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Dossier

Le monachisme féminin AU SPITI (H.P. Inde) : un phénomène nouveau

Nicola Schneider
p. 51-76

Résumés

Dans la région du Spiti, on suit le bouddhisme tibétain tout comme dans le reste de l’aire culturelle tibétaine. Mais tandis qu’il existe plusieurs monastères d’hommes, pour certains très anciens (Xe et XIe siècles), les monastères pour femmes faisaient défaut jusqu’à la fin des années 1980 ; seuls quelques ermitages étaient habités par des nonnes, et ce de façon temporaire. Cet article retracera le développement récent des couvents au Spiti et ses implications culturelles et religieuses. Quatre nouveaux couvents ont été fondés et un cinquième est en projet actuellement. Ils couvrent le territoire entier. Certains sont des annexes de monastères d’hommes existants, mais d’autres sont des fondations indépendantes à l’initiative de quelques nonnes autochtones, soutenues par la population locale, le gouvernement indien et des donateurs étrangers. Depuis l’installation de la diaspora tibétaine en Inde et le renouveau religieux qui s’en est suivi, de nombreux moines du Spiti et, plus récemment, des nonnes ont rejoint les monastères bâtis par les Tibétains exilés. Ces dernières ont par la suite voulu établir leurs propres établissements chez elles, contribuant ainsi à un véritable essor du monachisme féminin au Spiti.

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Texte intégral

Introduction : Le monachisme au Spiti jadis et de nos jours

  • 1 Des traces du Bon, l’autre religion tibétaine, sont également présentes au Spiti, mais je ne rentre (...)

1La vallée du Spiti est une région himalayenne située dans l’État de l’Himachal Pradesh, au nord-ouest de l’Inde, dans le district appelé « Lahaul-Spiti ». Dans le passé, le Spiti était tantôt sous le contrôle du Tibet occidental (le royaume de Guge-Purang), tantôt sous celui du Ladakh ; des incursions de la part des royaumes hindous de Kullu et de Bashar-Kinnaur étaient également fréquentes. En 1846, le Spiti a été rattaché formellement à l’Empire britannique. Puis, avec l’indépendance de l’Inde (1947), cette région enclavée a été définitivement annexée à l’Inde. Le Spiti fait donc partie de ces pays « entre deux » et il partage aussi bien des traits culturels avec le monde indien (hindou et, dans une moindre mesure, musulman) qu’avec celui des Tibétains. Cependant, si l’on considère les éléments linguistique et religieux, ses habitants sont plus proches de ces derniers puisqu’ils parlent un dialecte tibétain et pratiquent leur bouddhisme1.

  • 2 Chiffre donné par le gouvernement de l’Himachal Pradesh (https://hplahaulspiti.nic.in/population/, (...)

2De nos jours, le Spiti compte environ 12 450 habitants répartis dans un peu plus de 50 villages2. Les habitations sont très espacées dans cette région montagneuse où les sommets atteignent jusqu’à 7 000 m. Suivant la classification des sociétés tibétaines établie par Geoffrey Samuel (1993 : 115-128), le Spiti fait partie des « communautés agricoles à la marge » (remote agricultural communities), caractérisées par une centralisation politique faible, des obligations fiscales limitées et un système de parenté qui insiste sur la lignée (ibid. : 115). À cela s’ajoute le fait que la région est difficilement accessible en hiver quand l’un des deux axes d’entrée dans la vallée, la route vers Manali, reste fermé et quand l’autre, celui du Kinnaur est le seul autre praticable.

Carte 1 – La vallée du Spiti en Inde

Carte 1 – La vallée du Spiti en Inde

© Michael Dowad

Carte 2 – La situation géographique des monastères bouddhiques du Spiti

Carte 2 – La situation géographique des monastères bouddhiques du Spiti

© Michael Dowad

  • 3 Les deux autres monastères sont Tengyud et Kungri. Trois monastères sont de l’école guélugpa, un sa (...)
  • 4 Pour une plus ample présentation de cette organisation socio-économique, voir Jahoda (2007).

