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Lectures

Nicolas KACIAF et Jean-Paul LEGRAVE (dir.) (2011), Communication interne et changement

Paris, Éditions Pepper/L’Harmattan
Anne-Marie Gagné
Référence(s) :

Nicolas KACIAF et Jean-Paul LEGRAVE (dir.) (2011), Communication interne et changement, Paris, Éditions Pepper/L’Harmattan

Texte intégral

1La communication interne est-elle une discipline scientifique et une profession à part entière ? Bien qu’elle semble connaître une certaine progression et que son utilité en matière de performance et de rentabilité pour l’entreprise soit de plus en plus admise, la communication interne n’a pas les mêmes lettres de noblesse que sa grande sœur, la communication externe. D’abord, ce champ théorique est peu étudié en sciences sociales françaises. Ensuite, à titre de profession, elle se situe en porte-à-faux entre le service des communications et celui des ressources humaines ou encore du marketing. Portant des titres variés, les responsables de la communication interne ont eux-mêmes de la difficulté à se définir et à définir l’objet de leur pratique.

2Issu d’une journée d’étude organisée en 2008 dans le cadre du master professionnel « Politique de communication » de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, cet ouvrage comprend 12 textes : 5 proviennent d’universitaires, 5 de praticiens et 2 d’auteurs placés à l’interface de ces deux espaces professionnels. Nicolas Kaciaf et Jean-Paul Legrave, les deux directeurs de ce collectif, ont fait le pari de croiser les regards de théoriciens et de praticiens et justifient ce choix par la nécessité d’enrichir à la fois les corpus des uns et des autres.

3Un universitaire « orthodoxe » sourira-t-il cependant d’usages parfois instrumentaux de concepts, de notions ou d’approches puisés à bonne source ? Peut-être. Mais l’essentiel n’est-il pas finalement que ces usages — au demeurant élastiques — permettent à chacun d’acquérir plus d’intelligibilité et de réflexivité (p. 29) ?

4Ainsi, la plume est donnée à la fois à ceux qui ont la charge professionnelle quotidienne de la communication interne dans leur organisation et à ceux qui l’étudient et l’analysent d’un point de vue plus savant.

5La première partie de l’ouvrage comporte cinq textes, dont quatre proviennent d’universitaires.

6Le premier, signé par Kaciaf, tranche avec l’introduction. La première phrase du texte : « La communication interne paraît constituer une spécialité professionnelle à part entière » (p. 33) rompt avec l’idée précédemment énoncée selon laquelle cette discipline a de la difficulté à être reconnue comme telle. L’auteur souligne la variété de conceptions de ce qu’est ou devrait être la communication interne et la pluralité des fonctions qu’elle revêt. Plutôt perçus comme des « donneurs de services », les « communicants internes » peinent à faire valoir leur expertise et deviennent rapidement les boucs émissaires des dirigeants lorsque des décisions suscitent une contestation. A contrario, les employés à qui ils s’adressent les perçoivent volontiers avec indifférence ou, pire, avec méfiance.

7Le deuxième texte, signé Véronique Attias-Delattre, insiste quant à lui sur l’appropriation de la communication interne par les directions des ressources humaines. L’auteure y fait l’apologie du « rapatriement » de la communication interne au sein du service des ressources humaines — ce qui entre en contradiction avec la vision de nombreux auteurs du collectif.

8Le troisième texte, rédigé par Laura Buck, aborde pour sa part le clivage entre communication interne et externe — clivage qui n’aurait pas lieu d’être, les deux étant complémentaires. L’auteure reprend le cas de la fusion de deux sociétés de transport pour illustrer ses propos. Si ce cas est intéressant en soi, il n’apprendra rien de nouveau au lecteur universitaire ou au praticien d’expérience.

9Le quatrième texte, écrit par Pascal Dauvin, présente un cas plus intéressant, dans la mesure où il dénonce la croyance selon laquelle la communication interne peut se pratiquer à coups de « recettes miracles ». L’auteur y présente le cas d’une organisation non gouvernementale (ONG) pour laquelle la communication interne, telle qu’elle est enseignée, n’apporte pas les effets escomptés. Au terme de cette analyse, le lecteur constatera (mais ne le savait-il pas déjà ?) que les organisations évoluent dans des environnements complexes et composent avec des publics variés. L’autre conclusion à laquelle il pourra arriver (et contre laquelle l’auteur le met en garde) est l’idée selon laquelle les ONG n’en seraient qu’à un stade préliminaire, au mieux intermédiaire, quant au développement de leur communication interne. Or, pour Dauvin, les ONG ne peuvent être comparées à des entreprises typiques régies par des règles « managériales ».

