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Recherches

Lire l’organisation scripto-iconique des sites politiques

Rania Adel

Résumés

Les sites Internet constituent un vaste champ de recherche pour les linguistes en général et les sémioticiens en particulier. L'auteur a étudié les modes de construction de la page d’accueil de deux sites politiques français, à savoir l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et le Parti socialiste (PS). Son but est de connaître les règles qui les régissent, les critères sémiolinguistiques auxquels elles obéissent et leurs principales composantes.

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Texte intégral

1Moyen de communication efficace permettant d’avoir un feedback rapide, les sites Internet sont de plus en plus exploités par les différents partis politiques pour améliorer leur image de marque et pour redorer leur blason, surtout au moment d’une crise.

2La présente étude constitue une analyse comparative de la page d’accueil des deux plus grands partis en France, à savoir l’Union pour un mouvement populaire (UMP), parti au pouvoir, et son principal concurrent, le Parti socialiste (PS). En fait, non seulement, les pages d’accueil

[…] forment une hyperstructure complexe reflétant l’organisation tant globale que détaillée du site, mais elles sont une carte de visite souvent décisive pour le bon succès de son exploration. D’où le soin extrême que prennent les concepteurs dans leur élaboration formelle et rédactionnelle (Bonhomme et Stader : 11-23).

3Nous allons essayer de répondre aux interrogations suivantes : quelles sont la scénarisation et l’organisation qui régissent le site Web en tant que mode de communication informatique asynchrone ? À quels critères sémiolinguistiques obéissent-elles ? Pourrions-nous prédire l’orientation politique du parti au vu de son site ?

4Par sa définition, le « site » est « [un] lieu de mise à disposition et d’appropriation de prestations, de services d’information, de communication, de travail, de divertissement » (Stockinger, 2005b). C’est un espace de présentation ainsi que d’interactions, une production le plus souvent collective contrôlée par ses concepteurs, où « la construction de l’interprétation se fonde sur l’articulation entre le contenu informationnel et les aspects formels. Nous distinguerons ces deux aspects bien qu’ils soient étroitement mêlés » (Beaudouin et Velkovska, 1999 : 146).

5En tant que produit numérique, les sites se caractérisent en principe par l’intégration des multimédias, l’interactivité avec le lecteur, l’abondance des hyperliens, l’actualisation et la mise à jour continuelles.

L’approche sémiolinguistique des sites politiques

6Le sémioticien Peter Stockinger fait la distinction entre ce qu’il appelle « scène » et « région », la première assurant une certaine unité de sens, alors que la seconde groupe les moyens utilisés pour réaliser la première. « En terme sémiotique ou sémiologique classique, la scène recouvre la problématique du signifié, du contenu, d’un signe qui est, dans notre cas, le site web, tandis que la région recouvre celle de l’expression du contenu du site et de sa réalisation » (Stockinger, 2005b).

7Partant, une scène peut comporter une ou plusieurs régions fonctionnelles, qui sont : (1) les régions à valeur paratextuelle définissant les frontières et l’identité d’un site Internet ; (2) les régions à valeur textuelle présentant l’objet du site à proprement parler (ses « prestations ») ; (3) les régions à valeur hypertextuelle permettant l’accès et la navigation au sein du site ; (4) les régions à valeur métatextuelle destinées aux aides en ligne, aux conseils et autres avertissements liés à l’utilisation du site ; (5) les régions à fonction péritextuelle permettant de situer et d’évaluer le site par rapport à un milieu pertinent de manière endogène, c’est-à-dire du point de vue du site lui-même ; enfin (6) les régions épitextuelles où le site est considéré de façon exogène, c’est-à-dire présenté tel qu’il apparaît en regard d’autres sites (Stockinger, 2005a).

