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AccueilNumérosVol. 33/1RecherchesPorno-chic et indécence médiatique

Recherches

Porno-chic et indécence médiatique

Contribution interdisciplinaire portant sur les enjeux communicationnels et sociojuridiques des publicités sexuelles en France et aux Etats-Unis
Esther Loubradou

Résumés

Cette note de recherche présente un travail de doctorat sur les enjeux communicationnels et sociojuridiques des publicités sexuelles en France et aux États-Unis. Dans cette première recherche française sur ce thème, l’auteure s’intéresse à l’influence de ces messages sur le jeu social pour proposer des solutions de gestion au professionnel et au régulateur. De l’analyse des caractéristiques de ces messages à l’étude de leur impact psychosocial et des tensions déontologiques, elle fait appel à une pluralité méthodologique et dresse un bilan interdisciplinaire sur ce phénomène.

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Texte intégral

1Autrefois réservé à la sphère privée, le sexe s’est immiscé dans la vie sociale des individus. D’ailleurs, il se pourrait bien que « de sexe, nous parlions plus que de tout autre chose » (Foucault, 1976, p. 46). Au-delà des messages purement pornographiques, de nouveaux contenus sexuels s’exposent dans l’espace public médiatique et le sexe est devenu omniprésent dans les médias, telle une « cacophonie sexuelle » (Deleu, 2002 : 8), un « bruit de fond » dans notre vie quotidienne (Guillebaud, 1998 : 16). Exemples parfaits de cette érotisation des productions médiatiques et miroirs de la sexualisation des cultures en France comme en Amérique, les publicités deviennent elles aussi de plus en plus érotiques et les connotations sexuelles se sont à la fois multipliées et intensifiées (Soley et Reid, 1988 ; Jacobson et Mazur, 1995 ; Reichert, 2002). La publicité ne cesse de lever les tabous et d’exhiber les corps et les pratiques sexuelles afin d’attirer les regards et de capter notre attention dans un environnement surchargé de messages. On estime ainsi que 20 à 30 % des publicités contiennent des connotations sexuelles (Biwas, Olsen et Carlet, 1992 ; Reichert et Carpenter, 2004). Cette sexualisation des productions culturelles est depuis quelques années génératrice de tensions et de questionnements stratégiques auxquels notre travail de doctorat en sciences de l’information et de la communication (Loubradou, 2013) se proposait de réfléchir.

2Si le phénomène de l’utilisation du sexe dans la publicité n’est pas nouveau, la recherche scientifique française a pourtant délaissé cette thématique au profit des études sur le genre, les stéréotypes sexistes ou l’image de la femme. En Amérique du Nord, les recherches sur les productions culturelles contenant du sexe sont plus nombreuses : la pornographie a été étudiée très tôt, le genre largement exploré et la question de l’efficacité de la nudité et de l’attractivité des modèles dans les publicités souvent abordée par les sciences de gestion et le marketing. Malgré cela, les processus sont encore mal connus et les recherches sur les publicités sexuelles en tant que phénomène socio-communicationnel ou sur les enjeux socioculturels et juridiques les concernant se font rares. Pourtant, « the use of sex in advertising has important social, managerial, and public policy implications » (Wilson et Moore, 1979 : 55). Si les problématiques publicitaires hard (publicité comparative, mensongère) peuvent être réglées assez aisément et concrètement, les préoccupations soft, concernant la décence ou le bon goût, sont plus difficiles à gérer, car elles sont plus subjectives, liées au contexte culturel et historiquement basées sur les valeurs et les mœurs changeantes des sociétés (voir les catégories de Boddewyn, 1991).

Couple hétérosexuel

Couple hétérosexuel

Couple homosexuel

Couple homosexuel

3Ainsi, la publicité sexuelle représente un défi pour les professionnels qui se questionnent sur la pertinence de l’utilisation du sexe dans leur stratégie marketing, mais aussi pour le régulateur qui s’interroge sur le choix de la meilleure contrainte applicable à ces messages. Par ailleurs, de nombreuses questions subsistent : quels sont les différents types de publicités sexuelles ? Dans quels médias sont-elles diffusées ? Est-ce une bonne stratégie marketing ? Quels sont les effets sur les individus et la société ? Est-ce que ces publicités mettent en péril la cohésion sociale ? Quelle solution proposer du point de vue de la régulation et de la gestion de ce phénomène ?

