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Hors thème

Qu’est-ce qu’être authentique sur YouTube ? Une étude de réception des vlogues du type A Day in my Life

Valérie Reid

Résumés

Découlant des mutations contemporaines de l’exposition de soi, la question de l’authenticité se présente souvent dans les discours associés au contenu publié sur les réseaux socionumériques. Les influenceurs, influenceuses et les youtubeurs, youtubeuses la revendiquent et la présentent comme une valeur expliquant leur succès, alors que leurs détracteurs, détractrices la critiquent et la remettent en question. Mais à quoi faisons-nous vraiment référence lorsque nous parlons d’authenticité dans les échanges sur les réseaux socionumériques, et plus précisément sur YouTube? En sappuyant sur une revue de la littérature sur les vlogues et leur rapport à lauthenticité, ainsi que sur les résultats dune recherche réalisée au Québec portant sur laudience des vlogues de type A Day in My Life sur YouTube, cet article se donne pour objectif de formuler une définition du concept d’authenticité. La méthodologie est basée sur une complémentarité d’entretiens du type compréhensif, la recherche cherche à permettre une meilleure compréhension de ce qui est mobilisé lorsque le terme authenticité est convoqué à propos de la mise en scène de soi en ligne.

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Texte intégral

1Découlant des mutations contemporaines de l’exposition de soi, la question de l’authenticité se présente souvent dans les discours associés au contenu publié sur les réseaux socionumériques (Cassely, 2019). Les influenceur·euse·s et les youtubeur·euse·s la revendiquent et la présentent comme une valeur expliquant leur succès, alors que leurs détracteur·rice·s la critiquent et la remettent en question. Mais à quoi faisons-nous vraiment référence lorsque nous parlons d’authenticité dans les échanges sur les réseaux socionumériques, et plus précisément sur YouTube ?

2Dans le présent article, nous fournirons une définition du concept d’authenticité en nous appuyant sur les résultats d’une étude de réception réalisée au Québec, portant sur l’audience des vlogues du type A Day in my Life sur YouTube, ainsi que sur une analyse de la littérature. Les recherches sur les vlogues mettent fréquemment en avant l’importance de l’authenticité des vlogueur·euse·s (Balleys, 2017 ; Balleys et Coll, 2015 ; Aran-Ramspott, Fedele et Tarrago, 2018 ; Gumus, 2018). Toutefois, elles n’offrent aucune définition du concept et réalisent le plus souvent des analyses de contenu des vidéos en tant que telles. Ces études n’analysent donc pas directement ce qui « fait » l’authenticité des vlogues du point de vue des membres de l’audience. Elles ne donnent pas accès à leurs perceptions face à l’authenticité revendiquée des vlogueur·euse·s ni aux significations accordées à leur pratique de visionnement de vidéos sur YouTube. S’appuyant sur les réflexions et les pratiques de quatre participantes rencontrées à plusieurs reprises, l’étude de réception ici présentée vise donc à analyser ces thématiques.

3Nous débuterons en présentant une revue de littérature sur les vlogues et leur rapport à l’authenticité. La définition de l’authenticité par Romano (2020) ainsi que les concepts de réalisme émotionnel (Ang, 1985) et d’intimité (Berrebi-Hoffmann, 2009) seront ensuite mis en avant pour mieux saisir la multiplicité des qualités convoquées à travers ce terme. Nous détaillerons la méthodologie, basée sur une série d’entretiens du type compréhensif, pour finalement mettre en lumière ce que les résultats de notre recherche apportent à la compréhension de ce qui est mobilisé lorsque le terme « authenticité » est convoqué à propos de la mise en scène de soi en ligne.

YouTube, royaume d’authenticité ?

4Plateforme dominante pour accéder à du contenu de divertissement en ligne au Québec, YouTube est le deuxième média socionumérique le plus populaire auprès de la population adulte québécoise (Cefrio, 2018). YouTube s’inscrit dans le domaine du social media entertainment (SME) (Cunningham et Craig, 2017), une proto-industrie émergente caractérisée notamment par la professionnalisation de créateur·rice·s de contenu auparavant amateur·rice·s ainsi que par le développement et le déploiement de leur image de marque sur plusieurs plateformes. Cet environnement commercial, dans lequel travaillent les youtubeur·euse·s, se caractérise par des valeurs d’authenticité et de communauté (ibid.). D’une part, l’association du SME à la valeur d’authenticité s’appuie sur ses distinctions avec l’industrie médiatique traditionnelle, jugée « inauthentique » en raison de ses stratégies de production et de marketing basées sur la présence d’intermédiaires et d’« artifices » (ibid.). D’autre part, l’interactivité étant au cœur du SME, l’authenticité des créateur·rice·s de contenu est sans cesse mise à l’épreuve par leur audience, par une communauté pouvant interagir avec ces créateur·rice·s dans une relation (présumément) d’égal à égal (ibid.).

5La centralité de la question de l’authenticité au sein des recherches portant sur les pratiques et les usages d’Internet date cependant de plus loin que le développement des médias socionumériques comme YouTube ou du SME en général. Dès les années 2000, des études comme celles d’Allard et Vandenberghe (2003) et de Millette (2009) associent les pratiques expressives du Web social à la notion d’authenticité. Le paradigme expressiviste s’inscrit dans le contexte de la modernité tardive occidentale, caractérisée par la revendication de l’identité et la singularité de l’individu ainsi que par un idéal et une éthique de l’authenticité (Molénat, citant Taylor, 2014 ; Millette, op. cit. ; Allard et Vandenberghe, op. cit. ; Allard, 2007).

6À titre d’exemple, Allard et Vandenberghe (op. cit.) analysent les pages personnelles en s’appuyant sur le concept d’authenticité réflexive du philosophe italien Ferrara (1999). Tendance du Web du début des années 2000, les pages personnelles sont des sites Web habituellement hébergés gratuitement où l’internaute exprime sa personnalité, en assemblant, remixant et s’appropriant différentes formes culturelles, divers types de textes (Allard et Vandenberghe, op. cit.). Selon les chercheur·euse·s, l’authenticité réflexive permet de saisir la logique derrière cette forme d’autoreprésentation de soi, de mise en scène virtuelle du moi, de bricolage identitaire que représentent les pages personnelles (ibid.). La pratique des pages personnelles fonctionne sous la forme de validation entre pairs, de reconnaissance peer to peer (ibid.). C’est la singularité de l’individu (telle qu’exprimée sur sa page) ainsi que la concordance entre la personnalité de ce dernier et sa page personnelle qui sont jugées par les internautes, déterminant ensuite le degré d’exemplarité de l’individu en question (ibid.). « En tant que prétention à la validité expressive, l’authenticité est une prétention quasi artistique, soumise non pas à un “jugement déterminant”, mais à un “jugement réfléchissant” » (ibid., p.215). La relation étroite entre authenticité et reconnaissance par les pairs, ou la communauté, marque donc également ce type de mise en scène numérique.

7Les podcasts indépendants et les blogues constituent deux autres modes d’expression médiatisés du début des années 2000 se distinguant, dans les recherches à leur sujet (Marwick, 2013 ; Millette, op. cit.), par leur rapport à l’authenticité. Dans les deux cas, l’authenticité associée aux contenus générés par les utilisateur·rice·s est envisagée comme ce qui permet de les distinguer des productions de masse traditionnelles.

8D’abord, Millette (op. cit.) identifie l’authenticité comme un aspect essentiel de la pratique des podcasters indépendants et du système de valeurs la gouvernant, comme la base à partir de laquelle se déploient d’autres caractéristiques prédominantes telles que la personnalisation et le « fait maison ». La personnalisation se constate notamment dans les thèmes des discussions, le langage familier des podcasters ainsi que l’établissement de liens avec la vie quotidienne de ces dernier·ère·s (ibid.). Le « fait maison » se rapporte davantage à la forme et aux éléments techniques du podcasting, en lien par exemple avec l’utilisation d’équipements amateurs ou semi-professionnels (ibid.). Par ailleurs, les podcasters partagent souvent leurs problèmes techniques avec leur audience et gardent au montage les bafouillements ou fautes linguistiques commises, le tout participant à l’amoindrissement des « coulisses » (Goffman, 1973, cité dans ibid.) de leur activité. Les podcasts indépendants se caractérisent par une transparence communicationnelle et technique, s’éloignant des normes des productions traditionnelles de masse (ibid.). Par ailleurs, cette valorisation de l’authenticité, de la transparence et de la personnalisation implique une relation de proximité par rapport au contenu produit, typique de celle de l’amateur·trice envers sa production.