8Et c’est du brassage entre ces différentes régions que naît le site Internet ou la page Web. Pour Stockinger, l’organisation générale d’un site Web répond, le plus souvent, à la forme générique suivante, dans laquelle chaque rectangle représente une scène (Stockinger, 1999) :

Schéma 1. Organisation générale d’un site Web

Schéma 1. Organisation générale d’un site Web

9Quant aux scénarios topographiques des scènes et régions les plus importantes figurant dans les deux sites, ils peuvent être schématisés comme suit :

Schéma 2. Scénario topographique du site de l’UMP

Schéma 2. Scénario topographique du site de l’UMP

Schéma 3. Scénario topographique du site du PS

Schéma 3. Scénario topographique du site du PS

Le scénario des scènes

10De ce qui précède, nous pouvons schématiser le scénario structural global des scènes les plus importantes de la page d’accueil des deux sites, notre sujet d’étude.

Schéma 4. Scénario des scènes du site de l’UMP

Schéma 4. Scénario des scènes du site de l’UMP

Figure 1. L’UMP

Figure 1. L’UMP

(Date de consultation : le 14 décembre 2010)

Schéma 5. Scénario des scènes du site du PS

Schéma 5. Scénario des scènes du site du PS

Figure 2. Le PS

Figure 2. Le PS

(Date de consultation : le 4 décembre 2010)

11De prime abord, la schématisation des deux sites est bien différente : la page d’accueil de l’UMP prend la forme d’un magazine qui peut être parcouru de gauche à droite et vice-versa, elle opte pour une schématisation horizontale, alors que celle du PS est plus traditionnelle puisqu’elle est verticale comme la plupart des sites Web.

12En effet, la page d’accueil de l’UMP comporte une barre de navigation horizontale permettant d’accéder aux scènes informatives suivantes : la présentation du parti, ses figures de proue, ses enjeux, un aperçu sur l’UMP ainsi que des scènes de services (adhérer, donner, rechercher).

13Néanmoins, la page d’accueil accorde plus d’importance à tout ce qui relève de l’actualité politique — qui étend son éventail sur la page à tout ce qui relate la naissance du parti et ses orientations politiques — et qui se trouve sous la forme d’hyperliens.

14À l’encontre du site du PS, le rédactionnel de la page d’accueil de l’UMP se limite aux titres des articles, qui figurent le plus souvent sur l’iconique. La scène (titre + image) constitue un hyperlien.

15De son côté, le site du PS comporte, également, une barre de navigation horizontale permettant à l’internaute de passer à des rubriques plus précises sur l’historique du PS, son équipe, ses idées, ses actions, son réseau ainsi que la salle de presse. Ce qui veut dire que la présentation du parti ne se fait pas d’une façon explicite sur la page d’accueil, mais se trouve à d’autres niveaux de lecture.

16Cela s’explique par le fait qu’« aux yeux des internautes curieux, une présentation purement descriptive des partis manquerait d’attrait et une sollicitation trop expresse à en devenir membre pourrait être perçue comme une agression territoriale, ayant un effet de repoussoir » (Bonhomme et Stader, 2006).

17Si une ressemblance entre le contenu de différentes scènes dans les deux partis se révèle — ce qui paraît normal du fait que les objectifs des deux pages d’accueil sont les mêmes —, qu’en est-il de l’expression de ces scènes, en l’occurrence les régions ?

Le scénario des régions

18Nous avons choisi d’étudier à fond les régions paratextuelles qui sont les régions les plus importantes et les plus visibles sur la page d’accueil ; et dans la volonté de pousser encore plus loin la conception du sémioticien Stockinger, nous avons préféré scinder les régions paratextuelles en trois subdivisions, à savoir les sous-régions rédactionnelles (concernant les textes), les sous-régions iconiques (relatives à l’image fixe) et finalement les sous-régions audiovisuelles (traitant les vidéos).

