1Les talk-shows sont intégrés au circuit médiatique des politiciens depuis maintenant quelques décennies (Bastien, 2013). Dans une logique similaire de mise en scène de soi, ces derniers ont également investi massivement les médias socionumériques comme Twitter et Facebook afin de rejoindre directement leurs publics sans passer par le filtre journalistique. L’intensification de cette présence médiatique sur diverses plateformes place désormais les politiciens, devenus vedettes médiatiques, en concurrence avec d’autres vedettes venant de différents domaines (culturel, médiatique, sportif) pour attirer l’attention des médias et des publics (Corner et Pels, 2003). Si cette présence offre des possibilités d’engagement et de mobilisation citoyenne, en contrepartie, elle vient aussi avec son lot de critiques. Chaque prise de parole est susceptible d’être évaluée, souvent péjorativement et parfois de façon virulente, par les usagers de ces plateformes (Anstead et O’Loughlin, 2011).
- 1 On dit d’une tonalité qu’elle est dysphorique, par opposition à une tonalité euphorique, lorsqu’ell (...)
2Bien entendu, les cibles de ce discours d’évaluation à tonalité dysphorique1 ne se limitent pas aux vedettes médiatiques ni au domaine politique. Certains n’hésitent pas à parler d’une « ère de l’incivilité » pour caractériser les interactions qui prennent place dans l’espace public (Lakoff, 2003 ; Higgins et Smith, 2017). Par ailleurs, ce qui semble différencier l’agressivité prenant pour cible des personnes privées ou des vedettes d’autres domaines que celui politique de celle manifestée à l’endroit de vedettes politiques, c’est la légitimité perçue de tels comportements agressifs (Mutz et Reeves, 2005 ; Hmielowski, Hutchens et Cicchirillo, 2014). Le cynisme des publics envers ces détenteurs de pouvoir, réputés malhonnêtes, menteurs, opportunistes (Tolson, 2011), auquel contribue la culture de la célébrité en politique ne semble d’ailleurs pas étranger à ce phénomène.
3La présente étude aborde ce phénomène de l’expression de la défiance et de l’agressivité envers les politiciens vedettes comme l’une des caractéristiques définitoires de la culture de célébrité en politique, en comparant la façon dont les comportements agressifs ciblant un politicien lors d’une émission télévisée de talk-show sont interprétés par le public en studio et par les téléspectateurs commentant l’interview sur Twitter. Par l’analyse de ces discours, nous verrons jusqu’à quel point cette pratique numérique d’évaluation transpose, suivant des modalités particulières, la lutte que se livrent journalistes et politiciens vedettes lors d’interviews médiatiques.
- 2 Désignée par l’expression anglaise « second screening », cette pratique peut être définie comme « a (...)
4Après l’introduction d’éléments de contexte sur la transformation des régimes de visibilité des politiciens et sur la pratique du second écran2, nous présenterons les objectifs spécifiques de la recherche ainsi que le cadre d’analyse inspiré des travaux de Penelope Brown et Stephen Levinson (1987) sur la politesse. Par la suite, nous développerons la méthodologie employée pour l’analyse d’un cas particulier où la performance d’un candidat à l’élection de 2014 au Québec à un talk-show est au centre des discussions d’internautes sur Twitter.
- 3 Par exemple, au Québec, le premier ministre François Legault compte plus du double d’abonnés sur T (...)
5L’arrivée des médias socionumériques, comme avant les médias de masse, a transformé les régimes de visibilité et de publicité des politiciens devenus des vedettes médiatiques. De fait, la multiplication des espaces numériques et publics de prise de parole permet aux détenteurs de pouvoir de construire lors de ces multiples apparitions une représentation d’eux-mêmes qui dépasse largement les fonctions professionnelles pour lesquelles ils sont légitimés de s’exprimer (Martel, 2012). Leur visage, leur corps, leur voix sont connus et reconnus (Constantin de Chanay, 2009), la personnalité qu’ils produisent et reproduisent où s’entremêlent privé et public suscite attachement et identification (Dakhlia, 2008). En ce sens, ces présences sur Twitter, sur Facebook, dans les émissions d’information ou dans les talk-shows font d’eux des vedettes médiatiques dont les attributs professionnels ne constituent que l’une des facettes de leur personnalité (Hamo, Kampf et Shifman, 2010). D’ailleurs, ces politiciens vedettes ont désormais une force d’attraction beaucoup plus grande que les organisations politiques qu’ils représentent (Karlsen, 2011)3.
