Karine PRÉMONT, La télévision mène-t-elle le monde ?
Karine PRÉMONT (2006), La télévision mène-t-elle le monde ?, Québec, Presses de l’Université du Québec.
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1La télévision mène-t-elle le monde ? Grande question à laquelle l’auteure apporte une réponse largement argumentée dans ce livre dont il faut, avant tout, lire le sous-titre : Le mythe de l’effet CNN sur la politique étrangère des États-Unis (quatrième de couverture). Car il s’agit ici uniquement de la télévision américaine en général et des chaînes du câble, CNN et Fox, en particulier.
2Composé en trois grandes parties, le livre s’interroge tout d’abord sur « la politique étrangère américaine, les médias et l’opinion publique » (p. 1), puis sur « l’influence controversée de la télévision sur les décisions entre les élites et l’opinion publique » (p. 53) et enfin sur les « obstacles à l’influence directe de la télévision sur la politique étrangère américaine » (p. 143).
La politique étrangère américaine, les médias et l’opinion publique
3Développant ici un article préalablement publié, l’auteure dresse un tableau de l’évolution des rapports entre le gouvernement américain et les médias depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au 11 septembre 2001, puis elle rappelle la nécessité des rapports – cette troïka – qui lient gouvernement, médias et opinion publique :
Ainsi les médias permettent non seulement de refléter l’opinion publique mais également de la former. Cependant, la formation de l’opinion publique est très inégale, étant donné la qualité variable de la couverture médiatique de la politique étrangère (p. 31).
4Et de poursuivre :
Pour que les médias couvrent un sujet, il doit posséder les trois caractéristiques suivantes : 1. une capacité de « frémissement » (sizzle) […]. 2. un intérêt « paroissial » […] lien de proximité […]. 3. un faible coût […] (p. 34-35).
5Avant d’affiner la limite de ces rapports :
Il est effectivement très difficile pour les médias de capter l’attention du public pour des nouvelles de politique étrangère […]. La deuxième limite de l’influence des médias concerne leur dépendance aux sources gouvernementales. […] La troisième […] est constituée par les contraintes économiques et commerciales de l’industrie qu’est devenu le journalisme (p. 43).
6Et de conclure : « cette troïka […] pose la question centrale de cet ouvrage : est-ce la télévision qui mène le monde ? » (p. 52).
L’influence controversée de la télévision sur les décisions entre les élites et l’opinion publique
7Dans cette deuxième partie, l’auteure développe la notion d’« écho CNN », c’est-à-dire le fait que la télévision est un « acteur secondaire de la politique étrangère américaine, mais surtout un acteur dépendant des élites politiques du pays » (p. 57). Reprenant ainsi le concept d’indexation :
[…] la télévision comme miroir de l’opinion des élites […] qui implique que la télévision est uniquement réactive au pouvoir politique. La force de l’indexation provient de son postulat de base : la source principale des journalistes étant le gouvernement, il est normal « que les perspectives sur les politiques gouvernementales qui n’ont pas été exprimées au sein du gouvernement soient ignorées ou marginalisées dans les bulletins de nouvelles » (p. 59).
8À cela s’ajoute les concepts de pull, « capacité de la télévision à forcer le retrait du gouvernement d’un conflit à l’étranger en montrant des images choquantes […] » (p. 196) et de push qui au contraire pousse le gouvernement à intervenir par l’utilisation d’images emphatiques.
9La dernière partie du chapitre est consacrée à cette « nouvelle diplomatie », celle des journalistes médiateurs de conflits, rappelant ainsi, parmi de nombreux exemples, le rôle joué par « Walter Cronkite (CBS) […] [qui] a permis la visite historique du président égyptien Anouar el-Sadate à Jérusalem en 1977 » (p. 132).
10En conclusion de cette deuxième partie un tableau synoptique des « effets CCN » (p.140-141) résume parfaitement les notions développées dans ce chapitre.
Les obstacles à l’influence directe de la télévision sur la politique étrangère américaine
11Dans ce chapitre, l’auteure rappelle qu’« [à] l’exception des temps de crise, la couverture télévisée des événements internationaux diminue constamment depuis la fin des années 1980 » (p. 145). Elle pointe un certain nombre de causes, le plus souvent, d’ordre économique : « Le maintien d’un correspondant à l’étranger coûte environ 250 000 $ par année pour un journaliste de la presse écrite et plus de 400 000 $ pour un journaliste de la télévision » (p. 146-147). Mais également pour des raisons aussi diverses que la fin de la guerre froide et la culture du spin : « distorsion d’un événement au profit de quelqu’un » (p. 155) ou plus prosaïquement le déclin de l’appétence du public américain pour la politique étrangère.
12En fin de chapitre, l’auteure souligne le côté pervers des conglomérats dans le domaine de l’information apportant une uniformatisation de l’information
13Les conclusions proposées par Karine Prémont sont pertinentes à une époque où il va falloir, en parallèle aux médias traditionnels, se poser la question de la réelle importance du Net dans le processus de recherche d’information.
Bien que la télévision ne soit pas menacée directement par l’explosion de l’utilisation d’Internet comme source d’information – du moins à court et à moyen termes – ce médium pourrait peut-être permettre, grâce à la diversité des points de vue présentés et à l’espace disponible pour ce faire, de rétablir la prépondérance de l’information sur le spectacle (p. 193).
14Il était temps de s’interroger sur le rôle réellement joué par les télévisions dans leur rapport avec les événements du monde, en dehors de toute notion idéologique, mais avec la rigueur universitaire qui sied à ce type d’ouvrage. C’est ce que réussit parfaitement l’auteure dans ce livre où l’écrit est étayé de nombreux tableaux précis et documentés auxquels il faut ajouter un glossaire détaillé et, outre des annexes pertinentes, une remarquable bibliographie.
Pour citer cet article
Référence papier
Pierre Gosselin, « Karine PRÉMONT, La télévision mène-t-elle le monde ? », Communication, Vol. 26/2 | 2008, 278-280.
Référence électronique
Pierre Gosselin, « Karine PRÉMONT, La télévision mène-t-elle le monde ? », Communication [En ligne], Vol. 26/2 | 2008, mis en ligne le 12 septembre 2013, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/526 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.526
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