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Lectures

Marie-Ève MARTEL (2021), Privé de sens. Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information au Québec, préface de Monique DUMONT

Montréal, Éditions Somme Toute
Jean-Nicolas De Surmont
Référence(s) :

Marie-Ève MARTEL (2021), Privé de sens. Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information au Québec, préface de Monique DUMONT, Montréal, Éditions Somme Toute

Texte intégral

1Proposant une suite à son premier opus (Extinction de voix. Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale, Montréal, Somme Toute, 2018), Marie-Ève Martel, vice-présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, a publié l’une des premières monographies sur l’accès à l’information au Québec, quelques semaines avant le quarantième anniversaire de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Dans son premier essai, cette journaliste faisait prendre conscience du rôle primordial que jouent les médias régionaux dans la démocratie locale afin que tous les citoyens revendiquent et se réapproprient l’information de proximité.

2Dans sa préface, la journaliste Monique Dumont met surtout en relief les différentes stratégies qui permettent d’occulter l’accès aux documents émanant des administrations publiques, et partant les documents stratégiques. Elle abonde dans le sens de l’autrice, à savoir qu’il faut changer la culture organisationnelle du secret.

Dumont mentionne notamment que

« si l’article 9 de la Loi assure au citoyen le droit d’accès, il est édulcoré par toute une série d’articles qui, en pratique, ont pour effet de rétrécir souvent comme peau de chagrin l’accès aux documents publics » (p. 8).

3Si la préfacière et l’autrice avancent toutes deux que les organismes gouvernementaux ne communiquent pas de documents stratégiques, on peut s’étonner de lire que certains journalistes ont vu leurs demandes d’accès et les documents afférents publiés sur le site du gouvernement avant d’avoir eux-mêmes reçu les documents. D’autres se sont fait tirer le tapis sous les pieds par des médias concurrents, alors qu’ils avaient consacré plusieurs mois à leurs recherches.

4L’autrice puise ses exemples dans des cas d’accès à l’information plus ou moins étonnants, sinon parfois scandaleux, qui ont eu cours depuis 15 ou 20 ans dans l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, qui a célébré ses 40 ans en 2022.

5Dans cet essai, elle s’intéresse à l’envers de la médaille de la protection des renseignements personnels et de la vie privée : l’accès à l’information dans les organismes publics et l’intérêt public (p. 15, 29). Elle consacre de nombreuses pages à ces questions polémiques sans toutefois se pencher avec suffisamment d’exemples à l’appui non seulement sur les conséquences que peut avoir la communication de données sensibles sur les plans économique et stratégique, mais aussi sur les représailles que cela peut générer dans la vie privée.

6Les organismes publics qui refusent de communiquer évoquent notamment le fait qu’ils veulent éviter de se retrouver dans l’embarras si l’on apprenait qu’une dépense un peu frivole a été autorisée ou qu’un acte répréhensible a été commis (p. 19). Parfois, il est déclaré que le document n’existe pas (p. 60). Ou encore, des séances censées être publiques sont tenues à huis clos dans les organismes municipaux, avec interdiction d’accès à ceux qui ne sont pas riverains par exemple, ou alors le conseil municipal prend acte d’une décision de refuser de filmer ou d’enregistrer. Autrement dit, il interdit aux journalistes de faire leur travail. De plus, d’autres lois ont eu pour effet d’en circonscrire la portée ou même de soustraire d’autres lois au régime d’accès à l’information. L’autrice explique aussi que certains critères sont suffisamment flous pour mener à des refus qui n’auraient pas lieu d’être (p. 60), alors que ceux qui déterminent quelles organisations doivent se conformer à la loi sont si spécifiques que plusieurs instances n’ont pas à se soumettre au régime d’accès à l’information.

7Elle aborde également d’autres problématiques comme la pertinence de l’accès à l’information et la distinction entre vie privée et vie publique, en plus de s’intéresser aux prémices de la loi. Dans cette optique, le tout premier gouvernement du Parti québécois avait mis sur pied, en septembre 1982, la Commission d’étude pour une éventuelle loi d’accessibilité à l’information gouvernementale incluant les renseignements personnels que détient le gouvernement sur les citoyens (commission Paré). En a découlé la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, adoptée en juin de la même année.

8Sont aussi évoqués les propos de Jean Paré, le président de la commission ayant donné naissance à la Loi sur l’accès. Ce dernier se rappelle que, dès le départ, la transparence de l’État dérangeait certains mandarins qui, plutôt que de se soumettre à l’esprit de la nouvelle loi, ont tenté dès son premier souffle de la contourner :

Des fonctionnaires consciencieux m’ont appris qu’avant même l’adoption et l’entrée en vigueur de la Loi d’accès, quelques ministères et quelques sociétés et institutions publiques ont systématiquement procédé au reclassement et à la redéfinition de masses de documents pour les soustraire à l’application de la loi (p. 48).

9Martel oublie de mentionner l’incendie du Centre de préarchivages, rue Dalton, le 31 décembre 1981 et le fait qu’au moment où le Québec se rapprochait géostratégiquement de la France en 1964, Paré, attaché de presse de Paul Gérin-Lajoie, était associé de Bernard Mergler, l’avocat des felquistes au sein de l’antenne montréalaise de l’agence de presse cubaine Prensa Latina, dont le fonds d’archives à l’Université de Montréal était, quant à lui, interdit de copies et de photos. C’est dire que l’accès à l’information devrait l’être aussi pour ceux qui en ont édicté les règles.

10Après une analyse statistique des demandes de révision aux organismes, l’autrice conclut :

Néanmoins, le fait que la Commission doive, plus de 40 ans après sa création, intervenir dans un aussi grand nombre de dossiers chaque année démontre une fois de plus que le système actuel n’est pas optimal et que l’accès à l’information au Québec, tel que l’entendaient les créateurs de la loi, reste encore loin de leur vision d’un État transparent (p. 93).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Nicolas De Surmont, « Marie-Ève MARTEL (2021), Privé de sens. Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information au Québec, préface de Monique DUMONT »Communication [En ligne], Vol. 40/1 | 2023, mis en ligne le 28 août 2023, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/17560 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.17560

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Auteur

Jean-Nicolas De Surmont

Jean-Nicolas De Surmont est docteur en sciences du langage et chercheur et consultant indépendant. Il est l’instigateur de l’ASBL culturelle La Porte Dorée. Courriel : laportedoreeasbl@gmail.com

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