3Il existe cinq monastères d’hommes au Spiti, ainsi que quelques temples villageois et ermitages. Certains d’entre eux, comme les monastères de Tabo, Kyi et de Dankhar, sont très anciens : ils ont été fondés respectivement aux Xe siècle (Tabo), XIe siècle (Kyi) et XIIe siècle (Dhankar)3. Jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle, les monastères bénéficiaient d’un système de soutien économique basé sur ce qui est localement connu sous le nom de « domaines religieux » (chos gzhis). Cette forme d’organisation socio-économique permettait aux monastères de toucher une grande partie du rendement de ces domaines travaillés par des agriculteurs héritiers de ces terres, de la classe sociale des « payeurs de taxes » (khral pa). Ils pouvaient en outre demander des services aux communautés villageoises, comme le transport des marchandises pour le commerce ou la réfection des routes4. Sans oublier, bien sûr, qu’ils recevaient des donations à l’occasion des fêtes ou encore pour leurs divers services rituels. Ce système de soutien économique est proche de ce que l’on trouvait au Tibet central jusqu’à l’invasion de ce dernier par la Chine en 1950. Au Spiti, il prit définitivement fin pendant les années 1970 à la suite de la transformation de l’ordre administratif et socio-économique et l’introduction de nouveaux programmes de développement (Jahoda, 2015 : 216). Cependant, les villages associés dans le passé aux différents monastères continuent à soutenir leurs activités religieuses ; à ceci s’ajoutent de nouvelles ressources provenant du gouvernement indien, de sponsors internationaux et du commerce (auberge, magasin, etc.).

  • 5 Dans le sud de l’Inde, plus précisément dans l’état de Karnataka, se trouvent les deux plus grands (...)
  • 6 Principalement au monastère de Tashi Lhunpo, à Shigatse, voir Tashi Tsering et Ishimura
    (op. cit. : (...)
  • 7 Ainsi le 48 successeur du trône (sur 104), du nom de Dhankar Palden Gyaltsen, était originaire du S (...)

4Les monastères du Spiti sont de taille relativement petite : Kyi, le plus grand, n’accueille que 130 moines résidents en 2016 et près de 400 si l’on compte également ceux partis étudier dans l’une des trois grandes universités monastiques tibétaines. Nombreux sont en effet les moines du Spiti qui vivent et/ou étudient dans un des monastères tibétains reconstruits en exil, principalement ceux de l’école guélugpa5 situés dans le sud de l’Inde. Quand le Tibet était encore indépendant, les moines du Spiti avaient pour coutume d’effectuer leurs études bouddhiques supérieures au Tibet même6 ; certains obtenant les plus hauts diplômes et aussi des postes importants dans la hiérarchie du monachisme tibétain (par exemple celui de Gandenthipa, le chef religieux de l’école guélugpa7).

  • 8 J’utilise ici les termes « nonne » et « religieuse » pour désigner les femmes ordonnées dans le mon (...)

5Par contraste, le monachisme féminin est un phénomène tout récent. Certes, il y avait quelques nonnes dans le passé, mais la plupart d’entre elles continuaient à vivre avec leurs familles, les aidant dans les différentes tâches ménagères et agricoles8. Elles rejoignaient parfois des ermitages, mais en général seulement une partie de l’année. Enfin, faute de savoir lire et écrire, les nonnes n’avaient aucune possibilité d’étudier le bouddhisme en profondeur et se contentaient, par conséquent, de réciter des prières.

  • 9 Dans le cadre de ce renouveau religieux, on observe également des « purifications » de certaines pr (...)
  • 10 Sur les liens existants entre le monastère de Kyi au Spiti et celui de Tashi Lhunpo dans le sud de (...)