4Notre thèse (2013) visait à mener une analyse approfondie des publicités sexuelles pour poser clairement les termes du débat, pour mieux connaître les caractéristiques de ces messages, mais également pour s’interroger sur l’influence (Courbet et Fourquet, 2003) et les conséquences de ce phénomène sur le jeu social en mettant en lumière les tensions stratégiques entre producteurs, récepteurs et régulateurs. Plus que de décrire ce contenu médiatique dans le processus de communication traditionnel, il s’agissait de le « contextualiser » et même de le « culturaliser » (Maigret, 2003) afin de le replacer dans son environnement pour en percevoir les enjeux. Au moyen d’une démarche progressive s’articulant autour de la question centrale de la gestion des publicités sexuelles, cette recherche a permis de décrire le phénomène, mais aussi d’en faire une analyse critique et de réfléchir aux moyens d’action possibles.

5La présente note de recherche expose la structure générale de notre thèse par la présentation de notre démarche, de nos choix conceptuels, de notre positionnement épistémologique ainsi que des thématiques abordées. Dans ce cadre, nous présenterons les principaux éléments de réflexion sous-jacents à nos travaux plutôt que des résultats à proprement parler.

Démarche et positionnement

6Notre thèse présente d’abord le contexte épistémologique et interdisciplinaire de la recherche. Elle montre comment les contenus sexuels médiatiques sont étudiés en tant qu’objet communicationnel complexe (Morin, 1990) et quels sont les principaux acteurs, leurs stratégies et leurs intérêts intervenant dans le processus communicationnel. Une vision systémique accompagne la réflexion en replaçant l’objet dans son environnement général où de nombreux éléments interagissent (aspects sociaux, culturels, juridiques et communicationnels) et en considérant les phénomènes complexes comme indissociables d’une structure globale. Cette thèse se place ainsi dans une évolution de la recherche publicitaire cherchant à mener des études allant au-delà de la question des effets, encore prédominante.

  • 1 Les publicités sexuelles désignent donc ici un ensemble plus large que ce que recouvre la simple ex (...)

7L’un des enjeux résidait dans la conceptualisation des publicités sexuelles. Même si ces productions culturelles ne relèvent pas de la pornographie et continuent d’être à l’écart de la « Pornosphère », elles flirtent continuellement et comme jamais auparavant avec les codes et les conventions issus de la pornographie. Ces formes de sexualisation de la culture sont qualifiées de « Porno-chic » (McNair, 2002) en faisant le lien entre la Pornosphère, d’une part, et ce que Jürgen Habermas appelle la sphère publique, d’autre part, où le sexe (non pornographique) devient le sujet de débats divers1. Les publicités sexuelles sont donc des messages contenant de l’information à caractère sexuel (Harris, 1994 ; Reichert, 2002) dans le but de former, de modifier ou de renforcer des jugements, des affects, des représentations sociales et des comportements. Il peut s’agir de communications commerciales cherchant à faire vendre un produit ou un service, de publicités de santé publique qui ont un but de prévention ou de campagnes servant de grandes causes sociales.

Touche d’humour pour vendre un produit

Touche d’humour pour vendre un produit

Esthétique et vente

Esthétique et vente

Publicité de santé publique

Publicité de santé publique

8Précisons aussi que la définition retenue privilégie les allusions à la sexualité et au désir sexuel plutôt que la simple notion de sexisme, bien plus réductrice. Le sexe peut être connoté, suggéré ou explicitement mis en scène, et le degré de sexe peut se mesurer par les caractéristiques physiques des personnages, la quantité de vêtements portés, la nudité, les postures, les contacts entre les personnages, leur comportement plus ou moins sexuel ou suggestif, le contexte, les jeux de mots et les sous-entendus (Courtney et Whipple, 1983 ; Reichert, 2003 ; Putrevu, 2008).

Jeu de mots, comportement sexuel suggestif

9Un panorama des publicités sexuelles a permis d’observer des niveaux d’acceptation variables en ce qui a trait au degré de sexe en fonction du média considéré, la presse et Internet étant à ce titre bien plus permissifs que l’affichage ou la télévision. Une analyse typologique menée à partir d’un corpus de plus de 5 000 publicités et ayant recours à plusieurs catégorisations en fonction de différents critères (techniques d’utilisation des connotations sexuelles, types de produits, préoccupations engendrées) a ensuite permis une meilleure connaissance de cet objet protéiforme. Il existe en effet une grande hétérogénéité tant dans les produits représentés que dans les thématiques utilisées et les pratiques sexuelles évoquées.