6Cette visibilité des vedettes de la politique est amplifiée par l’écosystème numérique alors que tout individu muni d’un téléphone portable devient désormais un producteur et un relayeur d’information potentiel. Chacune des apparitions médiatiques des politiciens vedettes est désormais commentée sur Twitter et Facebook, ce qui autorise des citoyens lambda — de plus en plus nombreux — à les définir comme personnalité politique d’un certain type et à porter un jugement sur leur performance. Ainsi, non seulement ces commentaires participent à la définition de l’ordre du jour médiatique (Guo et McCombs, 2016), mais ils cadrent également l’interprétation des événements politiques et des comportements des personnalités politiques (Lavigne, 2014). La sincérité des excuses publiques d’un futur chef politique est alors discutée au même titre que l’annonce d’une politique publique, ce qui construit un espace de discussion entre usagers des médias socionumériques et entre ceux-ci et ces personnalités politiques.
7Cette pratique d’évaluation en ligne des personnalités politiques s’étend aux activités mises en scène par les médias de masse, pensons aux débats politiques (Trilling, 2015), aux interviews d’affaires publiques (Anstead et O’Loughlin, op. cit.) et aux talk-shows (Giglietto et Selva, 2014). D’ailleurs, la production de commentaires sur les médias socionumériques simultanément au visionnement d’une émission de télévision est de plus en plus répandue selon une étude de la firme Ericsson parue en 2016 qui révèle qu’« à l’échelle mondiale, 64 % des spectateurs de télévision ou de vidéo sur demande visionnent du contenu, au moins une fois par semaine, en même temps qu’ils naviguent sur un deuxième écran » (Ericsson Consumerlab, cité dans Infopresse, 2016). Parmi ces utilisateurs d’un deuxième écran, 19 % le font pour prendre part aux discussions sur les réseaux socionumériques concernant le contenu qu’ils regardent, à partir de leur téléphone intelligent ou de leur tablette (Ericsson Consumerlab, 2016).
8Cette pratique du second écran est l’objet d’une attention particulière de la part des personnalités politiques et de leur entourage. Des équipes se mobilisent pour analyser ces commentaires, révélateurs des positionnements politiques des utilisateurs, à des fins de microciblage (Patten, 2017) et de prédiction électorale (Bermingham et Smeaton, 2011) et pour inciter les partisans de leur formation politique respective à y contribuer afin d’influencer l’orientation des conversations numériques (Just et al., 2012). Ces appels à la mobilisation des partisans sur ces espaces numériques occupent d’ailleurs une place d’autant plus importante dans les stratégies actuelles de communication politique que les commentaires sur ces plateformes constituent un vecteur de discours politique, contribuant à définir la performance communicationnelle d’un candidat. Ils sont lus, repris et remis en circulation par un nombre croissant d’utilisateurs, contribuant de ce fait à la construction de l’image médiatique des politiciens. En situation d’interviews et principalement lors d’échanges conflictuels, les téléspectateurs connectés sont ainsi amenés à évaluer la qualité des réponses du politicien interviewé, à juger si ce dernier s’en est finalement bien tiré face à un intervieweur particulièrement incisif, si ses contre-attaques étaient conformes aux attentes du genre, etc.
9Partant de ces pratiques d’évaluation numérique des politiciens vedettes, dont une large part adopte une tonalité dysphorique (Montgomery, 2011 ; Hmielowski, Hutchens et Cicchirillo, op. cit.), cet article analyse les dynamiques discursives impliquées par les commentaires produits sur les médias socionumériques lors d’un échange conflictuel télévisé entre un politicien et un journaliste. Est-ce que le téléspectateur connecté commentant l’interview sur Twitter s’identifie à l’intervieweur, endossant la forme de conflictualité produite ou, au contraire, s’y oppose-t-il, révélant une intolérance à ce qui lui apparaît comme une agression gratuite, un règlement de comptes ? Ces réactions produites dans l’environnement numérique seront comparées à celles produites en situation par le public en studio, explorant les particularités de la prise de parole sur ces médias socionumériques.
- 4 Deux hommes en or (2HO) est un talk-show hebdomadaire de fin de soirée diffusé sur les ondes de Tél (...)
10Extrait d’un corpus d’interviews télévisées politiques ayant suscité des débats sur les médias socionumériques, le cas étudié est celui d’une interview menée par Patrick Lagacé, animateur, journaliste et chroniqueur au quotidien La Presse, avec Gaétan Barrette, candidat vedette du Parti libéral du Québec (PLQ) lors de la campagne électorale de 2014 au Québec. Barrette est invité sur le plateau du talk-show télévisé Deux hommes en or4 pour justifier sa candidature plus que pour en faire la promotion. Comme nous l’avons montré ailleurs (Turbide et Laforest, 2015), l’interview se construit autour de l’accusation de manque de cohérence du politicien, alors que 18 mois plus tôt, lors de l’élection précédente, il était candidat pour un autre parti, la Coalition avenir Québec (CAQ). La répétition de cette accusation tout au long de l’interview, ajoutée à la fréquence des attaques à sa personne (manque de sincérité, manque de respect envers autrui) et à la quasi-absence de stratégies de conciliation permettant d’atténuer la tension interactionnelle, nous avait amenés à conclure à une interview particulièrement conflictuelle, relevant du genre confrontainement (ibid.).