6L’arrivée des Tibétains en Inde, à partir de 1959 et à la suite du Dalaï-lama, a changé la donne non seulement pour la population du Spiti, mais aussi pour les autres populations tibétophones de l’Himalaya indien (Ladakh, Zanskar, Lahaul, Kinnaur et Sikkim), du nord du Népal et du Bhoutan en insufflant un important renouveau religieux bouddhique9. Des lamas tibétains se sont déplacés dans ces régions pour enseigner le bouddhisme et conférer des bénédictions. Pour ne donner qu’un exemple, depuis 1983, le Dalaï-lama s’est déplacé à trois reprises pour conférer l’initiation au kālacakra, un enseignement qui attire des bouddhistes du monde entier. De leur côté, les gens du Spiti se sont non seulement rapprochés de la communauté tibétaine pour profiter des enseignements bouddhiques, mais aussi pour suivre des enseignements de langue et de culture dans les écoles tibétaines. Depuis 1992, date de la réouverture du Spiti (fermé à la suite des conflits sino-indiens dans les années 1960), ces contacts se sont intensifiés. Ils ont non seulement permis de tisser des liens de plus en plus étroits entre les monastères tibétains en Inde et ceux du Spiti10, mais ils ont également donné lieu à la fondation de plusieurs nouveaux couvents, autrefois inexistants dans cette partie de l’Himalaya.

  • 11 Je tiens à remercier chaleureusement mon laboratoire, le Centre de recherche sur les civilisations (...)
  • 12 Plusieurs nonnes du Spiti de ma connaissance, rencontrées dès 1996, m’ont guidé également dans cett (...)

7Dans cet article, il s’agira de retracer le développement récent des couvents au Spiti et ses implications religieuses et culturelles. Pour cela, je me baserai sur deux enquêtes de terrain effectuées en 2016 et en 2017 au Spiti même11, complétées par des données collectées depuis 1996 dans la communauté tibétaine vivant dans les alentours de Dharamsala (Himachal Pradesh)12. Quelques années auparavant seulement, les premières nonnes du Spiti ont rejoint les monastères de femmes nouvellement construits par les exilés, dont celui de Dolma Ling, où j’ai effectué une partie de ma thèse. Depuis lors, quatre nouveaux couvents ont été fondés au Spiti même et un cinquième est en projet actuellement. Ils couvrent le territoire entier. Certains sont des annexes de monastères d’hommes existants, mais d’autres sont des fondations indépendantes à l’initiative de quelques nonnes autochtones, soutenues par la population locale, le gouvernement indien et des donateurs étrangers. Cet engouement pour le monachisme de la part des femmes, semble, comme nous allons le voir, avoir ses origines non seulement dans une recherche religieuse, mais aussi celle d’une éducation plus en adéquation avec la culture et l’identité des habitants du Spiti.

En quête d’un meilleur avenir : l’arrivée des nonnes du Spiti au milieu de la communauté monastique tibétaine en exil

  • 13 Les termes « ani » (littéralement « tante paternelle ») et « jomo » (littéralement « vénérable ») s (...)
  • 14 Sur le développement des monastères de femmes parmi la communauté tibétaine en exil en Inde et l’in (...)
  • 15 Fondé en 1973, cet institut propose une éducation tibétaine qui combine les études religieuses trad (...)

