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Hors thème

Enthousiasme et désenchantement

La communication numérique des partis vue par des citoyens engagés
Mireille Lalancette et Frédérick Bastien

Résumés

En contraste avec la littérature qui concentre son attention sur l’usage des technologies numériques par les politiques, la présente étude adopte la perspective des citoyens engagés dans les campagnes. Elle examine leurs attentes et leur évaluation des campagnes numériques des partis à l’occasion de l’élection québécoise de 2012. La méthodologie combine les résultats d’un sondage en ligne et l’analyse qualitative de groupes de discussion. Les résultats indiquent non seulement que la motivation informationnelle est prédominante, mais aussi que les citoyens éprouvent un désenchantement par rapport à l’usage que les partis et les candidats font des technologies, en particulier le manque de dialogue et d’authenticité.

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Texte intégral

  • 1 Nous utilisons ici le masculin dans une perspective inclusive autant pour désigner les chercheurs q (...)
  • 2 Nous utilisons le terme de médias socionumériques en usage chez les chercheurs du domaine. Notons c (...)

1Au cours des deux dernières décennies, les chercheurs1 en communication et en science politique ont abondamment examiné le contenu des sites Web des partis politiques et, plus récemment, des espaces qu’ils exploitent sur les médias socionumériques2. Ils ont établi, à partir d’analyses de contenu et d’entrevues auprès de responsables des communications au sein des partis, que l’offre des partis sert à des fins de diffusion d’information, de promotion et de marketing, de personnalisation des campagnes, de recrutement de nouveaux membres et de gestion des dons financiers (Bastien et Greffet, 2009 ; Chadwick et Stromer-Galley, 2016 ; Giasson et al., 2013 ; Kreiss, 2012, 2016 ; Gulati et Williams, 2007 ; Greffet et Vedel, 2011 ; Gadras et Greffet, 2014 ; Giasson, Greffet et Chacon, 2018 ; Lalancette, 2018 ; Lalancette et Raynauld, 2019 ; Nicot, 2011 ; Small et Giasson, 2017 ; Norris, 2003 ; Papa et Francony, 2014 ; Schweitzer, 2008 ; Small, 2008, 2012a, 2012b ; Stromer-Galley, 2000, 2014, pour ne nommer que ceux-là).

2Alors que ces travaux ont méticuleusement documenté l’usage et les stratégies des partis à l’égard des plateformes numériques à l’occasion des campagnes électorales, la littérature a beaucoup moins pris en considération la perspective des citoyens. Dans une approche centrée sur l’étude des comportements politiques, certains chercheurs ont examiné, principalement à l’aide de sondages, si l’utilisation d’Internet en général, de certains sites partisans en particulier ou des médias socionumériques était statiquement liée à la participation politique et si elle contribuait à la mobilisation, en ligne et hors ligne, notamment auprès de citoyens autrement peu engagés dans la vie politique (Gibson et Cantijoch, 2013 ; Bastien et Blanchard, 2013 ; Bastien et Wojcik, 2018 ; Cantijoch, Gibson et Cutts, 2013 ; Tolbert et McNeal, 2003 ; Dimitrova et Bystrom, 2013 ; Towner, 2013 ; Gibson, Cantijoch et Ward, 2010 ; Koc-Michalska et Vedel, 2009 ; Koc-Michalska et Lilleker, 2013 ; Jouet, Vedel et Comby, 2011).

  • 3 Le projet était intitulé enpolitique.com : stratégies, contenus et perceptions des usages politiq (...)

3Dans le présent article, nous adoptons une approche différente qui consiste plutôt à examiner, en amont des comportements politiques, les attitudes des citoyens à l’égard du versant socionumérique des campagnes électorales. De manière plus précise, nous examinons deux questions de recherche. Premièrement, quelles sont les attentes des citoyens à l’égard des partis politiques sur le Web et les médias socionumériques ? Deuxièmement, quelle évaluation font-ils des campagnes partisanes à l’ère des technologies numériques ? Nous répondons à ces questions en nous appuyant sur des données quantitatives et qualitatives produites dans le cadre du projet enpolitique.com3 mené à l’occasion de l’élection québécoise de 2012. Nous prendrons plus spécifiquement appui sur un sondage et des groupes de discussion afin de dégager les attentes et les évaluations des citoyens à l’égard des campagnes partisanes sur le Web et les médias socionumériques. Par la suite, à partir de ces données, nous inférons quelques propositions qui pourront éventuellement être l’objet de vérifications empiriques. En particulier, il nous semble que la perspective des citoyens reflète une certaine logique médiatique caractéristique des médias socionumériques, laquelle entre en tension avec la perspective qui semble animer les partis politiques. Par ailleurs, le discours des participants aux groupes de discussion, en particulier, laisse entrevoir un désenchantement susceptible de réduire le sentiment d’efficacité politique et de contribuer au cynisme. Nous utiliserons ces données empiriques afin de théoriser ces changements numériques et leurs impacts potentiels sur les pratiques médiatiques et démocratiques.

Revue de littérature

4Les attentes des citoyens envers les campagnes en lignes attirent l’attention des chercheurs. Leurs travaux ont montré des écarts entre les pratiques en ligne des politiciens et les attentes des citoyens. Par exemple, Jennifer Stromer-Galley et Kirsten A. Foot montrent que les citoyens envisagent Internet comme un outil leur permettant de partager leurs opinions, de poser des questions aux candidats, de recevoir des réponses en lien avec celles-ci. Les citoyens espéraient ainsi être en mesure de participer aux débats et de devenir des acteurs d’interactions spontanées et non traditionnelles avec les candidats (2002 : 16). Stromer-Galley et Foot mettent aussi en avant le fait que les citoyens étaient sceptiques quant aux habiletés et à la volonté des candidats politiques d’utiliser Internet et les médias socionumériques dans le but d’interagir avec les citoyens (ibid.). Marika Lüders, Asbøm Følstad et Espen Waldal (2013) font des constats similaires dans le cadre de leur étude des attentes des citoyens de la communauté en ligne du Norwegian Labour Party (MyLabourParty). Dans leur cas, les citoyens sondés s’attendaient à ce que les médias socionumériques leur permettent d’interagir entre eux ainsi qu’avec les politiciens. Ils espéraient aussi que ces derniers soient plus interactifs et impliqués dans la relation en ligne. Quant à eux, Karolina Koc-Michalska et Thierry Vedel (op. cit.) ont comparé les attentes des citoyens à l’égard des campagnes en ligne avec les pratiques effectives des partis sur leurs sites Web durant la campagne présidentielle française de 2007 et lors des élections européennes de 2009. Ces chercheurs montrent que les citoyens qui visitent les sites des partis politiques sont très intéressés par la politique. Leur étude mettait toutefois en avant l’écart entre les attentes des citoyens et ce que les partis politiques faisaient sur leurs sites Web. En effet, les électeurs démontraient un fort intérêt pour les sondages en ligne, mais ceux-ci n’étaient que rarement partagés par les partis ou les candidats sur leurs sites Web. Les outils comme les fils RSS ne répondaient pas à une réelle demande (ibid. : 12). De leur côté, Dieter Ohr et Peter R. Schrott ont montré, à partir d’entretiens menés en personne lors d’une campagne électorale locale en Allemagne, que l’attention politique peut être expliquée en grande partie par des motifs non politiques comme « les attentes sociales et le devoir citoyen d’être informés politiquement ; un désir d’exprimer ses orientations politiques à travers le vote ; ou bien, le côté divertissant de la politique » (2001 : 419). De manière apparentée, un sondage en ligne mené par Barbara K. Kaye et Thomas J. Johnson (2002), quelques semaines après les élections présidentielles américaines de 1996, a permis de distinguer quatre catégories de motivation pour lesquelles des citoyens se connectèrent : s’orienter, chercher de l’information, se divertir et trouver une utilité sociale.

