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DOSSIER

L’espace rural haïtien en mutation : du déclin de la caféiculture au développement de l’économie informelle dans la Chaîne des Cahos

Dieupuissant Florida et Marie Redon
p. 115-141

Résumés

L’économie paysanne haïtienne a été, jusqu’à la fin des années 1970, préservée de la concurrence internationale. Des tarifs douaniers relativement élevés protégeaient le marché des produits importés mais la mise en application des politiques d’ajustement structurel à partir des années 1980 a eu des conséquences néfastes sur l’économie nationale. Elle mit à genoux les paysans qui allaient désormais être confrontés à la concurrence des produits importés. Dans la Chaîne des Cahos, après le déclin du café, seul produit d’exportation de la zone, les cultures vivrières connaissent à leur tour une phase de déclin. Pour s’adapter à la nouvelle réalité socio-économique, certains paysans cherchent à diversifier leurs activités par la migration, la pratique du petit commerce et/ou le jeu de hasard (borlette).

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Texte intégral

Développement par-ci. Développement par-là. « Si vous coupez les arbres, pas de développement. Si vous plantez dans les terres de café des haricots, la terre va s’en aller et pas de développement. Si vous déféquez dans les rivières, pas de développement. Nous avons planté les haricots dans les terres de café tout là-haut, coupé les arbres et déféqué dans les eaux ».
Yanick Lahens, Bain de lune, 2015, p. 225.

Introduction

1L’étude porte sur l’évolution de la production agricole et les mutations sociales inhérentes dans la Chaîne des Cahos, ensemble montagneux situé dans le Département de l’Artibonite (voir Figure 1) qui se caractérise par son enclavement et l’ancienneté de la culture du café, aujourd’hui en déclin, au profit du développement de l’économie informelle. Cette culture du café est ici révélatrice à deux titres.

2D’abord, pour reprendre l’article de Paul Moral paru dans les années 1950 sur la caféiculture, parce que « le monde rural haïtien est très vigoureusement marqué par l’empreinte du passé. On la retrouve partout : dans la toponymie, le régime foncier, le statut social, l’habitat, les modes d’exploitation, les techniques agraires. L’économie actuelle s’explique en partie par le « legs colonial », modelé, adapté, transformé » depuis l’indépendance. Et, dans ce contexte, la production du café « commande 1’économie » et la vie rurale haïtienne « lui est redevable de quelques-uns de ses traits les plus originaux » (1955, p. 233). Ensuite, et ces deux aspects sont liés, parce que le commerce du café permet de lire à la fois le poids des legs dans l’organisation de l’espace agricole et celui de la dépendance économique du pays, ce qui a été l’objet du travail de Christian Girault (1982). Le géographe s’était alors attaché à étudier les circuits de commercialisation du café pour analyser les relations de dépendance à un double niveau : celui des échanges internationaux et celui du système de commercialisation interne, le commerce du café en Haïti offrant « un exemple remarquable d’articulation entre la sphère moderne du capital et la sphère archaïque des rapports de production semi-féodaux, entre la ville et la campagne » (p. 210).

3Entrer dans la Chaîne des Cahos par cette production agricole permet donc de replacer cet espace rural à la fois dans le contexte plus général de l’évolution de la paysannerie haïtienne et dans les processus économiques qui amarrent, pour ne pas dire qui aliènent, le pays au marché mondial.

  • 1 Estimation faite à partir des données du recensement de l’IHSI publiées en 2012. On suppose que le (...)

4La population de la Chaîne des Cahos est évaluée à 180 350 habitants en 20181, elle est composée à plus de 90 % d’actifs agricoles. Milieu enclavé dont l’accessibilité est rendue extrêmement difficile par le relief accidenté et le faible développement des réseaux routiers, la Chaîne des Cahos est aussi peu fréquentée par les autorités étatiques que par les chercheurs : les travaux de recherche réalisés sur cette zone sont quasi inexistants, d’où l’intérêt de ce travail de terrain qui concerne principalement les sections communales de Pérodin et Médor, respectivement 5e et 6e sections de la commune Petite Rivière de l’Artibonite (voir Figure 1). Comment, dans cet espace a priori si éloigné des centres de décisions à la fois nationaux et internationaux, l’évolution globale du secteur agricole a-t-elle un impact concret, jour après jour, sur la vie des habitants ?

Figure 1/Carte 1 – La Chaîne des Cahos, une zone d’étude de montagne enclavée

Figure 1/Carte 1 – La Chaîne des Cahos, une zone d’étude de montagne enclavée

5Pour le comprendre, le décrire et le cartographier, il nous faut d’emblée revenir sur le moment où ces mutations ont commencé. Nous pensons que ce processus remonte aux années 1980, décennie qui constitue un moment particulier dans l’histoire économique et politique des pays en développement (PED). Très endettés, ces derniers ont été contraints de mettre en application les Politiques d’Ajustement Structurel (PAS) conçues et soutenues par les institutions financières internationales : le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM). Leur application était indissociable de la libéralisation commerciale conçue comme facteur d’amélioration de la croissance et de la compétitivité économique. Les PAS cherchaient à établir les équilibres fiscaux et budgétaires par des mesures comme la compression des dépenses de l’État, l’orientation de la production vers l’exportation, la réduction de la consommation, la diminution des salaires, la suppression des subventions aux biens de première nécessité, etc. (Belanger, 1992). En Haïti, comme dans d’autres PED, l’application de ces mesures à partir de 1986 s’est notamment traduite par la privatisation de la plupart des institutions publiques et la réduction de leur budget, souvent désormais simple budget de fonctionnement, sans possibilité d’investissement.

6Ces dispositions ont eu des conséquences négatives sur l’économie nationale et continuent d’influencer les activités économiques dans les espaces ruraux, jusqu’aux plus reculés, dans un pays dont la population est quantitativement en train de basculer du rural à l’urbain avec environ les 2/3 de population urbaine d’après les évaluations de la Banque mondiale de 2018. Si, selon leurs objectifs officiels, les PAS visaient à orienter la production des pays en développement vers l’exportation, la réalité socio-économique créée par l’abaissement des tarifs douaniers est complètement différente. Les nouvelles orientations de la politique des États concernés n’ont pas permis à la paysannerie de développer des produits d’exportation concurrentiels et bon nombre de paysans sont devenus dépendants des produits importés pour se nourrir et survivre. Certes, le bilan peut être nuancé en fonction des espaces considérés mais les résultats globaux ne sont pas satisfaisants. Même rapporté à la croissance démographique, le montant des marchandises importées par Haïti s’est envolé : de 653 millions de dollars en 1995, la valeur a grimpé à 4,7 milliards de dollars en 2018 (principalement en riz, pétrole, viande, voitures, lait et blé, d’après la Banque de la République d’Haïti). Et l’écart entre le volume de produits importés et ceux exportés continue de se creuser.

7Mais comment ces dispositions adoptées dans le cadre de l’ajustement structurel influencent-elles, aujourd’hui, les activités économiques en milieu rural ? Comment le déclin de l’agriculture vivrière impacte-il l’agriculture d’exportation et l’organisation de l’espace rural contemporain en Haïti ? À partir du cas de la Chaîne des Cahos, nous proposons ici d’analyser, à l’échelle locale, les conséquences de ces politiques financières.

8Après une présentation de la zone d’étude et de la méthode utilisée, il s’agira, d’abord, de mettre en évidence le rapport existant entre les décisions de l’État central et les pratiques des agriculteurs sur place dans le domaine de la caféiculture, en retraçant l’évolution de la production sur plusieurs décennies. Ensuite, nous évoquerons les différentes stratégies adoptées par la paysannerie face au déclin agricole, marquée par le basculement progressif de l’économie agricole à sa tertiarisation informelle.

Présentation du terrain d’étude et du contexte de l’enquête

  • 2 On doit marcher pendant trois heures en moyenne avant de trouver une moto-taxi. Cette dernière va m (...)