8Quand Lobsang Chödrön était dans sa classe de septième (l’équivalent de la cinquième en France), elle décida de se faire nonne. Elle avait treize ans et elle était la première fille de son village, Hansé (Han se), à prendre une telle décision. C’était 1989 et ses options étaient restreintes : elle pouvait rejoindre l’ermitage de Pangmo (sPang mo) où résidaient une douzaine de religieuses, toutes d’un âge avancé, dans deux petites pièces aménagées à même le flanc de la montagne ou rester à la maison pour aider son frère aîné, héritier du domaine familial, tout en attendant l’arrangement de son propre mariage. C’est alors qu’elle fit la connaissance d’Ani Jangchub Dolma13, la première nonne du Spiti ayant rejoint la communauté tibétaine en exil à Dharamsala, et revenue au pays pendant ses vacances. Celle-ci lui raconta sa vie auprès des nonnes venues du Tibet, la ferveur religieuse qui régnait sur place grâce à la présence de leur chef spirituel, le 14. Dalaï-lama, et les aménagements pour que les femmes puissent étudier le bouddhisme tout comme leurs homologues masculins. Il ne fallut pas beaucoup de temps de réflexion pour que Lobsang Chödrön décidât d’accompagner cette nonne, soutenue dans son choix par sa mère. Une autre jeune fille du même âge, Tenzin Chödrön, originaire du même village qu’Ani Jangchub Dolma les rejoignit également. À l’époque, la route était longue et encore fermée aux Indiens comme aux étrangers : seuls les locaux et des officiels pouvaient l’emprunter pour se rendre sur le reste du continent indien. Arrivées à Manali, une station de montagne et la première étape en dehors de la zone restreinte qui est le district de Lahaul-Spiti, Ani-la amena les deux jeunes filles dans un monastère bouddhique local où elles se firent raser les cheveux, première démarche et signe de leur souhait de devenir nonne. Après une longue journée de plus en bus, elles arrivèrent enfin à Dharamsala, la destination de leur voyage. Mais quelle déception quand elles apprirent qu’elles ne pouvaient rester avec leur consœur aînée du pays : le couvent dans lequel celle-ci résidait était surpeuplé et la liste d’attente longue. Au final, les deux novices trouvèrent un abri dans un autre monastère de femmes de la ville, Jamyang Chöling (’Jam dbyangs chos gling), fondé par une nonne bouddhiste originaire de Hawaï, Karma Lekshe Tsomo14. Installée de façon temporaire dans une étable, cette dernière hébergeait à l’époque une douzaine de nonnes, originaires pour la plupart du Tibet et du Kinnaur. L’accueil fut chaleureux et les deux jeunes novices furent aussitôt prises en charge par des religieuses à peine plus âgées qu’elles. Plus important encore aux yeux de Lobsang Chödrön, elles purent commencer à suivre des cours sur la philosophie bouddhique dans l’Institut des dialectiques bouddhiques (Institute of Buddhist Dialectics, communément appelé « IBD »15), malgré le fait que ce dernier soit réservé aux hommes – toutefois, les examens devaient se dérouler dans leur propre couvent. C’est seulement quelques années plus tard que les nonnes de Jamyang Chöling réussirent à monter leur propre structure éducative, pour laquelle elles engagent encore de nos jours des professeurs de l’IBD.

Carte 3 – La situation géographique des couvents du Spiti

Carte 3 – La situation géographique des couvents du Spiti

© Michael Dowad

9L’histoire de l’arrivée de ces deux nonnes du Spiti parmi la communauté tibétaine présage d’importants changements et, en particulier, le rapprochement qui s’est fait depuis lors entre les femmes bouddhistes des deux côtés de l’Himalaya. Dans les années à venir et jusqu’à nos jours, de plus en plus de jeunes femmes du Spiti vont emprunter le même chemin pour s’engager dans la vie monastique et pour apprendre la philosophie bouddhique. Elles suivent en cela l’exemple des moines qui, comme nous avons vu, partaient déjà jadis faire leurs études au Tibet et qui, de nos jours, rejoignent l’un des monastères de la communauté tibétaine exilée. Contrairement aux moines, cependant, ces femmes ont fait cette démarche plus récemment, à une époque où de nombreux élèves et étudiants du Spiti ont également commencé à chercher une meilleure éducation en dehors de leur vallée natale.

  • 16 La création des premières écoles publiques au Spiti remonte à l’indépendance de l’Inde (1947), mais (...)
  • 17 Dans les régions tibétophones en Inde, on parle plutôt de bhoti que de tibétain, ce qui permet le r (...)