9Ensuite, dans son article sur les blogues de mode et de style de vie, Marwick (op. cit.) souligne que l’authenticité apparaît comme un critère permettant de différencier les « bons » blogues des « mauvais ». À partir d’entretiens avec 30 participant·e·s (blogueur·euse·s), la chercheuse se penche sur la signification plus précise de l’authenticité de ce type de blogueur·euse·s. Elle y identifie trois aspects centraux : une expression de soi véridique (truthful self-expression) de la part du ou de la blogueur·euse, une connexion et une réactivité à l’audience ainsi qu’un engagement dit « honnête » avec les compagnies promues dans leurs publications. En d’autres mots, le ou la blogueur·euse doit rester fidèle à ses préférences (en matière de styles vestimentaires, par exemple), partager de manière honnête des informations personnelles et s’exprimer de manière « naturelle », participant à la création d’un lien affectif, être disponible pour échanger avec les autres internautes, développant une relation de proximité avec ces personnes, ainsi que promouvoir un produit seulement s’il est vraiment apprécié. L’étude de Marwick introduit donc une préoccupation majeure liée à l’authenticité, soit l’aspect commercial de l’activité des créateur·rice·s. De plus, elle met en avant l’importance du lien affectif dans la relation unissant les internautes.

  • 1 Les individus partagent simultanément à quoi ils ressemblent, ce qu’ils pensent et comment ils se s (...)

10Le vlogue (contraction de « vidéo » et de « blogue ») apparaît comme un dérivé du blogue, le surpassant aujourd’hui en popularité, et directement associé à la plateforme YouTube. Filmés, édités puis mis en ligne par les youtubeur·euse·s, les vlogues désignent les vidéos présentant ces derniers dans leur vie de tous les jours, accomplissant leurs activités quotidiennes tout en s’adressant à leur caméra, de manière naturelle (Himma-Kadakas et al., 2018). Sanchez-Cortes et al. ajoutent : « […] people simultaneously share what they look like, what they think, and how they feel 1» (2015, p. 2). Ce phénomène témoigne des pratiques expressives des internautes et de la logique de rapports horizontaux, associées au Web social (Allard, op. cit. ; Proulx, Milette et Heaton, 2012) : les utilisateur·rice·s de la plateforme peuvent s’abonner aux chaînes des youtubeur·euse·s, « aimer » les vidéos ou encore publier des commentaires, auxquels les vlogueur·euse·s peuvent répondre par la suite.

11Pour réaliser cette revue de littérature, nous nous sommes penchées sur les recherches portant spécifiquement sur les vlogues sur YouTube et la notion d’authenticité. Cet exercice a permis de relever quatre thèmes centraux, faisant parfois écho aux propos soulevés plus haut concernant les podcasts indépendants et les blogues : le modèle de relation entre le ou la vlogueur·euse et les membres de l’audience, le mode d’énonciation des vlogueur·euse·s, les techniques de montage ainsi que les réserves et critiques adressées à la revendication d’authenticité.

12Tout d’abord, la relation particulière se développant entre les vlogueur·euse·s et leur audience revient fréquemment pour expliquer le phénomène des vlogues et l’engouement autour de ces vidéos. Se présentant comme des personnes ordinaires et filmées sans intermédiaire, les youtubeur·euse·s partagent plusieurs aspects de leur vie personnelle sur leurs vlogues, créant un sentiment de proximité avec leur audience. Les youtubeur·euse·s sont souvent des adolescent·e·s ou des jeunes adultes, discutant d’expériences personnelles et de sujets qui intéressent également l’audience, proche en âge. À travers des discussions autour de sujets personnels, certain·e·s youtubeur·euse·s demandent des conseils à leurs abonné·e·s, comme s’ils·elles s’adressaient à des ami·e·s. Pour ces raisons entre autres, le contenu des vlogues est considéré comme plus près de la réalité vécue par l’audience que celui présenté à la télévision.

  • 2 La seule possibilité d’interaction (plutôt que l’interaction en tant que telle) est suffisante pour (...)

13La relation de proximité et le développement d’une connexion avec l’audience se construisent également sur l’accessibilité et la disponibilité du ou de la youtubeur·euse (Jerslev, 2016 ; Hou, 2018). Ces qualités s’établissent notamment à travers les interactions fréquentes avec les abonné·e·s (dans la section commentaires ou sur d’autres médias socionumériques, par exemple) et un rythme régulier et fréquent de publication. Selon Balleys et al., « the possibility of interaction is enough to provide the feeling of engaging in a privileged relationship, even if is it an unfulfilled one2 » (2020, p. 6). En ce sens, plusieurs auteur·rice·s distinguent cette relation de celle qu’entretiennent les célébrités des médias traditionnels avec leurs fans (Balleys et al., op. cit. ; Rosenlund et Jorgensen, 2018). Par ailleurs, le nombre d’interactions constitue une indication de la popularité des youtubeur·euse·s sur la plateforme. La participation active ou passive des abonné·e·s s’avère essentielle à la renommée des vlogueur·euse·s (Cocker et Cronin, 2017).

14De plus, le mode d’énonciation du ou de la youtubeur·euse participe à la création d’une proximité avec la vie « ordinaire », s’éloignant du formalisme associé à la télévision et la radio. Cunningham et Craig (op. cit.) pointent le discours rapide et familier des vlogueur·euse·s ainsi que la présence de références et de blagues visant les initié·e·s du « monde » des youtubeur·euse·s, d’interpellations spontanées, d’expressions inventées, d’adresses directes aux membres de l’audience et d’erreurs linguistiques (Jerslev, op. cit.). Ce langage conversationnel, semblable à celui utilisé lors d’une communication en face à face, s’éloigne des conventions de langage des animateurs de radio ou de télévision (Frobenius, 2011). Cet aspect se rapproche de la « mobilisation d’un régime de familiarité » par les podcasters indépendants (Millette, op. cit.).

  • 3 En indiquant clairement qu’il réalise le montage (et à quels moments dans la vidéo), il admet une p (...)

15Selon Cunningham et Craig (op. cit.), les techniques de montage et de cadrage jouent un rôle important dans la création de l’esthétique de ces vidéos, offrant encore une fois une impression de proximité. Le ou la vlogueur·euse regarde souvent directement la caméra, et les extraits sont mis ensemble de manière à créer une cohérence narrative. Les styles de montage des vlogues varient toutefois d’un·e vlogueur·euse à l’autre, chaque personne donnant une ambiance singulière, personnelle aux vidéos. Rosenlund et Jorgensen relèvent le style particulier de montage du youtubeur américain Jake Paul (ajout d’éléments visuels, modifications sonores), qui souligne le caractère construit, puisqu’édité, de ses vidéos : « By making it clear that he is editing (and where), he is admitting to inauthenticity, which makes him more trustworthy and therefore more authentic3 » (op. cit., p. 84). Le youtubeur renonce ainsi à la prétention de représenter la « réalité » par les vlogues et crée une sorte de connivence avec ses abonné·e·s. De cette façon, Jake Paul mise sur le développement d’une « connexion authentique » avec son audience basée sur la confiance, plutôt que la présentation d’une « réalité » authentique (ibid.). Certain·e·s vlogueur·euse·s parsèment même leurs vidéos de sketches et d’improvisations, pour créer un fil narratif jugé plus intéressant, palpitant, pour leur audience (ibid.).

  • 4 Les vlogues ne sont pas aussi authentiques qu’ils ne le paraissent : ce sont des performances réali (...)
  • 5 Tout est mis en scène, créant l’impression qu’il s’agit d’une conversation privée entre ami·e·s, co (...)

16Plusieurs chercheur·euse·s critiquent la valeur d’authenticité des vlogues. Rosenlund et Jorgensen parlent de performance : « […] vlogs are not as authentic as often they appear, rather they are performances made by amateur or professional entertainers4 » (ibid., p. 71). De son côté, Hou (op. cit.) affirme que les vlogues présentent plutôt une mise en scène d’authenticité. S’appuyant sur Goffman, il critique la façon dont les vlogues donnent faussement l’impression d’accéder aux « coulisses » d’un individu. Le même constat est effectué par Balleys et al. (op. cit., p. 2-3), se basant aussi sur les travaux fondateurs de Goffman : « Everything is staged, creating the impression that this is a private conversation between friends. It is as if the YouTuber is present within the same time and space as their audience and confiding in them 5». Cela dit, les membres de l’audience ne sont pas dupes : ces personnes savent que ce qui est présenté dans les vlogues n’est pas la « réalité » (Rosenlund et Jorgensen, op. cit.). D’une part, celle-ci est filtrée par une sélection d’information, puis éditée par un travail de montage bien réfléchi (ibid.). D’autre part, les motivations professionnelles et économiques des youtubeur·euse·s peuvent nécessairement influencer leurs façons de se présenter dans les vidéos. Cet aspect rejoint, d’une certaine façon, la préoccupation soulevée par les participant·e·s de la recherche de Marwick quant à l’endossement, par les blogueur·euse·s de mode, de marques ou de produits. L’institutionnalisation de YouTube (Hou, op. cit.) amène à examiner d’un angle différent la question de l’authenticité.