9La Chaîne des Cahos s’étend sur environ 42 km du nord-ouest au sud-est et 16 km du sud-ouest au nord-est. Montagneuse et escarpée, c’est une des régions les plus reculées de l’espace rural haïtien : sans véhicule personnel, il faut par exemple plus de six heures de trajet pour rejoindre Port-au-Prince depuis Médor2 qui compte environ 16 000 habitants (IHSI, 2015). Il est bien difficile de donner des chiffres de population précis, donc de densités moyennes, pour cet espace. En effet, le recensement de la population y est irrégulier et le dernier a eu lieu en 2003, la Chaîne des Cahos étant rarement prise en compte dans les enquêtes régionales et les enquêteurs, lorsqu’ils s’y rendent, priorisant quelques habitations d’accès facile. En raison de cet enclavement, la Chaîne est également peu concernée par les projets de développement de l’État central, mais aussi par ceux de nombreuses institutions internationales et ONG présentes sur le territoire national. Les membres du Conseil d’Administration de la Section Communale (CASEC) constituent les principaux représentants de l’État sur place et, dans certains cas, ce sont les curés des paroisses qui jouent en grande partie le rôle de l’État. Ces prêtres catholiques interviennent dans la gestion des conflits familiaux et terriens et font effectuer des travaux d’aménagement routiers en rendant la route accessible en 4 x 4 pendant la saison sèche.

  • 3 Le Massif des Montagnes Noires comprend la Chaîne d’Ennery, la Chaîne des Cahos et la Chaînes des M (...)

10La Chaîne des Cahos fait partie du Massif des Montagnes Noires3 situé dans le Nord de la République d’Haïti (voir Figure 1). Paul Moral, dans Le paysan haïtien (1961, p. 76) évoque d’ailleurs plutôt la « Chaîne des Montagnes Noires et des Cahos ». À l’image de l’ensemble du pays, les roches calcaires y prédominent, surtout de couleur blanche. Comme les autres zones de haute altitude en Haïti, les sols ferralitiques, communément appelés « tè rouge » (terre de couleur rouge) par les riverains, couvrent pourtant une grande partie de la Chaîne des Cahos, particulièrement les zones concernées par cette étude.

11Avec des sommets de plus de 1 000 mètres d’altitude, et en comparant la végétation avec celle d’autres sites au profil comparable, les « mornes » (collines) des Cahos devraient être recouverts de végétation en permanence, ce qui n’est pas le cas. La Chaîne des Cahos bénéficie de conditions climatiques très proches de celles des zones de Kenscoff et de Furcy avec une température qui varie entre 16,4 °C et 18,5 °C de décembre à janvier (idem, p. 109), ce qui en fait une zone fraîche et assez humide. En l’absence de stations de mesures, révélatrices de l’angle mort que représente cette région, il est difficile d’évaluer avec précision la quantité de précipitations reçues par la Chaîne des Cahos au cours d’une année. Toutefois, à partir de la carte de précipitations établie par Guy Lasserre et citée dans l’ouvrage d’André-Marcel d’Ans (1987), on peut estimer que les précipitations annuelles y varient entre 1 et 1,5 m. En effet, le régime de précipitations de la Chaîne des Cahos semble correspondre au calendrier proposé par Jacques Butterlin (1960) : les deux saisons de pluie vont d’avril-mai et septembre-novembre. Les saisons sèches vont de janvier à mars et de juillet à août. Au cours de ces périodes, les précipitations sont beaucoup plus abondantes au mois de mai et d’octobre. Contrairement aux versants au vent, comme le massif du Nord, la Chaîne des Cahos correspond au versant sous le vent, donc non exposé aux alizés, et ne profite pas des précipitations favorisées par ce vent.

12Il existe une différence marquée entre le Bas Cahos, sec, et le Haut Cahos, beaucoup plus humide, mieux arrosé. Ce dernier bénéficie sans doute des pluies orographiques. C’est dans le Haut Cahos, où les pentes sont les plus raides (voir Figure 3) que la culture du café est la plus présente. C’est donc là, notamment dans les sections communales Médor et Pérodin, que se sont concentrées nos enquêtes de terrain. Il faut aussi préciser que le Haut Cahos a été la principale zone concernée par le projet consacré à la relance de la culture du café de l’ONG française Inter-Aide, explicité plus loin, qui a eu des incidences sur les mutations agricoles à l’œuvre.

13À l’échelle du territoire national, en partie en raison de son isolement, cet espace est aujourd’hui une zone de production marginale de café par rapport aux grandes aires de production du pays près de Thiotte ou Beaumont (voir Figure 2). Pourtant, pendant longtemps, le café a été « comme une banque pour les paysans des Cahos. Tout ce qu’on a pu accomplir, c’est grâce au café », mais « le café a disparu », comme en témoignent les paysans dans le film documentaire « Cahos » réalisé en 2015 par Hervé Roesch.

14Dans cet espace de caféiculture en déprise du Haut Cahos, la première phase d’enquête a été réalisée en 2013 et présentée dans le cadre d’un mémoire de recherche en master 2 de Géographie (Université Paris 8). Trois catégories de personnes ont alors été enquêtées : des agriculteurs, des membres du CASEC et des responsables d’organisations paysannes. Les questionnaires administrés avaient alors pour objectif d’obtenir des informations sur la variation de la productivité et du rendement agricole, mais surtout sur la variation de l’espace caféier. Les causes et les conséquences de ces changements sur l’économie paysanne locale ont été analysées, ainsi que leur incidence sur l’émergence de conflits sociaux et la dégradation de l’environnement. Cinquante personnes avaient alors été interrogées. Cette première phase de terrain a été complétée par une nouvelle phase d’entretiens en septembre 2018, dans le cadre du doctorat en cours (Université Paris 13), élargissant la perspective à l’économie rurale en général, en se posant la question des stratégies adoptées face à l’évolution de la production caféière.

L’évolution de la caféiculture dans la Chaîne des Cahos, à l’image du déclin du café haïtien ?

Une caféiculture en recul à l’échelle nationale

15Si, en 1955, Paul Moral affirmait que « le café est toujours resté la pièce maîtresse et le fondement de l’activité nationale haïtienne » (p. 253), ce pilier chancelle, sapé par des causes externes et internes.

16Entre 1820 et 1850, les exportations annuelles nationales de café se situaient autour de 500 000 sacs en moyenne, à raison de 60 kg/sac. Le pic a ensuite été atteint entre 1850 et 1880 avec une moyenne de 667 000 sacs annuels, ce qui situait le pays parmi les premiers producteurs mondiaux (Arias, 2006, p. 17). Au moment de l’occupation américaine de 1915-1934, la part du café dans la valeur des exportations dépassait 50 %. Le plus haut niveau de production a été atteint en 1955 avec 740 000 sacs (soit plus de 44 000 tonnes). À partir de là, la production poursuit une baisse continue. Durant les années 1980, le café couvrait 133 000 hectares de terres agricoles en Haïti, avec une production moyenne annuelle de 35 000 tonnes (idem) ; la production est tombée à près de 30 000 tonnes en 1998 et a chuté à environ 27 000 tonnes en 2003, pour passer sous la barre des 20 000 tonnes dans les années 2010.

17Aujourd’hui, Haïti est un producteur marginal sur le marché international. Le pays ne fait d’ailleurs pas partie de l’Organisation internationale du café qui regroupait, en 2018, 44 pays exportateurs et sept pays importateurs. D’après le site internet de l’organisation, les gouvernements membres représentent 98 % de la production et plus de 83 % de la consommation mondiale de café : la production haïtienne, tout en bas du tableau (Tableau 1), est quasi inexistante dans ce marché globalisé.