11Avant d’en arriver à l’analyse des réactions à cette interview par le public en studio et par les téléspectateurs connectés sur Twitter, il importe de revenir sur les notions d’agressivité et d’impolitesse, et plus particulièrement sur le rapport entre jugements d’impolitesse et l’occurrence d’actes menaçants, alors que les commentaires analysés affichent justement un positionnement à l’égard de la légitimité ou non des comportements agressifs de Lagacé et de Barrette.
12À partir des travaux de Jonathan Culpeper (2005) et de Catherine Kerbrat-Orecchioni (2009b) dans le prolongement de la réflexion de Brown et Levinson (op. cit.), l’impolitesse apparaît comme une transgression des attentes sociales dans un contexte donné. Considérant, comme le rappelle Erving Goffman, que « la société est fondée sur le principe selon lequel toute personne possédant certaines caractéristiques sociales est moralement en droit de s’attendre de ses partenaires qu’ils l’estiment et le traitent de façon correspondante » (1973 / 1959 : 21), l’impolitesse se définit comme un agir transgressif ressenti par autrui comme une menace à son désir d’être reconnu pour ce qu’il prétend être.
13Cela étant, tout acte de langage menaçant pour la face d’autrui (opposition au dire d’autrui, condamnation d’autrui et pression sur autrui, par exemple ; voir Vincent, Laforest et Turbide, op. cit.) ne s’interprète pas comme un acte impoli et condamnable. Les normes comportementales et la tolérance à l’agressivité constituent des construits sociaux qui varient en fonction des situations. Par exemple, en situation d’interview d’affaires publiques, au nom de la logique démocratique de reddition de comptes, l’intervieweur s’autorise à user de différentes stratégies pour faire pression sur l’interviewé, même de façon agressive, pour obtenir une réponse à sa question (Montgomery, op. cit.). De façon différente, lors d’une interview avec une chanteuse populaire, pour prendre un autre exemple, ces mêmes procédés discursifs risqueraient d’être interprétés comme totalement inappropriés et, à ce titre, ressentis comme non légitimes. En outre, on observera également une variation dans l’évaluation de l’impolitesse d’une communauté à l’autre selon la sensibilité culturelle des individus à l’égard du conflit, du désaccord, de l’opposition (Vincent et Laforest, 2001). Ainsi envisagée, l’impolitesse ne s’établit pas qu’en fonction de la présence ou non de certaines formes discursives, mais également en fonction de l’évaluation que font les destinataires de ces formes — observable en discours — rapportées à des normes et à des conventions (Kerbrat-Orecchioni, op. cit.).
- 5 Relevant du registre familier, bullshitter est un anglicisme qui signifie « mentir ».
14Prenons un extrait de l’interview analysé entre l’intervieweur (IR) Lagacé et l’interviewé (IÉ) Barrette pour illustrer comment l’impolitesse5 s’interprète comme une construction sociale et interactionnelle, alors qu’ici la réaction de l’IÉ terminant cette séquence attribue une valeur d’impolitesse à l’intervention précédente de l’IR.
Extrait 1. Interview Lagacé-Barrette
- 6 Préalablement à cette portion de l’échange, pour justifier les sévères critiques qu’il a adressées (...)
2HO, TQ, 7 mars 20146
15Ainsi, à toute la fin de cet extrait, le « non » de Barrette, marqué par une intonation exclamative et accompagné d’un silence de deux secondes, semble signaler un certain étonnement de la part du politicien devant cette attaque de sa face alors que sa justification est tournée en ridicule. La suite de sa réponse confirme cette interprétation relativement à la perception de Barrette d’un contraste, d’un clash entre le degré d’hostilité manifesté par l’intervieweur et ce à quoi le politicien s’attendait dont l’énoncé « Puisque manifestement vous le prenez sous cet angle-là » constitue la marque. La violence de sa réplique où il remet en question la compétence même de l’intervieweur à travers un argument ad personam (incapacité de se souvenir des tweets de Barrette) est révélatrice de la gravité perçue de l’offense dont il se montre injustement la cible.
16Bien que les réactions de l’interviewé aux actes menaçants de l’intervieweur définissent un premier cadrage de la valeur d’impolitesse des actes, il reste qu’en situation médiatique, l’interaction conflictuelle mise en scène n’est pas destinée en priorité à l’interlocuteur, mais aux destinataires indirects : le public en studio et les téléspectateurs connectés ou non. En ce sens, l’évaluation de la légitimité des actes menaçants s’établit moins en fonction des réactions de l’interlocuteur médiatique qu’en fonction de celles des publics (co-présents et absents) de ce discours.
