Claude MARTIN et coll. (2012), Enjeux des industries culturelles au Québec. Identité, mondialisation et convergence
Claude MARTIN et coll. (2012), Enjeux des industries culturelles au Québec. Identité, mondialisation et convergence, Québec, Presses de l’Université du Québec
Texte intégral
1Cet ouvrage collectif est composé d’une introduction, de 13 chapitres regroupés en 5 parties et d’une conclusion. Ces cinq parties sont intitulées « Les publics, les usagers », « Le cinéma, un domaine exemplaire ? », « Des institutions publiques », « Points de vue d’acteurs » et « Bilans ». Hétéroclites par leur objet, leur approche, leur style et même leur longueur (de 10 à 60 pages par chapitre), les différents chapitres ont en commun de traiter des « industries dont les produits offerts prennent la forme d’unités reproduites en série, mais non en continu » (p. 3). Ainsi, la radio, la télévision et les journaux ont été exclus de l’ouvrage, tout comme les produits artistiques qui ne sont pas industrialisés. Toutefois, deux chapitres ne respectent pas ce cadrage, car ils traitent de l’institution muséale.
2Malgré cette limitation à ce type de produits culturels, les thèmes abordés restent extrêmement diversifiés : les technologies (chapitre 1), le livre (chapitre 2), la musique (chapitre 3), le cinéma (chapitres 4 et 5), la bibliothèque (chapitre 6), le musée (chapitres 7 et 8), le multimédia (chapitre 9). Ces différents produits culturels sont abordés de différents points de vue : la production, la réception, le marché ou les politiques publiques. Cet ouvrage est d’abord le fruit d’une recherche collective financée par le Fonds de recherche du Québec — Société et culture, à laquelle se sont ajoutés des communications faites lors de deux colloques ainsi que des chapitres « indépendants ». Le dernier chapitre, intitulé « Ce que racontent les chiffres » et rédigé par Claude Martin, Marie-Ève Carignan et Maude Gauthier, est probablement le plus synthétique de l’ensemble. Par une analyse statistique, les auteurs ont voulu faire un bilan des industries du livre, du long métrage, de l’enregistrement sonore, du jeu vidéo et des bibliothèques publiques. Les indicateurs recueillis concernent leur production, leur réception, leur diffusion, leur part de marché ainsi que le bilan commercial. En raison du manque de constance dans la collecte des données par les organismes compilant ces statistiques, la comparaison entre ces industries reste difficile.
3Un autre aspect hétéroclite de cet ouvrage, dans les chapitres relevant de la recherche empirique, est lié à la diversité des méthodes. Par exemple, le chapitre 1, écrit par Jacques Lemieux, Jason Luckerhoff et Christelle Paré et intitulé « Technologie et démographie : des pratiques culturelles en mutation ? », constitue une enquête statistique classique sur les pratiques culturelles réalisée par sondage et par l’utilisation de statistiques d’organismes publics. Par cette enquête, les auteurs voulaient mesurer l’influence de l’informatique et d’Internet sur les pratiques culturelles. Le chapitre 8, lui, rédigé par Jason Luckerhoff et intitulé « Le discours de la presse écrite et la médiation à l’extérieur du musée : la conquête du large public », repose sur une analyse de contenu par codage voulant mesurer le discours journalistique sur une exposition vedette du Musée national des beaux-arts du Québec, « Le Louvre à Québec ». Cette couverture évoluera dans le temps, c’est-à-dire avant, pendant et après l’exposition. Cette analyse a par ailleurs été effectuée en tenant compte des stratégies marketing de l’institution muséale ainsi que des contraintes liées au travail journalistique dans un contexte de « commercialisation de la culture ». L’auteur souligne entre autres l’importance des articles « promotionnels » de cette exposition blockbuster. Caroline Legault, pour sa part, dans le chapitre 7, intitulé « Musées et médiations culturelles », a effectué de l’observation ainsi que des entretiens dans 10 lieux d’exposition ou d’interprétation répartis dans 5 régions administratives. Son objectif était d’étudier comment la médiation culturelle permettait aux institutions muséales et patrimoniales de surmonter le problème récurrent de faible fréquentation. Enfin, dans le chapitre 2, intitulé « Pour goûter le contenu du livre, il faut savoir lire ! », Jean-Paul Baillargeon, qui est décédé avant la publication de l’ouvrage, fait un plaidoyer pour l’amélioration des indicateurs de littératie, c’est-à-dire « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité, en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités » (p. 51). Pour soutenir son propos, il utilise surtout des données de seconde main, notamment celles de Statistique Canada, de l’Observatoire de la culture et de la communication du Québec et de l’Institut de la statistique du Québec. Baillargeon est également l’auteur du chapitre 6, intitulé « Problèmes fondamentaux des bibliothèques publiques du Québec ». Ainsi, l’auteur aborde deux problèmes fondamentaux : le faible niveau de scolarité des Québécois, niveau qui est directement lié à la fréquentation d’une bibliothèque publique, ainsi que le manque de bibliothèques dans les écoles primaires et secondaires. Il rappelle également que la bibliothèque publique est un maillon essentiel de la chaîne du livre.