5Pour leur part, Fabienne Greffet et Stéphanie Wojcik (2018) ont exploré la participation et les formes d’engagement politiques des internautes actifs lors de la campagne présidentielle de 2012 au moyen d’entretiens qualitatifs. Ces chercheures montrent que la participation politique en ligne est sous-tendue par des pratiques d’information en ligne. Les participants interviewés étaient donc très actifs afin de s’informer sur la politique grâce à Internet et aux médias socionumériques. Par ailleurs, les internautes interrogés étaient assez critiques quant aux usages des médias socionumériques des partis politiques en campagne. Ils déploraient le manque de sincérité, le contrôle étroit de la parole politique et la professionnalisation des pratiques de communication politique sur ces plateformes. Dans un ordre d’idées apparenté, Fabienne Greffet, Stéphanie Wojcik et Gersende Blanchard (2014) proposent six grandes catégories d’actes participatifs sur Internet afin de saisir la diversité des pratiques durant une campagne politique. Elles se basent plus spécifiquement sur la campagne présidentielle française de 2012. Cette catégorisation est en effet construite sur le présupposé que l’engagement des internautes s’incarne dans une variété d’activités participatives susceptibles d’avoir des effets relationnels (catégories « Dialoguer », « Contacter »), de visibilité (catégorie « S’afficher »), informationnels (catégorie « S’informer ») et discursifs (catégories « Partager » et « Commenter et produire du contenu inédit ») (ibid. : 33). Cette typologie leur a servi lors d’un sondage en ligne avec les internautes ayant participé à la campagne en ligne. Près de 80 % des internautes se tournaient vers les sites des candidats pour s’informer, alors que 65 % ont affiché leur affiliation partisane au moyen d’un badge sur leur profil Twitter ou Facebook. Lorsqu’il est question d’interagir plus directement avec les candidats, la participation est beaucoup moins importante (30 % des répondants ont envoyé un courriel ou commenté la page Facebook d’un candidat). Selon ces chercheures, la participation en ligne n’est pas une forme de participation soft que l’on pourrait relier au « slacktivism » (ibid. : 50). Au contraire, « elle peut être considérée comme corollaire d’autres modes d’engagement » (ibid.) et ne remplace ainsi pas l’activisme sur le terrain. Enfin, l’âge semblait jouer un rôle dans la participation, les jeunes participant plus que leurs aînés dans les interactions en ligne.

6Cette donnée intéresse d’ailleurs d’autres chercheurs dont le regard se porte plus spécifiquement vers les modes d’engagement des jeunes électeurs par Internet et par les médias socionumériques, ces derniers étant souvent plus actifs et innovants sur ces plateformes. Par exemple, Michael Xenos et Kirsten Foot (2008) ont exploré le fossé intergénérationnel entre les attentes des jeunes et leurs préférences quant aux usages que font les candidats du Web. Il ne suffit pas pour les partis d’ajouter des outils Web pour être en mesure de joindre ce segment de la population. En fait, les jeunes ont des attentes précises quant à la manière dont Internet et les plateformes socionumériques doivent être utilisés. Ils s’attendent notamment à pouvoir interagir avec les acteurs politiques et coproduire du contenu. Ils veulent également de la transparence de leur part. Ce déplacement du pouvoir n’est pas envisagé sans crainte par les politiques. Ces derniers refusent souvent de céder le contrôle aux usagers, de peur de dérapages. Kjerstin Thorson (2014) a, quant à lui, montré que lorsque les jeunes utilisent les médias socionumériques comme un outil de socialisation et de politisation, ils utilisaient plus spécifiquement Facebook de manière créative. Par exemple, ces jeunes se tournaient vers l’humour, la provocation et l’action collective en réseau pour discuter politique. Ce que ne faisaient pas leurs homologues plus âgés. Ces formes nouvelles d’interactions et d’implications politiques sont également observées par d’autres chercheurs (par exemple, Gerbaudo, 2015 ; Lalancette, Small et Pronovost, 2019 ; Lalancette et Small, sous presse, à paraître en 2019 ; Shifman, 2007, 2013 ; Park, 2013). D’autres travaux ont montré que les jeunes qui portent plus d’attention aux médias socionumériques pendant une campagne électorale sont plus cyniques, apathiques et sceptiques envers la politique (Yamamoto et Kushin, 2013). Par ailleurs, les médias socionumériques transformeraient la participation politique de ce segment de la population. Les usagers déjà actifs politiquement créeraient ainsi plus de liens leur permettant d’accroître leur intérêt envers certaines causes sociales. Il y a alors création d’un cercle vertueux qui mettrait en scène les jeunes déjà très engagés (Boulianne, 2019). De plus, ces médias ne transformeraient pas les pratiques des jeunes apathiques (ibid.).

7Enfin, dans leur chapitre à propos d’Internet et des élections, Darren G. Lilleker et Thierry Vedel (2013) soulignent le potentiel d’Internet, notamment sur le plan de l’information et de l’interaction avec les citoyens durant les campagnes. Ils concluent que les futures recherches à propos des campagnes en ligne devraient s’attacher au regard des citoyens sur ces campagnes. Il s’agit là d’une zone floue de l’équation, les chercheurs s’étant davantage attardés à ce que les partis faisaient sur Internet qu’à ce que les citoyens pensaient des campagnes en ligne. Ces travaux permettraient d’évaluer de manière plus précise les attentes et les perceptions des stratégies de communication politique des partis politiques et des candidats en période électorale. Les citoyens veulent-ils plus d’interaction ou de mobilisation ? se demandent ces chercheurs.

8Dans la lignée de ces études et des recommandations de ces chercheurs, le présent article se penche sur les attentes des citoyens des campagnes en ligne. Il vise à répondre aux questions suivantes :

  1. Quelles sont les attentes des citoyens à l’égard des partis politiques et des candidats sur le Web et les médias socionumériques ? Par exemple, lors de leurs visites dans ces espaces partisans, cherchent-ils à s’informer, à interagir avec les candidats ou bien à obtenir des outils de mobilisation ?

  2. Quelle évaluation font-ils des campagnes partisanes à l’ère des technologies numériques ? Les citoyens considèrent-ils que l’usage d’Internet et des médias socionumériques par les partis permet d’améliorer la communication électorale ? Quelle est leur évaluation normative ?

9La première question est examinée de façon quantitative à l’aide d’un sondage en ligne mené auprès de Québécois qui ont utilisé Internet à des fins électorales pendant la campagne provinciale de 2012. Elle est aussi étudiée de manière qualitative à partir de huit groupes de discussion tenus avec certains des répondants au sondage. Ces groupes constituent également le moyen privilégié d’élaborer une réponse à la seconde question. Avant de détailler davantage notre méthodologie, une justification et une description de l’élection québécoise de 2012 comme cas à l’étude s’imposent.

L’élection québécoise de 2012

10La campagne de 2012 a été considérée, autant par la presse (Giasson et al., op. cit.) que par les stratèges partisans (Giasson, Greffet et Chacon, op. cit.), comme la première campagne de l’histoire québécoise pendant laquelle un rôle important a été conféré aux médias socionumériques. Nous estimons qu’il est ainsi pertinent de nous pencher sur l’arrivée de ces nouvelles pratiques de communication politique afin de mieux comprendre ce qu’en pensent les électeurs. De plus, étudier les attentes et les évaluations des électeurs à la suite de la campagne législative québécoise de 2012 nous permet de faire ressortir des propositions théoriques qui pourront donner lieu à d’autres enquêtes empiriques.

  • 4 Le parti ON a fusionné avec QS en décembre 2017.

11Lors de cette élection, les principaux partis qui ont fait campagne étaient les suivants : le Parti libéral du Québec (PLQ), le Parti québécois (PQ), la Coalition avenir Québec (CAQ), Option nationale (ON) et Québec solidaire (QS)4. Le tableau 1 résume les orientations générales des partis et donne le nom de leur chef, la proportion des votes valides et le nombre de sièges obtenus lors de l’élection générale de 2012.

Tableau 1. Orientations générales des partis, chef, nombre de sièges et proportion des votes valides aux élections de 2012

Tableau 1. Orientations générales des partis, chef, nombre de sièges et proportion des votes valides aux élections de 2012

12Il est possible de constater à la lecture de ce tableau que l’élection mettait en scène plusieurs partis, dont certains récemment fondés. Ces nouveaux partis, bénéficiant d’une moins grande visibilité médiatique que les « grands » partis, ont notamment utilisé les médias socionumériques afin de propulser leurs messages. Soulignons que cette élection fut déclenchée alors que le niveau d’insatisfaction des Québécois à l’égard du gouvernement libéral qui arrivait au terme de son troisième mandat consécutif était élevé. Des allégations de corruption faisaient rage contre le PLQ et le printemps 2012 avait été marqué par de grandes mobilisations étudiantes — communément appelées le printemps érable — alors que les étudiants des universités et des collèges s’opposaient à la hausse des droits de scolarité universitaires (Bastien, Bélanger et Gélineau, 2013). Cette élection estivale était donc marquée par ces événements qui ont été discutés par les différents partis. Les attaques envers le PLQ étaient nombreuses alors que celui-ci mettait l’accent sur les enjeux économiques (notamment avec le Plan Nord visant à exploiter les richesses naturelles de cette partie de la province). Même si la campagne n’a pas semblé soulever les passions des électeurs, ces derniers se sont rendus aux urnes en plus grand nombre qu’aux élections précédentes, le taux de participation étant de 74,60 % en 2012 comparativement à 57,63 % en 20085. Au terme de l’élection de 2012, Pauline Marois, cheffe du PQ, fut élue à la tête d’un gouvernement minoritaire. Jean Charest a, quant à lui, quitté son poste de chef du PLQ.