Tableau 1 – La caféiculture haïtienne : une production marginale

Rang mondial

Quantité produite

28e sur 56 pays, soit 0,262 % de la production mondiale

Quantité exportée

41e sur 56 pays

Rang en Amérique latine et Caraïbe

Quantité produite

13e sur 20 pays

Quantité exportée

16e sur 20 pays

Source : statistiques de l’International Coffee Organization (2011) reproduites par INCAH en 2014.

  • 4 Article en ligne « Haïti : le café s’exporte tout en protégeant la biodiversité », consultable sur  (...)

18Certes, le café d’Haïti est bien vendu sur le marché européen, japonais et américain mais il s’agit d’une production de niche qui bénéficie de l’affirmation du marché des productions certifiées biologiques et/ou équitables. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) met ainsi en exergue la réussite de la coopérative de café COOPACVOD à Dondon, dans le Nord d’Haïti, qui compte 680 membres et produit un café labellisé bio vendu en Europe et en Amérique du Nord4. La coopérative se lance désormais dans la production du café « Blue mountain », variété jouissant d’une grande réputation, qui en fait l’un des cafés les plus chers et les plus recherchés au monde. La marque « Haitian blue » de la Fédération des Associations Caféières Natives (FACN) joue ainsi la carte du haut de gamme, sa commercialisation se fait par réseaux alternatifs, dans la mouvance du commerce équitable. Notons que la FACN a pris naissance en 1994, à l’occasion d’un programme gouvernemental visant la revitalisation de l’économie caféière qui a débuté en 1990, financée par l’aide bilatérale américaine (USAID).

19Toutefois, ces exportations restent marginales et, pour la majorité des observateurs (exportateurs, agronomes et membres d’organisations), la taxation excessive et continue à l’exportation est un facteur décisif du déclin de la production caféière. Au début des années 1980, l’étude de Christian Girault montrait le fonctionnement d’une structure de commercialisation à trois niveaux (producteurs, spéculateurs et exportateurs), tenue par l’État puisque, à la fin des années 1970, la taxation du café fournissait à elle seule plus de 20 % des revenus fiscaux étatiques (Girault, 1982, p. 183). De plus, cette taxe qui n’a « jamais constitué moins de 20 % de la valeur du café exporté » (sauf pour la période 1943-1953), sert alors à « financer des dépenses qui dans l’ensemble n’ont qu’un lointain rapport avec la culture du café, l’agriculture en général ou le niveau de vie du paysan » (idem). « C’est la taxe à l’exportation du café qui constitue la planche de salut de l’État haïtien » (idem, p. 58) ; les taxes sur les exportations caféières sont passées progressivement de 27 % en 1957 à 37 % en 1969, devenant l’une des principales ressources budgétaires (Dufumier, 2004), manne qui permet alors de rembourser les dettes envers les financiers étrangers. Évidemment, cela a induit une diminution des revenus à la fois absolus et relatifs des petits producteurs et a contribué à réduire leur désir de planter du café.

Figure 2/Carte 2 – Principales zones de production de café en Haïti

Figure 2/Carte 2 – Principales zones de production de café en Haïti

Source : D. Florida (d’après Arias et al., 2006, p. 22 et 26).

20« Dans les différentes provinces d’Haïti, ces « plantations » [procuraient] à une masse de petits exploitants la majeure partie des revenus en argent, alors que la subsistance [était] principalement assurée par les jardins à vivres » (Moral, 1955, p. 235). Mais, dès les premières PAS mises en place, le pays a dû ouvrir ses frontières aux produits étrangers (Perchellet, 2010). La baisse sensible des droits de douane a entraîné la décapitalisation des petits paysans, ce qui a transformé le pays, autosuffisant jusque dans les années 1980, en importateur de riz et autres produits alimentaires. Les paysans ont dû s’adapter à cette nouvelle réalité : si certains ont opté pour le départ vers la ville, contribuant ainsi à l’accroissement des bidonvilles de Port-au-Prince, d’autres ont cherché à réorienter la production agricole, souvent au détriment du café.

21Il existe toutefois encore cinq aires principales de production dans le pays, dans l’ordre des quantités produites : d’abord dans le département de la Grand-Anse et celui du Sud, ensuite à cheval entre les départements de l’Ouest et du Sud-Est, puis dans les départements du Nord et du Nord-Est, enfin dans celui du Centre (Baptiste et les Cahos). En outre, certaines zones produisent du café de qualité médiocre et d’autres du café de qualité supérieure, dont fait partie la Chaîne des Cahos (Arias et al., 2006, p. 23).

La culture du café dans le Chaîne des Cahos : recul des surfaces caféières ou renouveau ?

22Il est difficile d’évaluer quantitativement la production de café dans la Chaîne des Cahos car, jusqu’en 2001, la récolte était vendue à des intermédiaires pratiquant le commerce à leur profit personnel ou bien directement sur le marché local, sans que les transactions ne fassent l’objet d’enregistrement. La production de café y a été soumise aux mêmes contraintes que les autres zones de production du pays (Figure 2) ; son déclin n’est pas une spécificité, les causes en sont majoritairement les mêmes à l’échelle nationale.

  • 5 Cette estimation concerne les habitants des différentes sections communales appartenant à la Chaîne (...)

23Tout d’abord, comme dans toutes les autres régions du pays, la population de la Chaîne des Cahos est en hausse constante. Elle passe, environ, de 131 500 à 156 000 habitants entre 2009 à 2013 d’après les données de l’IHSI5. À rythme de croissance constant, la population doit atteindre environ 192 000 habitants au début des années 2020. Bien que nous ne disposions pas de données quantitatives précises et fiables sur l’évolution de la population, nos observations et les échanges avec les habitants permettent en effet de disposer de quelques indices qualitatifs sur la croissance démographique du Haut Cahos où le nombre moyen d’enfants par ménage est évalué à 5. Certes, cette croissance démographique serait à relativiser compte tenu de l’accélération de la migration vers les villes environnantes (Dessalines, Hinche, Mirebalais Verrettes, Petite Rivière de l’Artibonite, Port-au-Prince etc. – voir Figure 1), mais le contexte global de forte croissance naturelle a amené les paysans à étendre les cultures vivrières aux dépens du café, particulièrement à Pérodin et Médor.

  • 6 « En 1880, sur 20 hectares de terre, on a une famille avec quatre enfants ; 16 de ces 20 hectares s (...)

24En l’absence, ou non application, d’un plan national d’aménagement, l’organisation de l’espace est faite de tâtonnements et les acteurs locaux, dans ce cas très majoritairement des paysans, agissent à leur gré, en fonction de leurs moyens et de la réalité socio-économique du moment. Ainsi, pour cultiver les denrées immédiatement nécessaires, l’agriculture sur brûlis est la pratique la plus répandue, ce qui est incompatible avec la culture du café. Jusqu’aux années 1980, des espaces spécifiques étaient réservés à la caféiculture tandis qu’aujourd’hui, la croissance démographique pousse non seulement à l’extension de la surface agricole utilisée mais aussi à la mise en culture des espaces les plus escarpés de la zone. À partir des travaux du Centre de formation des agronomes de Madian-Salagnac, le géographe Georges Anglade a reconstitué le processus de substitution de la production de café à la culture vivrière en Haïti (1982, pp. 28-29). Le processus décrit, implacable, est similaire à celui que connaît la Chaîne des Cahos6.

25Pourtant, en dépit des contraintes, la culture du café a semblé y résister quelque temps et des progrès notables avaient été enregistrés avec la présence de nouveaux caféiers dans les jardins créoles, ce qui laissait augurer d’une reprise de la culture du café dans la zone au début des années 2000. En 2013, les résultats de notre première phase d’enquêtes avaient révélé une perception de l’extension non négligeable de l’espace caféier : sur 50 personnes interrogées, 44 s’étaient prononcées par l’affirmative sur l’augmentation de l’espace caféier entre 2001 et 2013. La tendance était alors à l’espoir d’un renouveau. En effet, selon le responsable d’une association de la Chaîne des Cahos, également ancien CASEC, si les caféiers avaient été coupés et arrachés pour être remplacés par des cultures vivrières (maïs et pois surtout) jusqu’à l’année 2001, cette année-là avait marqué un tournant pour les paysans de la zone. Elle correspond à la date de formation des associations locales de planteurs de café, constituées par l’ONG Inter-Aide dans le cadre du projet de relance de la culture caféière dans la Chaîne des Cahos.