17Dans ce contexte, l’impolitesse est exploitée dans une visée de captation des publics tout en étant définitoire du contrat de communication des talk-shows du type confrontainment. Devenue spectacle, l’impolitesse constitue un moyen pour l’instance médiatique de « gagner la sympathie et l’adhésion des rieurs qui sont amenés à partager la même vision que le locuteur, les mêmes valeurs négatives attribuées à la cible » (Oprea, 2012 : 385). Comme l’ont bien analysé Michael Higgins et Angela Smith (op. cit.), pour certains animateurs, l’impolitesse devient alors définitoire de leur personnalité médiatique, faisant partie intégrante de leur marque de commerce.
18Ces éléments conceptuels témoignent de la double détermination de l’évaluation de l’impolitesse, à la fois sociale, en fonction des attentes associées au genre de l’interview télévisée de talk-show relativement au niveau d’agressivité toléré, et interactionnelle, en fonction de l’interprétation des interlocuteurs et des destinataires de l’échange conflictuel. À cela, ajoutons que le contexte de réception (seul / en groupe ; absent / co-présent à l’interview) est susceptible également d’influencer la façon dont les différents acteurs, interlocuteurs et destinataires, réagiront à ces comportements agressifs télévisés.
- 7 Précisons ici que l’interprétation de ces manifestations doit être réalisée avec précaution. Si les (...)
19Afin de rendre compte de la variation des évaluations de la performance du couple journaliste / politicien sur les médias socionumériques par rapport à celles en studio, deux ensembles de données ont été considérés. Le premier renvoie aux évaluations produites par le public en studio lors de l’enregistrement de l’interview. Il s’agit essentiellement de manifestations paraverbales (applaudissements, rires et huées), intégrées à la transcription de l’interview, qui sont révélatrices de l’affiliation et de la désaffiliation du public en studio à l’égard de l’intervieweur et de l’interviewé et de leurs comportements (Eriksson, 2009)7. Le second ensemble de données regroupe les tweets publiés durant l’émission jusqu’au lendemain, le 8 mars 2014, et qui concernent spécifiquement le segment de l’émission consacré à l’interview de Barrette. De ce corpus ont été conservés uniquement les tweets de téléspectateurs évaluant les comportements, les attitudes de l’intervieweur ou de l’interviewé ou leur personne même.
20L’analyse de ces tweets a été réalisée en fonction de deux principaux observables :
-
les marques de prise en charge et de positionnement (Kerbrat-Orecchioni, 2009a ; Rabatel, 2009) distinguant ce qui relève de l’accord, de l’affiliation, de l’approbation de ce qui relève du désaccord, de la désaffiliation, de la désapprobation du faire ou de l’être ;
-
les procédés de désignation (comment x est nommé ?) (Frath, 2015) et de qualification (par quels traits axiologiques x est qualifié ?) (Laforest et Vincent, 2004).
21Le dispositif scénique du talk-show Deux hommes en or accorde une place centrale au public en studio à travers une proximité physique de ce dernier — il est disposé autour de l’intervieweur et de l’interviewé et est toujours visible lors de l’interview — et à travers sa présence sonore marquée (rires, applaudissements, huées et autres manifestations vocales). Au-delà de l’impression d’authenticité créée par ces réactions du public, qui permettent aussi de spectaculariser la parole, en situation d’échange, elles constituent pour l’intervieweur et l’interviewé à la fois une ressource — ces derniers pouvant mobiliser leurs réactions pour montrer que leur discours reçoit l’approbation du public — et un risque — la solidarité du public n’est jamais acquise et une réaction de désapprobation est toujours possible.
- 8 Argument désigné ainsi par Gauthier qui « consiste à reprocher à quelqu’un d’avoir changé d’idée » (...)
22De fait, dans l’interview analysée, parmi les 11 manifestations du public en studio, 8 d’entre elles renvoient justement à des marques d’approbation (7 avec l’intervieweur Lagacé et seulement 1 avec l’interviewé Barrette, à l’occasion d’un trait d’humour). Dans le cas des manifestations de rires et d’applaudissements produites en soutien à Lagacé, on constate que 5 d’entre elles sont coordonnées à des actes menaçants (accusation de cynisme, argument ad hominem de la girouette8, contradiction) produits par l’intervieweur à l’endroit de l’interviewé comme à l’extrait 2, où un rappel à l’ordre de Lagacé à propos du déroulement de l’interview (« Je vais vous poser les questions puis vous allez y répondre ») est suivi de rires faibles puis d’applaudissements plus nourris.
