Navigation – Plan du site

AccueilNumérosvol. 33/2LecturesEstrella ROJA (dir.) (2013), Rése...

Lectures

Estrella ROJA (dir.) (2013), Réseaux socionumériques et médiations humaines. Le social est-il soluble dans le Web ?

Paris, Éditions Lavoisier
Akila Nedjar-Guerre
Référence(s) :

Estrella ROJA (dir.) (2013), Réseaux socionumériques et médiations humaines. Le social est-il soluble dans le Web ?, Paris, Éditions Lavoisier

Texte intégral

1L’ouvrage dirigé par Estrella Rojas est un recueil de 11 articles et qui fait suite à un appel à contributions sur le questionnement au sujet des frontières entre technique et humain et des transformations engendrées par le Web sur l’humain et le social.

2Deux parties composent cet ouvrage : l’une concerne la manière dont les régimes d’écriture du Web saisissent le social au moyen des techniques de trace qui mettent en avant les représentations du monde et de notre culture, et l’autre concerne les dispositifs techniques au service de « l’agir collectif » des acteurs, à partir essentiellement d’études empiriques.

3Dans la première partie, intitulée « Penser le Web (comme) social », Étienne Candel étudie les attributs sociaux mis en avant par les fonctionnalités techniques du Web en cherchant à comprendre comment les textes font sens et renvoient à des niveaux symboliques qualifiés de « social » impliquant des pratiques routinières et ordinaires des réseaux. Dans ce descriptif, il convient de distinguer l’effet social et l’effet de social, qui est un effet d’écriture présentant des signes du social dans le Web contemporain. Pour l’auteur, « les formes du Web social » sont d’abord des morceaux d’écriture disséminés, reproduits, repris » (p. 37) et charrient avec elles des imaginaires et des représentations du public, tels que les boutons d’évaluation et de partage qui sont cités en exemple. Outre l’imaginaire sous-jacent, considéré comme « social », à toute mise en écriture du numérique, l’auteur souligne aussi la normalisation des signes du social comme autre facteur de l’élaboration du Web en social. La force de l’évocation, de la provocation et de l’invocation présentes dans les pages et qui renvoient à des représentations sociales indique entre autres que la notion de « Web social » relève d’un contexte plutôt que d’un texte et que sa portée réside dans une mise en discours du numérique.

4Dans la continuité, l’article un peu plus ardu de Julien Pierre sur les bases de données à caractère personnel (par exemple, celles qui renseignent sur les membres des réseaux sociaux) s’interroge sur l’effet performatif qui pourrait être engendré par la conception et l’interrogation de celles-ci. Cette approche, à la fois pragmatique et linguistique, repose sur l’étude « des logiques de classification adoptées par les concepteurs, ensuite des traitements opérés pour faire apparaître les données dans l’interface de l’utilisateur, et enfin des inférences que les agents logiciels ou les internautes peuvent produire » (p. 63). Cette réflexion sur les infrastructures informationnelles du Web social en lien avec les représentations et les interactions individuelles et sociales se poursuit dans les quatre chapitres suivants de cette première partie.

5Ainsi le texte de Ludovic Duhem renvoie-t-il avant tout à la dimension techno-esthétique du Web et particulièrement à l’aspect artistique, poétique construit dans les réseaux sociaux au moyen des systèmes de relations engendrées par l’expérience des liens. En étudiant les différentes pratiques artistiques sur le Web, il constate que les types de relation au réseau social déterminent en grande partie les types de relation entre les acteurs. Cette participation des acteurs est de même analysée dans l’article de Jean-Christophe Plantin grâce à son étude sur les pratiques de cartographie en ligne où les actes de détournement et de fuite permettent de comprendre, d’une part, la manière dont ces actes sont intégrés par les concepteurs et, d’autre part, le réagencement des pratiques individuelles et alternatives des internautes dans l’usage de ces cartes.