10Enfin, le dernier texte, rédigé par Jean-Baptiste Legavre, diffère des autres contributions en ce sens qu’il n’aborde pas la question de la communication interne, mais plutôt celle du journalisme (et plus particulièrement celle du journalisme hybride). Ce texte, quoiqu’intéressant, détonne et ne permet pas au lecteur de suivre le fil conducteur de l’ouvrage.

11La deuxième partie de l’ouvrage comprend sept textes résolument orientés vers la pratique professionnelle.

12Le premier texte, de Jacques Stuart, dresse le portrait de la communication interne au sein de l’entreprise qu’il dirige. L’auteur mentionne la nécessité de créer un sentiment d’appartenance fort, et ce, dès l’embauche. S’il donne de multiples exemples des moyens de communication interne utilisés par l’entreprise, le texte donne une impression de déjà-vu et laisse le lecteur sur l’idée que les valeurs organisationnelles peuvent (et doivent) être définies par les gestionnaires.

13Le texte d’Élise Maas tranche donc avec celui de Stuart, l’auteure mettant en parallèle la culture développée artificiellement par la haute direction et la culture réelle, qui émerge des liens entre les employés. Ce texte explique la vision utilitariste et instrumentalisée du concept de culture souvent préconisée par le service des communications, alors que celle-ci est souvent en décalage avec la réalité organisationnelle.

14Les troisième et quatrième textes, rédigés respectivement par Jean-Emmanuel Paillon et Laurent Riera, portent quant à eux sur l’analyse des communications internes telles qu’elles sont pratiquées dans les organisations publiques. Malgré le postulat selon lequel la communication interne bénéficie de nombreux outils et que le phénomène « monte en gamme » (Riera, p. 160), sa situation au sein des organisations publiques reste paradoxale. Paillon souligne le fait que la communication interne n’est pas toujours suffisante et n’a pas toujours l’effet escompté. Pour Riera, la communication interne doit être pensée comme un outil au service de la gestion, sans toutefois oublier qu’elle doit donner du sens à l’action et qu’à défaut de faire adhérer, elle doit faire comprendre.

15Le cinquième texte, soit celui de Françoise Plet-Servan, décrit les différentes facettes du rôle de la communication interne en situation de changement, mais se présente malheureusement comme une « liste d’épicerie » de bonnes pratiques de gestion.

16Le sixième texte, écrit par Jean-Luc Bouillon, aborde lui aussi le changement organisationnel et son accompagnement par la communication interne. L’auteur présente un cas et en fait l’analyse qualitative. L’exercice montre que les différentes problématiques liées au changement organisationnel ne sont pas simplement d’ordre communicationnel et qu’il serait futile de considérer la communication interne comme une panacée aux problèmes d’organisation. Ce cas met en lumière la pratique professionnelle de la communication interne qui contraint ceux qui en sont responsables à jouer sur différents registres et qui se retrouvent ainsi au cœur d’enjeux organisationnels qu’ils ne sauraient tous régler.

17Le septième texte, l’un des plus pertinents, présente un entretien avec Michel Villette, sociologue et professeur. Le point de vue de Villette rompt avec le discours d’autres auteurs. Sa vision de la communication interne est beaucoup moins « rose » et, à cet égard, ouvre vers une perspective beaucoup plus critique. La communication interne ne sert-elle pas, en fin de compte, à faire la promotion de la haute direction avec, pour effet pervers, d’emmurer son discours dans sa seule dimension « balistique » : un émetteur, un message, une cible ?

18Enfin, la postface, signée Nicole d’Almeida, décrit bien ce que les directeurs ont tenté parfois maladroitement de faire : un croisement des regards entre universitaires et praticiens. Sortons-nous de cette lecture avec une meilleure compréhension de la communication interne et de ses enjeux ? Sans doute… Bien que, comme d’Almeida l’écrit, « […] le savoir n’avance pas seul mais à deux, sous peine d’être boiteux » (p. 237).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne-Marie Gagné, « Nicolas KACIAF et Jean-Paul LEGRAVE (dir.) (2011), Communication interne et changement »Communication [En ligne], Vol. 33/1 | 2015, mis en ligne le 18 février 2015, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/5343 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.5343

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Auteur

Anne-Marie Gagné

Anne-Marie Gagné est professeure à l’Unité d’enseignement et de recherche Sciences humaines, lettres et communication de la TÉLUQ. Courriel : gagne.anne-marie@teluq.ca.

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