10Un sujet multidimensionnel comme les publicités sexuelles demandait alors un dépassement des cloisonnements traditionnels pour faire une analyse pertinente du phénomène et rendre compte de sa complexité tout en empêchant une rupture profonde entre la science et la réalité (Courbet, 2010). L’organisation du mélange disciplinaire s’est donc faite sous l’angle d’une pluri puis d’une interdisciplinarité associant les sciences de la communication et le droit public. À la croisée des cultural studies, de la sex research, de la sociologie des médias, de la sociologie juridique et de la psychologie sociale, cette démarche permettait de reconstruire une réalité segmentée artificiellement par le cloisonnement des disciplines et d’obtenir l’acquisition de compétences transversales dans un but de questionnement d’ensemble. Cette approche a été associée à une interculturalité mettant en regard la France, traditionnellement érotique, et les États-Unis, royaume du politiquement correct. Cette comparaison informelle s’est présentée comme un outil intéressant au service d’une compréhension pratique et critique de la situation française en la matière. Enfin, la réalité de phénomènes tels que celui qui est décrit ici ne pouvait être appréhendée avec une seule et unique méthode, et nous avons opté pour un pluralisme méthodologique basé sur une diversité et une complémentarité des outils d’analyse, ce qui nous a permis d’augmenter le pouvoir explicatif de notre recherche sur le phénomène du sexe et de la publicité.

11Un autre enjeu de ce travail était donc de trouver des procédés originaux pour éclaircir le débat. D’une part, la thèse propose une revue de la littérature ainsi qu’une étude des flux médiatiques et des textes de droit qui permettent de retranscrire l’état du débat, d’évoquer les raisons liées à l’érotisation des sociétés occidentales, de présenter les récents scandales et polémiques et de mettre en lumière les enjeux et les interpellations socioculturelles liés au phénomène. D’autre part, les considérations théoriques sont associées à des études empiriques et chaque technique retenue permet de répondre partiellement à la problématique générale. Des méthodes quantitatives (enquêtes, sondages) ont été associées à des méthodes qualitatives (typologies, entretiens semi-directifs avec des professionnels, focus group avec les acteurs stratégiques, observation participante) ainsi qu’à des méthodes expérimentales (mise en situation d’achat) jugées particulièrement efficaces dans le cadre de recherches applicables et concrètes (Rotfeld et Taylor, 2009). Ainsi, dans ce choix d’épistémologie mixte, perspective nomologique et perspective compréhensive se sont conjuguées (Courbet, 2010) pour tenter d’être le plus efficace du point de vue du progrès de la connaissance en matière de publicités sexuelles. La mise en relation des disciplines et la mise en place de protocoles empiriques semblent alors largement profiter à une analyse inscrite dans une approche de sociologie médiatique et juridique tournée vers le réel et le concret plutôt que vers la recherche fondamentale et strictement théorique. Cette volonté se situe dans une nouvelle perspective de recherche en publicité, plus pragmatique, valorisant une aide à la prise de décision et la possibilité d’influencer les pratiques professionnelles concrètes (Habermas dans Poulin, 1997 ; Rotfeld et Stafford, 2007).

Réflexion sur les publicités sexuelles

Aspects éthiques

12Ce positionnement a permis de s’interroger sur la pertinence du cadrage sociojuridique au regard des données scientifiques et communicationnelles pour appréhender les dilemmes éthiques émergents liés au phénomène du sexe et de la publicité et de réfléchir à une solution de gestion satisfaisante. La suite de la thèse s’organise dans une trame qui reprend les concepts de la philosophie morale, c’est-à-dire qui aborde non seulement les aspects téléologiques, mais également les aspects déontologiques du phénomène (Hunt et Vitell, 1986 ; Gould, 1994 ; LaTour et Henthorne, 1994 ; Blair et al., 2006).

Aspects téléologiques

13La troisième partie de la thèse interroge les tensions entre les producteurs et les récepteurs des publicités sexuelles. Les effets et la réception de ces messages sont étudiés tant du point de vue de leur production (stratégie, techniques publicitaires) que de celui de leur impact (efficacité, acceptabilité, feedback social).

