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Lectures

Pierre MONGEAU et Jacques TREMBLAY (2011), Tabler sur le plaisir. Tactiques et stratégies de communication

Québec, Presses de l’Université du Québec
Anne-Marie Gagné
Référence(s) :

Pierre MONGEAU et Jacques TREMBLAY (2011), Tabler sur le plaisir. Tactiques et stratégies de communication, Québec, Presses de l’Université du Québec

Texte intégral

1Écrit à la manière d’un petit traité du plaisir, cet ouvrage, composé d’une vingtaine de chapitres thématiques de quelques pages, se lit en une heure ou deux. On pourrait penser que le sujet est un peu frivole et même tabou pour certains (après tout, trop de plaisir tue le plaisir, dit le vieil adage). Alors, pourquoi aborder la notion de plaisir en communication ?

2Cet essai a pour objectif d’examiner la notion de plaisir en relation et de montrer certains déterminants liés à la situation relationnelle.

Qu’est-ce que le plaisir « en relation » ?

3Les auteurs partent de l’hypothèse que le plaisir n’est pas une simple sensation individuelle, mais plutôt le résultat de notre manière d’interpréter une situation donnée. Le plaisir se vit forcément en relation : avec d’autres individus, avec la société dans laquelle on vit, l’environnement qui nous entoure. Cette prise de position permet aux auteurs de développer un modèle dans lequel le plaisir n’est plus considéré comme une lutte contre l’inconfort ou une tentative de résoudre les problèmes du quotidien, mais plutôt comme une recherche d’occasions. Alors que dans nos conversations de tous les jours, la notion de plaisir est très souvent évacuée au détriment des différents soucis qui ponctuent nos vies, cette manière d’aborder le plaisir est plutôt originale :

À la différence d’une approche centrée sur la réduction des malaises, la recherche du plaisir ne conduit pas à une situation prédéterminée qui serait meilleure ou plus agréable que la situation présente. Il n’y a plus de situation désirée à atteindre et à rechercher. Il n’y a plus d’écart à combler, mais un présent et un avenir à cultiver, à faire advenir. Il y a là un potentiel de plaisir à écouter, dont on peut tirer profit (p. 14).

4Les auteurs présentent ici une conception du plaisir qui ne se fait pas sans effort. Aussi nous présentent-ils un modèle visant à donner un sens à nos manières d’interagir en utilisant pour guide la recherche du plaisir. Conçu comme un instrument d’action, le plaisir (et sa recherche) permet de s’engager dans un processus actif et d’explorer de nouvelles manières d’être en relation.

Les types de plaisirs : de fusionnels à rebelles

5Les deux auteurs présentent leur modèle du plaisir en le « construisant » graduellement au fil des pages et en le bonifiant jusqu’à développer quatre types de plaisir : les plaisirs courtois, fusionnels, audacieux et rebelles.

6On dira des plaisirs qu’ils sont courtois lorsqu’un individu X ne souhaite pas être en relation avec un individu Y, mais qu’il a l’impression que ce dernier désire sa présence. À l’inverse, on parlera de plaisirs audacieux lorsqu’un individu X souhaite entretenir une relation avec un individu Y alors que ce dernier ne le souhaite pas. Enfin, on parlera de plaisirs fusionnels lorsque les deux individus désirent être en relation et de plaisirs rebelles lorsqu’aucune des deux parties ne souhaite être en relation.

7Si l’on comprend aisément qu’il sera facile de cultiver le plaisir avec une personne dont on souhaite la présence et qui souhaite la nôtre en retour, comment faire pour éprouver un tel sentiment lorsque ni l’une ni l’autre des parties concernées ne souhaitent développer la relation ? Autrement dit, comment, par exemple, éprouver du plaisir à travailler avec un collègue que l’on exècre ? Est-ce seulement possible ?

Huit manières d’avoir du plaisir en relation

8Oui, il est possible d’éprouver du plaisir même lorsqu’on ne souhaite pas établir une relation avec une autre personne (et réciproquement), et ce, même si cette relation nous est imposée. Cela demandera toutefois aux deux protagonistes un peu plus d’effort que pour ceux qui éprouveraient le désir réciproque d’être ensemble. Comment faire ? Il s’agira de revoir notre interprétation de la situation. Par exemple, est-il possible de prendre plaisir à contrarier l’autre ? Sans nécessairement pouvoir être qualifié de « sain » (ce n’est pas l’objectif ici), « le plaisir de contrarier l’autre, c’est le plaisir de <saboter> une relation qu’on ne peut pas éliminer facilement » (p. 59). S’il ne s’agit généralement pas d’un plaisir continu, le plaisir d’avoir réussi à contrarier l’autre peut apporter des « petites bouffées d’air [qui] constituent tout de même des moments de repos dans une relation non souhaitée » (p. 59). Si la relation se prolonge, le plaisir de contrarier peut se transformer en plaisir volontaire de se libérer, le fait de contrarier l’autre ne suffisant plus à procurer du plaisir. On souhaite alors s’exprimer librement, quitte à tout faire éclater.

9Les plaisirs courtois, fusionnels et rebelles se déclinent eux aussi en deux manières d’avoir du plaisir, en fonction du caractère spontané ou volontaire de la relation. Ainsi, le plaisir de danser (associé aux plaisirs fusionnels immédiats) pourra se transformer en désir de s’engager (associé aux plaisirs fusionnels volontaires) ; le plaisir de surfer (associé aux plaisirs courtois immédiats) pourra se transformer en plaisir de se défiler (associé aux plaisirs courtois volontaires), le plaisir de relever le défi (associé aux plaisirs audacieux immédiats) pourra se transformer en plaisir de persévérer (associé aux plaisirs audacieux volontaires).

10En somme, les quatre plaisirs de s’engager, de persévérer, de se libérer et de se défiler sont présentés par les auteurs comme des stratégies volontaires de plaisir, parce qu’ils sont associés à des ensembles de manières d’agir et de réagir qui dépassent la stimulation immédiate, contrairement aux plaisirs de danser avec l’autre, de relever le défi, de contrarier l’autre et de surfer, qui, eux, sont plutôt associés à des tactiques spontanées (qui émanent sans véritable planification).

11Il est possible, selon les auteurs, de passer d’un type de plaisir à un autre, principalement parce que le plaisir en relation s’inscrit dans un contexte qui évolue sans cesse. Les auteurs considèrent le plaisir comme un processus de réajustements continuels des perceptions et des manières d’agir.

12On ressort de la lecture de ce livre avec la sensation que le plaisir est à portée de main, à condition de faire les efforts nécessaires pour changer notre vision d’une situation donnée ou tenter, à tout le moins, de l’interpréter sous un angle nouveau. La position des auteurs par rapport à la notion de plaisir n’est donc pas sans rappeler l’existentialisme de Jean-Paul Sartre. Le plaisir est un choix. À nous d’avoir du plaisir… ou non !

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne-Marie Gagné, « Pierre MONGEAU et Jacques TREMBLAY (2011), Tabler sur le plaisir. Tactiques et stratégies de communication »Communication [En ligne], Vol. 33/1 | 2015, mis en ligne le 18 février 2015, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/5356 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.5356

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Auteur

Anne-Marie Gagné

Anne-Marie Gagné est professeure à l’Unité d’enseignement et de recherche Sciences humaines, lettres et communication de la TÉLUQ. Courriel : gagne.anne-marie@teluq.ca

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