Paul RASSE, La rencontre des mondes. Diversité culturelle et communication
Paul RASSE (2006), La rencontre des mondes. Diversité culturelle et communication, Paris, Armand Colin.
Texte intégral
1C’est à un voyage à travers les âges et les régions de France que nous convie Paul Rasse, professeur à l’Université de Nice. Son ambition est grande : revoir l’histoire et même la préhistoire à travers le prisme de la communication, revisiter les acquis des pères de l’anthropologie, de l’ethnologie, de la sociologie et de l’économie politique à la lumière d’une approche culturelle et communicationnelle. Autant le dire tout de suite, le pari nous semble réussi. Son ouvrage se lit comme un roman, c’est assez rare dans nos lectures professionnelles pour être souligné. Comment l’auteur arrive-t-il à captiver son lecteur ? En parvenant à assumer simultanément des rôles très différents. Le premier que l’on peut citer est bien entendu celui d’historien. Commençant son parcours avec les primitifs-chasseurs-cueilleurs-nomades et le terminant avec l’homo technicus bardé de TIC, il réussit à brosser dans la première partie de l’ouvrage des tableaux de chaque époque qui s’articulent autour de thèmes clés : la différence, le terroir, la famille, la massification — de la société, de la consommation ou des médias —, la connectique et les réseaux.
2Cet ouvrage est aussi celui d’un scientifique, fruit de lectures nombreuses touchant à des thèmes très divers. La synthèse des grands auteurs est toujours difficile, surtout quand elle est accompagnée d’une relecture qui peut dénaturer l’original. Ce n’est pas le cas ici et les étudiants liront, par exemple avec bénéfice, les explications sur les raisons de la place primordiale occupée par l’inceste dans notre culture. Le lecteur perçoit aussi rapidement que c’est le citoyen, voire l’homme social et sensible, qui communique ses convictions et ses interrogations, qui s’intéresse aux questions concernant la place des cultures dans le monde globalisé. De nombreux exemples montrent un grand attachement à un terroir et une connaissance approfondie des problèmes afférents. Cette dimension n’entache en rien la distance nécessaire du chercheur par rapport à son objet de recherche, il éclaire juste le texte d’un sentiment de vécu de l’intérieur qui donne à la réflexion une force supplémentaire.
3C’est aussi un penseur qui prend position, loin des extrêmes, fréquents chez les intellectuels français sur ce thème. L’absence d’idéologie qui réduit l’autre camp à un mal absolu et qui fait que, dès les premières pages, on sait comment l’auteur va traiter tel ou tel aspect est appréciée. Paul Rasse a le souci permanent de faire la part des choses : ni complaisant avec la mondialisation, ni aveugle devant ses apports positifs, il évite en même temps toute diabolisation et tout refuge dans un passé dépassé. Il cherche le compromis, le moyen pour les cultures non seulement de subsister, mais aussi de féconder la mondialisation.
4L’auteur est également pédagogue par son style et son argumentation : il développe un plaidoyer pour l’altérité. S’appuyant aussi bien sur les apports du siècle des Lumières que sur ceux des anthropologues, il résume toutes les raisons que nous avons de favoriser l’acceptation de la différence. Il donne aux plus jeunes de ses lecteurs autant d’arguments pour étayer un sentiment qui est chez eux plus fréquent et plus naturel que chez leurs aînés, une ouverture au monde, que ce soit par le biais du voyage, de la culture, qu’elle soit musicale, gastronomique ou autre. On pourrait ainsi continuer la liste des rôles assumés consciemment ou non par l’auteur, notamment dans la deuxième partie consacrée à l’époque contemporaine : la description des problèmes posés par la mondialisation dans les villages amènent des propositions concrètes que ne renierait pas un homme politique, sa présentation d’événements comme les nuits techno pourrait être celle d’un journaliste qui publie une enquête approfondie dans un journal de la presse d’élite, son point de vue sur l’esthétisme face à la mondialisation, celle d’un artiste dans un manifeste lancé lors d’un grand événement artistique.
5L’intérêt majeur de ce livre est donc dans la capacité de l’auteur à assumer tous ces rôles exigeants, sans que l’un ou l’autre n’en souffre. Un seul regret : que le livre ait essentiellement un cadre de référence français. Certes, l’objet est essentiellement la France et ses origines latines, certes, quelques traductions sont présentes, mais à part le domaine de l’économie politique qui est plus largement ouvert aux apports anglo-saxons, les autres chapitres auraient pu prendre davantage en compte d’autres recherches, notamment les incontournables que sont les chercheurs de l’École de Palo Alto (toutes générations confondues) — comment parler de rencontres de cultures sans citer Hall — ou des auteurs européens comme Hofstede ou Trompenaars. Peut-être à l’occasion d’un futur ouvrage ?
Pour citer cet article
Référence papier
Philippe Viallon, « Paul RASSE, La rencontre des mondes. Diversité culturelle et communication », Communication, Vol. 25/2 | 2007, 293-294.
Référence électronique
Philippe Viallon, « Paul RASSE, La rencontre des mondes. Diversité culturelle et communication », Communication [En ligne], Vol. 25/2 | 2007, mis en ligne le 29 août 2012, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/396 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.396
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