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Lectures

Géraud LAFARGE (2019), Les diplômés du journalisme. Sociologie générale de destins particuliers

Rennes, Presses universitaires de Rennes
Vincent Rogard
Bibliographical reference

Géraud LAFARGE (2019), Les diplômés du journalisme. Sociologie générale de destins particuliers, Rennes, Presses universitaires de Rennes

Full text

1Comme l’indique l’auteur dans son introduction, cet ouvrage part d’un double constat, celui de la dégradation des conditions d’emploi et de la multiplication des formations au journalisme. De fait, s’il est légitime d’interroger le système de formation dans son adaptation aux besoins, il l’est tout autant d’aller au-delà des statistiques pour analyser des trajectoires individuelles. Dans ce but, l’auteur exploite les données d’une enquête par questionnaire menée au début des années 2000 auprès d’étudiants en deuxième année d’école de journalisme. Trajectoire sociale et scolaire des étudiants, conception du métier et souhaits d’orientation, pratiques culturelles et positionnement politique formaient le corps du questionnaire. Partant de ces premières données, il a été possible de construire l’espace structuré socialement des écoles et de leurs étudiants. La situation professionnelle de ces derniers a ensuite été enregistrée sept ans plus tard au moyen de diverses sources (annuaires, réseaux sociaux, blogues de certains étudiants…). Enfin une dernière phase d’enquête en 2013 a consisté en des entretiens approfondis avec 34 étudiants qui faisaient partie de la cohorte initiale.

2L’ouvrage comporte trois parties équilibrées. La première dessine une triple hiérarchie des écoles de journalisme. L’analyse du public des écoles y fait ressortir le poids des instituts d’études politiques (IEP) et le goût des activités intellectuelles. Se caractériserait ainsi une entrée dans la formation par « la grande ou la petite porte ». L’intériorisation marquée par les étudiants de la réputation des établissements et de leur classement conduit ensuite à distinguer l’espace symbolique des écoles. C’est le monde scolaire, académique mais aussi plus globalement social qui conduit à une perception hiérarchisée. Il est aussi clairement démontré que la collecte d’information au préalable par les étudiants sur les écoles, mais aussi leur orientation finale sont influencées par le capital scolaire et l’investissement des familles. L’espace du public et l’espace symbolique ainsi décrits conduisent comme mécaniquement à celui des débouchés professionnels. S’inscrivant dans la suite des travaux de Bourdieu, l’auteur vérifie ainsi l’hypothèse d’une homologie entre l’espace de formation et celui des débouchés. Nourrie de tableaux et d’analyses statistiques, cette première partie met donc en évidence un système de reproduction sociale dont la prédestination n’est pas absente.

3Quels sont les facteurs qui influencent le fait d’être encore journaliste sept ans après la sortie de l’école ? Observe-t-on notamment des différences liées au genre dans le fait d’être resté journaliste ? Les positions professionnelles acquises sont-elles dépendantes du capital économique et social de départ ? C’est à ces questions et d’autres que la seconde partie de l’ouvrage s’efforce d’apporter des réponses. Parmi les thèmes abordés, retenons celui de la division sociale territoriale du travail journalistique. L’étude montre en effet le rôle déterminant de la possession de ressources scolaires pour l’accès aux médias nationaux de préférence aux médias régionaux. Les étudiants les mieux dotés en capital scolaire et économique sont bien, en effet, ceux qui ont le plus de chance d’exercer au sein d’un média national. La population d’étudiants de l’étude est celle qui a vu le développement du Web. Seulement 9 % exercent dans une rédaction Web, si bien que les tris croisés portent sur de faibles effectifs. Mais l’analyse confirme que l’accès au Web d’un média national reste dans une moindre mesure influencé par le capital scolaire et social. On note aussi que les étudiants de Bac + 3 et Bac + 5 y sont surreprésentés. Si l’emploi dans les rédactions Web est moins valorisé, l’auteur montre qu’il peut aussi s’inscrire dans une stratégie permettant par exemple d’accéder aux rubriques politiques.

4Une dernière partie de l’ouvrage s’appuyant sur les entretiens approfondis analyse les trajectoires sociales des étudiants. L’échantillon des étudiants interviewés se distribue autour des différents pôles de l’espace de public et de débouchés professionnels des écoles. C’est d’abord la trajectoire de quatre étudiants de la « grande porte » qui est analysée dans un premier chapitre. La transcription des entretiens permet de comprendre comment se sont forgées leur motivation initiale, mais aussi leurs aspirations futures. Le chapitre suivant porte sur plusieurs étudiants que l’auteur rattache à la petite et moyenne bourgeoisie. Leurs trajectoires montrent de fines variations sans contredire le modèle de reproduction sociale que veut illustrer Géraud Lafarge. On accompagne en quelque sorte dans un dernier chapitre les étudiants entrés par la « petite porte ». Certains d’entre eux quitteront le journalisme quand d’autres parviendront à se faire une place sans échapper parfois à des périodes de précarité. Tous les parcours de la formation à l’emploi qui sont retracés dans cette partie de l’ouvrage illustrent finalement la singularité de l’entrée dans la carrière et des ajustements subséquents.

5Comme le note pour conclure Lafarge, c’est bien « une sociologie des cas particuliers du possible que sont les destins individuels des étudiants du journalisme » qu’il a entreprise. Cette approche nous renseigne utilement sur les déterminants sociaux qui sont à l’œuvre, mais aussi sur la plasticité qui se manifeste ensuite. En définitive, cet ouvrage vient donc alimenter la réflexion sur une profession traversée par de nombreuses évolutions tant techniques que sociales. Il complète les études régulièrement commandées par les observatoires des métiers de l’audiovisuel et de la presse et confirme l’intérêt des études longitudinales permettant de suivre des cohortes d’étudiants.

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References

Electronic reference

Vincent Rogard, “Géraud LAFARGE (2019), Les diplômés du journalisme. Sociologie générale de destins particuliersCommunication [Online], Vol. 40/1 | 2023, Online since 28 August 2023, connection on 11 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/17553; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.17553

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Vincent Rogard

Vincent Rogard est professeur émérite à l’Université Paris Descartes. Courriel : vincentrogard@yahoo.fr

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