Extrait 2. Interview Lagacé-Barrette
2HO, TQ, 7 mars 2014
23Ici, le caractère particulièrement agressif et inattendu de l’acte — en donnant un ordre à Barrette, Lagacé réintroduit en rapport dominant / dominé en plus de lui reprocher explicitement de ne pas respecter les exigences de son rôle d’interviewé — semble répondre aux attentes spectatorielles du public qui y réagit par des rires et des applaudissements. Les autres manifestations d’approbation (rires / applaudissements) sont également associées à des actes menaçants qui se caractérisent soit par leur niveau d’agressivité, soit par leur modalisation ludique (ironie, caricature). Dans tous les cas, il s’agit d’actes qui attaquent directement la face de Barrette, révélant la satisfaction du public de voir le politicien en position de faiblesse, une réaction caractéristique des émissions relevant du genre confrontainment comme celle-ci.
24Cela étant, cette coalition dans le rire entre l’intervieweur et le public contre le politicien vedette n’est pas constante durant l’interaction. En effet, bien qu’au début de l’interview les marques d’approbation aux actes menaçants se succèdent, plus loin dans l’échange, on retrouve au moins deux manifestations de désalignement, comme dans l’extrait 3, alors que le présupposé de la question voulant que Barrette démissionne s’il est élu député de l’opposition est reçu par des « oooh » du public.
Extrait 3. Interview Lagacé-Barrette
2HO, TQ, 7 mars 2014
25Ces observations tendent à montrer, d’une part, qu’en dépit du rapport complice instauré entre l’intervieweur et « son » public au fil des émissions, celui-ci reste fragile ; le degré de conflictualité acceptable est toujours renégocié en situation. D’autre part, si l’on considère généralement que les vedettes politiques constituent des cibles légitimes d’attaque dans la mesure où l’on estime qu’elles doivent rendre des comptes et que leur parole n’est pas réputée digne de foi, les réactions du public en studio montrent ici que l’intervieweur ne bénéficie pas d’une liberté sans limites pour attaquer un politicien. Même si le comportement reproché au politicien d’avoir changé de parti, passant de la CAQ au PLQ, constitue un interdit politique, nourrissant les préjugés envers les politiciens, il existe un seuil à ne pas franchir dans les attaques à leur endroit.
26À l’inverse des réactions du public en studio qui apparaissent généralement spontanées, celles sur Twitter peuvent être considérées comme planifiées — une exigence posée par la mise en mots — et stratégiques du fait qu’elles participent à la construction de leur identité numérique. À travers la publicité de leurs impressions sur l’interview, les téléspectateurs se mettent en scène, affichent un ethos particulier et montrent leur réseau d’appartenance. De fait, par les relations d’affiliation manifestées à l’endroit de Lagacé ou de Barrette, ils montrent leur inclusion au sein d’une communauté qui les définit et, inversement, montrent leur opposition à certaines autres communautés. Dans le contexte d’une interview dysphorique comme celle étudiée, ces associations à l’un des deux protagonistes ou ces dissociations sont aussi révélatrices de leur affiliation ou de leur désaffiliation avec le mode d’agressivité manifestée.
27Les résultats du tableau 1 montrent, d’une part, que c’est davantage la performance du politicien vedette que celle de l’intervieweur qui est analysée et commentée dans les tweets — 122 des 189 (64,6 %) marques de positionnement sont établies par rapport à Barrette — et, d’autre part, que cette évaluation est largement défavorable. De fait, 92,6 % des marques de positionnement à propos du politicien vedette montrent un rapport de désaffiliation contre seulement 7,3 % de marques d’affiliation.
Tableau 1. Marques d’affiliation et de désaffiliation à l’égard de l’intervieweur (Lagacé) et de l’interviewé (Barrette) et de leurs comportements (n = 189)
- 9 « Au Québec, un vire-capot est une personne qui change d’idées, de croyances ou d’allégeance [h]abi (...)
28En première analyse et en lien avec les différentes catégories de qualifications et d’attitudes péjoratives attribuées à Barrette (voir tableau 2), on peut poser comme hypothèse que ce discours « contre » Barrette n’est pas qu’une construction qui s’alimente de l’échange avec l’intervieweur, mais qu’il prend également source dans les représentations préalables du politicien vedette circulant dans l’espace public. Par exemple, les qualifications « opportuniste » (14,2 % des marques de désaffiliation envers Barrette) et « hypocrite, menteur » (9,7 %) font écho à la réputation médiatique nouvellement acquise par Barrette de « vire-capot »9 (Fortier, 2014).
Tableau 2. Qualifications péjoratives et attitudes dévalorisantes attribuées à l’IÉ (Barrette) (n = 113)
- 10 Ici, les références contextuelles des tweets à l’interview (#2HO) et leur insertion dans une conver (...)
29De façon différente, les qualifications « arrogante, méprisante » (20,4 %) et « désagréable » (8,8 %), si elles renvoient également à l’image négative du politicien véhiculée par les médias — le chroniqueur Joseph Facal (2014) en parle comme un politicien « abrasif, bouillant, colérique, matamore, impétueux » —, apparaissent également comme jugement sur l’appréciation des comportements agressifs produits par Barrette dont les extraits 4 et 5 constituent des exemples10.