Le rôle d’Inter-Aide : un renouveau caféier dans les années 2000 ?

26Si l’aire métropolitaine de Port-au-Prince constitue le principal espace d’intervention des ONG, leur présence est aussi une réalité en milieu rural. Mais, étant donnée la difficulté d’opérer un contrôle strict des opérations des ONG dans le pays, il est également très délicat d’évaluer avec certitude le nombre et la nature de celles qui sont intervenues dans la Chaîne des Cahos, notamment dans les sections communales Médor et Pérodin. La plupart ne sont pas enregistrées auprès du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) et leur présence ne se traduit par aucune action concrète ou véritablement évaluable sur le terrain. D’après les enquêtes de 2013 et 2018, la seule ONG connue par la totalité de la population de la zone et dont les actions peuvent être identifiées sur place, même après la fin de sa période d’activité, est Inter-Aide qui est intervenue là pendant près de 30 ans, de 1983 à 2010. Cette ONG française, qui se présente sur son site internet7 comme « spécialisée dans la réalisation de programmes de développement auprès de familles rurales particulièrement démunies », intervient dans les zones reculées de six pays « parmi les plus pauvres du monde » (Éthiopie, Madagascar, Malawi, Mozambique, Sierra Léone et Haïti).

27Au début des années 2000, l’ONG a encouragé la création d’associations locales dans les trois localités (« habitations ») les plus connues et qui sont aussi les centres administratifs de ces trois sections communales de la Chaîne des Cahos :

  • APCK (Association des Planteurs de Café de Chénot) à Vital-Chénot, centre de la section communale Fiéfié ;

  • APPK (Association des Planteurs de Café de Pérodin) à Pérodin ;

  • APKM (Association des Planteurs de Café Cahos Médor) à Médor.

28Les trois associations créées sont parvenues à étendre leur influence à partir des groupements de planteurs implantés dans les différentes « habitations » des sections communales ; si la section communale est la plus petite division administrative, elle est à son tour en effet divisée en habitations qui constituent des petites unités de peuplement rural, ne comptant pas plus d’une cinquantaine de maisonnettes dans certains cas. Ces habitations, héritées du système colonial, accueillent des « associations satellites » qui constituent des centres de production et de distribution de plantules aux caféiculteurs.

29La figure 3 permet de comprendre l’organisation de l’espace caféier alors instauré. On y voit la localisation des sièges sociaux de deux de ces organisations de planteurs de café, centres de collecte principaux qui sont aussi des centres de « lavage ». Rappelons ici que le café est en effet composé d’un noyau entouré de chair, comparable à une olive. Les fèves de café étant contenues dans le noyau, il faut les débarrasser de leur enveloppe de chair, ce qui peut être fait par séchage ou lavage. Cette dernière méthode consiste à faire tremper les fruits dans l’eau jusqu’à ce que la partie charnue se dégrade par fermentation. Les centres de lavage sont reliés aux centres secondaires de collecte par des sentiers pédestres (trop délicats à cartographier donc non représentés sur la figure 3)

30Les marchés locaux d’échange se trouvent dans les centres administratifs des sections communales, à environ un kilomètre des principaux centres de lavage comme celui de Médor ; les localités desservies par ce marché sont éloignées, il faut parfois marcher plus de deux heures pour y arriver. Les marchés fonctionnent trois jours par semaine (mardi, jeudi et dimanche), avec une variation de l’affluence en fonction du jour. Toujours dans le cas de Médor, les échanges sont par exemple beaucoup plus importants les mardis ; en effet, en début de semaine, les habitants ont besoin de se ravitailler or la grande majorité des personnes, pratiquantes, ne font pas d’achat après les cultes du dimanche et attendent donc le marché du mardi pour le faire.

Figure 3 – Carte de l’organisation de l’espace caféier dans la Chaîne des Cahos dans les années 2000

Figure 3 – Carte de l’organisation de l’espace caféier dans la Chaîne des Cahos dans les années 2000

Sources : SRTM, Haïti Diva Gisn, Géofrabrik. Réal : Dieupuissant Florida, 2020.

31Entre 2001 et 2010, le programme de l’ONG Inter-Aide, dont l’un des principaux bailleurs de fonds était l’Union européenne, a mis en place un ensemble d’activités techniques encadrant la culture du café. À côté de la production des pépinières et de la distribution de plantules, des séances de formation ont été réalisées sur la lutte intégrée contre les parasites et l’érosion, sur la fabrication de compost, appuyées sur des « jardins de démonstration », ou bien encore sur le développement de filières de commercialisation du café récolté. Les financements reçus ont permis de construire des locaux pour les organisations, des glacis pour le séchage du café, d’acheter des mulets pour transporter la production des champs vers les locaux de l’organisation puis, de là, vers des lieux où elle peut être transportée en voiture.

  • 8 Le café vendu au centre de lavage (siège social des associations) est acheminé à la FACN, leur prin (...)

32D’après le rapport final de l’ONG, la quantité de café vendue aux centres de lavage est passée de près de 19 000 « marmites » (entre 6 et 8 livres/marmite) en 2004 à environ 26 250 marmites en 2006. Ce chiffre a pourtant rapidement décliné pour tomber à 7 161 marmites en 2010 (Inter-Aide, 2011, p. 127). Il est difficile d’évaluer avec précision l’évolution de cette culture depuis. En effet, tous les paysans ne vendent pas leur café aux centres de lavage instaurés par Inter-Aide et ceux qui y viennent n’y apportent parfois qu’une partie de leur production. D’abord intéressés par le prix offert dans les centres d’achats locaux, les difficultés à retrouver les « ristournes »8 ont incité les paysans à écouler le café sur le marché local afin de répondre aux besoins immédiats de leur famille.

Figure 4 – Photographie de la façade du centre de lavage de café Cahos-Médor

Figure 4 – Photographie de la façade du centre de lavage de café Cahos-Médor

Des centres de lavages d’importance variable ont été construits dans la Chaîne des Cahos dans les années 2000 pour procéder à la préparation du café et répondre à la qualité exigée par les acheteurs. On peut y voir, outre le nom de l’APKM, le nom des bailleurs : UE, République française.

Source : DF, 15 août 2012.

33La fin des années 2000 correspond à l’achèvement du programme de renforcement des associations de production caféière du Haut Cahos, officiellement clôturé en février 2012. Depuis le transfert du projet d’Inter-Aide aux organisations locales en 2011, la timide augmentation de la production caféière dans la Chaîne des Cahos du début des années 2000 ressemble, a posteriori, à un feu de paille.

Les années 2010, la fin du renouveau

34Les centres de lavage et de traitement de café sont désormais quasiment abandonnés. En août 2018, le responsable du centre de lavage de « zoranger » déplorait ainsi ce recul : « Il n’y a plus de café dans les Cahos, on a vendu entre 300 et 431 marmites respectivement pour les années 2013 et 2016 dans le centre où l’on vendait plus de 12 000 marmites en 2006 ! ». Ce constat ne va pas sans soulever des questions : que sont devenus les savoir-faire et les compétences acquis pendant les dix années d’opération d’Inter-Aide dans le secteur ? Qu’est-ce qui explique la chute brutale de la production relancée depuis dix ans, moins de cinq ans après le départ de l’ONG ?