Les sous-régions rédactionnelles

19En ce qui concerne l’UMP, le rédactionnel est marqué par le dialogisme interlocutif qui prend la forme des verbes à l’infinitif « adhérer, donner, rechercher, s’abonner » ou à l’impératif « participez au débat, cliquez ici, visitez la e-boutique, signez la pétition, répondez à la question de la semaine ». Ce dialogisme tend à faire de l’internaute un partenaire dans la prise de décision, à sonder son opinion sur les sujets qui se trouvent sous le feu de l’actualité, à lui faire sentir qu’il est partie prenante des débats de l’UMP et que ses avis sont toujours pris en considération par le parti. Les questions adressées au lecteur en sont la preuve : « Quels sont, d’après vous, les points principaux sur lesquels notre système éducatif devrait faire des progrès ? », « Signez la pétition pour que 100 % des élèves maîtrisent les savoirs fondamentaux dès la fin du CE1 », « Répondez à la question de la semaine : le jury de cour d’assises peut-il prononcer à l’encontre d’un criminel de nationalité étrangère une peine complémentaire d’interdiction de territoire ? ».

20Le dialogisme interlocutif vise de même à pousser le lecteur internaute à lire l’intégralité du texte figurant sur la page d’accueil. D’où le recours à la consigne allocutaire « Lire la suite ».

21Les titres des différents articles ou rubriques n’échappent pas à la règle, ils établissent une relation avec l’internaute, en s’adressant directement à lui : « Soutenez l’UMP », « Le PS vous ment ». Ils traitent l’actualité politique nationale française plus que l’actualité mondiale. Ils cherchent à redorer le blason du parti, à énumérer ses succès, à valoriser ses actions et réussites dans les quatre coins de l’Hexagone et à présenter ses nouveaux responsables : « Corbeil-Essonnes et Noisy-Le-Sec, la majorité présidentielle l’emporte nettement », « Christian Jacob, nouveau patron des députés UMP », « Nicolas Sarkozy plaide pour la gouvernance mondiale ».

22Les titres nominaux prennent, dans une large mesure, le dessus sur les titres verbaux : « Un conseil national <sans tabou> », « Extranet des fédérations », « Présidentielle 2012 : « le Rassemblement Total » », « <L’égalité réelle> la nouvelle supercherie du PS », « FN = outrance, PS = laxisme ».

23Ils comportent des déictiques personnels (nous, nos, vous), temporels (2010, 2012) ou spatiaux (Bauné).

24Certains titres constituent des citations ou des parties de citations avec ou sans mention de l’énonciateur du discours direct : « Nous ne laisserons pas faire le sectarisme » (Jean-François Copé), « L’immigration illégale baissera ». Bien que nous ne connaissions pas l’énonciateur du discours cité de ce dernier titre, il est facile de le deviner : l’iconique, représentant le portrait du ministre Brice Hortefeux, vient dévoiler la personnalité de l’énonciateur. Ce qui signifie que, à l’UMP, l’iconique est complémentaire du textuel. C’est le cas également du titre « Pas de sujets tabous dans nos débats », qui est accompagné par la vidéo d’un entretien avec Jean-François Copé.

  • 1  L’UMP est le premier parti politique français en nombre d’adhérents, puisqu’il en revendique 236 3 (...)

25Outre le présent et l’impératif, le futur est l’un des temps qui ont fait leur apparition sur la page d’accueil : « Nous ne laisserons pas faire le sectarisme ». L’UMP, par l’usage de ce temps verbal, souligne sa bienveillance à l’égard de l’intérêt du peuple, sa capacité de prévenir les actions futures et sa détermination à posséder les rênes du pouvoir. C’est le seul parti apte à diriger la France. Il est le parti au pouvoir et il le demeurera. Dans le textuel, les invariants typographiques jouent un très grand rôle dans le site de l’UMP. En effet, tous les titres sont écrits en lettres majuscules et ont pour effet d’attirer l’attention du lecteur sur leur connotation. En plus, certaines parties du discours sont en gras ou en taille de caractères plus grande que celle de leur entourage. C’est le cas de la particule de négation « pas » soulignant la détermination du gouvernement à saper le sectarisme ; de l’attribut « militant UMP » qui accorde une connotation méliorative aux membres du parti, les présentant comme des combattants qui luttent pour leur patrie ; du groupe nominal « la gouvernance mondiale » qui donne une perspective universelle à la politique française prônée par le président Nicolas Sarkozy ; de la phrase « Le PS vous ment » visant à discréditer le parti d’opposition et à lui faire perdre ses sympathisants1.