14L’étude des mécanismes de l’effet des stimuli sexuels sur l’efficacité publicitaire s’est faite à partir d’une synthèse de la littérature internationale en sciences de la communication et également en psychologie sociale et en marketing, mais aussi à l’aide d’une expérimentation sur les effets des publicités sexuelles sur Internet menée dans un magasin virtuel fabriqué pour tester les effets sur plusieurs variables psychosociales, dont les intentions d’achat. L’analyse propose ainsi des résultats sur la question des effets des publicités sexuelles au stade cognitif, affectif et conatif. Globalement, les publicités sexuelles attirent davantage l’attention que les publicités non sexuelles et ont tendance à être mieux mémorisées. Les résultats sont moins évidents en ce qui a trait au rappel de la marque ou du produit, car ces connotations pourraient créer une distraction entraînant un traitement périphérique du message. L’attitude envers l’annonce est en général plus favorable pour une publicité sexuelle à condition que le degré de sexe utilisé reste modéré. L’attitude envers la marque ou le produit est par contre plus défavorable, avec parfois une perte de crédibilité. L’influence sur l’acte d’achat reste l’objet de beaucoup de contradictions dans les résultats scientifiques tant les définitions utilisées, les protocoles et les médias considérés sont différents. Quoi qu’il en soit, ce type de publicités est plus efficace s’il y a congruence entre le produit promu et l’utilisation du sexe. L’implication des sujets ainsi que le genre des consommateurs jouent également un rôle dans la réception. Enfin, l’acceptabilité du phénomène par les individus est étudiée à l’aide de différents modes opératoires (cybermarket, enquêtes) et la réception des publicités sexuelles est prise en compte à l’échelle micro et macro-sociologique.

Aspects déontologiques

15La quatrième partie de la thèse analyse les enjeux juridiques et les tensions déontologiques entre producteurs et régulateurs à partir d’une réflexion sur l’équilibre entre liberté d’expression et ordre public. En effet, si la question du contrôle des publicités sexuelles a été abordée par quelques chercheurs (Boddewyn, 1991 ; Gould, 1994), elle n’a pourtant jamais été considérée de façon détaillée par l’étude des règles et des principes s’appliquant aux publicités sexuelles et ne s’est jamais interrogée sur la situation française en la matière. Il s’agissait donc de présenter non seulement les enjeux de l’encadrement des publicités sexuelles, mais également l’éventail des dispositions relatives à ces messages en droit positif français et étatsunien pour chaque média.

16La question est de savoir quelle position adopter à l’égard du phénomène des publicités sexuelles opposant, d’une part, une stratégie marketing basée sur l’utilisation des connotations sexuelles pour attirer l’attention et, d’autre part, une stratégie juridique s’assurant de maintenir l’ordre social et de protéger les consommateurs-citoyens. Ainsi, si la loi n’interdit pas les contenus sexuels, elle n’édicte pourtant aucune immunité qui mettrait les publicitaires à l’abri de poursuites à la suite d’abus. La publicité sexuelle, si elle n’est pas complètement interdite au nom de la liberté d’expression, se doit néanmoins de rester responsable, et des limites ont été mises en place. Celles-ci ne sont pas les mêmes à travers le monde et le type de régulation varie en fonction des pays. La France et les États-Unis ont par exemple fait un cadrage distinct du problème et adopté des qualifications juridiques, des garde-fous et des modalités de contrôle différents dans la régulation des publicités sexuelles. Si la France base son interprétation sur le concept de dignité de la personne humaine, les États-Unis s’intéressent plutôt à la notion de décence. Par ailleurs, le système français de régulation des publicités sexuelles repose sur un encadrement hybride incluant une intervention du législateur mais aussi de l’organisme d’autodiscipline de la publicité, alors que dans le système étatsunien, ce sont uniquement des organismes d’État qui veillent au contrôle sur la base de plaintes.

Aspects pratiques et solution de gestion éthique

17Dans la dernière partie de la thèse, une démarche de recherche-action a été adoptée. Une tentative de réponse fonctionnelle à la demande pratique dans une expertise suivie de la formulation de diagnostics et de conseils est ainsi considérée dans un but de recherche applicable (Cochoy, 2000) et d’aide à la gestion et à la prise de décision en matière de publicité sexuelle face à la triple contrainte de stratégie économique, d’acceptation sociale et d’ordre public des sociétés occidentales. Dans ce cadre, la réflexion sur les modes de résolution des tensions par rapport au phénomène et la construction d’une éthique des publicités sexuelles ont impliqué l’adoption du paradigme de pluralisme juridique pour réfléchir à une contrainte qui corresponde aux réalités sociojuridiques et professionnelles.