6Le chapitre 5, proposé par Roger Bautier et qui offre une réflexion d’ordre épistémologique sur la confrontation entre la science des réseaux et la science du Web, montre que celle-ci doit tenir compte des spécificités du Web en tant que réseau, avec ses dimensions idéologiques complexes tant linguistique, sociale que politique. Cette réflexion se poursuit dans le chapitre de Victor Petit, qui interroge les distinctions, d’une part, entre moyen technique et milieu technique d’Internet et, d’autre part, entre compétence et culture technique. Ces distinctions sont d’autant plus primordiales qu’elles s’appliquent au champ de l’éducation, par rapport auquel il convient de s’interroger sur la nécessité d’une culture du milieu technique et en particulier des « compétences scripturales rendues nécessaires par le passage aux médias numériques » (p. 167).

7La seconde partie de l’ouvrage, composée de cinq chapitres, porte sur les collectifs en ligne et « l’agir ensemble ». Le premier chapitre de cette partie, rédigé par Dominique Carré et Robert Panico, propose une réflexion pertinente sur la puissance d’agir qui résulte des pratiques de communication et d’échanges et qui tend à se normaliser sur le Web social. Si ces dispositifs sociotechniques et leurs usages sont considérés par les auteurs comme un « fait social », ils restent avant tout constitutifs d’un « individu collectif » présent dans le concept d’empowerment. L’idée ici d’un « entre-soi » prend le dessus sur le « vivre-ensemble ».

8Cet agir collectif, aussi au cœur des travaux de Philippe Eynaud dans le chapitre 8, se trouve également dans les formes de participation des militants de Greenpeace, dans les outils numériques. Ici, dans cette analyse de cas concrets, les technologies de l’information et de la communication qui permettent de penser le renforcement des liens unissant les membres autour d’un projet commun sont interrogées par rapport à leur éventuelle portée stratégique au-delà de chacune d’elles. Grâce aux innovations techniques promues par le Web 2.0 et dans le cas du cyberactivisme associatif, les acteurs réhabilitent de nouvelles formes de lutte témoignant des changements en cours dans l’espace social.

9Si l’idée de démocratie est sous-jacente dans l’article d’Eynaud, elle est davantage développée dans le chapitre suivant, rédigé par Fiorella De Cindio et Ewa Krzatala-Jaworska et qui interroge l’outil Internet comme possibilité de transformation des conditions d’exercice de la démocratie grâce à des campagnes en ligne. À partir d’une étude de cas précise sur une plateforme Web (CommunaliMilano2011) créée avant les élections municipales à Milan, les auteurs souhaitent montrer la diversité des usages politiques de la plateforme ainsi que le long processus des phénomènes d’appropriation de l’outil numérique.

10Les deux derniers chapitres de l’ouvrage, l’un sur les approches techno-collaboratives des auteurs dans le cas de l’édition, l’autre sur l’univers virtuel de la guilde, proposés respectivement par Sylvie Lainé-Cruzel pour l’un et Jérome Guégan et Pascal Moliner pour l’autre, mettent en avant la problématique des groupes sociaux qui se constituent dans chacun de ces univers. Lainé-Cruzel apporte une réflexion intéressante, à partir des formes de participation, de regard et de stratégie des auteurs de science-fiction, sur la portée et les effets du numérique sur le fonctionnement de l’édition. Cette réflexion se poursuit dans le dernier chapitre grâce à l’étude spécifique d’une guilde, univers persistant ou monde virtuel permettant à des millions de joueurs d’interagir dans des environnements complexes. En faisant appel à des théories de la psychologie sociale, les auteurs montrent, par l’intermédiaire de cette étude empirique, que ces univers peuvent aboutir à de réelles constructions sociales pouvant représenter un support d’identification et de valorisation sociale.

11Cet ouvrage, par la richesse des contributions, est indispensable pour tout chercheur ou étudiant en sciences de l’information et de la communication s’intéressant aux réseaux socionumériques.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Akila Nedjar-Guerre, « Estrella ROJA (dir.) (2013), Réseaux socionumériques et médiations humaines. Le social est-il soluble dans le Web ? »Communication [En ligne], vol. 33/2 | 2015, mis en ligne le 28 janvier 2016, consulté le 17 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/6130 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.6130

Haut de page

Auteur

Akila Nedjar-Guerre

Akila Nedjar-Guerre est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et membre du Laboratoire Mobilités, réseaux, territoires et environnement (MRTE), Université de Cergy-Pontoise. Courriel : anedjarg@u-cergy.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search