AMSELLE, Jean-Loup (2001), Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion.
APPADURAI, Arjun (1996), Modernity at Large. Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minneapolis Press.
Information médias théories pratiques
Jack LULE (2015), Globalization & Media. Global Village of Babel, deuxième édition, Lanham (Maryland), Rowman & Littlefield
1L’ouvrage de Jack Lule s’intéresse d’un point de vue anthropologique à l’amalgame de la mondialisation avec les médias : « No globalisation without media » (p. 5sq.) ; « No media, no capitalism, no globalization » (p. 105) Les deux termes sont pris — à juste titre — au sens large : « From bongos to iPhones » (p. 43sq.).
2En effet, la mondialisation n’est pas un phénomène substantiellement nouveau. Au contraire, c’est un processus déjà observable à des époques plus reculées de l’histoire de l’humanité1, et chaque fois, les médias jouaient un rôle de premier plan dans ces évolutions civilisationnelles. Du point de vue de la phylogenèse, les médias commencent au plus tard avec l’écriture cunéiforme, et stricto sensu, comme l’auteur le voit très clairement, l’évolution du langage humain peut être considérée comme les premiers pas dans l’histoire des médias. Les médias modernes ne représentent à cet égard qu’une extension globale des organes et fonctions effecteurs et récepteurs : « McLuhan’s vision of a global village is being fulfilled » (p. 10). Les médias s’avèrent consubstantiels de ce village planétaire.
3Il est cependant difficile de ne pas reconnaître le saut qualitatif intervenu avec le dynamisme accéléré dans le paysage médiatique électronique. L’auteur parle à ce titre de « rupture » en se référant à Arjun Appadurai (1996). Selon cette approche, la grande césure a eu lieu vers la fin du xxe siècle avec l’essor fulgurant des technologies de l’information et de la communication en synergie avec la restructuration des comportements migratoires. Ce sont donc ces deux « diacritics » — médias et migration — qui ont donné naissance à l’organisation sociale mondialisée telle que nous la connaissons aujourd’hui. Récemment, cette évolution a fait émerger une nouvelle qualité dans les bouleversements politiques, comme l’auteur en discute au sujet des « Facebook Revolutions » en Tunisie et en Égypte. Les nouveaux médias font de ce fait office de vecteur — au moins potentiel — de la démocratisation dans les pays émergents et du tiers-monde.
4L’auteur regrette cependant que la mondialisation n’ait pas tenu ses promesses, et il est sans doute bien justifié de soulever des questions du type « Global village or global pillage? » (p. 96). C’est surtout au début et vers la fin de l’ouvrage que sont soulignés les côtés sombres de la mondialisation. Le « village global » médiatisé ressemble davantage à un « Global village of Babel », où Babel symbolise « a scene of noise and confusion, a place of division and turmoil » (p. 11). Est accentué le caractère socialement et politiquement divisé du « village global » tant entre les différentes nations qu’au sein des États eux-mêmes (on pourrait aussi, pour préciser davantage, soulever le déséquilibre sociopolitique et militaire entre les différentes régions du monde).
5La conclusion que l’auteur tire de son argumentation est de faire appel au « village global » pour qu’il tienne ses promesses. On ne contestera effectivement pas, encore que cela puisse paraître quelque peu paradoxal, que les médias renferment un potentiel qui attend d’être mobilisé pour atténuer les malaises (discontents) engendrés par la mondialisation médiatisée elle-même. Dans un geste freudien, l’auteur soulève la question fatidique de savoir « whether and to what extent their cultural development will succeed in mastering the disturbance of their communal life by the human instinct of aggression and self-destruction » (p. 182). On regrettera toutefois que les pistes concrètes dans ce sens ne soient guère creusées — alors que l’on pourrait sans doute songer à prendre le capitalisme, inextricablement lié aux médias au même titre qu’à la mondialisation (voir ci-dessus), pour angle d’attaque. Une telle orientation aurait sans doute aiguisé davantage la pointe critique de l’ouvrage recensé.
6Quant à l’aspect formel, l’exposition se présente sous une forme narrative, l’auteur faisant valoir son passé professionnel de journaliste. Plutôt que de se présenter comme une publication spécialisée, Globalization & Media est conçu comme un ouvrage de vulgarisation. L’auteur n’est néanmoins pas à l’abri de quelques dérapages stylistiques, du genre : « Because I am a professor, I will give dry, dense and detailed definitions for globalization and media » (p. 7). De même, par endroits, un excès de narrativité a pour conséquence des imprécisions terminologiques et conceptuelles. Ainsi, d’après l’auteur, « media are the ‘significant other’ of globalization » (p. 6). Le terme entre guillemets, évidemment emprunté à G. H. Mead (non cité), est sans le moindre rapport avec ce que l’auteur tente de conceptualiser dans le contexte de l’ouvrage. En dépit de cela, il sera certainement dans l’ensemble assez plaisant à lire pour le grand public, qui y trouvera une synthèse de faits et d’idées largement connus et débattus dans la communauté scientifique.
AMSELLE, Jean-Loup (2001), Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion.
APPADURAI, Arjun (1996), Modernity at Large. Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minneapolis Press.
1 Point de vue confirmé par exemple par Jean-Loup Amselle (2001), qui constate pour l’Afrique de l’Ouest à partir du xe siècle une tendance mondialisatrice arabe qui allait de pair avec l’islamisation de cette zone.
Haut de pageFrank Jablonka, « Jack LULE (2015), Globalization & Media. Global Village of Babel », Communication [En ligne], vol. 34/1 | 2016, mis en ligne le 30 août 2016, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/6935 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.6935
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