17Comme mentionné plus haut, la majorité de ces recherches sur les vlogues et l’authenticité sont des analyses de contenu ou de discours qui révèlent l’importance de la relation de proximité entre l’audience et les vlogueur·euse·s ou qui pointent vers l’idée de la sincérité. Par ailleurs, si quelques études se penchent sur les perceptions des audiences sur YouTube (Gumus, op. cit. ; Fred, 2015 ; Munnukka et al., 2019 ; Millerand et al., 2018 ; Aran-Ramspott, Fedele et Tarrago, op. cit. ; Westenberg, 2016), celles-ci s’intéressent souvent strictement aux adolescent·e·s, en abordant des thématiques comme le contrôle des parents face au temps passé à l’écran ou la socialisation juvénile.

18Il convient donc de clarifier le concept d’authenticité, conceptuellement et dans ce qu’il signifie pour les abonné·e·s qui consultent ces contenus. Notre recherche entend y contribuer en étudiant les perceptions des jeunes adultes québécoises visionnant fréquemment des vlogues. En effet, 84 % des jeunes de 18 à 24 ans visionnent des vidéos en ligne sur des plateformes comme YouTube (Cefrio, op. cit.). Pourtant, les jeunes adultes sont peu questionné·e·s sur le sujet, les recherches sur YouTube s’intéressant davantage aux adolescent·e·s.

L’authenticité, un terme polysémique nécessitant conceptualisation

19Comme déjà souligné, cette recherche est une étude de réception. Elle vise ainsi à donner la parole aux publics et à comprendre l’univers de signification entourant leur pratique et le contexte de réception (Dayan, 1992). Cependant, en vue de mieux faire sens du riche univers sémantique qu’ils associent à l’authenticité, un travail conceptuel s’avère utile. En raison de sa complexité et de sa relativité, le concept d’authenticité est vulnérable à la critique (Tolson, 2010). Sa mobilisation dans la recherche s’accompagne souvent d’un manque de clarté conceptuelle (Vannini et Franzese, 2008). La signification de l’authenticité dans le contexte des sociétés occidentales contemporaines sera d’abord présentée, notamment sur la base des réflexions de Romano. Le caractère socialement construit de l’authenticité sera ensuite relevé (Grazian, 2012), suivi de sa conception comme une image de marque (Banet-Weiser, 2012). La mise en avant de deux notions connexes, le réalisme émotionnel et l’intimité, permettra d’approfondir les dimensions variées de l’authenticité.

20Dans les sociétés occidentales contemporaines et les théories de l’identité moderne, l’authenticité correspond globalement, pour Martuccelli et de Singly (2012), à l’affirmation de sa singularité en tant qu’individu. Plus précisément, l’authenticité se rapporte à deux attitudes, liées l’une à l’autre : « […] vivre en conformité avec ses principes mais aussi avec ses aspirations en général, ses goûts, ses préférences, ses talents, ses réactions affectives » et « se présenter aux autres d’une manière qui soit fidèle à ces mêmes principes, aspirations ou réactions affectives, et ne pas chercher à les travestir » (Romano, op. cit., p. 43). Ces attitudes caractérisent-elles, selon les participantes à la recherche, les vlogueur·euse·s qu’elles jugent authentiques ?

21Selon Romano, il s’agit en fait d’un idéal, au même titre que celui de sagesse dans le monde antique, lié à « réaliser une vérité dans sa vie elle-même, ou de se rendre soi-même conforme à la vérité » (ibid.). Ou, en d’autres mots, d’exister conformément à notre être, et ce, dans sa forme individuelle dans le cas de l’idéal de l’authenticité (ibid.). Les deux idéaux n’ont de sens que s’ils sont compris comme des « dispositions permanentes » (ibid., p. 41) : autrement dit, ils doivent être appliqués à l’ensemble des conduites et manières d’être d’un individu. Être authentique est une qualité qui s’étend à l’existence de l’individu dans sa totalité, touchant ses principes, idéaux, sentiments, désirs, préférences, valeurs, goûts personnels et aspirations (ibid.). Par ailleurs, cet aspect participe à distinguer l’authenticité du concept de sincérité, se définissant comme une simple vertu morale reposant sur l’action de dire la vérité, indépendamment de ses croyances et principes éthiques (ibid.). Par exemple, un individu « authentique » peut taire la vérité pour sauver quelqu’un d’innocent (donc ne pas être sincère), si cela s’inscrit, dans ce contexte précis, en accord avec ses principes ou croyances (ibid.). De manière semblable, l’authenticité se situe dans un domaine plus vaste que celui de l’intégrité (associé aux principes éthiques), en prenant en compte des valeurs plus personnelles liées à l’identité, comme le goût et le développement de ses aspirations (ibid.). En somme, il n’est pas suffisant pour un·e vlogueur·euse authentique de respecter ses valeurs morales et ses principes éthiques, il·elle doit également respecter ses goûts, ses aspirations personnelles et ses réactions affectives, et ce, en tout temps, dans l’ensemble des sphères de sa vie.

22De son côté, Grazian (op. cit.) insiste sur le côté socialement construit de l’authenticité et la variation de sa signification d’une époque à l’autre. En s’appuyant sur les théories goffmaniennes de stratégies de gestion de l’impression ainsi que sur les concepts d’avant-scène (frontstage) et de coulisses (backstage), il rappelle que toute interaction est une performance. Lorsque les individus croient à leur propre performance, celle-ci est sincère ; lorsqu’ils sont conscients qu’ils tentent de faire bonne figure, celle-ci est cynique (Goffman, 1959, cité dans Grazian, op. cit.). À ce sujet, Romano (op. cit., p. 54) mentionne qu’une revendication d’authenticité implique « trop de recherche d’effets », une attitude qui cherche « à faire croire à autrui », ce qui s’éloigne de l’idéal en tant que tel. Dans un même ordre d’idée, dans son article sur les usages de Twitter, Domenget (2012) oppose l’authenticité à une visée stratégique, instrumentale, liée par exemple à des pratiques d’autopromotion et de gestion d’audience.

23Banet-Weiser (op. cit.) pousse la réflexion plus loin par rapport au lien entre l’authenticité et la stratégie (dans ce cas, économique) en abordant la question d’image de marque, la marchandisation et le capitalisme sous sa forme actuelle. Selon l’autrice, la culture de marque est tellement imbriquée dans toutes les sphères de la société que même l’authenticité peut être considérée comme une marque. Dérivant des conceptions de l’authenticité de penseurs comme Rousseau, Marx et Thoreau, les rares espaces jugés encore authentiques sont ceux qui ne sont pas liés au matériel et au commercial. Banet-Weiser rejette cependant cette opposition « trop simple » (« too simple ») entre commercialisation et inauthenticité et insiste plutôt sur le concept d’ambivalence pour appréhender la question (ibid., p. 11). Selon cette vision, l’authenticité et les impératifs économiques peuvent dans certains cas être exprimés de manière simultanée et cohérente (ibid.). Cette idée rappelle les résultats de la recherche de Marwick (op. cit.) sur les blogues de mode.

24Pour bien comprendre ce à quoi les participantes de cette recherche portant sur les vlogues font référence lorsqu’elles parlent d’authenticité, les concepts de réalisme émotionnel et d’intimité sont pertinents. D’une part, il est possible de dresser un parallèle entre le réalisme émotionnel et l’impression de proximité avec la vie « ordinaire » associée aux vlogues. Dans son étude de réception sur la série télévisée américaine Dallas, Ang (op. cit.) se penche sur la question suivante : pourquoi les fans de Dallas louangent-il·elle·s le réalisme de la série, alors que celui-ci est justement décrié par ses détracteur·rice·s, pointant la présence de stéréotypes et d’exagérations ? Au même titre que sur YouTube, une valeur positive est accordée au « réalisme » de la série. À quoi ce « réalisme » fait-il référence ? Selon Ang, diverses réponses sont possibles : le réalisme d’une série repose, d’un·e participant·e à l’autre, sur un contenu « reconnaissable », « normal », probable et cohérent, ou alors sur sa concordance avec la réalité des gens ordinaires (ibid., p. 35). De son côté, l’irréalisme correspond à une simplification ou à une exagération de la réalité (telle que vécue à l’extérieur de la série), à la production d’une image tordue de la vie réelle. Autrement dit, pour certain·e·s, les stéréotypes et les clichés présents dans la série font que celle-ci soit jugée irréaliste.