35Certes, entre autres difficultés, des insectes ravageurs et des maladies affectent les plantations caféières en Haïti (les pourridiés des racines, le scolyte du café et la rouille, moisissure qui attaque les feuilles des caféiers), mais ces maladies n’existaient-elles pas pendant la période d’intervention de l’ONG ? Ce problème sanitaire « constitue une contrainte de taille pour les rendements en café à l’échelle nationale. Le manque de connaissances sur les techniques de lutte phytosanitaire est un facteur important au stade de la croissance de la plante. Les attaques d’insectes sont un problème fréquent en Haïti du fait de l’âge avancé de la majorité des pieds de café et les faiblesses ou l’absence totale de gestion » (Arias et al., 2006, p. 25). Via le projet Inter-Aide, les paysans recevaient un accompagnement technique qui n’existe désormais plus. Si les actions de bon nombre d’ONG sont considérées comme inutiles et inadaptées, certains projets ont des impacts positifs bien que ces effets ne dépassent, dans certains cas, pas la durée du projet. Après le départ d’Inter-Aide, les paysans se sont retrouvés livrés à eux-mêmes, à un moment où leurs conditions de vie se dégradaient encore.

36Paul Moral annonçait en 1955 que « seule une formule sociale hardie – la coopérative, par exemple – semble pouvoir, en embrassant à la fois tous les problèmes – fonciers, techniques, financiers, moraux même – désarchaïser l’économie caféière haïtienne, tout en la préservant de la grande exploitation, dont les vestiges coloniaux pourraient bien encore fournir le modèle » (Moral, 1955, p. 256). Mais ce modèle coopératif ne semble pas avoir trouvé de relais locaux suffisamment forts pour s’ancrer. Les centres de production de pépinières n’existent presque pas et/ou fonctionnent mal pour quelques rares zones ; il n’y a plus d’intervention dans la lutte contre les parasites. Le point de vue des paysans est alors partagé, certains affirmant qu’Inter-aide les avait beaucoup aidés, d’autres que l’intervention de l’ONG n’a pas été profitable à la survie des caféiers.

  • 9 Un paysan cité dans le rapport d’Inter-Aide explique : « On est obligé de produire du charbon en dé (...)

37In fine, le recul des surfaces en caféiers semble inéluctable. La hausse du nombre d’habitants limite chaque année un peu plus la superficie agricole par famille, ce qui entraîne le défrichement et la mise en culture des terres précédemment protégées par la végétation. « Il faut chercher les petites caféteries haïtiennes dans les secteurs les plus boisés de chaque province. Elles sont installées sur les replats où la terre s’est bien conservée, les platons, les fraîches coulines où elles disparaissent sous le couvert végétal le plus dense. Confinés dans l’ombre des grands arbres – manguiers, avocatiers, sucrins ou autres – les caféiers forment un sous-bois d’une extraordinaire densité » écrivait Paul Moral en 1955 (p. 246-247). À présent, les paysans coupent fréquemment les arbres fruitiers servant de protection aux caféiers pour fabriquer du charbon qui va être vendu sur le marché local9. Ils priorisent les cultures céréalières, les tubercules et autres produits comme la banane et la canne à sucre, pouvant apporter une réponse rapide à leurs besoins immédiats, alors que les caféiers mettent environ deux ans pour donner leur première récolte.

38Les causes de la destruction de la production caféière souvent citées sont la croissance démographique et le morcellement, le problème d’accompagnement technique et d’entretien, les difficultés de commercialisation (INESA, 2001, p. 23 ; Anglade, 1982, p. 28). Les enquêtes de terrain montrent que ces dernières ont été en grande partie résolues pendant les 15 dernières années. Le café est collecté dans la Chaîne des Cahos puis exporté via le réseau d’exportation de la FACN ou d’autres exportateurs privés. Mais les autres problèmes persistent, auxquels s’ajoutent les difficultés à maîtriser les parasites : sur 20 paysans questionnés en 2018 sur les causes du déclin de la culture du café, 16 évoquaient le scolyte du café.

39Dans ce contexte de priorisation des cultures vivrières, les plantations de caféiers se réduisent désormais à de simples bosquets en marge des maisons des paysans. Si, pour ceux qui sont d’anciens vendeurs de café, il est difficilement concevable de se rendre au marché pour se procurer les grains nécessaires à la consommation familiale, pour les plus jeunes, la priorité est de trouver un espace pour implanter leur maison, dans une zone où la pression foncière croit : la population augmente d’environ 18 % tous les 5 ans dans le Haut Cahos. De ce fait, la couverture végétale se réduit visiblement et l’espace est de plus en plus utilisé pour la construction d’habitations (Figure 5).

40La caféiculture n’est donc pas la priorité de ces jeunes paysans (25-30 ans) qui n’ont d’ailleurs pas connu le succès de l’économie caféière : 70 % n’en font pas pousser dans leurs champs, d’après les informations collectées en 2018. On peut alors se demander quelles stratégies sont mises en place pour, malgré tout, continuer de vivre dans la Chaîne des Cahos.

Figure 5 – Évolution de la couverture végétale dans la Chaîne des Cahos de 2006 à 2018

Figure 5 – Évolution de la couverture végétale dans la Chaîne des Cahos de 2006 à 2018

Source : D. Florida, 2020 (images Google Earth 2006 et 2018).

Quelles stratégies de survie les paysans mettent-ils en œuvre ?

41Les conditions socio-économiques dans lesquelles évoluent les paysans haïtiens résultent de décisions à la fois internes et externes, comme le mettait en évidence Christian Girault en invoquant la notion de « dépendance » (1982). Ils sont victimes des retombées négatives des décisions des acteurs influents de l’économie globalisée (institutions internationales, États), mais aussi de celles des gouvernements haïtiens qui, pour une grande majorité, ne sont pas intéressés à l’épanouissement socio-économique de la paysannerie. Comme l’écrivait Rodolphe De Koninck à la lecture de l’étude de Christian Girault, « voilà toute l’originalité, à vrai dire le scandale, de l’agriculture haïtienne. […] Rares sont les pays où la paysannerie supporte le fardeau de l’État d’une façon aussi unilatérale. En général, l’État « achète » ce support en fournissant quelques services, en améliorant l’infrastructure. Ici rien ou presque rien, la paysannerie est pressurée jusqu’aux limites mêmes de sa capacité » (De Koninck, 1984, p. 524).

  • 10 Le BIT définit le secteur informel comme « un ensemble d’unités produisant des biens ou des service (...)

42À l’orée des années 2020, les paysans peinent à vivre de leur production dans un contexte de fortes croissances démographique et pression foncière. Ces contraintes poussent les paysans à développer de nouvelles stratégies de survie pour s’adapter à une réalité en mutation permanente. Des activités anciennement urbaines et informelles se développent ainsi en milieu rural ; en Haïti comme ailleurs, l’espace rural est gagné par une diversification des activités mais il s’agit ici principalement d’une économie « informelle », terme qui prête à controverses puisque posant la question du continuum formel-informel. L’économie informelle inclut le secteur informel (définit par le Bureau International du Travail en 199310), en précisant que ces activités « ne sont pas nécessairement réalisées avec l’intention délibérée de se soustraire au paiement des impôts », donc non assimilables aux activités de l’économie dissimulée ou souterraine, ainsi que l’emploi informel (Séruzier, 2009). Une définition plus large présente le « secteur informel » comme comprenant toutes les activités opérées en dehors du système fiscal et légal (Menguelti, 2014, p. 4).

43Dans la Chaîne des Cahos, il est difficile de différencier le formel de l’informel, y compris pour les activités ayant un rapport avec la production et les échanges des produits agricoles. Le nombre d’agriculteurs ayant fait leur déclaration définitive d’impôt à la Direction Générales des Impôts (DGI) ou qui dispose d’un numéro d’identité fiscale est faible, de l’ordre de moins de 30 % d’après nos enquêtes. De ce fait, la majorité du pays fonctionne « en dehors » (Barthélémy, 1991), l’économie informelle concerne la quasi-totalité des activités économiques, agricoles et non agricoles, mises en œuvre par les paysans.