4L’ouvrage offre ainsi de l’industrie culturelle québécoise une vision globale, mais tout de même limitée, car les médias et les télécommunications, qui sont des acteurs importants de la diffusion culturelle, n’y sont pas abordés.
5Par ailleurs, plusieurs chapitres tentent de mesurer l’efficacité des politiques publiques en matière de culture. C’est le cas du chapitre 12, rédigé par Gaétan Hardy et intitulé « L’occupation culturelle du territoire québécois par les aides à la création artistique ». Dans ce chapitre, l’auteur tente de mesurer l’efficacité des programmes du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) dans leur mission de soutenir la création sur l’ensemble du territoire, et non seulement à Montréal ou à Québec. Cette répartition territoriale diffère selon le type de création, où l'on peut observer « […] la forte présence des organismes de production en arts de la scène dans les régions de Montréal et de la Capitale-Nationale et celle des centres d’artistes en arts visuels et en arts médiatiques dans les autres régions » (p. 382).
6Nous pouvons reprocher à cet ouvrage son manque de cohérence, qui se manifeste par une juxtaposition de chapitres hétéroclites, ce qui se remarque particulièrement dans la première partie. En effet, celle-ci est consacrée aux pratiques culturelles et non directement aux industries culturelles. Les objets sont certes semblables, mais les chapitres se distinguent par le genre et les approches, sans s’inscrire dans une problématique commune. De plus, réception, production, politiques publiques et diffusion sont abordées dans cet ouvrage. Certains chapitres thématiques traitent de tous ces aspects à la fois. C’est le cas du chapitre 4, rédigé par Christian Poirier et intitulé « L’industrie cinématographique québécoise : enjeux culturels, économiques et politiques ». L’auteur y trace un portrait complet du cinéma québécois, avec tous les enjeux et les défis qui y sont liés. De la même façon, le chapitre 5, rédigé par Marc Ménard et intitulé « La réussite commerciale du cinéma québécois : un succès relatif… et fragile », brosse un portrait de la santé du cinéma québécois. L’auteur y aborde les difficultés structurelles de l’industrie québécoise : la taille réduite du marché, le faible budget moyen par film, l’échec commercial à l’étranger, les critères de sélection des films subventionnés, le faible budget alloué à la promotion, la production limitée de 25 à 30 films par année.
7Cet ouvrage ne se lit pas de façon linéaire, mais contient des chapitres pertinents pour comprendre les enjeux des industries culturelles, leurs publics, leurs contraintes et leur légitimité, notamment dans l’espace public. Les politiques publiques en matière de culture, notamment en ce qui a trait à la structure du financement de l’industrie, sont abondamment traitées dans cette publication. Nous pouvons toutefois regretter le manque de cohérence du livre, qui lui confère davantage le statut d’actes de colloque que celui d’un véritable projet éditorial. Il est ainsi difficile de déterminer à qui s’adresse cet ouvrage collectif.
Pour citer cet article
Référence électronique
Nicolas Harvey, « Claude MARTIN et coll. (2012), Enjeux des industries culturelles au Québec. Identité, mondialisation et convergence », Communication [En ligne], Vol. 33/1 | 2015, mis en ligne le 18 février 2015, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/5352 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.5352
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