Collecte de données et approche méthodologique

13Le premier volet, quantitatif, de notre approche méthodologique est un sondage en ligne administré tout de suite après l’élection québécoise du 4 septembre 2012, plus précisément du 6 au 27 septembre. La population visée par cette enquête est l’ensemble des individus qui avaient le droit de vote à l’élection, capables de remplir un questionnaire en français et qui ont utilisé Internet à des fins électorales au cours de la campagne. Nous considérons qu’Internet est utilisé à des fins électorales lorsqu’il s’agit de prendre connaissance d’une information de nature électorale, sur un candidat, un parti ou un enjeu relatif à l’élection, ou encore de la diffuser. Les personnes employées par un parti, un candidat ou un média d’information depuis le 1er janvier 2012 n’étaient pas comprises dans cette population.

14Le recrutement des participants s’est fait selon la méthode boule de neige et par appel de volontaires. Même si ces techniques de recrutement ont donné lieu à un échantillon non probabiliste, elles sont utiles pour contacter des populations difficiles à joindre et qui sont trop petites pour être sondées de manière efficace au moyen de méthodes d’échantillonnage probabiliste standard (voir Baltar et Brunet, 2012 ; Brickman Bhutta, 2012). Mentionnons que le type d’échantillonnage que nous avons adopté a déjà été utilisé pour étudier les activités en ligne et notamment celles réalisées à travers les sites de médias socionumériques (par exemple, Chen, 2011 ; Dwyer, Hiltz et Passerini, 2007 ; Ermecke, Mayrhofer et Wagner, 2009 ; Hoy et Milne, 2010). Nos questions de recherche concernent spécifiquement l’usage des sites Web et des plateformes partisanes sur les médias socionumériques. Pour illustrer la difficulté à joindre ce type d’individu, mentionnons qu’une étude menée quelque temps après celle-ci, auprès d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la population canadienne, en période non électorale, indiquait que seulement 13 % des Canadiens avaient, au cours des 12 mois précédents, consulté le site Web d’un parti politique ou d’un politicien canadien. Seulement 6 % déclaraient être « ami » ou abonné à la page Facebook d’un parti ou d’un politicien et moins de 4 % en suivaient au moins un sur Twitter (Small et al., 2014). En l’absence d’une base de sondage restreinte aux personnes faisant un tel usage des technologies numériques, il aurait été prohibitif de constituer un échantillon probabiliste de plusieurs centaines d’individus au moyen d’un plan d’échantillonnage plus commun aux enquêtes d’opinion publique.

  • 6 Les questionnaires non admissibles ne correspondaient pas à la définition de notre population, prin (...)

15De façon plus précise, certains individus ont été repérés suivant une procédure d’échantillonnage standardisée, à partir des traces numériques qu’ils avaient laissées dans le Web 1.0 (sur des sites partisans, en particulier dans des forums) et le Web 2.0 (sur des comptes partisans Facebook, Twitter et YouTube). Ces traces pouvaient prendre la forme d’un commentaire ou d’un « like » ou « j’aime ». Ou encore, les individus figuraient sur la liste des abonnés au compte Twitter d’un candidat ou d’un parti. Ils ont été contactés électroniquement, invités à répondre au sondage et à propager l’invitation à y répondre à travers leurs réseaux de contacts. Par ailleurs, des messages de recrutement ont été envoyés dans des espaces politiques partisans et non partisans, à des blogueurs politiques, à des journalistes, à des contacts au sein des partis politiques, dans certains médias socionumériques, chaque fois en invitant les destinataires à relayer les messages de recrutement dans leurs réseaux. Certains de ces points d’entrée ont généré plus de répondants que d’autres. Par exemple, chez deux individus, ces invitations ont généré une centaine de répondants. Les autres répondants sont liés à des points d’entrée qui n’ont chacun produit que quelques dizaines de répondants dans les meilleurs cas, mais généralement beaucoup moins. Un total de 1 592 questionnaires ont été entamés et 912 ont été remplis. De ce nombre, 804 questionnaires étaient admissibles pour notre étude6 et ont été analysés.

  • 7 Directeur général des élections du Québec, taux de participation, élections générales 2012, [En lig (...)

16Ces données ne peuvent évidemment pas faire l’objet d’une généralisation à l’ensemble de la population des électeurs. Les répondants possèdent des caractéristiques spécifiques, en particulier un haut degré de politisation. Par exemple, plus de 95 % des répondants ont déclaré avoir voté lors de cette élection, alors que le taux de participation réel n’était que de 74,6 %7. La proportion des répondants qui se déclarent « assez » ou « beaucoup » intéressés à la politique atteint 98 %. Environ les mêmes proportions ont une forte identification partisane et disent se sentir « très proches » ou « assez proches » du parti pour lequel ils ont voté. En comparaison avec le vote obtenu (tableau 1), les partisans de la CAQ (16,7 %) et, surtout, du PLQ (7,2 %) sont sous-représentés dans cet échantillon, alors que ceux du PQ (37,7 %), de QS (19,8 %) et, encore davantage, d’ON (16,9 %) sont surreprésentés. Sur le plan sociodémographique, l’échantillon comporte davantage d’hommes (58 %) et des répondants moins âgés (50 % avaient entre 18 et 34 ans) que la population des électeurs. Il s’agit également de personnes fortement scolarisées (55 % détenant un diplôme universitaire).

  • 8 Les huit groupes se caractérisent ainsi : (i) souverainistes de 31 ans ou plus, Québec ; (ii) PLQ e (...)

17Après avoir rempli le sondage, les participants étaient invités à laisser leurs coordonnées afin de participer éventuellement à nos groupes de discussion. Les participants aux groupes de discussion ont donc été recrutés parmi les participants au sondage en ligne. En tout, 227 volontaires habitant dans les régions métropolitaines de Québec et de Montréal ont alors été invités à participer. Grâce à cette approche, nous avons recruté 42 personnes qui ont pris part à 8 groupes de discussion tenus à Québec (en décembre 2012) et à Montréal (en février 2013) dans des salles spécifiquement destinées à ce type d’entretiens (vitre sans tain, caméra derrière celle-ci, table ronde et espace aéré pour que tous se sentent à l’aise lors de la rencontre). Elles furent regroupées en fonction de leurs affiliations partisanes (les partisans du PLQ et de la CAQ et ceux des partis souverainistes) afin d’éviter les possibles altercations lors de ces entretiens de groupe. Nous avons aussi pris soin de distinguer les groupes de jeunes et de personnes plus âgées afin que nos groupes soient plus uniformes et donnent lieu à des discussions plus libres et avec le moins de jugement entre les pairs possible8. D’une durée moyenne de 120 minutes, la discussion collective, libre et spontanée était organisée en 4 grands moments : 1) la présentation des différents participants, 2) leurs usages d’Internet et des médias socionumériques durant la campagne ainsi que leur participation hors ligne, 3) leurs attentes et perceptions à l’égard de la campagne de 2012 et 4) une partie visant à recueillir leurs perceptions à la suite de la projection de certains matériaux de campagne (deux vidéos les plus visionnées sur Internet lors de la campagne et le contenu d’un site mis en ligne pendant la campagne pour favoriser la participation). Les groupes de discussion ont été animés par le chercheur principal du projet (Thierry Giasson), assisté d’un auxiliaire de recherche ; les auteurs de cet article étaient également présents derrière la vitre sans tain. Une compensation financière de 60 $ a été versée à chaque participant.

