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Lectures

Laurent PETIT (2020), L’éducation aux médias et à l’information. Repenser l’approche critique

Fontaine, Presses universitaires de Grenoble
Edmondo Grassi
Référence(s) :

PETIT Laurent (2020), L’éducation aux médias et à l’information. Repenser l’approche critique, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble

Texte intégral

1Quel est l’effet du développement technologique sur la vie éducative de la population étudiante et non étudiante ? Quelles innovations permettent d’étudier d’autres perspectives dans le rapport à la connaissance et à l’information ? Par quels canaux et de quelles manières les connaissances seront-elles diffusées et versées dans le corps social ? Pour Berger et Luckmann (1969), la connaissance doit être interprétée comme l’héritage collectif d’une communauté de sujets qui partagent la réalité quotidienne, car elle est étudiée et comprise comme une construction sociale de leurs propres expériences, qui se jette dans le sens commun et dans laquelle nous pouvons constater que l’expérience biographique est l’une des composantes historiques qui subissent des processus d’objectivation, d’absorption et de stockage, ayant pour objectif la structuration d’une richesse sociale de connaissances à transférer de génération en génération, accessible à tout moment à l’individu pour compréhension, examen et réélaboration de la vie quotidienne. C’est à travers les récits que la personne parvient à réparer le tissu de sa réalité, en interprétant les actions et les entités comme des broderies interdépendantes : les liens entre les événements et leur matrice causale sont identifiés, tout comme les actions semblent motivées par les objectifs des individus (Grassi, 2021).

2La complexité des relations entre communication et médias et les modes de diffusion de l’éducation et de l’information sont le thème de l’ouvrage L’éducation aux médias et à l’information (2020) de Laurent Petit, dans lequel l’auteur propose des pistes de réflexion sur les affrontements et les perspectives scientifiques. L’objectif est de donner une vision large de ces enjeux en France et de décrypter les problématiques changeantes présentes dans le cadre de l’éducation et des médias (p. 9), en tenant compte de l’évolution du monde technoscientifique. La généalogie des médias — présente dans la première partie — est d’une grande valeur socioculturelle — dont elle ne propose pas une définition univoque des outils et des problèmes, mais devient nécessaire pour comprendre les trajectoires éducatives de ce domaine devenues irrégulières et divergentes, au point de proposer des perspectives théoriques applicables à l’époque contemporaine.

3Dans la société postmoderne, nous assistons à une évolution rapide des pratiques et outils technologiques et numériques, dont la croissance s’est produite à un rythme bien plus rapide que la capacité d’adaptation de la société et des individus. Ces avancées ont ouvert la voie à une plus grande collecte et une plus grande diffusion des connaissances sociales, avec un accent particulier sur l’accumulation de données massives, la diffusion de l’Internet des objets et l’essor de l’intelligence artificielle (Grassi, 2020). De telles innovations peuvent être considérées comme faisant partie intégrante du développement d’un secteur économique connu sous le nom d’« Industrie 4.0 » (Schwab, 2016).

4Dans la première partie de son ouvrage, Petit démontre cependant que pour comprendre ces phénomènes, il faut relocaliser l’éducation aux médias dans des espaces antérieurs à la numérisation, citant les mères et pères de la recherche dans ce domaine (Jacquinot, La Borderie, Gonnet), puisque « ces figures servent à rendre compte de quelques circonstances majeures de l’apparition de l’éducation aux médias, aujourd’hui l’éducation aux médias et à l’information en France » (p. 15). Dans ce cadre théorique se dessine le champ de recherche-action que l’auteur a choisi pour mener son examen : il faut redécouvrir et réactualiser une sémiotique des médias éducatifs (télévision, cinéma, appareils numériques) destinée à une population plus jeune, qui doit « recevoir une éducation aux médias, c’est l’école mais à l’extérieur » (p. 21), soulignant l’importance que revêt l’éducation à l’information sur le territoire français, notamment depuis la création du CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information). Cette approche aide le lecteur à réfléchir à la dimension émancipatrice de l’apprentissage, de l’éducation et de la formation de la personne et à la manière dont l’éducation elle-même ne transmet pas de connaissances en elle-même, mais est un champ d’action pour créer les conditions de sa propre production et de son transfert (Freire, 1973). Un autre mérite de ce travail réside dans la capacité de Petit à comprendre l’évolution et l’expansion de ce domaine d’études, en embrassant la « translittération » et les possibilités de croissance qu’elle offre, en voulant rassembler trois secteurs différents dans un même contre-espace structuré selon des approches méthodologiques distinctes, à savoir les médias, la documentation et les technologies de l’information. Cela souligne à quel point les médias jouent un rôle crucial dans le processus éducatif, puisqu’ils ne sont pas des outils neutres, mais des environnements dans lesquels les valeurs, les normes et les connaissances seront transmises aux futurs citoyens (Bourdieu, 1984).