10C’est vers la fin des années 1980 que les premiers enfants du Spiti sont envoyés dans la région de Dharamsala pour y suivre leurs deux dernières années d’école avant le baccalauréat (communément appelé le « 10 +2 ») ou encore pour leurs études supérieures. Bien qu’à l’époque le Spiti possède déjà un système scolaire officiel du gouvernement, les écoles proposant des classes allant jusqu’au baccalauréat étaient encore rares16. De même, nombre de parents déploraient, et continuent à déplorer, la qualité des enseignements et des enseignants, ces derniers étant bien souvent absents et peu contrôlés par leurs supérieurs hiérarchiques. À cela s’ajoute le fait que les écoles publiques suivent des programmes scolaires en hindi, langue qui n’est pas celle pratiquée dans les familles. Par conséquent, nombreuses sont les personnes du Spiti qui revendiquent des programmes scolaires incluant la langue bhoti (ou tibétain17), ce à quoi le rapprochement avec la communauté tibétaine en exil pouvait remédier à leurs yeux.

Photo 1 – Les nonnes Lobsang Chödrön (gauche) et Tenzin Chödrön (milieu) peu après leur arrivée à Dharamsala

Photo 1 – Les nonnes Lobsang Chödrön (gauche) et Tenzin Chödrön (milieu) peu après leur arrivée à Dharamsala

Cliché Lobsang Chödrön

  • 18 Münseling accueille de nos jours près de 500 élèves, auxquels s’ajoutent environ 250 qui suivent le (...)

11Les élèves du Spiti sont pour la plupart introduits, voire accompagnés, par des moines de leur région qui sont déjà installés dans les environs de Dharamsala et qui connaissent aussi bien le système éducatif indien que celui des Tibétains. L’un d’eux est le moine Tashi Namgyal, du village de Rangrik, qui est parti de son monastère d’origine au Spiti pour effectuer ses études à l’IBD. Il prend très vite la situation de ces jeunes à cœur et décide d’ouvrir en 1993 un foyer, le Spiti Hostel, pour loger et nourrir ces élèves et leur permettre ainsi de poursuivre leur scolarité dans une des écoles bien cotées de la vallée de Kangra (district dans lequel est situé Dharamsala). Par ailleurs, Ani Jangchub Dolma, qui est une de ses parentes, l’a aidé à réaliser ce projet. C’est aussi elle qui donne aux élèves des cours du soir de bhoti ou tibétain, répondant ainsi à une demande de la plupart d’entre eux. Enfin, en 1996, le moine Tashi Namgyal a également ouvert la première école privée avec internat au Spiti même. Appelé Münseling, celle-ci est située dans son village, Rangrik, près de la capitale Kaza. À côté d’une éducation en langue anglaise, elle s’est donné pour but de conférer également des cours de hindi et des leçons en tibétain, une nouveauté dans la vallée18.

Carte 4 – Le couvent et l’institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, près de Dharamsala

Carte 4 – Le couvent et l’institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, près de Dharamsala

© Nicola Schneider

  • 19 Cette association tibétaine a été fondée en 1987 par l’ex-présidente de l’Association des femmes ti (...)
  • 20 Pour plus d’informations sur l’Institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, voir Schneider (...)
  • 21 Ce soulèvement a commencé en mars 2008 à Lhasa, la capitale du Tibet, avant de toucher les régions (...)