Extraits 4 et 5. Exemples
30Si la valeur péjorative de ces qualifications signale déjà un écart par rapport à ce que ces téléspectateurs attendent d’un politicien sur le plan de la politesse et du respect d’autrui, le mot-clic #Fail, dans l’extrait 5, laisse peu de doute sur le jugement d’illégitimité de l’attitude agressive de Barrette. De façon similaire, l’extrait 6 rend explicite la condamnation des actes agressifs du politicien vedette par la désignation de ceux-ci comme une « insulte » et par l’usage de lettres majuscules, assimilable à une forme d’expression péremptoire.
Extrait 6. Exemple
- 11 @kick1972 est l’identifiant sur Twitter de Lagacé.
31En somme, ces tweets11 témoignent d’un rapport de désaffiliation avec la stratégie de réponse de Barrette tout en signalant une dynamique de confrontation perçue par les usagers qui s’éloigne des séquences questions-réponses attendues en situation d’interview.
32À l’inverse, comme le montre le tableau 3, dans les tweets d’affiliation à l’intervieweur, ce qui ressort, c’est soit l’attitude polie et en contrôle de Lagacé, représentant 14,3 % des marques d’affiliation, soit l’attitude conflictuelle, mais ici présentée comme légitime, représentant 32,1 % des occurrences.
Tableau 3. Qualifications et attitudes attribuées à l’intervieweur (Lagacé)
- 12 En français québécois, ce terme est utilisé pour qualifier un individu qui se présente comme préten (...)
33De même, la qualification « baveux »12 attribuée à Lagacé s’affiche pour certains internautes comme un attribut mélioratif, comme en témoignent ces deux conversations, dont la première (extrait 7) constitue un échange entre une téléspectatrice et l’intervieweur.
Extraits 7 et 8. Deux conversations
34À travers l’adresse de remerciements et de bravos à Lagacé, les téléspectateurs connectés manifestent plus qu’un simple accord avec un mode d’agression d’autrui. Dans certains cas, ils caractérisent les comportements agressifs de l’intervieweur comme une réponse appropriée face à l’arrogance d’un politicien vedette et au format communicationnel, octroyant en quelque sorte à l’intervieweur un droit et un devoir de l’attaquer en leur nom, comme en témoignent les extraits 9 et 10. La légitimité perçue des attaques formulées semble d’ailleurs prise en compte dans l’évaluation de Lagacé. Ainsi, dans les extraits 11, 12 et 13, les téléspectateurs, tout en admettant le caractère exceptionnel de l’interview — ils jugent que Lagacé s’écarte de ce qui est normalement attendu dans ce type d’interview —, présentent cet écart comme justifié dans les circonstances.
Extraits 9 à 13. Réactions positives des téléspectateurs
35Un autre effet de sens associé à l’agressivité de Lagacé envers Barrette, c’est le caractère divertissant de l’impolitesse, associée au plaisir, à la satisfaction de voir le politicien Barrette être contraint par le style conflictuel des questions, comme dans les extraits suivants.
Extraits 14 à 17. Réactions positives des téléspectateurs
36Au-delà du plaisir voyeur du spectacle de la confrontation, Culpeper évoque la théorie de la supériorité développée dans les études sur l’humour pour expliquer l’attrait des publics pour de tels actes d’impolitesse ou d’a-politesse : « […] there is self-reflexive pleasure in observing someone in a worse state than oneself » (op. cit. : 45). Ajoutons ici que le caractère divertissant de ces prises de pouvoir sur autrui, plaçant Barrette dans une position de dominé, apparaît d’autant plus saillant que le statut hiérarchique de la cible est élevé (radiologiste, ex-président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, candidat vedette, futur ministre).
37Cela étant, et même si les tweets construisant l’agressivité de Lagacé comme légitime dominent, l’interprétation inverse est également présente. Parmi les 11 marques de désaffiliation par rapport à Lagacé et à ses comportements, 5 d’entre elles expriment un désaccord par rapport à sa façon d’agir et ciblent son comportement agressif à l’égard du politicien.
Extraits 18 à 20. Réactions négatives des téléspectateurs
38Ces derniers tweets, d’une part, confirment l’hypothèse de la variabilité interprétative des actes menaçants, pouvant être perçus à la fois comme légitimes et illégitimes, d’autre part, ils font écho aux réactions du public en studio qui, à deux moments de l’interview, s’était désaffilié de l’intervieweur. D’ailleurs, un téléspectateur convoque les réactions de désaffiliation du public en studio envers Barrette pour justifier le caractère « malaisant » (inconfortable, gênant) de l’interview.
Extrait 21. Réaction de désaffiliation
39Inversement, le rire du public est aussi convoqué par un autre téléspectateur pour marquer son accord avec l’attitude de Lagacé, comme dans l’extrait suivant.
