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Lectures

Kirsten KOZOLANKA et Paul ORLOWSKI (2019), Media Literacy for Citizenship, a Canadian Perspective

Toronto, Canadian Scholars’ Press
Jacques Rivet
Référence(s) :

Kirsten KOZOLANKA et Paul ORLOWSKI (2019), Media Literacy for Citizenship, a Canadian Perspective, Toronto, Canadian Scholars’ Press

Texte intégral

1Kirsten Kozolanka et Paul Orlowski réfléchissent au défi que pose le néolibéralisme à la conscience citoyenne à l’égard du rôle que jouent les médias dans la société, aujourd’hui. Ceux-ci utilisent leur pouvoir pour mettre en valeur des enjeux politiques, donner ou non une visibilité aux groupes sociaux, employer des expressions de langage qui marquent et encadrent les perceptions qu’a le public des débats courants. Les auteurs constatent qu’il y a plusieurs manières d’éduquer la conscience citoyenne aux diverses modalités de la pratique médiatique. Ils semblent privilégier de prime abord la production de connaissances permettant une compréhension de l’idéologie politique qui guide les grandes entreprises, propriétaires de médias : « Citizens must comprehend the major political ideologies in Canada and the US in order to become media literate. These ideologies are conservatism, liberalism, and social democracy » (p. xi). Cette entreprise d’éducation proposée par les auteurs est aussi empreinte d’une visée nettement idéologique : contrer le néolibéralisme. Par exemple, ils décodent le savoir-faire langagier des médias, hypothétiquement au service de leurs entreprises propriétaires, pour souligner l’usage de l’expression « tax relief » plutôt que « tax cuts » dans leur discours public : « It is important for citizens to understand the power inherent in these word plays » (p. 3).

2Dans cette entreprise d’éveil de la conscience citoyenne à l’égard du savoir-faire de l’establishment médiatique, les médias alternatifs sont appelés en renfort dans le but de « construire une société inclusive ». Une importante question est posée : ceux-ci peuvent-ils toucher un public assez large et diffuser des informations susceptibles de rendre plus efficaces les activités des mouvements sociaux ? Avant d’y réfléchir plus longuement, on décrit l’establishment médiatique canadienne en termes de part du marché et de médias spécialisés. Un constat est fait : les points de vue marginaux attirent peu l’attention des médias traditionnels. Lorsque c’est le cas, ces points de vue obtiennent une couverture moins importante et moins favorable. Les auteurs se réfèrent à la recherche de Hackett et Gruneau (2000) pour constater que les nouvelles de l’establishment médiatique mettent surtout l’accent sur les célébrités, les indésirables et les puissants. Ils affirment que les mouvements sociaux ont besoin de la communication publique (Hackett et Carroll, 2004) pour se faire valoir. Les médias alternatifs n’ont pas les ressources des médias traditionnels pour participer de manière adéquate et complémentaire à cette communication. Leur influence est contrainte et limitée en dépit de leur présence diversifiée au Canada, présence soulignée par une liste de médias alternatifs avec une description de leur identité d’entreprise respective.

  • 1 L’American Heritage Dictionary donne la définition suivante de la notion d’éthos : « The dispositio (...)

3L’ouvrage aborde ensuite les changements qui affectent le journalisme contemporain et leurs conséquences sur la pratique active de la citoyenneté et sur la dynamique de la démocratie. Il démontre qu’une démocratie vivante exige que les médias traditionnels investissent dans la pratique du journalisme d’investigation en se basant sur un éthos de l’éthique (« An ethos of ethics ») : « A vibrant democracy requires a mainstream media committed to investigative journalism based on an ethos of ethics »1 (p. xiii). Le rôle des médias sociaux est examiné dans la perspective de leur apport à la vivacité de la démocratie. Plusieurs cas sont cités en exemples. Un cas observé au Danemark présente Facebook comme servant d’outil de conversation entre des parlementaires et des citoyens. En outre, les auteurs mettent en garde contre une vision idyllique du rôle des médias sociaux en tant qu’instruments du renouveau démocratique. Ils rappellent que ces médias servent efficacement la publicité et le marketing des entreprises. Et que la prolifération des fake news s’est grandement accrue en raison de leur existence. Puis, il y a aussi les « faits alternatifs » qui sont, en fait, des mensonges « objectivants » pourrait-on dire, c’est-à-dire qui donnent l’impression de soutenir des récits objectifs de la réalité. Il faut donc que l’éducation à la citoyenneté aille au-delà de l’accroissement de la conscience citoyenne à l’égard de la pratique médiatique, particulièrement par l’analyse des idéologies sur lesquelles elle repose. Les citoyens doivent pouvoir désormais repérer les nouvelles basées sur des faits véritables et les distinguer des fausses nouvelles issues de mensonges flagrants.

4Le rôle de la BBC au Canada et la question des informations sur les changements climatiques sont discutés dans la perspective de l’unité nationale pour l’un et du degré de connaissance scientifique populaire pour l’autre. L’étendue et la fréquence de la représentation autochtone dans les médias ne sont pas oubliées. Depuis les événements de septembre 2001, il est constaté que l’apport diplomatique du Canada comme gardien de la paix dans le monde est occulté par des informations publiques qui portent sur ses interventions militaires dans la foulée de celles des États-Unis. En envisageant l’avenir de la pratique du journalisme au Canada, Kozolanka et Orlowski prédisent que sa force et son dynamisme reposeront sur une conscience citoyenne accrue de ses modalités professionnelles et éthiques d’exercice : « […] a strong democracy along with public trust will always demand good journalism, and good journalism needs to be based on the strength and caliber of media literacy » (p. 225).

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Bibliographie

HACKETT, Robert A. et William K. CARROLL (2004), « Critical social movements and media reform », Media Development, 51: 14-19.

HACKETT, Robert A. et Richard GRUNEAU, avec Donald GUTSEIN, Timothy A. GIBSON et NEWSWATCH CANADA (2000), The Missing News: Filters and Blind Spots in Canada’s Press, Toronto, University of Toronto Press.

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Notes

1 L’American Heritage Dictionary donne la définition suivante de la notion d’éthos : « The disposition character, or fundamental values peculiar to a specific person, people, culture or movement. » S’agirait-il de « valeurs propres » à l’éthique de l’investigation journalistique ?

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jacques Rivet, « Kirsten KOZOLANKA et Paul ORLOWSKI (2019), Media Literacy for Citizenship, a Canadian Perspective »Communication [En ligne], vol. 37/1 | 2020, mis en ligne le 11 mai 2020, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/11937 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.11937

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Auteur

Jacques Rivet

Jacques Rivet est professeur au Département d’information et de communication, Université Laval. Courriel : Jacques.Rivet@com.ulaval.ca

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