12Tout au long des années 1990 et au début des années 2000, Tashi Namgyal et Jangchub Dolma sont aussi approchés par un nombre croissant de jeunes femmes qui souhaitent intégrer un des couvents tibétains et en particulier, l’institut d’études bouddhiques supérieures, Dolma Ling. Cet institut précurseur, car il s’agit de la toute première université monastique pour femmes, a ouvert ses portes en 1992, près de Dharamsala, dans la vallée de Kangra. Fondé et financé par l’Association des nonnes tibétaines (Tibetan Nun’s Project19), il est destiné principalement aux nombreuses nonnes du Tibet qui sont arrivées en exil depuis la fin des années 1980 et accueille aussi des nonnes de l’Himalaya dans la mesure du possible. Ainsi, lors de mon premier séjour en 1996 dans la région, les nonnes du Spiti y étaient au nombre de trois sur un total de 110 et elles sont 42 sur 220 au total en 201720. La proportion des religieuses du Spiti et plus généralement de l’Himalaya indien a donc significativement augmenté et ceci notamment depuis 2008 quand les frontières avec le Tibet ont fermé suite au soulèvement de la population tibétaine21, ce qui a eu pour conséquence une baisse significative des effectifs dans les monastères tibétains en Inde. En revanche, depuis lors, tous les couvents tibétains peuvent accueillir plus de nonnes non tibétaines.

13Parmi les nonnes du Spiti à Dolma Ling, deux arrivent aujourd’hui au terme de leurs études, c’est-à-dire qu’elles sont en train de passer leur diplôme et titre de geshema (dge bshes ma), l’équivalent d’un doctorat « en philosophie bouddhique traditionnelle » ou de « théologie ». Ce cursus très long d’études bouddhiques était autrefois réservé aux moines. Mais depuis la fin des années 1980, il a été également introduit dans certains couvents tibétains en exil. Les premières nonnes, au nombre de vingt, ont passé leur examen final en 2016 avec succès. Parmi elles, l’une est originaire du Spiti : Lobsang Chödrön, la religieuse dont il est question au début de ce chapitre. Quant aux deux nonnes de Dolma Ling, elles ont entamé en 2017 leur première année d’examens et devront encore se soumettre à trois années d’examens supplémentaires. Elles ont en outre effectué trois années d’étude à la Central University of Tibetan Studies à Varanasi où elles se sont formées au sanskrit et à la traduction des textes du tibétain vers le sanskrit (de nombreux textes bouddhiques d’origine en sanskrit sont incomplets et il existe actuellement des projets pour retraduire les textes tibétains en sanskrit). C’est un privilège et un honneur qui leur a été accordé en raison de leur connaissance du hindi, mais aussi parce qu’elles occupent une position de rang social, et par là même religieux, supérieur.

  • 22 Communication personnelle avec Kushu Lama, son père, juillet 2017.
  • 23 Au sujet des réincarnations féminines, voir Schneider 2015.
  • 24 Les réfugiés tibétains n’ayant pas le droit à la propriété de terre en Inde recourent souvent à un (...)