18Un bilan critique accompagné de questionnements sur la légitimité de la régulation et du cadrage social à l’égard des publicités sexuelles s’interroge sur le besoin de protection des individus et, de façon plus théorique, sur la pertinence des différents mélanges juridiques possibles : État, société civile, marché (Streeck et Schmitter, 1985). L’analyse montre que si le cadre juridique des publicités sexuelles est utile, il ne semble pas pour autant adapté. La recherche du meilleur mix juridique doit se faire sans légiférer, sans oublier d’autres sources de droit telles que les contraintes socioculturelles particulièrement importantes en matière de décence et sans négliger l’autodiscipline qui se présente comme une solution performante et efficace, notamment en France où elle a récemment connu des évolutions importantes. Elle apparaît comme le centre de gravité de la relation triangulaire entre producteurs, régulateurs et récepteurs, car elle anticipe les tensions du producteur avec le récepteur pour éviter les tensions avec le régulateur. Ces considérations sont suivies d’une tentative de résolution des tensions de manière éthique au moyen d’un contrôle « pluri-acteurs ». À ce titre, il est expliqué que le modèle de la participation démocratique semble une solution de gestion efficace et innovante par rapport aux préoccupations engendrées par les publicités sexuelles. Une régulation sous forme de gouvernance (Boddewyn et Loubradou, 2009 et 2011) est en effet nécessaire, car la contrainte la mieux adaptée au phénomène des publicités sexuelles serait en réalité une combinaison s’appuyant sur des normes à la fois légales, sociales et professionnelles. Enfin, pour ce qui est de la meilleure façon de construire un contrôle pertinent, il appert que la seule manière d’arriver à un consensus légitime est la mise en place d’une action concertée. Plus il y a d’acteurs, plus il y a d’intérêts contraires, et plus un dialogue est indispensable pour rendre le contrôle efficace. L’éthique de la publicité sexuelle passe donc par une éthique de la discussion pour une décision plus adaptée et un débat plus éclairé.

19Pour conclure la recherche, l’analyse de résultats obtenus d’un focus group constitué d’acteurs issus du monde socioprofessionnel offre des repères pour la prise de décision en matière de publicités sexuelles et propose des conseils au régulateur et au professionnel.

Conclusion

20Ce travail de doctorat fournit un apport cognitif, théorique et pratique ainsi qu’un regard nouveau sur la question complexe des publicités sexuelles pour mieux comprendre et mieux réguler ces productions culturelles issues d’un contexte d’érotisation des sociétés. L’étude du sexe dans les médias est d’ailleurs un prétexte intéressant pour montrer l’importance et la nécessité d’une recherche interdisciplinaire et applicable, en adéquation avec les besoins sociaux et en constant dialogue avec la société et ses acteurs.

21Si cette thèse résout sûrement moins de problèmes qu’elle ne soulève de nouvelles questions, le but était de commencer à aborder les contenus sexuels médiatiques comme véritable objet de recherche. Ce travail n’avait pas pour visée d’épuiser le sujet, bien trop vaste, mais face au débat grandissant et au grand vide juridique et scientifique, il semblait nécessaire de faire le point sur ce phénomène qui reste incontestablement d’actualité. Cette thèse est donc une invitation à tenir plus de débats dans la communauté scientifique sur la question des publicités sexuelles et, de façon plus générale, sur le porno-chic et la décence médiatique.

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Notes

1 Les publicités sexuelles désignent donc ici un ensemble plus large que ce que recouvre la simple expression de « porno chic » utilisée en France à la fin des années 1990 et au début des années 2000 et qui qualifie un type de publicité particulier faisant appel à une hypersexualité violente et récupérant des codes de la pornographie pour promouvoir les produits de grandes marques de luxe, d’où le « chic ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Esther Loubradou, « Porno-chic et indécence médiatique »Communication [En ligne], Vol. 33/1 | 2015, mis en ligne le 14 février 2015, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/5171 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.5171

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Auteur

Esther Loubradou

Esther Loubradou est docteure en sciences de l’information et de la communication et membre du laboratoire LERASS de l’Université Paul Sabatier, à Toulouse. Cette note de recherche est tirée de ses travaux de thèse pour lesquels elle a obtenu une mention au Prix de la recherche de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) français. Courriel : eloubradou@yahoo.fr.

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