  • 6 Les situations concrètes et les complications sont envisagées plutôt comme des représentations symb (...)
  • 7 Ce qui est reconnu et admis comme réel ne se rapporte pas à la connaissance du monde, mais plutôt à (...)

25À la suite de l’analyse du discours des fans, Ang réalise que les fans appréciant Dallas pour son réalisme se basent sur un niveau de lecture alternatif à la conception du réalisme empiriste. Si la série n’est sans doute pas réaliste au niveau narratif et dénotatif, c’est au niveau connotatif que les fans la jugent réaliste. « The concrete situations and complications are rather regarded as symbolic representations of more general living experiences6 » (Ang, op. cit., p. 44). Pour les fans, la série témoigne d’un réalisme émotionnel, en mettant l’accent notamment sur le caractère fluctuant des sentiments ressentis par les personnages, sur leurs expériences répétées et contradictoires de hauts et de bas. « What is recognized as real is not knowledge of the world, but a subjective experience of the world, a “structure of feeling”7 » (ibid., p. 45). En d’autres mots, la représentation de la variété et du mouvement des émotions ressenties par les personnages permet aux membres de l’audience de tisser des liens avec leur propre réalité. Dans sa recherche portant sur l’évaluation du réalisme des productions médiatiques (comme les films), Hall (2003) note également le recours des participant·e·s au réalisme émotionnel pour expliquer leur engagement et leur connexion avec les personnages de film, qui réalisent pourtant des actions improbables. Est-ce que ce même raisonnement est partagé par les individus visionnant fréquemment des vlogues ? La présence d’un réalisme émotionnel dans les vlogues participe-t-il à la connexion et à l’impression d’authenticité se dégageant de leurs créateur·rice·s ?

26D’autre part, les discours sur l’authenticité et sur la mise en visibilité de soi sur Internet abordent souvent la question de l’intime ou de l’intimité. En filmant leur domicile et en partageant des témoignages intimes, liés par exemple à l’image corporelle ou à la sexualité (Balleys, 2019 ; Rogan et Budgeon, 2018), les youtubeur·euse·s s’inscrivent en continuité avec la télévision de l’intime (ou télévision relationnelle) développée dans les années 1980 (Mehl, 2008). Une lecture négative de la publicisation du privé et du partage d’expériences intimes, associés au triomphe de l’exhibitionnisme, du voyeurisme et de la banalité, revient fréquemment dans le discours sur la télévision relationnelle et les médias socionumériques. L’intimité est aussi parfois considérée négativement comme une « monnaie visant le gain d’audience » (Balleys, 2019, p. 134).

27Il convient de se questionner la place de ces notions dans l’évaluation de l’authenticité des vlogueur·euse·s par les membres de l’audience. S’appuyant sur Ricœur (1988), Latzko-Toth et Pastinelli (2013) rapportent l’intimité à ce qu’autrui, dans sa position extérieure, ne peut voir ou saisir de l’expérience et de l’identité d’un individu. Un individu contrôle le partage de son intimité et peut décider de la partager en l’exprimant à une autre personne. « L’intimité relève a priori de la vie privée, mais l’individu concerné peut choisir de la rendre publique, en l’exposant » (Berrebi-Hoffmann, op. cit., p. 156). La notion d’intimité est donc étroitement liée aux sphères du privé et du public ainsi qu’à leurs frontières, qui évoluent selon les époques et les traditions nationales (Berrebi-Hoffmann et Saint-Martin, 2016).

28Les réflexions de Berrebi-Hoffmann (op. cit.) permettent de préciser ce que signifie plus concrètement l’intimité et de la distinguer de celle de l’intime. Selon les époques, l’intime (plus large que l’intimité) comprend les catégories suivantes, allant du « privé le plus social au privé le plus individuel » (ibid., p. 11) :

le familier (en référence à ce qui est partagé avec un groupe de proches), le caché (ce qui échappe à la vue, comme le corps et les relations sexuelles, qui peut se partager avec un autre) ; le subjectif (la vie intérieure, la conscience propre à un individu, qui se partage difficilement), et le personnel (ce qu’il y a de plus unique à l’individu, à sa subjectivité individuelle, qui se ne partage pas) (id.).

29L’intimité, dans son acceptation contemporaine, se rapporte à la catégorie du « caché », se positionnant vers l’extrémité « sociale » du spectre de l’intime (id.). Le contenu des vlogues se rapproche davantage de la catégorie du « familier ». L’évaluation de l’authenticité des vlogueur·euse·s par les membres de l’audience se base-t-elle sur le partage d’expériences intimes comme le suggèrent les études relevées plus haut ?

Donner les moyens aux enquêtées d’expliciter ce qu’elles entendent par authenticité

30Les résultats présentés dans cet article sont issus d’une recherche qualitative, basée sur l’approche compréhensive (Kaufmann, 2016/1996). Les données ont été recueillies à partir de quatre séries de trois entretiens (une série par participante), réalisés au Québec en 2021, à distance étant donné le contexte de la pandémie. Lors du premier entretien, nous avons questionné les participantes sur leur pratique de visionnement sur YouTube de manière générale, concernant notamment leurs habitudes et leurs contextes de visionnement, leurs préférences et critères d’appréciation ainsi que la place qu’occupe leur pratique dans leur vie de tous les jours. Le deuxième entretien consistait en une visite commentée des traces numériques des participantes.

La « visite commentée » offre une méthode de collecte et de densification des données comportant une exploration et une capture sélectives des traces numériques dans leur contexte d’origine en présence de la personne qui les a produites. Le dialogue concomitant sur les traces, mené entre la personne effectuant l’enquête et la personne participante, fournit la matière qui sert ensuite à densifier les données en y ajoutant les couches relatives au contexte, à la description et au sens  (Latzko-Toth et al., 2020, p. 189-190).

31Les participantes (à l’exception d’une personne ayant plutôt montré à la caméra l’écran de son appareil pour cause de problème technique) ont donc partagé leur écran, dans le second entretien, pour présenter leurs pages d’abonnements et d’historique sur YouTube ainsi que leurs vlogueur·euse·s préféré·e·s. Ici, nous avons observé les participantes naviguer sur la plateforme et les avons questionnées entre autres sur les raisons derrière l’appréciation ou non des vidéos. Le troisième entretien, qui servait de retour réflexif sur leur pratique, a permis d’aborder plus directement la question de l’authenticité. Nous avons demandé aux participantes de partager avec nous leur définition d’un·e vlogueur·euse authentique. Nous les avons également questionnées sur l’importance de l’authenticité dans leur appréciation des vidéos, les attentes qu’elles dirigent à l’endroit des vlogueur·euse·s sur ce plan ainsi que sur des thématiques comme la sincérité et l’intimité.

32Cette approche en trois temps a permis de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit la pratique des participantes, et ultimement de saisir ce que signifie l’authenticité selon elles. En effet, la tenue de trois entretiens par participante, impliquant un temps de réflexion entre chacun d’eux, a encouragé les enquêtées à développer un regard réflexif sur leur pratique, à approfondir leurs propos, à observer leurs pratiques actuelles et à créer un lien avec l’intervieweuse. Nous avons analysé les données avec l’approche générale de contenu du type inductif (Blais et Martineau, 2006), basée sur la création de catégories révélatrices.

33Les participantes sont toutes de jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans, résidant au Québec et visionnant fréquemment (au moins une fois par semaine) des vlogues. Le choix de cette tranche d’âge s’explique par l’absence de cette population dans les recherches portant sur YouTube, une plateforme souvent associée aux adolescent·e·s. De plus, cette population a un historique de visionnement intéressant, au sens où sa pratique de visionnement des vlogues peut s’échelonner sur plusieurs années et avoir évolué, en raison de l’âge plus avancé des personnes. Par exemple, dans cette recherche, toutes les participantes visionnent des vlogues depuis au moins huit ans. Le recrutement s’est réalisé par un partage de notre appel à témoignages par deux youtubeuses québécoises contactées par courriel (sur Instagram et Facebook) ainsi que par réseau de connaissances. Au départ, la recherche visait les jeunes adultes québécois, âgés de 18 à 25 ans, visionnant fréquemment des vlogues, sans spécification quant au genre. Or, seules des jeunes femmes ont répondu à l’appel. L’homogénéité du groupe de participantes (jeunes femmes blanches québécoises) constitue donc une limite importante à la recherche. La recherche invisibilise en ce sens l’expérience des femmes québécoises issues d’origines diverses, d’hommes et de personnes non binaires.

34Le nombre total de quatre participantes a été déterminé en fonction du caractère exploratoire de la recherche, de son approche compréhensive et de la récurrence des propos d’une enquêtée à l’autre, qui a permis de soupçonner une saturation. À l’évidence, cette recherche ne vise pas la généralisation statistique, mais plutôt la compréhension de l’univers de signification associé aux pratiques de visionnement des vlogues (d’un petit groupe homogène de personnes, à un moment spécifique).