18À la suite des groupes de discussion, des transcriptions complètes de chacun des échanges ont été réalisées. C’est à partir de ce matériau que nous avons réalisé une analyse qualitative inductive. Dans un premier temps, nous avons procédé à une série de lectures flottantes et à la prise de notes sur des éléments qui semblent ressortir. Dans un second temps, nous avons fait une analyse plus systématique des verbatim en découpant les différents énoncés en unités de sens. Pour nous, une « unité de sens [peut être] une portion de phrase, une phrase entière ou un groupe de phrases suivant le matériau codé » (Allard-Poesi, 2003 : 254). Nous avons donc identifié des segments de corpus porteurs de sens et permettant de caractériser les attentes des citoyens interrogés en lien avec les campagnes en ligne et les usages des médias socionumériques des candidats et partis politiques lors de la campagne électorale législative québécoise de 2012. Ces segments ont été regroupés par thématiques : attaques, publicité négative, présence en ligne, respect des codes d’Internet, par exemple. Différentes rondes de découpages et de regroupements (différences et similarités) ont été réalisées jusqu’à ce qu’il y ait stabilisation des catégories. Celles-ci seront abordées un peu plus loin dans l’article.

Résultats du sondage en ligne

  • 9 Il est à noter qu’Instagram n’avait pas, au moment de notre étude en 2012-2013, le même statut qu’i (...)

19Notre étude a démontré que les partis utilisaient Internet et les plateformes socionumériques à différentes fins. À partir des caractéristiques définies lors d’analyses de contenu des sites Web de partis politiques (Bastien et Greffet, op. cit. ; Gibson et Ward, 2000 ; Small, 2008), nous avons conçu une série de 12 questions afin d’évaluer l’attitude des citoyens en lien avec les fonctions d’information, d’interaction et de mobilisation retrouvées sur les sites Web des partis et les plateformes socionumériques qu’ils utilisaient au moment de l’étude9 (Facebook, Twitter, YouTube). Nous demandions aux répondants d’évaluer l’importance qu’ils accordaient à ces fonctions sur une échelle de 1 à 5 (1 étant pas important et 5 très important). Les scores moyens de chaque élément lié à l’information (partie du haut), à l’interaction (partie du milieu) et à la mobilisation (partie du bas) sont présentés au graphe 1.

Graphe 1. Importance accordée par les répondants aux usages d’Internet par les partis (valeurs moyennes)

Graphe 1. Importance accordée par les répondants aux usages d’Internet par les partis (valeurs moyennes)

20L’élément le plus important pour les citoyens sondés reste l’information. En effet, le fait d’offrir de l’information à propos des enjeux et activités de campagne des candidats est de loin la fonction la plus importante, avec des scores moyens de 4,0 et de 4,5 sur notre échelle de 1 à 5 pour chaque élément.

21Ces fonctions d’information sont suivies par trois éléments liés à l’interaction que les répondants considèrent comme importants : avoir la possibilité de contribuer à la plateforme électorale, avoir la possibilité de mener des discussions libres dans des espaces virtuels et avoir l’occasion d’entrer en contact avec le parti ou les candidats, que ce soit par courriel ou au moyen d’un formulaire Web. Il est à noter que la possibilité de participer à des séances de clavardage avec les candidats était moins décisive pour les électeurs sondés. Ces derniers avaient également un intérêt modéré envers la dimension de mobilisation. Ainsi, la possibilité de faire un don ou de devenir membre du parti en ligne, de retransmettre les messages du parti grâce aux outils en ligne (par exemple, en cliquant sur le bouton Partager) et d’obtenir du matériel de campagne en vue de mobiliser les électeurs (affiches, dépliants et guides pratiques, notamment) ne s’avère pas cruciale pour les électeurs sondés.

  • 10 Nous avons testé la fiabilité de ces échelles à l’aide de l’alpha de Cronbach (0,69 et 0,80). Ces v (...)

22Afin de synthétiser ces données, nous avons calculé les résultats de chaque répondant pour les trois dimensions (information, interaction et mobilisation) de manière à créer trois échelles de quatre éléments dont les valeurs varient de 4 à 20 points10. Le score moyen le plus élevé — et le moins dispersé — est obtenu pour l’information (15,1 points avec un écart-type de 3,6 points), puis suivent l’interaction (moyenne = 14,4 ; écart-type = 4,3) et la mobilisation (moyenne = 13,2 ; écart-type = 4,7).

  • 11 Les trois corrélations bivariées du coefficient de Pearson varient entre 0,646 et 0,664 (p < .01).
  • 12 Le nombre de répondants qui ont voté pour chaque parti nous permet d’analyser les attitudes des par (...)
  • 13 Nous avons scindé nos répondants en six catégories (18-24 ans, 25-29 ans, 30-39 ans, 40-49 ans, 50- (...)

23De plus, les attitudes liées à l’importance des fonctions d’information, d’interaction et de mobilisation sur Internet sont fortement intercorrélées. Les citoyens qui croient qu’une fonction est importante ont tendance à croire que les autres le sont également11. Les partisans de certaines formations politiques auront plus tendance à attacher de l’importance à ces fonctions que d’autres. Par exemple, les électeurs d’ON ont des scores moyens respectifs de 16,4, 16,2 et 15,4 sur ces échelles d’information, d’interaction et de mobilisation12. Par ailleurs, les outils de mobilisation sont plus importants pour les jeunes citoyens. Parmi les 18-24 ans, le score moyen est de 14,1 points, comparativement à 12,3 points parmi les répondants âgés de 60 ans ou plus13.

24Pourquoi les citoyens consultent-ils les plateformes en ligne et les médias socionumériques ? Nous l’avons demandé à nos répondants qui avaient visité le site Web, la page Facebook ou le fil Twitter d’au moins un candidat ou parti durant la campagne afin de mieux comprendre leurs motivations. Notons qu’ils pouvaient sélectionner jusqu’à trois énoncés liés à l’information, à l’interaction et à la mobilisation sur les huit proposés. Les résultats sont présentés au graphe 2.

Graphe 2. Motivations à visiter les sites Web, les pages Facebook et les fils Twitter des partis durant la campagne au Québec (pourcentages)

Graphe 2. Motivations à visiter les sites Web, les pages Facebook et les fils Twitter des partis durant la campagne au Québec (pourcentages)

25Ces résultats rejoignent le constat précédent qui posait les fonctions d’information comme primordiales. Ici encore, les citoyens sondés disaient visiter les sites Web partisans et les plateformes socionumériques d’abord à des fins d’information, puis de mobilisation et, enfin, d’interaction. Environ 50 % des répondants utilisaient ces outils pour compléter l’information qu’ils avaient déjà ou bien pour obtenir rapidement les nouvelles les plus récentes à propos de la campagne. Par ailleurs, 45 % des personnes sondées cherchaient à obtenir plus d’information à propos des positions des partis sur des enjeux électoraux. Le partage d’information à propos de la campagne, un élément de mobilisation, arrive quant à lui au quatrième rang. Les répondants étaient également moins motivés par la possibilité de répondre aux propositions formulées par les candidats ou les partis.

  • 14 La valeur du khi carré est de 2 = 56,291 (dl = 4, p < .001) et celle du V de Cramer = 0,28.

26De manière générale, il n’y a pas de tendance claire qui se dessine entre ces attitudes, les variables sociodémographiques (sexe, âge, éducation, salaire moyen), la consommation médiatique ou bien le choix électoral. Il y a toutefois une exception significative. En effet, le tiers des répondants (34,5 %) ont affirmé qu’ils étaient motivés par le désir d’obtenir, de ces sources numériques partisanes, des informations qui pourraient être plus fiables que celles des médias traditionnels. Dans ce cas, le pourcentage est fortement lié au choix électoral et, dans une moindre mesure, à l’éducation. Près des deux tiers des répondants (63,6 %) ayant voté pour ON partageaient cette motivation. Ce pourcentage est beaucoup plus élevé que pour les partisans de QS (31,36 %), du PQ (29,26 %), de la CAQ (27,66 %) et du PLQ (23,96 %)14 (= 56,291, dl = 4, p < f.001 et V de Cramer = 0,28). Comme l’indique le rapport de cote (expB) de l’analyse de régression logistique présentée au tableau 2, les électeurs d’ON étaient 4,4 fois plus susceptibles de partager cette vision de la situation que les répondants qui ont voté pour les quatre autres partis politiques. Le désenchantement ou le mécontentement des électeurs d’ON à propos des médias traditionnels pourrait expliquer pourquoi ils attachent plus d’importance que les autres citoyens aux différentes fonctions liées à la politique partisane des sites Web et des plateformes socionumériques. Notons également que les électeurs moins éduqués étaient aussi plus susceptibles de considérer les médias d’information comme moins fiables que ces sources partisanes.