5Avec l’institutionnalisation de l’éducation aux médias et à l’information par l’UNESCO et avec la reconstruction de la discipline dans le contexte politique français — pas toujours ouvert au « nouveau » —, Petit aborde les transformations culturelles qui démontrent comment l’éducation et les médias font effectivement partie d’un pluriorganisme qui nécessite de multiples sources de subsistance et des grammaires architecturales apparemment divergentes, mais qui convergent dans une géométrie radiale. L’ouvrage révèle également sa nature d’outil fonctionnel et essentiel pour une analyse politique et hautement institutionnelle pour la formulation, la compréhension et la diffusion de politiques publiques qui mettent en lumière les enjeux théoriques et pratiques des sociétés médiatiques dans lesquelles la communication et l’information, à travers une variété de canaux technologiques, sont un élément essentiel de la vie quotidienne et de sa représentation. Ce sont ces recherches qui conduisent à comprendre que l’éducation aux médias doit devenir une partie intégrante de l’éducation civique d’une personne. Cependant, ces progrès technologiques rapides soulèvent d’importantes questions liées à la société et à l’individu, notamment la nécessité de s’adapter à ces changements et de gérer les conséquences sociales et économiques qui en résultent. Le défi consiste à équilibrer le potentiel bénéfique de ces innovations en prêtant attention aux implications éthiques, à la vie privée et à l’équité sociale ainsi qu’en veillant à ce que le progrès technologique serve le bien-être humain.

6Le potentiel indiqué par le progrès technologique dans la société des algorithmes remet également en question le secteur de la formation académique, scientifique et de recherche, plaçant l’université devant un horizon éducatif nouvellement formé, qui nécessitera des intégrations et des supports ainsi que des approches remodelées dans le processus d’évaluation des politiques, des programmes et des événements qui peuvent apporter des éléments de renforcement à l’action publique (Moro, 2005). L’éducation et la connaissance ne peuvent pas être simplement réduites à des modèles scientifiques ou à des théories cognitives, car elles sont constituées non seulement d’énoncés dénotatifs, mais aussi de processus de faire, de devenir et d’imaginer, ce qui évite la déclinaison des technologies comme des outils qui ne portent qu’une « googlelisation » de connaissances universitaires (Selwyn, 2014). Ces aspects ressortent également dans le livre de Petit, qui prend une position critique à l’égard des manifestations socioacadémiques de l’ethnosémiotique et de l’économie politique de la communication fonctionnelle aux déclinaisons des questions scientifiques et politiques innervées dans ce débat (particulièrement l’idée de reconnecter les économies des industries numériques à la sémiotique des médias contemporains et à leurs registres de relations, démontrant la transdisciplinarité et le pluralisme universitaire). Pour mieux contextualiser cette hypothèse, Petit utilise l’étude de cas du moteur de recherche Google — à fort caractère heuristique —, car il est capable d’englober ce qui a été exposé jusqu’à présent mais, surtout, de devenir hypothétiquement un nouvel outil empirique pour l’analyse des activités de recherche quotidiennes menées tant par la population plus jeune que par le personnel enseignant, constituant ainsi un pont dialogique qui peut les relier.

7Petit soulève de multiples questions, trouve de nouveaux interstices à élargir, aborde les défis politiques, sociaux et culturels, démontrant comment l’éducation aux médias et la formation du corps social doivent bénéficier d’un espace public plus large de discussion transversale entre disciplines, institutions et citoyenneté.

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Bibliographie

BERGER Peter et Thomas LUCKMANN (1969), La realtà come costruzione sociale, Bologna, Il Mulino.

BOURDIEU Pierre (1984), « Espace social et genèse des “classes” », Actes de la recherche en sciences sociales, 52(1), p. 3-14.

FREIRE Paulo (1973), L’educazione come pratica della libertà, Milano, Mondadori.

GRASSI Edmondo (2020), Etica e intelligenza artificiale. Questioni aperte, Roma, Aracne.

GRASSI Edmondo (2021), « Narratives and life stories from the machine to the person », dans Gabriella PUNZIANO et Angela DELLI PAOLI (dir.), Handbook of Research on Advanced Research Methodologies for a Digital Society, Hershey, IGI Global-Publisher.

MORO Giuseppe (2005), La valutazione delle politiche pubbliche, Roma, Carocci.

SCHWAB Klaus (2016), La quarta rivoluzione industriale, Roma, FrancoAngeli.

SELWYN Neil (2014), Digital Technology and the Contemporary University. Degrees of Digitization, Milton Park, Taylor & Francis Ltd.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Edmondo Grassi, « Laurent PETIT (2020), L’éducation aux médias et à l’information. Repenser l’approche critique »Communication [En ligne], vol. 40/2 | 2023, mis en ligne le 16 décembre 2023, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/18303 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.18303

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Auteur

Edmondo Grassi

Edmondo Grassi est chercheur postdoctoral en sociologie générale, Université Télématique San Raffaele Roma. Courriel : edmondo.grassi@uniroma5.it

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