Voici les portraits des participantes, à qui des prénoms fictifs ont été donnés pour conserver l’anonymat.

35Émilie

Âgée de 19 ans, Émilie étudie au cégep et réside en Beauce avec sa mère. Elle visionne des vlogues tous les jours. Il y a un an, elle a lancé sa chaîne sur YouTube et elle publie chaque semaine ses propres vlogues. Elle tient également un blogue. Émilie estime que les vlogues représentent 80 % du contenu qu’elle regarde sur le Web. Elle les consulte lorsqu’elle se prépare, réalise des tâches ménagères ou prend son bain. Cela lui permet de se relaxer, d’apprendre des choses ou de s’informer sur des sujets qui l’intéressent. Elle interagit beaucoup avec ses vlogueuses préférées, notamment en publiant des commentaires sous leurs vidéos ou en échangeant des messages sur Instagram. Elle aime que le mode de vie des vlogueuses ressemble au sien. Elle utilise sa tablette et sa télévision pour visionner les vlogues.

36Amanda

Amanda a 19 ans. C’est une étudiante au premier cycle à l’université. Elle habite à Blainville avec ses parents. Lorsqu’elle était plus jeune, elle regardait beaucoup de vlogues et partait à la rencontre des youtubeur·euse·s lors de festivals ou d’événements. Maintenant, elle se contente de deux ou trois vlogues par semaine. La majorité du contenu en ligne qu’elle visionne provient de TikTok et Instagram. C’est d’ailleurs souvent par ces plateformes qu’elle apprend qu’un nouveau vlogue vient d’être publié. Elle regarde les vlogues à son retour du travail, avant de souper ou d’aller dormir, en faisant autre chose en même temps. Elle aime non seulement se reconnaître à travers les vlogueuses, voir des choses qu’elle peut appliquer à sa propre vie, mais aussi, parfois, accéder à quelque chose de différent, soit au mode de vie des « riches et célèbres », pour assouvir une certaine curiosité et se divertir. Elle interagit rarement avec les vlogueur·euse·s. La plupart du temps, Amanda accède à YouTube au moyen de son ordinateur portable et de son téléphone.

37Gabrielle

Âgée de 24 ans et sur le marché du travail, Gabrielle réside seule à Rimouski. Elle visionne des vlogues chaque jour : souvent un le matin, en déjeunant, et un le soir, en se relaxant dans son bain. Elle se permet d’en regarder un nombre plus élevé lorsqu’elle est en congé. Gabrielle a ses vlogueuses « classiques », c’est-à-dire ses préférées, dont elle visionne les vlogues rapidement après leur publication. Elle « aime » les vidéos et commente parfois. Elle aime voir le quotidien des gens qui lui ressemblent, avec lesquels elle sent une proximité. Son usage a pour motivations principales la relaxation et le divertissement. En regardant des vlogues, elle « met son quotidien sur pause ». Gabrielle accède aux vlogues au moyen de sa télévision.

38Josiane

Josiane, âgée de 24 ans, vit à Montréal. Elle est étudiante au deuxième cycle à l’université. Elle visionne des vlogues presque tous les jours, principalement sur son ordinateur portable. Elle peut écouter jusqu’à cinq ou six heures de contenu en ligne (y compris des balados). Son écoute est active en ce qui concerne les vlogueur·euse·s à qui elle s’est attachée et passive, en « bruit de fond » pour les autres. Elle n’interagit presque jamais avec les vlogueur·euse·s ou les contenus, à moins de ressentir une « réaction émotionnelle forte ». Josiane compare son usage à l’action de « prendre des nouvelles » de ses amis, c’est-à-dire s’informer sur les récents événements s’étant déroulés dans leur vie.

Des internautes conscientes des ambivalences d’une expression en ligne « authentique »

39Les représentations de ce qu’est l’authenticité ne se laissent pas enfermer dans un modèle simple. Nous allons aborder, dans un premier temps, toutes les dimensions que nos enquêtées lui associent ou dont elles la distinguent. Dans un second temps, nous aborderons en quoi l’authenticité perçue des vlogueur·euse·s est un critère d’appréciation des vidéos pour les participantes.

Qu’est-ce qu’un·e vlogueur·euse authentique ?

40Les résultats de la recherche démontrent que l’évaluation de l’authenticité des vlogueur·euse·s par les participantes ne suit pas un processus clair, explicite. Il s’agit d’abord d’un sentiment général, d’une impression qui s’impose rapidement : « Ben des fois, on le voit là, que la personne est juste comme… un peu plus fake, ou que… elle est comme moins elle-même » (Émilie). L’idée que ça « se sente », que ça « se voie » revient d’une participante à l’autre. Cela dit, le temps et leur expérience de visionnement les aident également à évaluer la situation :

Quand j’étais plus jeune, quand j’ai commencé à écouter YouTube, j’écoutais Logan, pis genre « Ayoye, moi je veux cette vie-là ». Après ça, je me suis rendu compte que c’était pas vrai, là. C’était pas du vrai. […] Il y a tout le temps du drama, il y a tout le temps des affaires cachées (Amanda).

41Pour définir un·e vlogueur·euse authentique, les participantes mentionnent d’abord des aspects associés à l’idée de réalité et du réel ainsi que des caractéristiques comme l’honnêteté et la transparence. Trois participantes utilisent l’expression de se présenter « sans flafla », c’est-à-dire de manière « naturelle » et simple, que ce soit par rapport à l’attitude du ou de la vlogueur·euse ou au montage de leur vidéo. En d’autres mots, l’important est d’agir de la même façon (ou presque) que lorsqu’aucune caméra n’est sur soi. Cela dit, une participante fait valoir le point suivant : « Savoir que ce que tu filmes dans le moment présent va être vu et consommé par un auditoire, certainement [cela] va affecter la manière dont tu agis » (Josiane). Selon les participantes, l’honnêteté et la transparence des vlogueur·euse·s sont très importantes pour déterminer si ceux·celles-ci sont authentiques. L’honnêteté dans les vlogues est associée au fait de dire ce qu’on pense réellement (sur certains sujets sélectionnés) et à l’absence de « mises en scène » (Josiane). Par ailleurs, toutes les participantes s’entendent sur le point suivant : montrer sa vie personnelle en détail n’est pas automatiquement, ou nécessairement, authentique.

Je considère que tu es, t’sais, il y a rien, mettons en tant que créateur, qui t’oblige à partager quoi que ce soit, s’il y a des pans de ta vie que tu veux pas aborder, euh… Tu es pas… Je pense pas que tu es moins authentique pour autant, là. T’sais, c’est pas parce que tu décides de partager du contenu sur le Web que tu es obligé d’être un livre ouvert (Josiane).

42À l’inverse, ce n’est pas quelque chose qui est souhaité par les participantes. Une participante affirme : « Il y a des choses qu’on a pas besoin de savoir, non plus, là » (Gabrielle). C’est ici que l’idée de transparence entre en jeu : si la décision d’un·e vlogueur·euse de ne pas filmer un moment particulier (ou de ne pas filmer son·sa conjoint·e par exemple) est acceptée par les participantes, ces dernières apprécient toutefois lorsque la décision est nommée ou abordée ultérieurement, lorsque le ou la vlogueur·euse est à l’aise de la partager. En ce sens, une participante affirme : « J’ai pas à voir ça [chicane entre proches], c’est pas ma place. Mais je trouve ça, que, j’aime l’aspect de transparence de le nommer » (Josiane).

43Cette idée rejoint un autre aspect mis en avant dans le discours des participantes sur les vlogueur·euse·s authentiques, soit leur capacité à aborder leurs sentiments multiples, à parler des moments difficiles ou des éléments négatifs dans leur vie :

Comme, je pense, dans tous ceux que j’écoute, c’est elle la plus… vraie. Dans ce qu’elle présente. T’sais, elle va… Elle… Elle partage ses… ses insécurités, ses réflexions… Euh, elle vit des trucs quand même… déstabilisants, t’sais, au niveau santé mentale, et tout. Elle fait de la thérapie. Pis elle parle. […] Elle s’en fout, là (Josiane).