  • 2  « Ancrant par avance la réception dans le discours, un tel dialogisme vise à compenser la dimensio (...)

26Quant au rédactionnel du PS, il traite en principe des actions du parti et des militants socialistes : à titre d’exemple, la position du parti par rapport à la Convention égalité réelle, ses idées sur l’éducation et la sécurité et, finalement, sa volonté de conscientiser les Français de la nécessité de s’inscrire sur les listes électorales. Il braque la lumière sur l’engagement ainsi que sur les actions du parti au sujet des événements du moment, en l’occurrence l’actualité surtout politique. Toutefois, la part du rédactionnel dans la page d’accueil du PS, bien qu’elle soit plus grande que celle de l’UMP, est relativement restreinte, le texte se limitant à un résumé semblable à un chapeau et le lecteur ne pouvant accéder à de l’information plus détaillée qu’en cliquant sur les liens proposés. À l’instar de l’UMP, le dialogisme interlocutif étend son éventail au rédactionnel2.

27Cela explique le recours à des verbes métacommunicatifs du genre « Adhérez au PS », « Soutenez le PS », « Agissons ensemble », « Contactez le PS », « Retrouvez le PS sur les réseaux », « Inscrivez-vous sur les listes électorales ». Si l’UMP a choisi comme consigne allocutaire « Lire la suite », le PS opte pour « En savoir plus », qui invite le navigateur à lire l’intégralité du texte figurant sur la page d’accueil. Comme dans le cas de l’UMP, les titres du rédactionnel constituent des hyperliens. Cela dit, le point essentiel dans un corpus électronique réside dans le fait que celui-ci renferme des liens permettant le déplacement ou le passage d’un texte vers un autre.

28La page d’accueil du PS s’adresse directement au visiteur du site, comme à titre d’exemple l’invitation lancée à tout lecteur potentiel à recevoir la newsletter du parti en enregistrant son courriel et son code postal, établissant ainsi une relation interpersonnelle.

29Au-dessous de la barre-sommaire, les textes suivent un ordre linéaire vertical, chacun comportant un titre et une photo. « Les titres jouent un rôle de synthèse de l’information, mais aussi d’accroche du visiteur et de cohérence structurale de la page » (Bonhomme et Stader, 2006).

30Ce faisant, les titres sont soit incitatifs (« Construisons ensemble la carte de vœux du PS pour 2011 »), soit informatifs (« Flambée de violence au Nigéria »). Ce qui laisse paraître des énoncés relevant des actes de langage directs (« À Cancún, l’Europe doit parler d’une seule voix », « Brice Hortefeux doit démissionner »), des énoncés anticipatifs (« On vote le 2 décembre »), des énoncés axiologiques avec des évaluatifs à la baisse (« Le gouvernement appauvrit la France ») et des énonciatèmes de refus (« Ne baissons pas les bras »), qui visent à faire agir les internautes. « Tous ces procédés répondent à une stratégie de sensibilisation empathique de l’internaute, cependant qu’ils établissent une proximité affective et intellectuelle avec lui, interpellé par des sujets qui le touchent peu ou prou » (Bonhomme et Stader, 2006).

31Les titres de la page d’accueil renferment souvent des déictiques personnels visant à mettre le parti et le lecteur dans la même sphère d’énonciation : « agissons », « retrouvez », « vous nous avez dit », le « projet que nous préparons », et d’autres spatio-temporels : « À Cancún, retrouvons l’Europe de Kyoto », « En France, c’est toujours plus d’expulsion ».

32Les titres sont soit des phrases nominales (« La carte des cantons renouvelables », « Inscription sur les listes électorales, le mode d’emploi », « Jean François Copé, toujours à la manœuvre contre la transparence »), soit des phrases verbales (« Pour s’exprimer, il faut s’en donner les moyens », « Brice Hortefeux doit démissionner », « Loppsi 2 : la droite ne sait plus penser la sécurité »).

