses productions dans trois salles ; la plus importante, place Colette, accommode 862 spectateurs.

49 Mais on prétend que le théâtre The Rose pouvait accommoder de 1 950 à 2 400 spectateurs et The Swan, jusqu’à 3 000 (Porter, 2011 : 212).

50 Pour des représentations modernes des salles de théâtre du temps de Shakespeare et de Jonson, voir le deuxième théâtre Blackfriars, reconstruit à Staunton, Virginia, et celle du Globe, reconstruit à Londres (Bowsher, op. cit.). Une reproduction imaginaire du Blackfriars — où, semble-t-il, The Staple n’a été donnée qu’une seule fois en 1626 — figure dans Jonson (op. cit. : 8).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michael Palmer, « Théâtre et presse, de 1590 à 2017 »Communication [En ligne], vol. 36/1 | 2019, mis en ligne le 16 avril 2019, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/9891 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.9891

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Auteur

Michael Palmer

Michael Palmer est professeur émérite, Université de Paris 3 (Sorbonne nouvelle). Courriel : mpalmer@univ-paris3.fr

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