Développer les cultures vivrières

44Les paysans haïtiens, à l’instar de ceux de la Chaîne des Cahos, ont de plus en plus de difficultés à trouver des options culturales leur permettant d’assurer leur survie. La culture du café qui, dans les années 1950-1970, représentait « la banque » des paysans est quasiment réduite à néant au profit de l’agriculture vivrière, dont les produits peuvent être échangés sur le marché local sans intermédiaire et qui sont nécessaires à l’autoconsommation (principalement maïs, pois, banane et tubercules). Toutefois, l’agriculture vivrière connaît, à son tour, un processus de déclin qui s’explique par des causes à la fois d’ordre naturel, anthropique et/ou politique. Il s’agit en effet d’une agriculture de subsistance dépendant des aléas météorologiques. Les paysans doivent attendre la saison des pluies pour semer, la moindre modification du régime pluviométrique peut entraîner une mauvaise récolte. À titre d’exemple, la pluie est attendue aux mois de mai et septembre pour la culture du pois ; l’absence ou l’irrégularité des précipitations durant ces deux mois met en péril toute la récolte de pois, très consommé.

45De plus, dans cette zone, l’aggravation du phénomène d’érosion des sols est patente, comme on peut le voir sur la figure 6. Son amplification est liée au système de culture dominant dans la zone, par défrichement et culture sur brûlis sur les pentes les plus escarpées, ce qui affecte directement la qualité du sol et les rendements agricoles. La croissance démographique constitue également un facteur majeur du déclin de l’agriculture vivrière, même si l’émiettement foncier de génération en génération semble trouver ses limites : certaines parcelles sont si petites que les copropriétaires préfèrent les cultiver à tour de rôle que de les diviser encore. Ce phénomène affecte la régularité de la jachère, qui constituait la principale technique de « fertilisation » du sol.

Figure 6 – Sol érodé à Chénot-Bidone

Figure 6 – Sol érodé à Chénot-Bidone

Source : D. Florida, 2020 à partir des images de Google Earth 2019.

Quitter la Chaîne des Cahos, ou y survivre d’expédients

46La concurrence des produits importés et la dévaluation de la monnaie font perdre aux paysans tout espoir d’amélioration de leurs conditions de vie et de celles de leurs enfants, d’où l’accélération du phénomène migratoire. Bon nombre de paysans migrent désormais vers la ville ou à l’étranger, sans qu’il soit possible de préciser leur nombre, aucune étude quantitative spécifique n’ayant encore été réalisée sur la migration des paysans des Cahos. Les migrants régionaux et nationaux maintiennent un contact régulier avec le reste de la famille demeuré sur place et une visite annuelle, pendant les fêtes de fin d’année, est généralement attendue de la part de ceux qui sont partis. Si les migrants internationaux, particulièrement ceux de la République Dominicaine, envoient souvent de l’argent pour l’achat de parcelles et de bétail, l’ensemble des émigrés représente un vecteur de diffusion des pratiques urbaines, comme par exemple les modes vestimentaires, dans cet espace rural.

  • 11 Le retrait de la nationalité des Dominicains d’ascendance haïtienne par l’arrêté du 23 septembre 20 (...)

47Les jeunes de la Chaîne des Cahos qui migrent vers Port-au-Prince ne s’y installent pas dans un quartier précis mais sont éparpillés dans la ville en fonction des opportunités de logement offertes par un parent, un ami ou en fonction du lieu de travail. Dans le cas de la migration vers les pays d’Amérique latine, la plus ancienne destination est la République Dominicaine, à l’est de l’île. Selon les habitants, à la fin des années 1990, le nombre de migrants partis du Haut Cahos vers la République Dominicaine était très faible et s’est accru à partir des années 2000. Aujourd’hui, le climat xénophobe et les mauvaises conditions de vie des Haïtiens de l’autre côté de la frontière réduisent le désir de s’y rendre11. À l’échelle nationale, le Chili et le Brésil font partie des nouvelles destinations migratoires et 85 000 migrants sont entrés au Brésil, au Chili et en Argentine, entre 2014 et 2016, d’après l’OIM. Toutefois, le coût financier de voyages si lointains constitue un handicap au développement de cette nouvelle filière migratoire pour la grande majorité des paysans des Cahos, si bien qu’il ressort des entretiens que les filières migratoires vers les pays de l’Amérique du Nord et du Sud, des Antilles et l’Europe sont très peu connues et maîtrisées par ces habitants.

48Localement, les chefs-lieux des communes, à savoir Petite Rivière de l’Artibonite et Dessalines (voir Figure 1), constituent les plus anciennes destinations des migrants des Cahos. Ces derniers jouent un rôle important dans les dynamiques territoriales de la région : leur installation contribue à l’extension progressive de ces petites villes ; un va-et-vient régulier entre elles et les parties plus isolées de la Chaîne des Cahos entretient la densité des échanges et donc la porosité de cet espace rural.

49La majorité des paysans reste donc sur place. Ils cherchent alors à diversifier leurs activités en associant l’agriculture au petit commerce. Des boutiks de revente de produits importés s’implantent dans les zones les plus reculées de la Chaîne des Cahos. On trouve par exemple « Esténio quincaillerie » à Pérodin et « Esmond matériaux de construction » à Médor. Comme son nom l’indique, cette dernière boutik est connue pour la vente des matériaux utilisés dans la construction de maisons (tôle, fer, clous, ciment, etc.), mais on y trouve aussi des produits alimentaires. Ceux qui ont de maigres moyens se contentent de revendre quelques sachets de sucettes ou de bonbons (tels les « mariella » et les « fiesta ») aux voisins de la zone ; dans ce cas, les bénéfices varient suivant qu’il s’agit de vente « en gros » c’est-à-dire par caisse (boîte de 24 pièces, dont chacune contient plusieurs unités) ou au « détail ». Une pièce qui vaut environ 50 gourdes (soit moins de 50 centimes d’euros) peut rapporter 10 gourdes (moins de 10 centimes d’euros) de bénéfice vendue au détail ; la caisse de bonbon (1 100 gourdes, soit 10 euros environ), vendue au détail, peut rapporter 250 gourdes (2,25 euros environ). On voit bien là qu’il s’agit d’un tout petit commerce, et d’une économie de la précarité.

  • 12 « Jouer consiste à choisir un numéro de deux chiffres de 00 à 99 (une « boul »). Trois numéros sont (...)

50« La tè modi, la tè pa bay ankò » (« La terre est maudite, elle ne produit plus »), disent souvent les paysans des Cahos. Déçus par l’accumulation de mauvaises récoltes et désespérés par les difficultés à se procurer régulièrement de la nourriture, la plupart d’entre eux sont en quête d’argent facile. Ainsi, la pratique de la mendicité se développe mais de manière isolée et discrète car elle fait l’objet de critiques et reste bien plus mal perçue que dans les espaces urbains. Les mendiants sont de toutes catégories (femme, homme et enfant) et s’adressent surtout aux personnes de passage, venant de la ville ou d’un pays étranger, le plus discrètement possible. Une autre stratégie de survie consiste à miser sur le hasard pour espérer quelques rentrées d’argent : dans la Chaîne des Cahos comme partout en Haïti s’est développée massivement la « borlette », forme de loterie qui s’appuie sur deux tirages quotidiens (12 h 00 et 19 h 00) qui ont lieu aux États-Unis. C’est principalement sur le résultat des tirages de la loterie de New York que s’appuie la borlette haïtienne, ce qui est une autre forme de connexion, et de dépendance entre les montagnes des Cahos et la puissance américaine12.