44Amanda apprécie l’ouverture d’une de ses youtubeuses préférées, laquelle aborde des sujets comme les problèmes de santé mentale et l’orientation sexuelle. Pour Gabrielle, cette ouverture, cette vulnérabilité rappelle les conversations entre amies. « Elle va faire son, son vlogue, mettons, comme si elle facetimait avec son amie, un peu (rires), là. » Elle nuance : « T’sais, je veux dire, il y a des amies avec qui on partage plus que d’autres. Tu vas aller plus profondément dans des sujets… » En faisant référence à une vlogueuse québécoise, Amanda mentionne : « Elle a ses deux enfants, c’est pas toujours parfait. »

45Finalement, l’authenticité d’un·e vlogueur·euse se traduit par la mise en avant d’une relation jugée crédible et cohérente avec les entreprises avec qui il·elle fait affaire (si le ou la youtubeur·euse s’est professionnalisé·e) et par le recours modéré à l’autopromotion (si il·elle en fait). Ces aspects relèvent du côté stratégique de l’activité des vlogueur·euse·s. La présence de cette dimension dans la pratique des youtubeur·euse·s est acceptée par toutes les participantes, même si certaines l’« autorisent » avec plus de conviction que d’autres. En réalité, la présence de stratégie est perçue comme allant de soi avec le métier de youtubeur·euse. C’est pourquoi, selon les participantes, la présence d’une visée stratégique n’affecte pas nécessairement l’authenticité des vlogueur·euse·s. Amanda affirme : « Tu peux être authentique et stratégique. […] Je pense qu’il y a une nuance à faire. » Cette idée revient, d’ailleurs, pour toutes les participantes. « Ça vient avec le package » de publier des vidéos, note Josiane. Amanda souligne : « C’est un emploi… leur but, c’est de faire de l’argent. »

46Cela étant dit, si certaines stratégies sont jugées acceptables et n’amoindrissent pas l’authenticité de l’individu, d’autres sont à proscrire. D’abord, les stratégies « acceptables », c’est-à-dire n’affectant pas l’authenticité des vlogueur·euse·s, sont celles qui répondent aux logiques de la pratique de production et de publication des vlogues : la sélection de moments à filmer et le découpage des vidéos. La présence de stratégie se note par rapport à ce que le ou la vlogueur·euse choisit de mettre en avant dans ses vidéos, influençant l’image qu’elle projette. Selon Josiane, l’audience doit se rappeler que les vlogueur·euse·s ne présentent pas leur « vie au complet ». Une seconde catégorie de stratégies acceptées correspond au fonctionnement de la plateforme YouTube : il est compris et autorisé que le ou la vlogueur·euse cible une heure particulière pour publier, de manière à atteindre le plus grand nombre possible d’abonné·e·s.

47Les stratégies allant trop loin (qui minent l’authenticité des vlogueur·euse·s) sont également de deux ordres : l’introduction de la fiction (par la présence de mises en scène et de création de rebondissements dans la structure narrative des vlogues) et le recours à des activités de publicité (contenus commandités, contrats et collaborations avec des compagnies, etc.) de manière malhonnête ou opportuniste, comme mentionné plus haut. Si les services ou produits promus semblent trop éloignés des préoccupations réelles des vlogueur·euse·s ou sont partagés trop fréquemment, l’authenticité de ceux·celles-ci est affectée négativement. Les participantes préfèrent lorsqu’il y a un « juste milieu » (Émilie). Celui-ci est atteint lorsque les vlogueur·euse·s ne font pas trop souvent de publicités et qu’il est possible de percevoir un lien entre le produit ou le service promu et le mode de vie, les valeurs ou les centres d’intérêt généraux du ou de la vlogueur·euse. Autrement dit, une cohérence entre ce que le ou la vlogueur·euse présente de sa vie quotidienne et ce dont il·elle fait la promotion doit être perceptible par l’audience. Pour terminer, une stratégie particulière, soit l’utilisation d’un titre attrape-clic, ne fait pas consensus parmi les participantes. Cette stratégie vise à attirer l’attention des internautes sur la vidéo, de manière à augmenter le nombre de visionnements. Pour la plupart des participantes, les vlogueur·euse·s qui s’y prêtent perdent en authenticité, et l’associent à la catégorie « introduction de la fiction ». Gabrielle affirme cependant que cette technique la fait plus rigoler qu’autre chose et justifie l’usage de cette stratégie par le fait que les vlogueur·euse·s exercent tout simplement leur métier, suggérant que des obligations financières ou des objectifs de performance les orientent parfois vers des pratiques jouant avec les limites de l’honnêteté (en exagérant une situation dans un titre attrape-clic, par exemple).

48En somme, les résultats démontrent qu’un·e vlogueur·euse authentique n’essaie pas « d’être quelqu’un d’autre » (Émilie) pour plaire ; partage ses moments plus difficiles, ses émotions et ses réflexions, de manière honnête, transparente, et dans le respect de soi-même ; fait usage de stratégies inhérentes au métier de youtubeur·euse, sans glisser dans la malhonnêteté ou l’opportunisme. Maintenant que cela est clarifié, quelle place occupe la perception de l’authenticité dans l’appréciation des vlogues et la construction d’une relation de proximité avec le ou la vlogueur·euse ?

L’importance de l’authenticité dans l’appréciation des vlogues et la création d’une relation de proximité

49En fonction des résultats de cette étude, l’authenticité est sans doute le critère d’appréciation le plus important pour évaluer les vlogues et créer un sentiment de proximité entre les vlogueur·euse·s et leur audience. Les vlogueuses préférées de toutes les participantes sont celles qu’elles perçoivent comme authentiques. Les participantes regardent leurs vidéos peu de temps après leur publication. Elles les suivent fidèlement et ne veulent pas « manquer » une vidéo. En faisant référence à leurs vlogueuses préférées, les participantes s’exclament : « je l’aime » (Amanda), « je l’adore » (Émilie et Gabrielle), « j’aime la personne » (Josiane). C’est également avec ces vidéos que les participantes interagissent le plus, notamment en publiant des commentaires et appuyant sur « j’aime ». Émilie, elle-même vlogueuse débutante, désigne ses vlogueuses préférées, avec qui elle s’entretient parfois, comme des « amies virtuelles ». Pour les autres participantes, lesquelles interagissent peu, la proximité qui s’installe est semblable à une relation d’amitié, mais se déployant dans un sens. « Un peu comme quand tu revois ton amie, là, tu espères qu’elle va te raconter quelque chose de fun » (Gabrielle). Amanda remarque : « C’est comme quelqu’un que je connais qui me parle. » « C’est comme si je la connaissais hyper bien », affirme Émilie. Quelques participantes racontent que le visionnement de vlogues d’individus dont elles se sentent proches peut d’ailleurs affecter leur humeur pour le reste de la journée. Elles insistent cependant sur le fait qu’il s’agit en réalité d’une impression de relation d’amitié, en raison du caractère unidirectionnel. Quoi qu’il en soit, les participantes semblent d’accord sur ce fait : l’authenticité est la base sur laquelle se développe un sentiment d’attachement. Amanda mentionne que l’authenticité d’une vlogueuse est nécessaire pour qu’elle s’y identifie et ressente une proximité avec elle.

50Cela dit, le poids du critère d’authenticité dans la pratique de visionnement des vlogues varie en fonction des participantes. Par exemple, Émilie affirme que sa pratique de visionnement sur YouTube est motivée par la recherche de ce critère spécifique, soit l’authenticité. Cela étant dit, pour les autres participantes, l’inauthenticité d’un·e vlogueur·euse ne les empêchera pas de visionner à l’occasion quelques-unes de ses vidéos. Par exemple, Amanda et Gabrielle affirment aimer parfois regarder des vlogues construits à partir de « mises en scène » assumées, dans une optique de divertissement. En visionnant ce type de vlogues, Amanda sait à quoi elle s’attend : des « niaiseries » et des « choses vraiment stupides ». La connexion et l’identification ne sont simplement pas recherchées dans ces situations. Les participantes réaffirment leur préférence pour des vlogues jugés authentiques en soulignant l’évolution de l’importance accordée à l’authenticité des vlogueur·euse·s dans leur pratique de visionnement : elle occupe une plus grande place aujourd’hui qu’au début de leur pratique. Par exemple, Amanda explique être moins attirée par le « drama inutile » accompagnant souvent ce genre de vidéos. Avec le temps, le critère d’authenticité compte davantage dans le processus de sélection de vlogues à visionner. Autrement dit, si le critère d’authenticité n’est pas essentiel pour choisir quoi visionner, il l’est toutefois pour le développement d’une relation de proximité et d’une connexion avec les vlogueur·euse·s, un objectif de plus en plus présent pour les participantes.

51Décrivons maintenant plus en détail cette proximité mentionnée par les participantes. Il peut s’agir, dans un premier temps, d’une proximité géographique : Gabrielle et Émilie « suivent » en grande majorité des vlogueuses québécoises. Gabrielle éprouve un « sentiment d’appartenance » en apercevant dans des vlogues des endroits (magasins, parcs, etc.) qu’elle reconnaît ou qui sont près d’où elle habite. De son côté, Josiane remarque qu’elle s’attache plus rapidement aux vlogueuses québécoises, même si elle suit également des youtubeuses américaines et australiennes.