33Certains sont des citations avec mention de l’énonciateur : « Martine Aubry dénonce les <coups de boutoir du pouvoir actuel contre la laïcité> », alors que d’autres ne mentionnent pas l’énonciateur : « <L’euro est en grand danger> », « L’industrie <au cœur du projet socialiste> ».

34Le deux-points s’utilise à plusieurs reprises pour mettre en relief le discours direct appelé aussi « références explicites ». Par exemple, « Martine Aubry : <le projet que nous préparons c’est notre patrimoine commun> », ou la phrase postposée « Universités permanentes : le programme est en ligne », « Égalité réelle : les propositions adoptées ».

35Les titres de la page d’accueil du PS n’exploitent que deux temps verbaux : le présent permettant d’actualiser le discours et l’impératif visant à attirer l’internaute.

36Néanmoins, nous avons relevé une redondance dans le rédactionnel du PS. À titre d’exemple, les quatre textes relatifs à la Convention égalité réelle sont chapeautés par des titres différents, séparément, sur la page d’accueil : « Convention égalité réelle : premiers résultats du vote », « Convention égalité : le jeudi 2 décembre, on vote », « Convention égalité réelle : ce que vous nous avez dit sur la coopol », « Convention égalité réelle : le texte soumis aux militants par le conseil national ».

37Les concepteurs du site exploitent sciemment les invariants typographiques à fort effet visuel ; ainsi, le titre « Derniers communiqués » est le seul à figurer en lettres capitales sur la page d’accueil, signifiant par là sa prédominance sur les autres titres.

Les sous-régions iconiques

38La dimension textuelle est cependant inséparable de l’iconique. La page d’accueil de l’UMP comporte l’emblème du parti en haut à gauche ; le nom du parti est affiché à deux reprises, une fois dans le logo et une autre fois en majuscules à côté de celui-ci. L’emblème du parti paraît dans divers endroits de la page d’accueil, parfois en noir et blanc, parfois en couleur. Il s’agit d’un pommier blanc au milieu d’un rectangle séparé en deux par les couleurs bleu et rouge.

  • 3  « Étant donné deux entités conceptuelles, […] il existe des facteurs qui tendent à focaliser l’att (...)

39La majorité des images sur la page d’accueil de l’UMP sont des photos des leaders du parti3.

40Cela n’empêche pas de relever d’autres images plus ou moins symboliques, comme le panneau de danger qui vise à avertir le lecteur des paroles non seulement erronées mais aussi mensongères du PS.

Figure 4. Panneau de danger

Figure 4. Panneau de danger

(Date de consultation : le 14 décembre 2010)

41Les images illustratives ne manquent pas de se trouver sur la page d’accueil du parti. Dans ce cas, l’iconique ne fait que représenter le thème de l’article, comme nous le voyons dans l’image suivante.

Figure 5. L'éolien

Figure 5. L'éolien

(Date de consultation : le 14 décembre 2010)

42Nous avons remarqué que l’iconique du site UMP mise le plus souvent sur la symbolique des valeurs nationales pour confirmer sa légitimité et sa suprématie en matière de sécurité, tel l’insigne de la police française.

Figure 6. La sécurité

Figure 6. La sécurité

(Date de consultation : le 8 janvier 2011)

43Plusieurs couleurs sont présentes dans le site de l’UMP où domine le bleu, une couleur froide qui connote la fraîcheur. Le logo du parti reprend les trois couleurs du drapeau français, affirmant ainsi sa légitimité d’un parti national. « C’est le parti légitime de la France et par la suite des Français ». Nous remarquons que les titres qui mettent en exergue l’UMP ou les citations de ses chefs de file figurent en blanc sur fond d’image ou en jaune, ceux qui critiquent une idée ou une politique socialiste alternent le rouge et le noir alors que les titres qui se réfèrent au mouvement écologique populaire empruntent le vert.

44Quoique le site ait comme fonction principale la mobilisation, la page d’accueil du PS ne comporte pas le nom du parti, mais uniquement le sigle et le logo (la rose au poing) en haut de la page, à gauche. « Opérant comme signature, le logo permet la personnalisation des partis et, par son caractère en principe connu, leur identification sans peine de la part des internautes. Exceptionnellement, il prend la forme d’un seul dessin, revêtant alors une nette fonction symbolique » (Denis et De Vega, 1993 : 97).