Miser sur le hasard

51À la fin des années 2010, la borlette est devenue une activité faisant pleinement partie du quotidien des Haïtiens, qu’ils résident en ville ou dans les espaces les plus enclavés du territoire (Redon, 2012). Si la pratique de la borlette dans la Chaîne des Cahos remonte aux années 1990, d’autres jeux de hasard comme le combat de coqs, les jeux de cartes ou encore la roulette étaient pratiqués de longue date. Alors que les grandes entreprises (Lesly Center, Père Éternel, Toto Borlette, La Confiance) se partagent le marché des grandes villes, dans les espaces ruraux, ce sont des opérateurs locaux qui développent cette pratique. Ces opérateurs, surtout concentrés dans les centres administratifs des sections communales, y sont toutefois soumis aux mêmes principes que ceux des milieux urbains, que ce soit en termes de tirage ou de mode de paiement. Le téléphone portable et la radio permettent d’informer des trois numéros issus du tirage de la loterie étasunienne en temps réel. Les couleurs des banks et leurs slogans permettent de distinguer les opérateurs (comme « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » à Médor et « Ti Sainte-Anne » à Pérodin). Notons ici que le terme de bank est révélateur : si le café représentait la « banque », le « coffre-fort » des paysans des Cahos, ce terme est désormais dévolu aux guichets qui vendent du rêve à petit prix au bord des routes, des sentiers et jusqu’en haut des mornes.

52Arrivés dans la zone à un moment de déclin de l’économie paysanne, les opérateurs comme les amateurs de borlette sont de plus en plus nombreux, il est désormais fréquent de miser quotidiennement son argent à la loterie et il n’est pas rare de voir des paysans abandonner leurs champs au milieu de la journée et parcourir plusieurs kilomètres à pied pour trouver un opérateur afin de miser sur son « boul ». Certains voient en effet dans cette activité un moyen de sortir de la précarité économique, une alternative, un palliatif pour répondre aux besoins urgents pendant les périodes de soudure et en cas de mauvaise récolte. Mais dans la Chaîne, la pratique de la borlette est aussi particulièrement intense au mois de décembre, en raison de la relative amélioration des moyens financiers des paysans : presque toutes les denrées sont alors déjà récoltées et entreposées.

53L’année 2018 marque une nouvelle étape en termes de pénétration de ce jeu dans la Chaîne des Cahos et principalement à Médor : de nouveaux opérateurs, venus du Plateau Central (autour des villes de Hinche et Mirbalais, voir Figure 1), contribuent à la modernisation de la borlette ; les fiches rédigées à la main pour enregistrer les paris sont devenues archaïques face à l’enregistrement informatisé via des boîtiers connectés qui ressemblent à des terminaux de cartes bancaires. Selon le CASEC de la zone, qui est d’ailleurs aussi un opérateur de borlette, plus de six machines de ce type étaient en fonctionnement à Médor en 2018, ce qui permet de rendre encore plus efficace l’offensive des opérateurs et plus forte la dépendance des parieurs. Ce jeu de hasard se fait de plus en plus visible et prépondérant dans la Chaîne des Cahos, au fur et à mesure que l’économie agricole paysanne décline.

Conclusion

54« Au début des années 1990, la tendance à la baisse de la production agricole a été accentuée par l’embargo commercial, qui a limité les exportations des principales denrées et l’accès aux intrants agricoles essentiels tels que les semences et le combustible. De plus, la détérioration générale des infrastructures rurales et la dégradation continue des sols ont contribué à une baisse de la production de l’ordre de 17 % sur la décade », pour les cultures vivrières comme d’exportation, dont le café (Arias, 2006, p. 6). Certes, des mesures ont été prises dans le but de le relancer la production caféière, mais les résultats escomptés n’ont pas été obtenus en raison de l’effondrement des prix des produits vivriers. La politique de prix défavorable aux productions vivrières s’est traduite par un nouveau déclin de la caféiculture parce que les agriculteurs n’ont pas pu dégager des revenus suffisants de la vente de leurs productions alimentaires à bas prix pour investir ensuite dans des plantations caféières qui ne commencent à produire qu’après quelques années (Dufumier, 2004, p. 475).

55La mise en application des PAS a affecté l’économie nationale et contribue au déclin de l’économie agricole. L’agriculture est, précisément, structurellement affectée par les décisions prises dans le cadre de la mise en application des PAS, l’une des premières décisions ayant porté atteinte à l’économie paysanne est la baisse des tarifs douaniers à l’importation. L’ouverture des marchés a aggravé la situation socio-économique des paysans qui ne peuvent lutter face à la concurrence internationale ; avec la dévaluation continue de la monnaie nationale, les conditions de vie se dégradent peu à peu.

56Les paysans, dont ceux de la Chaîne des Cahos, adoptent diverses stratégies de survie, dont la migration et le recours à un jeu d’argent et hasard, la borlette, devenu emblématique d’une déprise du pays sur lui-même. Certains cherchent à diversifier leurs activités économiques en développant le petit commerce : principales victimes de la libéralisation, ils se transforment ainsi progressivement en rouages du système en devenant, pour la plupart, des distributeurs de produits importés à travers les zones les plus reculées de l’espace rural. Une lueur d’espoir avait semblé poindre dans la Chaîne des Cahos avec le projet de relance de la caféiculture piloté par Inter-Aide, mais ce progrès n’a pas été relayé et ancré localement, l’espoir n’a pas dépassé la durée du projet. Les paysans semblent être pris entre l’enclume et le marteau car, en se tournant vers la culture vivrière pour répondre aux besoins les plus urgents, ils devront à nouveau faire face aux faibles prix des produits locaux et à la dévaluation monétaire. Le recours aux arbres pour la fabrication du charbon de bois ne fait que diminuer la fertilité du sol à cause de l’aggravation du phénomène de l’érosion.

57Le déclin de l’économie agricole et la montée de l’économie informelle dans la Chaîne des Cahos, qui semble similaire à la situation des autres régions du pays, s’inscrivent dans le cadre général d’effondrement et de la tertiarisation de l’économie haïtienne. Il peut être considéré comme l’aboutissement d’un ensemble de décisions à la fois nationales et internationales, de décisions prises par les grandes institutions internationales mais aussi par des puissances agricoles comme les États-Unis, sur le riz notamment (Petit-Bel & Redon, 2017). Au niveau national, il faut souligner le comportement de l’élite économique et de la majorité des décideurs politiques qui n’ont pas manifesté de grands intérêts pour le développement de l’agriculture.

58Dans les années 1950, face à la crise caféière qui se profilait déjà, Paul Moral s’interrogeait : « l’économie rurale d’Haïti n’est-elle pas capable en raison même de sa structure, de l’absorber en la « diluant », en quelque sorte, dans la masse paysanne ? » (1955, p. 256). À l’heure où une partie des campagnes productives des puissances agricoles se vident, tandis que bien des acteurs en appellent à une reterritorialisation des cultures et à des productions locales plus durables, peut-être que c’est dans « la masse paysanne » jeune et si vivante des campagnes haïtiennes que réside une possibilité de résistance, de fait, à l’agriculture ultra-libéralisée ?

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Redon M. & Petit-Bel R., 2017 – « Réduire l’insécurité mais augmenter la vulnérabilité ? Assistance alimentaire et riziculture en Haïti », Les Cahiers d’Outre-Mer, n° 275, pp. 143-161.

Roc N. (dir), 2012 – Le rôle des ONG en Haïti : entre le bien et le mal, Colloque international sur le rôle des ONG en Haïti (Compte rendu), Montréal, Incas Productions Inc.

Salignon P. et Évrard L., 2010 –  « Aider Haïti à sortir de la dépendance Humanitaire », Le Monde, 9 août 2010.

Seitenfus R., 2015 – L’échec de l’aide internationale en Haïti. Dilemmes et égarements, Port-au-Prince, Édition de l’Université d’État d’Haïti, 421 pages.

Séruzier M., 2009 – Mesurer l’économie informelle dans le cadre de la comptabilité nationale, Stateco, n° 104.