Tableau 2. Analyse de régression logistique de l’attitude quant à la fiabilité des médias d’information

Tableau 2. Analyse de régression logistique de l’attitude quant à la fiabilité des médias d’information

*** p < .001 ** p < .01 * p < .05

Résultats des groupes de discussion

L’information et au-delà

27Nous avons pu élaborer davantage à propos des motivations de nos répondants grâce à nos huit groupes de discussion. Nous en avons aussi appris davantage sur ce qu’ils recherchaient lorsqu’ils visitaient les sites Web des partis et qu’ils consultaient les médias socionumériques (Facebook, Twitter, YouTube). D’abord, comme le sondage le fait ressortir, les répondants aspiraient à obtenir plus d’information à propos des différents partis et de leurs propositions électorales. Les sites des partis leur permettaient de comparer les plateformes électorales et d’analyser les arguments de chaque parti. Des répondants expliquaient qu’ils ont utilisé les sites des partis et les plateformes socionumériques afin de compléter la couverture électorale réalisée par les médias traditionnels. Par exemple, certains répondants se tournaient vers ces plateformes pour avoir une idée de ce qui se passait dans leur région ou dans leur communauté et pour en apprendre plus à propos des enjeux locaux, puisque les médias traditionnels se concentrent davantage sur les discours et les activités des chefs des partis. Par exemple, pour un participant, consulter le compte Twitter des candidats de sa circonscription était pour lui une façon d’en apprendre plus à propos des questions propres à sa région (participant 2).

28Les répondants des groupes de discussion voyaient aussi d’un bon œil les diverses manières que les partis avaient d’y aborder les enjeux complexes d’une manière directe. Ils appréciaient le fait que les plateformes des partis étaient faciles d’accès et présentées dans des termes simples. Plus encore, les répondants voyaient les vidéos déposées par les partis sur leurs sites Web et leurs plateformes socionumériques comme des outils éducationnels. Par exemple, la vidéo de Catherine Dorion, candidate d’ON dans la ville de Québec, devenue virale en raison de son franc-parler, avait été appréciée par plusieurs participants. D’autres estimaient que les vidéos de QS qui empruntaient les codes des bandes dessinées étaient de bons moyens de diffuser le message.

29Dans cet ordre d’idées, le fait de pouvoir partager l’information avec des amis au moyen de Facebook et Twitter motivait l’usage des médias socionumériques des partis politiques et des candidats. Pour nos répondants, une campagne Web réussie doit aller au-delà des partisans les plus motivés, rejoindre les citoyens lambda et être couverte par les médias d’information. En ce sens, ils appréciaient le fait qu’Internet et ses outils leur permettaient de littéralement appuyer les candidats à partir de leur salon. Cette pratique pourrait être liée au slacktivism, un terme péjoratif utilisé pour parler de l’activisme en ligne qui pourrait n’avoir que peu d’effets hors ligne (Christensen, 2011). Ces activités en ligne pourraient n’avoir qu’un objectif de valoriser les participants (ibid.). Néanmoins, nos participants nous ont indiqué utiliser à la fois les plateformes socionumériques et les médias traditionnels, en plus de participer à d’autres activités partisanes. Ce faisant, leurs pratiques s’éloignent de celles communément vues comme du slacktivism. Justement, en raison de leur attention soutenue et de leur consultation régulière des médias socionumériques et traditionnels, certains d’entre eux estimaient qu’à un moment ou à un autre durant la campagne, ils se sont sentis submergés par la grande quantité d’information qui provenait de différentes sources : télévision, radio, notamment et, de manière plus générale, d’Internet.

  • 15 « un code de conduite “communément centré sur les concepts de collaboration, de conversation et d’i (...)

30Par ailleurs, l’interactivité inhérente aux plateformes Facebook et Twitter était tenue pour acquise. Pour les citoyens interrogés, les politiciens doivent utiliser les plateformes socionumériques conformément à ce que Nigel A. Jackson et Darren G. Lilleker appellent le « code Internet », « The “Internet code”, is a code of behavior “commonly center upon the concepts of collaboration, conversation, and interaction” » (Jackson et Lilleker, 2009 : 233)15. En lien avec ce code, nos répondants s’attendaient à une présence continue des candidats sur Internet et sur les médias socionumériques.

Les petits partis négligent leur présence Web et sous-estiment l’importance de l’usage par les Québécois de cette plateforme durant cette campagne. Internet est maintenant le plus important média et cela même si la télévision joue toujours un rôle majeur (participant 4).

31De manière similaire, les efforts de mobilisation des partis politiques sur leurs sites Web et sur les plateformes socionumériques étaient perçus comme s’adressant seulement à leurs membres, comme s’ils prêchaient pour les convertis. « Les médias sociaux n’étaient pas pour moi un vrai endroit pour discuter et débattre. Ils étaient un endroit pour renforcer les attitudes et les comportements », expliquait un autre participant (participant 3). En ce sens, plusieurs de nos répondants ne se sentaient pas concernés par le message politique véhiculé sur ces plateformes.

32Nos participants avaient ainsi des attentes très élevées en ce qui concerne les usages des médias socionumériques par les candidats. Ils cherchaient notamment un usage authentique de ces plateformes. Ce faisant, ils voulaient que les candidats eux-mêmes soient les réels utilisateurs de Twitter et Facebook, plutôt que leurs spécialistes des communications.

Je m’attendais à de la transparence : que les politiciens utilisant le Web 2.0 nous laissent voir leurs vraies personnalités. Qu’ils nous donnent accès à la personne qui se cache sous ces beaux discours. Certains politiciens comme François Legault, et aussi le parti Option nationale, l’ont fait. Mais le Parti québécois et le Parti libéral m’ont déçu à ce niveau (participant 6).

Si j’envoie un tweet à François Legault. Je m’attends à ce que ce soit lui qui me réponde et non son conseiller politique (participant 5).

Mon attente principale était que les partis politiques utilisent les médias sociaux pour nous laisser voir la personne derrière le beau veston et le super discours. Ce fut le cas pour la Coalition avenir Québec et pour Option nationale, mais pas pour le Parti libéral ou le Parti québécois (participant 1).

  • 16 « [l]a construction d’un candidat à la présidence authentique a nécessité une quantité très importa (...)

33Ces critiques rejoignent les travaux de Gunn Enli qui montrent à quel point la question de l’authenticité dans les médias socionumériques est importante et mettent en évidence tout le travail investi par les politiciens et leurs conseillers en image pour donner l’apparence d’authenticité à leurs communications en ligne. Elle explique en parlant du cas de Barack Obama que « The construction of an authentic presidential candidate requires enormous economic resources, to by expansive airtime and hire top-flight marketers » (Enli, 2015 : 114)16. Il l’a fait en sachant que les médias traditionnels aussi bien que socionumériques participent à l’évaluation des performances politique, explique la chercheure. Les propos de nos répondants vont également en ce sens. Enli (2016) ajoute que l’authenticité dans les médias socionumériques est « symbolique » dans la mesure où le contenu généré par les individus est perçu comme étant plus authentique puisqu’il ne provient pas des médias traditionnels, qu’il n’a pas fait l’objet d’une médiation au préalable et, surtout, qu’il provient des individus. Nous retrouvons également cette vision chez les internautes interrogés.

34Plus encore, les répondants de nos groupes de discussion cherchaient de la proximité et de la rétroaction de la part des leaders politiques et des candidats. Ils voulaient aussi être en mesure d’afficher des opinions et des commentaires sur les pages Facebook et sites Web des partis ou des candidats. Cela ajoute donc une nuance à notre sondage qui faisait ressortir que la motivation principale pour suivre les candidats sur Facebook ou Twitter n’était pas de se sentir personnellement connectés avec les candidats. En ce sens, plusieurs répondants estimaient que ces outils pourraient être utilisés pour rejoindre les électeurs : « Les partis pourraient par exemple mettre des vidéos en ligne afin d’offrir des explications aux citoyens ou bien pour recevoir de la rétroaction de la part de ceux-ci » (participant 11). Ces outils pourraient rétrécir la distance, le fossé, entre les partis et les citoyens (participants 8 et 12). Pour certains, ce fossé est un fossé d’information. Le cynisme n’est néanmoins jamais très loin ; en effet, les répondants estiment qu’Internet et les médias socionumériques ne changeront pas toutes les pratiques politiques, comme celle du recours aux discours creux et aux campagnes négatives.