45Les images, principale composante esthétique de la page d’accueil, fixent le regard des internautes sur les responsables socialistes, dont la première secrétaire du PS et le président du PSE (Parti socialiste européen). Les conférences de presse des leaders du parti occupent la plus grande surface de l’iconique.

46À l’UMP, l’image est le plus souvent complémentaire du rédactionnel, alors qu’au PS, elle est une redite du titre du rédactionnel. Par exemple, les deux affiches « Inscrivez-vous sur les listes électorales avant le 31 décembre ! » et « Convention égalité réelle ».

Figure 7. Listes électorales

Figure 7. Listes électorales

(Date de consultation : le 4 décembre 2010)

Figure 8. Convention égalité

Figure 8. Convention égalité

(Date de consultation : le 4 décembre 2010)

47Dans ces cas, l’image a une fonction d’insistance et de mise en exergue et ne fait que reprendre le rédactionnel. Par contre, dans d’autres cas, elle a une fonction symbolique ou métaphorique : par exemple, l’image reproduisant l’emblème de la lutte contre le sida et accompagnant un texte de mobilisation du PS pour cette cause ou celle des urnes électorales accompagnant une incitation à participer aux élections.

  • 4  « Dans leur immense majorité, les pictogrammes sont des schémas qui ont été validés par une commun (...)

48Outre le logo et les affiches, les pictogrammes, avec toute leur portée sémiologique, trouvent place sur la page d’accueil du PS. Bien que lisibles, ils sont accompagnés de titres explicatifs4.

Figure 9. Adhérer, soutenir, contacter

Figure 9. Adhérer, soutenir, contacter

49Par ailleurs, « on observe une iconisation d’ensemble des pages d’accueil par la couleur qui relève du code plastique. La colorisation qui en résulte répond à deux objectifs. En premier lieu, elle amplifie sur la page l’identité visuelle des partis, surtout lorsqu’elle diffuse la couleur de leur logo » (Darras, 1998 : 92). Partant, les concepteurs du site du PS ont choisi d’exploiter la charge connotative de la couleur rouge. Le sigle du parti, le fond de la barre de navigation, certains titres (notamment ceux qui relèvent du dialogisme interlocutif), ainsi que les pictogrammes sont en rouge, une couleur chaude qui connote l’énergie. De plus, il symbolise la révolution socialiste, surtout depuis la Commune de Paris en 1871.

Les sous-régions audiovisuelles

50Les pages d’accueil renferment des documents audiovisuels qui renvoient à des moments forts sur lesquels le parti tente d’attirer l’attention du lecteur. Elles peuvent correspondre à des débats oraux ou à des conférences de presse des leaders des deux partis.

51En ce qui concerne les vidéos du parti au pouvoir, certaines sont regroupées dans une scène particulière intitulée UMP TV, alors que d’autres sont insérées au milieu de la page d’accueil.

Figure 10. UMP TV

Figure 10. UMP TV

(Date de consultation : le 8 janvier 2011)

52Sur le site du PS, certaines vidéos accompagnent les textes informatifs alors que d’autres sont groupées au bas de la page d’accueil. À titre d’exception, le discours d’un allocutaire, prononcé au cours d’une même conférence de presse, se trouve fragmenté en plusieurs séquences vidéo, en fonction du thème évoqué.

Figure 11. Conférence de presse

Figure 11. Conférence de presse

(Date de consultation : le 4 décembre 2010)

Conclusion

53Produit d’information sur le Web et principal leitmotiv de mobilisation, les pages d’accueil des sites telles que nous les voyons renferment une multiplicité de titres, de champs textuels et de champs visuels. Elles deviennent des vitrines pour les politiques de chaque parti et par là même un terrain fertile pour l’étude sémiolinguistique. Qu’il s’agisse du site l’UMP ou de celui du PS, les pages d’accueil s’intéressent plus à la monstration du « faire » des partis qu’à la monstration de leur « être ». Notre recherche avait pour but la mise en scène de l’information et le mode de construction du site. Nous croyons avoir suffisamment mis en évidence comment l’interactivité et le recours à l’actualité et aux multimédias constituent des procédés couramment utilisés dans les deux partis pour mettre l’accent sur leurs dirigeants, leurs idées politiques et leurs valeurs.

