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Lectures

Stefan HAUSER et Martin LUGINBÜHL (dir.) (2012), Contrastive Media Analysis

Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, Coll. « Pragmatics & Beyond », nouvelle série, no 226
Dario Compagno
Référence(s) :

Stefan HAUSER et Martin LUGINBÜHL (dir.) (2012), Contrastive Media Analysis, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, Coll. « Pragmatics & Beyond », nouvelle série, no 226

Texte intégral

1Deux mots clés définissent l’unité de l’ouvrage : textologie contrastive et analyse contrastive des médias. La textologie contrastive est une approche développée en Allemagne à partir des années 1980 qui vise à intégrer les connaissances de la linguistique comparative et de la théorie de la traduction pour réaliser des comparaisons entre couples de textes produits dans deux nations différentes ou écrits dans deux langues différentes. L’analyse contrastive des médias est par contre un très large champ d’études incluant toutes sortes de textes (linguistique ou multimédia) produits par n’importe quelle population. Le but du livre (neuf contributions inédites) est de généraliser certaines idées de la textologie contrastive à ce plus large champ d’intérêt. En particulier, les auteurs visent à démasquer une simplification qu’ils trouvent présupposée dans les travaux de plusieurs chercheurs : l’idée selon laquelle tous les textes produits dans une région ou écrits dans une langue seraient homogènes (par rapport aux stratégies de production de sens qu’ils utilisent). Bien que les contributions individuelles soient intéressantes, l’ouvrage n’aboutit pas à une entière organicité, pour plusieurs raisons, et la généralisation de la textologie contrastive reste pour le moment inachevée.

2Le concept le plus intéressant utilisé par la textologie contrastive est celui de textsorte (type de texte). Il s’agit d’une élaboration du genre textuel, qui veut plus précisément définir un ensemble de pratiques signifiantes reconnues par un groupe d’usagers (parlant, écrivant, dessinant…). Ces pratiques assurent les conventions pragmatiques nécessaires à la production et à l’interprétation d’un texte-occurrence comme réalisation d’un type précis : « […] a distinctive type of text that is known and used by members of a community or social group as a routinized linguistic practice to achieve recurrent and socially recognized communicative tasks » (p. 220). C’est donc fort intéressant d’étudier les régularités de ces genres ou types de textes, et éventuellement d’en inventorier un répertoire. Mais, les types de textes n’ont pas un rôle prédominant dans la plupart des contributions de l’ouvrage. Au contraire, chaque auteur fait référence à des modèles différents (Halliday, van Leeuwen, van Dijk, Fowler, l’analyse de la conversation…) pour réaliser des analyses hétérogènes.

3Les contributions sont toutes des travaux comparatifs, la plupart autour des médias d’information. Les auteurs étudient ainsi les sujets suivants : des émissions radio en France et au Cameroun ; la représentation du Cambodge et la couverture de la crise de 2008 au Kenya, dans des journaux locaux et internationaux en langue anglaise ; les sous-titres anglais d’un film français ; les nécrologies dans les quotidiens de plusieurs pays européens ; des fanzines consacrés au punk, en version papier et en version numérique ; des publicités d’un produit italien destinées à des publics de nationalités différentes ; des journaux télévisés américains et européens ; des interviews dans les sections de sport de certains quotidiens en langue allemande et en langue anglaise.

4Le plus grand défi évoqué par plusieurs auteurs dans leurs contributions est une définition rigoureuse du tertium comparationis : l’aspect en commun entre deux objets qui permet de fonder leur comparabilité. Les auteurs reconnaissent que, sans une définition préalable d’un tertium, les comparaisons risquent d’apparaître arbitraires. C’est alors étonnant que l’on ne trouve dans le livre aucune procédure méthodique, unifiée de comparaison. Stefan Hauser, dans la dernière contribution de l’ouvrage, propose l’esquisse d’une procédure de comparaison « à quatre ». Il s’agit de comparer les objets d’un corpus par rapport à deux axes, par exemple un axe linguistique (deux langues : l’allemand et l’anglais) et un axe géographique (deux régions pour chaque langue : l’Allemagne et la Suisse, le Royaume-Uni et l’Australie). Par cette approche, Hauser cherche à isoler l’apport de chacune des deux variables ; donc par exemple à définir une hétérogénéité d’usages régionaux à l’intérieur d’une seule langue. Il s’agit de rejeter la simplification que les auteurs déclarent trouver dans plusieurs travaux d’autres chercheurs — soit qu’une homogénéité de contenus, formes, usages, est présupposée pour une langue ou une région —, bien que cette simplification ne nous semble pas réellement diffusée dans les travaux qui portent sur les dimensions culturelles des usages linguistiques.

5Une curiosité : maintes fois, on trouve dans l’ouvrage le terme de sémiotique. En fait, la sémiotique, dans ses intentions, semble proche d’une théorie générale de la comparaison des textes, coextensive donc du champ de recherche visé par l’ouvrage. Pourtant, il n’y a aucune référence aux modèles sémiotiques, mêmes classiques (avec l’exception notable de Michael Halliday). L’adjectif sémiotique, dans ce livre, plutôt que de désigner un ensemble de recherches existantes, devient le synonyme parfait de multimédia. Dépourvu de tout contenu théorique, le « sémiotique » ne peut par conséquent être d’aucun aide méthodologique aux efforts de l’ouvrage.

6En conclusion, le livre est une heureuse occasion de rencontre et de dialogue interdisciplinaire, riche en idées sur une pluralité de sujets de recherche (notamment les punkzines en version papier et en version numérique, la déclinaison internationale de certaines publicités, le sous-titrage cinématographique). Pourtant, il n’arrive pas à orienter ces idées vers une approche unifiée ni à proposer de solutions partagées aux problèmes méthodologiques évoqués par les auteurs eux-mêmes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dario Compagno, « Stefan HAUSER et Martin LUGINBÜHL (dir.) (2012), Contrastive Media Analysis »Communication [En ligne], Vol. 33/1 | 2015, mis en ligne le 18 février 2015, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/5335 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.5335

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Auteur

Dario Compagno

Dario Compagno est membre du Laboratoire Communication, information, médias (CIM) de l’Université Sorbonne Nouvelle, à Paris. Courriel : dario.compagno@gmail.com.

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