Extrait 22. Expression d’un accord
40Ces tweets montrent l’existence d’un phénomène de circulation des réactions entre l’environnement du studio et celui numérique. À défaut d’identifier des traces linguistiques explicites de cette influence, on peut tout de même suggérer l’hypothèse que, dans l’évaluation publique de l’agressivité et notamment sur les médias socionumériques, les réactions des personnes présentes lors de l’enregistrement fonctionnent comme un cadre de référence pour l’interprétation de ce qui se déroule dans l’échange. Les réactions successives, notamment sur les médias socionumériques, vont ainsi s’établir, soit en renforçant ce cadre, soit en s’y opposant, soit en le négociant. Par ailleurs, sachant qu’il y a une tendance au conformisme au sein des groupes (Asch, 1951) et que l’expression du désaccord est toujours plus coûteuse que l’accord (Rabatel, op. cit.) — obligeant le locuteur à justifier son désaccord —, on peut penser que les rires et applaudissements, qui dominent dans l’interview, favorisent des réactions sur Twitter co-orientées, c’est-à-dire des réactions d’affiliation avec Lagacé et de désaffiliation avec Barrette.
- 13 « [E]n 2012, y’a 18 mois, vous étiez candidat de la CAQ. Et vous chantiez les vertus de la CAQ. Mai (...)
- 14 « [M]onsieur Barrette, sérieusement. Je vais vous poser les questions puis vous allez y répondre. C (...)
41Cette co-orientation entre les réactions du public en studio et celles des téléspectateurs sur Twitter, si l’on admet cette hypothèse, ne se traduit pas seulement par un jugement de légitimité à propos du mode agressif d’interview, mais également par l’accentuation de cette agressivité. Par exemple, lorsque des spectateurs commentent sur Twitter une question rhétorique de l’intervieweur13, dans l’extrait 23, ou un rappel à l’ordre14, dans l’extrait 24, la force de frappe de ces actes menaçants est renforcée.
Extraits 23 et 24. Accentuation de l’agressivité
42En reproduisant dans l’espace numérique ces actes, les téléspectateurs se les approprient, les font leurs, partageant avec Lagacé la responsabilité de leur énonciation. À travers cette logique d’identification et d’appropriation se construit une coalition entre téléspectateurs connectés et l’intervieweur qui, tout en étant rentable sur le plan médiatique, a pour effet d’accentuer la stigmatisation de la cible. Suivant une dynamique de surenchère, les qualifications et attitudes péjoratives sont alors produites avec une virulence souvent croissante où, à partir de l’acte menaçant « original » produit par Lagacé, les téléspectateurs connectés en viennent à accuser le politicien de manquer de dignité (« pute », « odieux », « pitoyable »), d’intelligence (« méchant colon », « con ») ou d’être un déchet, comme dans l’extrait suivant qui combine des qualifications associées à divers manques.
Extrait 25. Dynamique de surenchère
43Ajoutons que la montée en puissance de l’agressivité sur Twitter est également le fait de l’interpellation directe du politicien au moyen de son identifiant, comme dans l’extrait 26. En effet, sur le plan pragmatique, dire que « x est un menteur compulsif » n’a pas la même force que de dire « tu es un menteur compulsif ».
Extrait 26. Interpellation directe
44Au bout du compte, le mot-clic #2HO, en agrégeant une portion importante des tweets sur l’interview, rend visible pour l’ensemble des téléspectateurs connectés et visionnant l’émission ce discours de légitimation de l’agression de Barrette qui, par l’effet d’accumulation et de circulation, en augmente la charge, l’impose comme interprétation dominante et oriente la lecture ainsi que la rédaction de futurs commentaires sur Twitter à propos de l’interview.
45Des réactions du public en studio à celles des téléspectateurs connectés à propos de cette interview conflictuelle, on observe une nette augmentation du seuil de tolérance à l’agressivité. Alors qu’en studio les marques d’affiliation (rires, applaudissements) envers l’intervieweur sont en partie compensées par des marques de désaffiliation envers Lagacé et d’affiliation envers Barrette, sur Twitter, cet équilibre n’existe quasiment pas : les marques d’affiliation envers Lagacé et de désaffiliation envers Barrette représentent 89,4 % (56 + 113 sur 189) de l’ensemble des occurrences.
46Au surplus, l’analyse qualitative des tweets montre non seulement que l’agressivité manifestée envers Barrette est présentée comme légitime, mais aussi qu’elle est source de plaisir et de satisfaction. Il s’agit d’une impolitesse jugée divertissante et spectaculaire, satisfaisant les attentes du genre talk-show. D’ailleurs, cette identification à Lagacé et au mode d’interaction conflictuelle mobilisée amène les téléspectateurs connectés à reproduire les actes menaçants et à les ré-énoncer dans l’espace numérique, ce qui révèle un stade supérieur de légitimation des comportements agressifs.