54Les pages d’accueil accordent une importance majeure au dialogisme interlocutif, ce qui paraît normal puisque l’un des objectifs des sites politiques est d’accroître le nombre et le soutien des adhérents et des sympathisants. Elles accompagnent l’information d’images et de vidéos afin d’accrocher l’internaute, ce qui vaut à ces textes l’appellation d’« iconotextes ». Les deux pages d’accueil sont le champ à la fois d’une concurrence et d’une complémentarité entre la communication verbale et la communication non verbale.

55Parce que les pages d’accueil « doivent en effet, dès leur apparition sur l’écran, accrocher l’intérêt de l’internaute par l’accessibilité de leurs liens, par leur visibilité, par leur lisibilité et par leur implication de celui-ci, tant communicative (dialogisme) qu’informative (mise en scène engageante de l’actualité) […] » (Bonhomme et Stader, 2006), chaque parti choisit une scénarisation qui traduit ses valeurs politiques. Les deux partis ont conçu, chacun, une page d’accueil qui privilégie la façon la plus conviviale de mettre en scène leurs prestations de services. L’analyse comparative des deux sites permet de retracer la segmentation des différents messages, linguistiques ou non, délivrés par l’UMP et le PS. Le site de l’UMP reproduit la maquette des magazines, avec des espaces aérés où l’iconique a la part du lion. De ce point de vue, il est plus innovant et dynamique que celui du PS. Celui-ci a choisi d’isoler les photos de la surface environnante, en l’occurrence le rédactionnel.

56Le tableau récapitulatif suivant résume les points de divergence entre les deux sites.

Tableau 1. Points de divergence entre les sites de l’UMP et du PS

Tableau 1. Points de divergence entre les sites de l’UMP et du PS

57Dans les deux cas, les sites exploitent les pouvoirs de conviction, d’évocation et de désignation des images. Les iconotextes déterritorialisent le texte en ce sens que les liens hypertextuels parsèment l’information dans différentes parties du site.

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Bibliographie

BEAUDOUIN, Valérie et Julie VELKOVSKA (1999), « Constitution d’un espace de communication sur Internet (forums, pages personnelles, courrier électronique) », Réseaux, 97, p. 146.

BONHOMME, Marc et Pia STADER, « Analyse sémiolinguistique des pages d’accueil des sites politiques suisses sur Internet », Revue Mots, les langages du politique [En ligne. no 80, p. 11-23. http://mots.revue.org/index484.html (Page consultée le 6 décembre 2010).

DARRAS, Bernard (1998), « L’image, une vue de l’esprit, étude comparée de la pensée figurative et de la pensée visuelle », Recherches en communication, 2, p. 92.

DENIS, M. et M. DE VEGA (1993), « Modèles mentaux et imagerie mentale » dans M. F. EHRLICH (dir.), Les modèles mentaux. Approche cognitive des représentations, Paris, Masson.

STOCKINGER, Peter (1999), « Scénarisation d’un produit d’information interactif », MSH, Inalco [En ligne. http://www.semionet.fr/ressources_enligne/p_stockinger/1999/SynoScena.pdf (Page consultée le 2 janvier 2010).

STOCKINGER, Peter (2005a), Les sites Web. Conception, description et évaluation, Paris, Lavoisier.

STOCKINGER, Peter (2005b), « Sémiotique et nouveaux médias », conférence La sémiotique des sites Web, organisée par le Laboratoire de sémio-linguistique, didactique et informatique (LASELDI) de l’Université de Franche-Comté [En ligne. http://www.semionet.fr/ressources_enligne/conferences/2005/conference_Besancon.pdf. (Page consultée le 2 janvier 2010).