Entre l’espoir et le cynisme

35L’équilibre entre informer efficacement, débattre des enjeux complexes et être tout simplement présent sur les plateformes socionumériques est perçu comme délicat à atteindre, les extrêmes — trop ou trop peu — n’étant pas acceptés. Ils cherchaient donc un usage respectueux et équilibré des médias socionumériques. Par exemple, l’absence de Jean Charest et des libéraux sur ces médias a été remarquée et critiquée par presque tous les participants de nos groupes de discussion, y compris les partisans de ce parti. De plus, bien que certains de nos répondants estimaient que les efforts d’ON devaient être respectés, d’autres condamnaient le zèle et le ton agressif du parti au moment d’aborder des enjeux politiques. Très présent sur Twitter, François Legault, chef de la CAQ, a été étiqueté comme un « TwittoManiac » par certaines des personnes interrogées. De façon apparentée, le blogue très partisan tenu par Jean-François Lisée, candidat pour le PQ dans la région de Montréal, était perçu comme « risible » ou bien « ridicule » et les attaques sur Twitter provenant de partisans très dédiés se voyaient rapidement condamnées. « À un moment, ce n’était que des insultes », disait un participant (participant 2). « Ça commençait à devenir terrible et j’étais choquée de voir que les responsables du parti ne faisaient strictement rien pour calmer le jeu », expliquait un autre interviewé (participant 7).

36Dans un esprit apparenté, des participants de nos groupes de discussion ont souligné à plusieurs reprises que cette présence constante sur Internet aurait dû amener des débats intelligents de la part des partis et des candidats. Nos participants recherchaient donc des discussions à propos d’idées et d’enjeux électoraux alors que, pour plusieurs, la campagne semblait, la plupart du temps, aller au ralenti. Ils estimaient ainsi que les partis n’avaient pas réussi à les rejoindre. Pour un répondant, la solution à ce problème résiderait dans une campagne plus centrée par la diffusion d’information au lieu de celle basée sur les affrontements entre les partis. « De cette façon, ils pourraient être des gagnants » (participant 8). Dans le même ordre d’idées, les répondants détestaient les attaques puisqu’elles tendent à étouffer les échanges constructifs. À ce propos, lorsque les hyperpartisans attaquaient et ripostaient aux propos des partis d’opposition sur les fils Twitter et les pages Facebook, nos répondants trouvaient que c’était « juste trop » (participant 4). En raison de ces comportements agressifs, plusieurs d’entre eux ont cessé de fréquenter les médias socionumériques à un moment ou à un autre de la campagne. Pour certains, ces pratiques ont amené une perte de confiance envers les politiciens et les partisans qui utilisaient Twitter de manière si négative et agressive. Cela a ainsi affecté l’image qu’ils avaient des acteurs politiques. De plus, au lieu d’avoir l’effet voulu, c’est-à-dire de créer une aversion pour la personne critiquée, les attaques créaient plutôt un élan de sympathie pour la personne qui en était la cible.

37Comme les citoyens auraient aussi aimé que les médias socionumériques soient utilisés de manière significative et utile, ils s’attendaient à ce que les discours soient également adaptés à ces plateformes. Un participant témoignait :

On claironnait beaucoup que ça allait être LA campagne 2.0, avec énormément d’utilisation des médias sociaux et puis tout ça. Puis, franchement, pas tant que ça. Les messages qui étaient diffusés sur les médias sociaux n’étaient pas si différents, mais pas amenés de manière si différente que ça. C’était assez… Pour ce point, je ne dis pas que c’est une déception, mais c’est une constatation que la campagne que les médias promettaient comme étant très axée médias sociaux, interactions, machin, ne s’est pas concrétisée dans le réel (participant 9).

38Ainsi, la campagne Web n’a pas été à la hauteur des attentes des citoyens. Les sites Web et les plateformes de médias socionumériques n’étaient en fait que de nouveaux outils pour propager de vieux discours. Par exemple, lorsque les politiciens les utilisaient pour signaler leur présence à une émission de télévision ou dans une ville spécifique, les répondants estimaient qu’ils semblaient sortis d’un autre monde, un monde distant des citoyens et de leurs préoccupations. L’interactivité était pour eux la clé. Dans cette optique, s’ils utilisent les médias socionumériques de cette manière, les politiciens pourraient se construire un capital de sympathie et apparaître comme plus dignes de confiance. Le constat qui ressortait alors était que les politiciens n’avaient ainsi pas l’air préparés pour mener ce type de campagne.

39Nos répondants étaient ainsi hautement critiques du ton rigide et formel des discours présentés sur les sites Web et plateformes socionumériques. Cette approche officielle et très structurée des stratégies de communication a ainsi été dénigrée : « Il n’y avait rien d’extraordinaire, rien qui n’a attiré mon attention. Malheureusement, ma perception est que la communication était très classique et formatée. Les politiciens n’allaient pas assez loin dans leur implication » (participant 10).

40Certains répondants plaçaient beaucoup d’espoir dans Internet et dans les médias socionumériques comme outils de mobilisation et d’amélioration de la communication électorale. Il y avait des attentes de renouvellement de la confiance envers les pratiques démocratiques. Toutefois, plusieurs ont été déçus de constater que ces outils offraient seulement une impression d’accessibilité qui n’était pas réelle. « Le potentiel était là », expliquait un participant. « Ce sera génial tant que nous sentirons que cet usage est authentique et non guidé par la partisannerie » (participant 10). D’autres voyaient Internet et les médias socionumériques comme des outils de mobilisation pouvant aider les citoyens indécis ou bien ceux qui ont perdu confiance dans les institutions politiques à faire un choix éclairé. Selon le point de vue de certains participants, pour les citoyens politiquement apathiques, les médias socionumériques ne seront pas suffisants pour inspirer la confiance puisque ce ne sont pas les outils utilisés par les politiciens qui comptent, mais bien leurs actions et leur intégrité qui sont importantes (participants 13 et 14).

Discussion et conclusion

41Notre étude avait pour objectif de connaître les motivations des citoyens qui fréquentent les espaces partisans numériques durant les campagnes électorales ainsi que leur évaluation de ce que les partis et les candidats offrent sur le Web et les médias socionumériques. Elle montre que les citoyens cherchent principalement de l’information à propos des activités des candidats et des enjeux-clés de la campagne. Cette information présentée en ligne est considérée dans certains cas comme soit plus fiable à l’information qui est présentée dans les médias traditionnels, soit complémentaire à celle-ci. Les participants à notre étude voulaient en apprendre plus à propos des enjeux régionaux et à propos des idées de leurs candidats sur des questions spécifiques. Ils espéraient également des débats intelligents sur les sites des partis et des candidats politiques ainsi que sur leurs plateformes socionumériques. Dans certains cas, ils recherchaient plus d’interaction sur ces plateformes. Par exemple, ils auraient aimé être en mesure d’utiliser les commentaires sur les murs Facebook ou bien sur les sites YouTube. Les répondants interrogés auraient aimé participer à des discussions politiques en ligne. Cela était également le cas pour les citoyens rencontrés par Stromer-Galley (2002 ; Stromer-Galley et Wichowski, 2011). Nos répondants étaient aussi très critiques lorsque des hyperpartisans ou des politiciens perdaient le contrôle de leur communication dans les médias socionumériques. De telles pratiques ont même amené certains de nos répondants à se désengager de la campagne en ligne.

42Nos résultats et le fait que l’information qui en est ressortie est si importante pour nos répondants génèrent de nouveaux questionnements de recherche dans la lignée des études sur les usages et les gratifications. Il y aurait donc lieu d’explorer davantage les motivations des citoyens à consommer de l’information ainsi que le type d’information qu’ils préfèrent. Il serait aussi essentiel de voir si ces informations sont à la hauteur de leurs attentes et si leur manière de s’informer peut être liée à leur relation avec la politique. Ainsi, dans la lignée des travaux d’Ohr et Schrott (op. cit.), il y aurait lieu de se demander comment les attentes sociales peuvent informer les pratiques des citoyens. De plus, lorsque nos répondants avancent qu’Internet et les médias socionumériques leur permettent de soutenir la campagne de leur salon, cela soulève des questions à propos de l’usage de ces outils et de l’émergence de nouvelles formes de participation politique où le risque et l’engagement prennent différentes formes (Van Laer et Van Aelst, 2010), qu’il ne faudrait pas réduire à de simples pratiques de slacktivism (Christensen, op. cit.). Cette piste de recherche pourrait aussi être explorée. Avec la grande popularité des tablettes, téléphones cellulaires et applications diverses, les politiciens et les partis politiques feront face à de grands défis afin de garder le rythme, de plaire aux citoyens et de répondre aux attentes changeantes de la population et toujours en évolution. Cela alimentera certainement d’autres questionnements de recherche et créera des défis méthodologiques et théoriques pour les chercheurs en communication politique.