Thomas F., 2013 – L’échec humanitaire : le cas haïtien, Bruxelles, Couleur Livres, 80 p.

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Notes

1 Estimation faite à partir des données du recensement de l’IHSI publiées en 2012. On suppose que le taux de croissance est constant pour une période de 6 ans, ce chiffre correspond à la population totale estimée des localités des différentes communes appartenant à la Chaîne des Cahos à savoir Petite Rivière de l’Artibonite, Dessalines, Saint Michel de l’Atalaye, Maïssade, Boucan Carré et La Chapelle.

2 On doit marcher pendant trois heures en moyenne avant de trouver une moto-taxi. Cette dernière va mettre 30 à 45 minutes pour arriver à la ville de Petite Rivière de l’Artibonite et, de là, le passager mettra 2 h 30 en moyenne pour rejoindre Port-au-Prince.

3 Le Massif des Montagnes Noires comprend la Chaîne d’Ennery, la Chaîne des Cahos et la Chaînes des Montagnes Noires.

4 Article en ligne « Haïti : le café s’exporte tout en protégeant la biodiversité », consultable sur : https://www.undp.org/content/undp/fr/home/ourwork/ourstories/haiti---le-cafe--s-exporte-tout-en-protegeant-la-biodiversite.html. Dernière consultation le 26/02/2020.

5 Cette estimation concerne les habitants des différentes sections communales appartenant à la Chaîne des Cahos, réparties sur six communes (Petite Rivière de l’Artibonite, Dessalines, Saint Michel de l’Atalaye, Maïssade, Boucan Carré et La Chapelle).

6 « En 1880, sur 20 hectares de terre, on a une famille avec quatre enfants ; 16 de ces 20 hectares sont en “bois-debout” avec café, etc., il y a à peu près 1 ou 2 hectares qui sont en vivres et assument la subsistance de la famille. De 1910 à 1920, c’est l’autre génération. Ces 20 hectares sont subdivisés en 5 hectares chacun, les filles sont encore du partage. Sur 5 hectares, il ne reste plus que peu de “bois-debout” et c’est la mise en valeur vivrière de 2 hectares, donc déjà la capacité de production de denrées pour l’exportation, qui se faisait sur 16 hectares avec coupe de bois et café en sous-bois, cochon vivant dans les sous-bois de café tombe. Chaque fois que la terre est divisée, une maison construite et un lopin de terre est mis de côté pour servir de passage, de jardin potager, de cour de récréation, et d’autres espace pour pratiquer l’élevage ».

7 À l’adresse suivante : http://interaide.org/.

8 Le café vendu au centre de lavage (siège social des associations) est acheminé à la FACN, leur principal partenaire commercial, ou vers d’autres acheteurs qui sont chargés de le revendre sur le marché international. La « ristourne » est une sorte de remise que le vendeur accorde aux producteurs après avoir écoulé le café sur le marché international.

9 Un paysan cité dans le rapport d’Inter-Aide explique : « On est obligé de produire du charbon en déboisant (le pwadou, c’est-à-dire le sucrin, arbre d’ombrage privilégié du café), on ne le fait pas par plaisir, on n’a pas le choix, c’est pour les besoins courant de la vie quotidienne. L’État n’est pas présent, il n’y a pas d’école nationale, les parents se sentent obligés d’abattre le sucrin pour faire du charbon pour payer les écolages, alors que le sucrin est très important pour le couvert végétal » (2011, p. 136).

10 Le BIT définit le secteur informel comme « un ensemble d’unités produisant des biens ou des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités, ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division du travail et du capital en tant que facteurs de production. Les relations d’emploi, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme. » (BIT, 1993).

11 Le retrait de la nationalité des Dominicains d’ascendance haïtienne par l’arrêté du 23 septembre 2013 est l’un des faits récents ayant fortement marqué les relations bilatérales et fait réagir la communauté internationale qui a condamné cette loi inique de la République dominicaine envers les populations du pays voisin.

12 « Jouer consiste à choisir un numéro de deux chiffres de 00 à 99 (une « boul »). Trois numéros sont gagnants à chaque tirage, ce qui donne 3 chances de gagner avec une seule mise. Si vous jouez le numéro 10, vous gagnerez si le numéro 10 est désigné 1er lot, 2e lot ou 3e lot. Le 1er lot rapporte 50 fois la mise ; le 2e lot, 20 fois la mise et le 3e lot, 10 fois la mise. La Super Borlette consiste à désigner l’emplacement exact du numéro sur lequel vous misez. Si vous misez que le numéro 22 sera le 2e gagnant du tirage et qu’il l’est effectivement, vous gagnez 75 fois votre mise mais si le numéro 22 est gagnant du 1er ou 3e lot de la borlette, vous ne gagnez pas. Des variantes existent : le Mariage (qui consiste à miser sur 2 numéros de borlette qui doivent être tous les deux gagnants), des lotos 3 chiffres et 4 chiffres (on choisit un numéro de 3 chiffres de 000 à 999, si ce numéro est le même que celui publié par la loterie de New York pour le jeu “Numbers”, on gagne 500 fois votre mise – idem avec un numéro de 4 chiffres de 0000 à 9999, qui peut rapporter 5 000 fois la mise) » (d’après Redon, 2012, Annexes).

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Table des illustrations

Titre Figure 1/Carte 1 – La Chaîne des Cahos, une zone d’étude de montagne enclavée
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-1.png
Fichier image/png, 2,1M
Titre Figure 2/Carte 2 – Principales zones de production de café en Haïti
Crédits Source : D. Florida (d’après Arias et al., 2006, p. 22 et 26).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-2.png
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Titre Figure 3 – Carte de l’organisation de l’espace caféier dans la Chaîne des Cahos dans les années 2000
Crédits Sources : SRTM, Haïti Diva Gisn, Géofrabrik. Réal : Dieupuissant Florida, 2020.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-3.png
Fichier image/png, 870k
Titre Figure 4 – Photographie de la façade du centre de lavage de café Cahos-Médor
Légende Des centres de lavages d’importance variable ont été construits dans la Chaîne des Cahos dans les années 2000 pour procéder à la préparation du café et répondre à la qualité exigée par les acheteurs. On peut y voir, outre le nom de l’APKM, le nom des bailleurs : UE, République française.
Crédits Source : DF, 15 août 2012.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-4.png
Fichier image/png, 1,5M
Titre Figure 5 – Évolution de la couverture végétale dans la Chaîne des Cahos de 2006 à 2018
Crédits Source : D. Florida, 2020 (images Google Earth 2006 et 2018).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-5.png
Fichier image/png, 2,2M
Titre Figure 6 – Sol érodé à Chénot-Bidone
Crédits Source : D. Florida, 2020 à partir des images de Google Earth 2019.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/docannexe/image/9974/img-6.png
Fichier image/png, 1,7M
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Pour citer cet article

Référence papier

Dieupuissant Florida et Marie Redon, « L’espace rural haïtien en mutation : du déclin de la caféiculture au développement de l’économie informelle dans la Chaîne des Cahos »Les Cahiers d’Outre-Mer, 279 | 2019, 115-141.

Référence électronique

Dieupuissant Florida et Marie Redon, « L’espace rural haïtien en mutation : du déclin de la caféiculture au développement de l’économie informelle dans la Chaîne des Cahos »Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 279 | Janvier-Juin, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/9974 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.9974

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Auteurs

Dieupuissant Florida

Doctorant en géographie. Enseignant au Campus Henry Christophe de l’Université d’État d’Haïti à Limonade. Université Sorbonne Paris Nord – Pléiade UR 7338. Courriel : fdieupuissant(at)gmail.com ou dieupuissant.florida(at)ueh.edu.ht

Marie Redon

MCF HDR en Géographie. Université Sorbonne Paris Nord – Pléiade UR 7338. Courriel : marie.redon(at)univ-paris13.fr

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