52Dans un deuxième temps, la proximité se mesure en termes du mode de vie, de centres d’intérêt et de points communs. Ce type de proximité semble d’ailleurs prédominer, par rapport à la proximité géographique, pour le développement d’une relation d’identification et d’attachement aux vlogueuses. En se reconnaissant dans les actions et les propos des vlogueuses qu’elles tiennent en estime, qu’elles considèrent comme authentiques, les participantes trouvent leurs propres actions et pensées « exposées » et « validées » (Gabrielle). Elles aiment également découvrir des nouvelles choses sur des sujets qui les intéressent. Gabrielle aime bien qu’une vlogueuse partage des problèmes auxquels elle fait face elle aussi :

Mettons, Chloé [vlogueuse québécoise]… Elle parle beaucoup de ce temps-ci que… Son arrêt de travail, c’est parce qu’elle fait de l’anxiété. Pis, là, ben ça, ça me rejoint. Parce que moi aussi, ben j’ai vécu ça récemment. Pis là, elle parle de, des trucs qu’elle a pour… pour contrôler un peu son anxiété. Qu’est-ce que ça lui fait vivre… il y a les moments de crise, mais… En général, au quotidien, comment elle vit ça. Ça me rejoint beaucoup (Gabrielle).

53Le rythme de publication des vlogues, se rapprochant du temps des événements, renforce cette proximité : « C’était comme sur le moment que ç’a fait du sens » (Gabrielle). Émilie parle du bien que lui apportent les vlogueuses partageant des insécurités qui font écho aux siennes, en lien par exemple à l’image corporelle : « Ça me réconforte », « je me sens comprise, puis je ne me sens pas toute seule dans mes émotions ». Elle ajoute : « C’est comme si on s’entraidait entre personnes, même si on ne se parle pas nécessairement. » Pour Josiane, même si le mode de vie de sa vlogueuse préférée est différent du sien, elle affirme pouvoir se reconnaître dans les réflexions amenées par celle-ci. En somme, la mise en commun d’expériences et de réflexions rendue possible par la publication et le visionnement des vlogues permet aux participantes de confirmer un « sens particulier de la vie », duquel découle un sentiment de réconfort (Kaufmann, 2010/2004, p. 142). Ce sentiment de proximité et cet attachement ne peuvent se développer qu’en prenant appui sur l’authenticité se dégageant du ou de la vlogueur·euse.

Des représentations convergeant avec la définition complexe de l’authenticité

54Différents éléments soulevés par les participantes font écho à la définition de l’authenticité de Romano (op. cit.). D’abord, les propos des participantes mettent en avant l’importance que l’authenticité ne soit pas une « recherche délibérée », plaçant l’individu dans une position où il « cherche à faire croire » (ibid., p. 54). Amanda déclare : « Ceux qui sont les plus authentiques, c’est que, c’est eux qui le… qui ont pas besoin de le mentionner. Je sais pas comment l’expliquer, mais hum… Je pense que, il y en a que c’est juste pas questionné, parce qu’on le sait, qu’ils le sont. » L’injonction paradoxale que constitue le fait de se constituer authentiquement, bien identifiée par la littérature sur le processus identitaire (Kaufmann, 2010/2004 ; Martuccelli et de Singly, op. cit.), n’échappe pas à la conscience des enquêtées. Par ailleurs, si les participantes se fient souvent à leurs ressentis pour évaluer l’authenticité des vlogueur·euse·s, la construction de leurs impressions s’appuie également sur leurs expériences de visionnement antérieures : au fil des années, les participantes développent leur aptitude à reconnaître le « cynisme » des vlogueur·euse·s, s’entraînent à identifier les instances où ceux·celles-ci ne croient pas « à [leur] propre jeu » (Goffman, op. cit., p. 27).

55De plus, pour être authentique, il est important d’être fidèle à ses goûts et à ses préférences véritables (Romano, op. cit.) : les vlogueur·euse·s doivent dire ce qu’ils·elles pensent réellement, dans leurs vlogues comme dans leurs contenus publicitaires. À titre d’exemple, refuser de promouvoir un produit jugé non efficace est un signe d’authenticité selon Anabelle. Gabrielle remet en question la véracité des propos d’une vlogueuse louangeant un produit dont cette dernière n’a pourtant jamais fait mention dans ses vlogues, alors que l’occasion se présentait. En d’autres mots, les contenus publicitaires d’un·e vlogueur·euse authentique ne peuvent être motivés que par un intérêt strictement financier. La collaboration avec des compagnies est ainsi acceptée (et l’authenticité préservée) lorsqu’elle concorde avec les centres d’intérêt ou les valeurs du ou de la vlogueur·euse. Il s’agit, comme l’indique Romano, d’« exister en adéquation avec notre être » (ibid., p. 39). Cette action plus « stratégique » est comprise, par les participantes, comme inhérente au métier de vlogueur·euse, ou plus largement de youtubeur·euse. Cette conception de l’authenticité vient donc nuancer l’opposition décrite par Domenget (op. cit.) entre visée authentique et visée stratégique. La stratégique est considérée comme omniprésente, dans le contexte de l’institutionnalisation de YouTube et de la professionnalisation des youtubeur·euse·s. Comme l’affirme Marwick en s’appuyant sur les propos des personnes questionnées sur l’authenticité des blogueur·euse·s de mode, « the authentic is not something that exists apart from commercial culture, but a set of affective relations between individuals, audiences, and commodities » (op. cit., s.p.). Cette idée se rapproche des réflexions de Banet-Weiser (op. cit.) sur l’ambivalence caractérisant la relation entre l’authenticité et l’économie, la marchandisation. Cette acceptation de l’authenticité, la tolérance de son imbrication avec le marché économique, serait de plus en plus partagée par les individus, reconnue comme inévitable en raison du contexte actuel. « Rather than representing the loss of authentic humanity, the authentic and commodity self are intertwined within brand culture, where authenticity is itself a brand » (ibid., p. 14).

56Dans un autre ordre d’idées, on retrouve, chez les vlogueur·euse·s authentiques, l’importance du partage de leurs sentiments et de moments difficiles émotionnellement. À ce sujet, Romano rappelle l’importance de vivre et de se présenter aux autres en conformité avec ses réactions affectives (op. cit., p. 43). L’authenticité n’appelle toutefois pas à une « transparence totale » (ibid.). Comme l’affirment les participantes, les vlogueur·euse·s authentiques n’ont pas à tout partager avec leur audience. Les participantes voient d’un bon œil, par exemple, la décision du conjoint d’une vlogueuse québécoise de ne pas figurer dans ses vlogues, et le respect de cette décision par la vlogueuse. Une participante mentionne : « Je suis consciente, c’est pas de l’authenticité, genre, caméra cachée dans une maison, puis je serais pas à l’aise d’écouter ça non plus. » Cela fait directement écho à ce que Romano indique lorsqu’il soutient qu’être authentique ne signifie pas « faire étalage de sa vie entière » (ibid., p. 41) ou dévoiler ses secrets. Cette décision souligne également le contrôle qu’exerce le ou la vlogueur·euse sur le partage de son intimité.

57D’ailleurs, selon Goffman, partager ses sentiments est un comportement de « coulisses », un indicateur de « rapports de familiarité » (op. cit., p. 124-125). En ce sens, se présenter « sans flafla » renvoie à l’abandon d’une certaine façade, à l’absence de certaines exigences de bienséance, associées aux représentations d’avant-scène. Les vlogues apparaissent comme une mise à jour de l’exemple que met en avant Goffman pour illustrer une région fonctionnant à la fois comme antérieure et postérieure, lorsqu’il parle des femmes qui « étendent la région postérieure au cercle des boutiques du voisinage et elles descendent chercher du lait et du pain frais, en faisant claquer leurs pantoufles, en peignoir, avec leur filet à cheveux et sans maquillage » (ibid.). Par les vlogues, les personnes étendent la région postérieure à un espace virtuel, accessible à tous. Puisqu’elles se filment à domicile, le « décor » ressemble aux coulisses. Si l’exemple de Goffman ne fait référence qu’à l’aspect physique des femmes, l’impression de coulisses des vlogues tient également au type de réflexions partagées par les vlogueur·euse·s. Cette dimension se rapproche de ce que Millette (op. cit.) entend par la transparence, le régime de familiarité et la personnalisation caractéristiques du podcasting indépendant. Le niveau de personnalisation supérieur offert par les vlogues, par rapport aux podcasts, se base notamment sur l’approfondissement du rapport au quotidien.