43Par ailleurs, les données quantitatives montrent l’importance que des citoyens, fortement politisés dans cette enquête-ci, accordent à la fonction d’information du Web et des médias socionumériques. Ces citoyens valorisent davantage cette fonction que celles d’interaction ou de mobilisation. Les données qualitatives apportent cependant des nuances riches : ces dernières sont néanmoins importantes et, en particulier, elles ont généré plusieurs critiques de la part des participants aux groupes de discussion. En effet, ils ont reconnu que les contenus partisans diffusés sur le Web et les médias socionumériques complètent l’information reçue par les médias traditionnels, qu’ils permettent de mieux comprendre certains enjeux complexes et qu’ils facilitent le partage d’information avec des personnes qu’ils connaissent. Ces nouveaux outils permettaient notamment de présenter des enjeux complexes de manière simple et éducative. Les internautes interrogés s’attendent toutefois à ce que les acteurs politiques assurent une présence constante sur les plateformes socionumériques, qu’ils utilisent celles-ci d’une manière authentique, qui favorise la proximité et la rétroaction. Ils s’attendent à une dynamique interactive et à des messages au ton moins formel ou rigide que celui employé sur d’autres supports de communication. Comme il est possible de le constater au tableau 3, les motivations et les attentes des internautes actifs interrogés se regroupent en 10 thématiques centrales.

Tableau 3. Synthèse des résultats

Tableau 3. Synthèse des résultats

44La question de la recherche d’information rejoint les travaux de Kaye et Johnson (op. cit.). En effet, les internautes que nous avons interrogés cherchaient surtout à s’orienter à travers la campagne, notamment lorsqu’ils tentaient de compléter la couverture électorale réalisée par les médias traditionnels. Et ils cherchaient surtout à s’informer, comme nous avons pu le voir grâce à notre sondage et aux informations recueillies dans nos groupes de discussion. Le désir de se divertir, relevé par Kaye et Johnson, n’était pas significatif chez nos participants.

45Par ailleurs, la question des interactions spontanées liées au code des plateformes ressort fortement de nos groupes de discussion. Cet aspect rejoint les travaux de Stromer-Galley et Foot (2002), Lüders, Følstad et Waldal (op. cit.) et Xenos et Foot (op. cit.). Tout comme ces chercheurs, notre étude montre que les citoyens s’attendent à ce que les politiciens assurent une présence constante et cohérente sur les plateformes numériques. Ils estiment également qu’ils devraient être eux-mêmes sur ces plateformes, respecter leurs adversaires et être en mesure de discuter des enjeux électoraux en adaptant leurs discours à ces plateformes. Des attentes bien élevées pour les partis et les candidats qui n’ont pas nécessairement de larges équipes de communication à leur service. Ces attentes élevées proviennent sans doute du fait que notre étude est basée sur un échantillon de citoyens très intéressés par la politique, très actifs sur le Web et les médias socionumériques et ainsi plus susceptibles de partager cet avis à propos de ces pratiques politiques. Les citoyens sondés font ainsi partie d’un groupe assez spécifique, très engagé. Dans cette optique, leurs perceptions et leurs attentes ne peuvent être généralisées à l’ensemble de la population québécoise. Nous pourrions donc nous demander si leurs attentes étaient trop élevées par rapport aux pratiques politiques traditionnelles. Comment les candidats et les pratiques politiques peuvent-ils simultanément rejoindre les citoyens de tous les âges, de tous les horizons politico-économiques, leurs fidèles supporteurs et les médias traditionnels, plaire à la fois à tous ? Les sites Web les médias socionumériques ont le potentiel d’enrichir la communication durant les campagnes électorales. Toutefois, comme les répondants l’ont souligné, des ajustements devront être apportés afin que ces outils atteignent leur plein potentiel et que les usages rejoignent les attentes des citoyens.

46Par ailleurs, les pratiques des internautes interrogés ouvrent sur la question de la citoyenneté numérique (Greffet et Wojcik, 2014). Leurs pratiques pourraient être envisagées comme celles de « citoyens vigilants », selon le concept de Pierre Rosanvallon exposé dans son ouvrage La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance. L’auteur voyait d’ailleurs Internet comme un « espace généralisé de veille et d’évaluation du monde » (2006 : 75). Plus encore, dans la lignée des travaux de Zizi Papacharissi (2010), nos internautes pourraient aussi être envisagés comme des citoyens numériques qui utilisent les plateformes socionumériques pour renouveler leur manière de s’impliquer en politique. Ici, ce n’est pas tant la différence entre la mobilisation en ligne et celle hors ligne qui importe, mais la possibilité de s’impliquer par l’intermédiaire des médias socionumériques. Si les chercheurs ont montré qu’Internet était un outil de socialisation important pour les jeunes (Thorson, op. cit.), et ce, même s’il créait un cercle vertueux de participation (Boulianne, op. cit.), il y a lieu de poursuivre l’investigation à ce sujet afin de mieux comprendre comment la participation politique peut être favorisée par les médias socionumériques.

47Il y a lieu également de situer et d’élargir ces réflexions dans le sillon de la littérature sur la médiatisation du politique. Dans les régimes démocratiques, où la communication politique opère souvent dans des environnements faiblement régulés et fortement commercialisés, les médias obéissent largement à des facteurs exogènes au personnel politique et aux institutions politiques. Leur création et leur fonctionnement procèdent plus souvent d’idéaux normatifs, d’innovations techniques et de conditions économiques qui insufflent une « logique médiatique » (Altheide et Snow, 1979 ; Klinger et Svensson, 2016 ; Strömbäck et Esser, 2014) à laquelle s’adapte, jusqu’à un certain point, le monde politique. La médiatisation du politique désigne ainsi l’ensemble des transformations générées par les médias dans les relations entre les acteurs (citoyens, partisans, personnalités publiques, organisations gouvernementales ou non) et les institutions politiques.

48La littérature sur la médiatisation a décrit, depuis la fin des années 1970, une logique médiatique propre aux médias d’information de masse : le journalisme et les entreprises de presse, les journaux, la radio et la télévision (Altheide et Snow, 1979). Plus récemment, cette conceptualisation s’est actualisée à la suite du développement du Web et, en particulier, des médias socionumériques. De telles logiques sont de nature à structurer l’usage que les acteurs politiques font de ces médias, mais aussi les attentes des citoyens.

  • 17 « aux processus, aux principes et aux pratiques par lesquels ces plateformes traitent l’information (...)

49Selon José van Dijck et Thomas Poell, la logique des médias socionumériques renvoie « […] to the processes, principles, and practices through which these platforms process information, news, and communication, and more generally, how they channel social traffic » (Van Dijck et Poell, 2013 : 5)17. Comme esquissée par les chercheurs contemporains, elle présente plusieurs attributs qui correspondent à des concepts soulevés par les participants aux groupes de discussion. Les notions d’interactivité et de personnalisation y sont particulièrement importantes. Ulrike Klinger et Jakob Svensson (op. cit. : 30) soulignent que ces plateformes numériques permettent de produire, de consommer et de partager une communication immédiate, interactive et fortement individualisée. Certains de leurs attributs, par exemple les boutons « J’aime » et les espaces de commentaires, permettent d’obtenir une rétroaction rapide de la part des usagers. Gunn Enli et Hallvard Moe (2013) insistent particulièrement sur la personnalisation et l’authenticité de la communication entre les acteurs politiques et les électeurs, notamment par l’établissement d’un dialogue qui se heurte souvent à des contraintes qui en limitent la concrétisation.