Le Web

www.lemouvementpopulaire.fr (consulté les 14 et 30 décembre 2010)

www.parti-socialiste.fr (consulté les 4 et le 28 décembre 2010)

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Notes

1  L’UMP est le premier parti politique français en nombre d’adhérents, puisqu’il en revendique 236 341 le 20 novembre 2010.

2  « Ancrant par avance la réception dans le discours, un tel dialogisme vise à compenser la dimension fugace et aléatoire de la communication politique par Internet. De plus, il est fragile, dans la mesure où il repose essentiellement sur des actes incitatifs dont la satisfaction rétroactive n’est nullement garantie » (Bonhomme et Stader, 2006).

3  « Étant donné deux entités conceptuelles, […] il existe des facteurs qui tendent à focaliser l’attention sur certaines entités plutôt que sur d’autres. Par exemple, la focalisation est généralement privilégiée sur les objets animés plutôt que sur les objets non animés, sur les humains plutôt que sur les non humains, sur les personnages principaux plutôt que sur les personnages secondaires » (Denis et De Vega, 1993 : 97).

4  « Dans leur immense majorité, les pictogrammes sont des schémas qui ont été validés par une communauté d’usagers, ce qui leur a permis de se stabiliser durablement et parfois même de connaître une évolution vers les systèmes d’écriture. Les pictogrammes destinés aux grandes communautés sont directement issus du programme des propriétés figuratives du niveau de base, ce qui leur confère une grande lisibilité et une forte correspondance avec les saillances cognitives de la culture dont ils sont issus » (Darras, 1998 : 92).

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Table des illustrations

Titre Schéma 1. Organisation générale d’un site Web
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-1.png
Fichier image/png, 28k
Titre Schéma 2. Scénario topographique du site de l’UMP
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-2.png
Fichier image/png, 20k
Titre Schéma 3. Scénario topographique du site du PS
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-3.png
Fichier image/png, 36k
Titre Schéma 4. Scénario des scènes du site de l’UMP
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-4.png
Fichier image/png, 39k
Titre Figure 1. L’UMP
Légende (Date de consultation : le 14 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-5.png
Fichier image/png, 169k
Titre Schéma 5. Scénario des scènes du site du PS
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-6.png
Fichier image/png, 45k
Titre Figure 2. Le PS
Légende (Date de consultation : le 4 décembre 2010)
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Fichier image/png, 114k
Titre Figure 3. Brice Hortefeux et Jean-François Copé
Légende (Date de consultation : le 14 décembre 2010)
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Fichier image/png, 555k
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-9.png
Fichier image/png, 576k
Titre Figure 4. Panneau de danger
Légende (Date de consultation : le 14 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-10.png
Fichier image/png, 467k
Titre Figure 5. L'éolien
Légende (Date de consultation : le 14 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-11.png
Fichier image/png, 532k
Titre Figure 6. La sécurité
Légende (Date de consultation : le 8 janvier 2011)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-12.png
Fichier image/png, 514k
Titre Figure 7. Listes électorales
Légende (Date de consultation : le 4 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-13.png
Fichier image/png, 418k
Titre Figure 8. Convention égalité
Légende (Date de consultation : le 4 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-14.png
Fichier image/png, 396k
Titre Figure 9. Adhérer, soutenir, contacter
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-15.png
Fichier image/png, 402k
Titre Figure 10. UMP TV
Légende (Date de consultation : le 8 janvier 2011)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-16.png
Fichier image/png, 565k
Titre Figure 11. Conférence de presse
Légende (Date de consultation : le 4 décembre 2010)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-17.png
Fichier image/png, 278k
Titre Tableau 1. Points de divergence entre les sites de l’UMP et du PS
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/2736/img-18.png
Fichier image/png, 55k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Rania Adel, « Lire l’organisation scripto-iconique des sites politiques »Communication [En ligne], Vol. 29/2 | 2012, mis en ligne le 09 février 2012, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/2736 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.2736

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Auteur

Rania Adel

Rania Adel est maître de conférences à l’Université de Ain-Chams (Égypte). Courriel : raniaadel2000@yahoo.fr.

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