47À l’encontre de la tolérance reconnue comme faible des Québécois à l’égard du conflit (Vincent et Laforest, op. cit.), ayant tendance à assimiler toute discussion vive à une agression, ici, il apparaît que les publics sur Twitter commentant l’émission octroient une importante marge de manœuvre à l’intervieweur pour attaquer Barrette en tant que vedette médiatique. Même si cette étude de cas ne permet pas généraliser à l’ensemble des comportements d’évaluation numérique de politiciens, il reste que la description présentée semble typique de l’atmosphère acrimonieuse des échanges en ligne, observée dans d’autres contextes et dans d’autres communautés (Upadhyay, 2010 ; Anstead et O’Loughlin, op. cit.). Comme l’analysent Jay D. Hmielowski, Myiah Hutchens et Vincent J. Cicchirillo (op. cit.), dans le cadre de discussions de nature politique, les internautes ont tendance à ajuster leurs comportements discursifs à leurs expériences d’autres lieux similaires d’échanges politiques où une certaine forme d’agressivité est de rigueur. Par ailleurs, dans ce cas particulier, ajoutons que le contexte spécifique de l’interview marqué par ce qui peut être interprété comme une rupture par rapport aux normes politiques en vigueur — passer d’un parti à un autre — de la part de Barrette doit être également pris en compte dans l’interprétation faite de cette montée de la tension sur Twitter.
48Plus largement, ces pratiques médiatiques et numériques d’incivilité s’interprètent à la faveur du renouvellement des formes de médiatisation de la politique. De fait, à l’encontre des descriptions interactionnelles de l’interview politique proposées notamment par John Heritage et David Greatbatch (1991) dans les années 1990, les échanges journaliste-politicien actuels se laissent de moins en moins envisager comme une suite de séquences question-réponse entre un représentant d’un média d’information, adoptant une posture professionnelle de distance marquée par l’impartialité (ou sa recherche), et un représentant politique, justifiant les actions et les décisions au nom d’un parti, d’un gouvernement. Les dynamiques observées lors de ces interviews nouveau genre (voir Ekstrom, 2011 ; Hutchby, 2011) se rapprochent davantage d’une lutte entre deux célébrités médiatiques dont chacune des interventions s’arrime au désir de défendre leur capital symbolique personnel. Ainsi, en interview, face aux politiciens vedettes, se construit la figure de l’intervieweur « inquisiteur public », analysée par Higgins (2010), dont l’objectif est moins de poser des questions d’intérêt public afin d’obtenir certaines informations non-dévoilées de la part de son invité que de se montrer prêt à tout pour débusquer le mensonge, la tromperie, les faux-semblants au nom des publics téléspectateurs. La question de Lagacé introduisant l’interview, « est-ce que le cynisme avait vraiment besoin de ça ? », apparaît emblématique de cette attitude générale de méfiance, présentée comme partagée socialement, envers les politiciens vedettes, ce qui ouvre la voie à la légitimation dans l’environnement numérique de ce comportement agressif, à sa reproduction et à son amplification par les téléspectateurs connectés, comme nous l’avons observé dans cette analyse.
49Dès lors, chaque nouvelle interview conflictuelle permet à l’intervieweur non seulement de se définir comme une personnalité médiatique d’un certain type, batailleur, frondeur, mais également d’actualiser et de renforcer par son discours une attitude de scepticisme, sous-jacente ou déjà présente chez les publics, à l’égard de ces vedettes politiques, hypermédiatisées, qui empruntent, non sans risque, les codes du divertissement. En ce sens, les résultats de cette étude doivent se comprendre à l’aune d’une culture de la célébrité où le politicien vedette devient une cible légitime d’attaque pour des intervieweurs, reconnus pour cette attitude de défiance. Les réactions d’accord des téléspectateurs connectés à ce style d’interview témoignent de l’efficacité de la posture énonciative des intervieweurs qui, eux-mêmes, par leurs discours, accentuent la méfiance et le cynisme publics à l’endroit de ces vedettes de la politique (Hmielowski, Hutchens et Cicchirillo, op. cit.). Plus que le renforcement de cette attitude à l’égard des politiciens, favorisée d’ailleurs par les filtres algorithmiques des plateformes numériques (Parisier, 2011), la spirale de l’impolitesse décrite témoigne également de l’évolution des pratiques du Web 2.0 où la communication conflictuelle prend une place considérable, ce qui rend légitime, voire naturel un mode d’expression péremptoire au détriment d’une argumentation plus raisonnée. Il s’agit d’une prise de parole qui se met en spectacle et qui se veut spectaculaire, visant à faire impression auprès de ses abonnés par la violence des propos, mais qui, au bout du compte, se perd en un bruit assourdissant qui ne convainc personne ni n’inform