58Ainsi, le contenu des vlogues auquel les participantes s’attendent à accéder s’inscrit dans le « familier ». Il s’agit de la catégorie la plus sociale de l’intime, associée entre autres au retour sur soi, partagé avec un groupe de proches (Berrebi-Hoffman, op. cit.). Les participantes ne souhaitent pas avoir accès à l’intimité entendue comme « ce qui échappe à la vue », ce qui appartiendrait aux « vraies » coulisses d’une représentation. Un·e vlogueur·euse authentique présente donc plus simplement une « attitude » de coulisses, semblable à celle partagée avec des ami·e·s proches. En lien à l’appréciation par les participantes des réflexions exprimées par les vlogueuses, Berrebi-Hoffman mentionne que l’intime « a un second sens qui a à voir avec la conscience » et le retour sur soi (ibid., p. 10). On constate ainsi une nouvelle actualisation de la redéfinition des frontières de l’intime que Berrebi-Hoffman identifie comme une caractéristique des sociétés contemporaines.

59De plus, l’idée qu’un·e vlogueur·euse authentique partage ses émotions et ses réflexions au cours de la journée résonne avec l’appréciation de la fluctuation des sentiments des fans de la série Dallas (Ang, op. cit.). Comme ces dernier·ère·s, les participantes associent cette vulnérabilité à une honnêteté, à un indice du « réel ». La présence de ce type de contenu dans les vlogues permet de passer par-dessus le fait que les vlogues ne représentent pas la « vie réelle » avec toutes ses complexités, en raison par exemple de la sélection des moments filmés. Les participantes sélectionnent des extraits qui font sens pour elles, dans le contexte immédiat. La connexion avec les vlogueurs (ou les personnages), basée sur la présentation de caractère fluctuant de leurs émotions dans les vlogues (ou les émissions), l’emporte sur le côté irréaliste des événements ou moments représentés. Le caractère sériel des vlogues et des feuilletons permet à l’audience d’être témoin d’une variété de situations, réflexions et émotions. Les participantes affirment d’ailleurs aimer voir l’évolution des vlogueur·euse·s au fil des années, par l’intermédiaire de leurs vidéos. Cette sélection est donc plutôt perçue comme heuristique plutôt qu’inauthentique : elle permet de soulever ce qui fait sens dans le vécu ordinaire, et par là aide les enquêtées dans leur propre processus identitaire.

60En somme, l’authenticité d’un·e vlogueur·euse se définit par une mise en scène de soi impliquant le partage d’une variété d’émotions et de ses opinions sincères (à propos de certains sujets sélectionnés), le respect de son individualité ainsi que de ses goûts et valeurs véritables et l’adoption d’une attitude de coulisse suggérant la familiarité. Par ailleurs, être authentique sur YouTube ne correspond pas à l’absence de visées stratégiques et de partenariats commerciaux. Cette qualité est la base sur laquelle se développe un sentiment de proximité avec l’audience. La contiguïté entre la définition complexe du concept d’authenticité de Romano (op. cit.) et les perceptions formulées par les enquêtées permet de résoudre une confusion possible associant l’authenticité à l’absence de finalité, au désintéressement face au succès et à la performance de ses projets. Les propos des participantes mettent en avant la complexité de leur relation avec les vlogueur·euse·s, qui se trouve souvent simplifiée par une lecture trop pessimiste d’une ère du simulacre ne s’appuyant pas sur des études de terrain pour déterminer ce qu’entendent réellement les individus par leur emploi du concept d’authenticité. Les résultats de la recherche permettent, en ce sens, de nuancer certains diagnostics de la société contemporaine l’associant au narcissisme, à la perversité ou au voyeurisme des individus la composant (Lasch, 198 ; Aubert, 2004). L’angle qu’adopte Jauréguiberry semble plus cohérent avec la réalité et permet de considérer les options que détiennent les individus pour donner un sens à l’existence : « […] la radicalisation de la modernité concerne […] la capacité réflexive qu’elle offre aux individus de pouvoir se penser en extériorité d’eux-mêmes » (2015, p. 206). La pratique de visionnement de vlogues rappelle également la logique de l’authenticité réflexive, indissociable de la reconnaissance entre pairs et du travail identitaire de chacun·e, associée aux pratiques expressives et à leur consommation (Allard et Vandenberghe, op. cit.).

Conclusion

61En prenant appui sur les propos des individus visionnant fréquemment les vlogues, cette étude de réception s’intéresse à des aspects souvent écartés des recherches abordant la question de l’authenticité sur YouTube : la définition du concept, comme entendu par les internautes, et les significations que les jeunes adultes accordent à leur pratique de visionnement. L’approche compréhensive et la mobilisation des concepts d’authenticité de Romano (op. cit.), de réalisme émotionnel (Ang, op. cit.) et d’intimité (Berrebi-Hoffman, op. cit.) ont rendu possible la compréhension fine des significations derrière la pratique de visionnement des vlogues des participantes.

62Cette recherche met donc en lumière ce qu’être authentique sur YouTube signifie, du point de vue des individus visionnant les vlogues. Le respect de soi-même, l’honnêteté, la transparence et la vulnérabilité des vlogueur·euse·s participent à construire l’authenticité de ces dernier·ère·s et peuvent créer par la même occasion un sentiment de proximité avec l’audience visionnant leurs vidéos. De plus, l’authenticité n’implique pas nécessairement l’absence d’une visée stratégique. Considérée comme un critère d’appréciation important, elle n’est toutefois pas essentielle à tout moment : elle peut être mise de côté en fonction de ce que les membres de l’audience recherchent précisément à l’instant du visionnement.

63Il est donc possible de conceptualiser l’authenticité comme une relation de respect envers soi-même (ses principes, goûts personnels, aspirations, réactions affectives). L’authenticité d’un individu se manifeste par une attitude de coulisses, amicale et sans prétention, ainsi que par une ouverture aux émotions variées qu’il éprouve et à certains aspects de sa vie quotidienne. Un individu perçoit l’authenticité d’un autre en se basant sur ses propres ressentis et ses expériences antérieures. La perception de l’authenticité d’une personne peut s’accompagner du développement d’un processus d’identification et d’un attachement apportant du soutien identitaire et du réconfort. Pour finir, être authentique n’est pas en opposition avec l’usage de stratégies pour remplir ses obligations professionnelles, à condition que celles-ci ne soient pas malhonnêtes ou opportunistes.

64En alliant une conceptualisation claire de l’authenticité et des retours empiriques illustrant la multidimensionnalité du concept, cette étude contribue à saisir davantage le phénomène de visionnement de vidéos sur YouTube par les jeunes adultes québécoises, sur lequel peu d’information existe à ce jour. Tenant compte de l’homogénéité du (petit) groupe d’individus ayant participé à la recherche, soit la principale limite de celle-ci, une étude sur la pratique de visionnement des vlogues dressant un portrait plus représentatif de la population québécoise est cependant toujours nécessaire. De plus, il serait pertinent d’étudier la dimension médiée de cette authenticité par le dispositif de YouTube (analyse de l’architecture technique, des incitatifs liés à l’interface, de l’expérience de l’utilisation de la plateforme), dans une démarche sociotechnique.

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Notes

1 Les individus partagent simultanément à quoi ils ressemblent, ce qu’ils pensent et comment ils se sentent (traduction de l’auteure).

2 La seule possibilité d’interaction (plutôt que l’interaction en tant que telle) est suffisante pour créer le sentiment d’être engagé dans une relation privilégiée (traduction de l’auteure).

3 En indiquant clairement qu’il réalise le montage (et à quels moments dans la vidéo), il admet une part d’inauthenticité, ce qui le rend au final plus digne de confiance, plus authentique (traduction de l’auteure).

4 Les vlogues ne sont pas aussi authentiques qu’ils ne le paraissent : ce sont des performances réalisées par des artistes amateur·rice·s ou professionnel·le·s (traduction de l’auteure).

5 Tout est mis en scène, créant l’impression qu’il s’agit d’une conversation privée entre ami·e·s, comme si le ou la youtubeur·euse était présent·e au même endroit et au même moment que son audience, à laquelle il ou elle se confie (traduction de l’auteure).

6 Les situations concrètes et les complications sont envisagées plutôt comme des représentations symboliques d’expériences de vie plus générales (traduction de l’auteure).

7 Ce qui est reconnu et admis comme réel ne se rapporte pas à la connaissance du monde, mais plutôt à l’expérience subjective du monde, à la « structure de sentiments » la caractérisant (traduction de l’auteure).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Valérie Reid, « Qu’est-ce qu’être authentique sur YouTube ? Une étude de réception des vlogues du type A Day in my Life »Communication [En ligne], Vol. 40/1 | 2023, mis en ligne le 28 août 2023, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/17338 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.17338

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Auteur

Valérie Reid

Valérie Reid est étudiante au doctorat en communication à l’Université du Québec à Montréal. Courriel : reid.valerie@courrier.uqam.ca.

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