50D’une manière générale, Jackson et Lilleker (op. cit.) évoquent la construction d’une « architecture de participation » par le développement des médias socionumériques qui facilite la coproduction de l’information, le réseautage social et la constitution d’espaces pour des interactions individuelles. Ces auteurs prédisaient qu’à mesure où les citoyens s’approprieront les outils du Web 2.0, ils s’attendront à ce que ces attributs constituent la norme. Les témoignages exprimés par les participants à nos groupes de discussion abondent précisément dans ce sens.

51Il arrive que les acteurs politiques emploient les médias socionumériques en suivant davantage une logique héritée des médias d’information de masse, par exemple lorsqu’ils utilisent ces plateformes comme des outils de diffusion, d’une manière unidirectionnelle et peu réactive devant les commentaires générés par les usagers (Klinger et Svensson, op. cit. : 30). De manière générale, les analyses de contenu montrent que c’est principalement suivant une telle logique de diffusion que les acteurs politiques emploient Internet et les médias socionumériques. Ce fut notamment le cas pendant la campagne québécoise de 2012 (Giasson et al., op. cit. ; Eyries et Poirier, 2013).

52On peut se demander quels sont les effets, sur le sentiment d’efficacité des électeurs et sur leur degré de cynisme à l’égard du politique, d’un tel écart entre les normes et les pratiques qui caractérisent les médias numériques. Certains de nos participants ont manifesté, à tout le moins, un désenchantement à ce chapitre. Aussi y aurait-il lieu d’explorer plus à l’avant cet écart entre les pratiques politiques réelles des parlementaires et des candidats aux élections sur les médias socionumériques et les attentes des citoyens à leur égard. Si leurs usages, plutôt que de les réconcilier avec la politique, les en éloignent, nous sommes alors près de la spirale du cynisme évoquée par Joseph N. Cappella et Kathleen Hall Jamieson (1997) dans leurs travaux, ici plutôt liée aux médias socionumériques. Comme le remarquent Klinger et Svensson,

  • 18 [l]es plateformes socionumériques ne peuvent à elles seules révolutionner les campagnes électorales (...)

[s]ocial media platforms cannot per se revolutionise election campaigns or other political processes, because it is first and foremost the design of political institutions that determines whether, and in what way, social media platforms can be meaningfully employed in political communication (op. cit. : 34)18.

53Les attentes des citoyens et les pratiques politiques en révèlent peut-être donc plus sur les limites des institutions que sur les médias socionumériques eux-mêmes.

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Notes

1 Nous utilisons ici le masculin dans une perspective inclusive autant pour désigner les chercheurs que les personnes interrogées dans le cadre de notre étude.

2 Nous utilisons le terme de médias socionumériques en usage chez les chercheurs du domaine. Notons cependant que les utilisateurs sondés utilisent quant à eux le terme de médias sociaux, plus courant dans la population.

3 Le projet était intitulé enpolitique.com : stratégies, contenus et perceptions des usages politiques du web en période électorale. Le cas des campagnes électorales présidentielle française et législative québécoise. Il a été financé en France par l’Agence nationale de la recherche (Programme de collaboration France-Québec en SHS) et au Québec par le Fonds de recherche du Québec — Société et culture. La direction scientifique du projet était assurée par Fabienne Greffet (Université de Lorraine) et Thierry Giasson (Université Laval). Participaient également à ce projet en France : Gersende Blanchard (Université Lille 3), Simon Gadras (Université Lyon 2), Stéphanie Wojcik (Université Paris-Est Créteil) et au Québec : Frédérick Bastien (Université de Montréal) et Mireille Lalancette (Université du Québec à Trois-Rivières).

4 Le parti ON a fusionné avec QS en décembre 2017.

5 Source : Directeur général des élections. [En ligne]. www.electionsquebec.qc.ca. Page consultée le 20 juin 2018.

6 Les questionnaires non admissibles ne correspondaient pas à la définition de notre population, principalement parce qu’ils étaient remplis par des personnes déclarant avoir travaillé pour un candidat lors de la campagne ou n’ayant pas utilisé Internet et les réseaux socionumériques à des fins politiques pendant la campagne électorale.

7 Directeur général des élections du Québec, taux de participation, élections générales 2012, [En ligne]. https://www.electionsquebec.qc.ca/documents/pdf/participation-estimation-2012.pdf. Page consultée le 30 mars 2019.

8 Les huit groupes se caractérisent ainsi : (i) souverainistes de 31 ans ou plus, Québec ; (ii) PLQ et CAQ, Québec ; (iii) souverainistes, 30 ans ou moins, Québec ; (iv) PLQ et CAQ, Montréal ; (v) QS et ON, 31 ans ou plus, Montréal ; (vi) QS et ON, 30 ans ou moins, Montréal ; (vii) PQ, 31 ans ou plus, Montréal ; (viii) PQ, 30 ans ou moins, Montréal.

9 Il est à noter qu’Instagram n’avait pas, au moment de notre étude en 2012-2013, le même statut qu’il a actuellement.

10 Nous avons testé la fiabilité de ces échelles à l’aide de l’alpha de Cronbach (0,69 et 0,80). Ces valeurs décroissent systématiquement lorsqu’un élément est retiré de l’échelle, ce qui démontre la qualité de ces mesures.

11 Les trois corrélations bivariées du coefficient de Pearson varient entre 0,646 et 0,664 (p < .01).

12 Le nombre de répondants qui ont voté pour chaque parti nous permet d’analyser les attitudes des partisans de la CAQ, du PLQ, d’ON, du PQ et de QS. Les résultats des analyses de variance sont : F = 5,034, dl = 4, p < 0,01 pour l’information, F = 9,194, dl = 4, p < 0,001 pour l’interaction et F = 8,837, dl = 4, p < 0,001 pour la mobilisation.

13 Nous avons scindé nos répondants en six catégories (18-24 ans, 25-29 ans, 30-39 ans, 40-49 ans, 50-59 ans et 60 ans ou plus). La différence de moyennes est statistiquement significative (F = 4,471, dl = 5, p < 0,001).

14 La valeur du khi carré est de 2 = 56,291 (dl = 4, p < .001) et celle du V de Cramer = 0,28.

15 « un code de conduite “communément centré sur les concepts de collaboration, de conversation et d’interaction” » (traduction des auteurs).

16 « [l]a construction d’un candidat à la présidence authentique a nécessité une quantité très importante de ressources économiques afin d’acheter du temps d’antenne coûteux ainsi que d’embaucher des spécialistes de haut niveau en marketing » (traduction des auteurs).

17 « aux processus, aux principes et aux pratiques par lesquels ces plateformes traitent l’information, les nouvelles et la communication, et plus généralement, à la façon dont elles canalisent les flux sociaux » (traduction des auteurs).

18 [l]es plateformes socionumériques ne peuvent à elles seules révolutionner les campagnes électorales et les autres processus politiques, parce que ce sont d’abord et avant tout les institutions politiques qui déterminent si et comment les plateformes socionumériques peuvent être employées de manière significative dans les processus de communication politique (traduction des auteurs, italiques originaux).

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Table des illustrations

Titre Tableau 1. Orientations générales des partis, chef, nombre de sièges et proportion des votes valides aux élections de 2012
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Fichier image/png, 348k
Titre Graphe 1. Importance accordée par les répondants aux usages d’Internet par les partis (valeurs moyennes)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/10650/img-2.png
Fichier image/png, 138k
Titre Graphe 2. Motivations à visiter les sites Web, les pages Facebook et les fils Twitter des partis durant la campagne au Québec (pourcentages)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/10650/img-3.png
Fichier image/png, 142k
Titre Tableau 2. Analyse de régression logistique de l’attitude quant à la fiabilité des médias d’information
Légende *** p < .001 ** p < .01 * p < .05
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/10650/img-4.png
Fichier image/png, 23k
Titre Tableau 3. Synthèse des résultats
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/docannexe/image/10650/img-5.png
Fichier image/png, 281k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mireille Lalancette et Frédérick Bastien, « Enthousiasme et désenchantement »Communication [En ligne], Vol. 36/2 | 2019, mis en ligne le 15 juillet 2019, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/communication/10650 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/communication.10650

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Auteurs

Mireille Lalancette

Mireille Lalancette est professeure au Département de lettres et communication sociale et membre du Groupe de recherche en communication politique (GRCP), Université du Québec à Trois-Rivières. Courriel : mireille.lalancette@uqtr.ca

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Frédérick Bastien

Frédérick Bastien est professeur au Département de science politique et membre du Groupe de recherche en communication politique (GRCP), Université de Montréal. Courriel : f.bastien@umontreal.ca

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