14Thubten Chözin était destinée à devenir nonne très tôt, à l’âge de quatre ans, lorsqu’elle a été reconnue comme la réincarnation du nono, du chef héritier traditionnel du Spiti régnant autrefois sur toute la vallée. Pendant ses jeux d’enfant, elle a été observée en train de donner des ordres qui étaient exactement ceux que le chef et grand ami de son père avait l’habitude de prononcer : « Oh Shimbo, je dois aller à Kaza, prépare mon cheval !22 » Dans les cultures tibétaines, il est de coutume de prêter attention à ce que disent les enfants, puisque chacun d’eux est une réincarnation potentielle d’un défunt : un voisin, un oncle lointain, un ami, etc. Et parfois, il arrive qu’on découvre ainsi des personnes notables, des dignitaires religieux principalement, dont on cherche à maintenir la lignée grâce à ce principe. Toutefois, il est rare que l’on reconnaisse une fille comme une réincarnation de grande envergure et plus inhabituel encore qu’un homme puisse renaître dans le corps de l’autre sexe23. Ainsi, Thubten Chözin est à ma connaissance la seule femme du Spiti à être reconnue comme une incarnation d’un personnage politique de grande envergure. C’est probablement aussi la raison pour laquelle ce fait n’est pas connu dans la communauté du Spiti plus large ; seuls sa famille, celle du chef défunt, le lama qui a confirmé cette reconnaissance, ainsi que quelques initiés sont au courant. Par ailleurs, l’épouse du défunt a voulu prendre la petite fille sous son toit pour l’éduquer à devenir le gardien du temple familial. Mais ses parents ont refusé, préférant l’envoyer à l’école à la place. Ainsi, Thubten a effectué ses études jusqu’à la huitième année (l’équivalent de la quatrième du collège en France) avant de se faire ordonner avec son amie Chunyi Dolma lors d’un pèlerinage à Lumbini et à Bodhgaya, deux hauts lieux sacrés du bouddhisme en Inde. Toutes deux ont ensuite voulu rejoindre l’ermitage de Lari, au sud de la vallée du Spiti, près de leur domicile familial, où séjournaient quelques nonnes âgées, dont la tante de Thubten. Mais les conditions de vie et de pratique religieuse ne leur convenaient guère : la plupart des religieuses y résidant étaient illettrées et ne faisaient que méditer et réciter quelques prières dans les villages des alentours sans vraiment connaître l’essence des enseignements bouddhiques. Elles ont décidé alors de partir à Dharamsala où elles ont approché le moine Tashi Namgyal dans l’espoir qu’il puisse les aider à trouver une place dans un couvent tibétain. Elles étaient chanceuses : c’est l’année 1994 et la construction des premiers bâtiments de Dolma Ling s’achevait. Il y avait non seulement de la place, mais de plus, le comité de fondation cherchait à recruter à ce moment des nonnes ayant la nationalité indienne pour prêter leurs noms et ainsi enregistrer les lieux24. Tout en devenant des étudiantes, elles ont donc également rejoint le comité d’organisation, ce qui leur confère certains privilèges jusqu’à ce jour.

  • 25 Ce chiffre inclut les nonnes du Spiti résidant à Jamyang Chöling, Dolma Ling, Geden Chöling, Shugse (...)

15Lobsang Chödrön et Tenzin Chödrön du couvent de Jamyang Chöling comme Thubten Chözin et Chunyi Dolma de Dolma Ling sont des nonnes pionnières qui ont ouvert le chemin à une nouvelle génération de jeunes femmes du Spiti désireuses de suivre la voie monastique. Selon mes estimations, il y a de nos jours une centaine de nonnes du Spiti vivant parmi la communauté tibétaine, chiffre auquel il faut probablement ajouter encore quelques autres, puisque je n’ai pas pu obtenir les chiffres de tous les couvents tibétains25. Toutes profitent d’un système éducatif très élaboré qui représente également une nouveauté pour les nonnes du Tibet. Par ailleurs, la plupart d’entre elles se sentent appartenir à ces couvents tibétains, puisqu’elles n’ont jamais (ou très peu) vécu dans un couvent du Spiti. Elles restent toutefois attentives et soucieuses du devenir des couvents de leur terre natale, comme nous allons le voir maintenant.

La fondation des monastères de femmes au Spiti

  • 26 Dans le bouddhisme tibétain, l’ordination plénière n’existe pas pour les femmes. Cependant, contrai (...)
  • 27 Ailleurs en Himalaya, au Zanskar, ces religieuses sont appelées « nonnes de maisonnée » (grong pa’i (...)

16Au Spiti, nous l’avons vu, les couvents n’existaient pas dans le passé ; les quelques femmes qui voulaient mener une vie ponctuée d’activités religieuses n’avaient d’autre choix que de rejoindre un des ermitages. Elles pouvaient y faire des retraites, effectuer des prières, des rituels et des circumambulations ou, au besoin, répondre aux demandes rituelles de la population. Il n’est toutefois pas clair si elles avaient suivi tous les rites nécessaires pour de-venir nonnes ou si elles étaient engagées simplement dans le mode de vie des religieux sans prononcer les préceptes d’une getsülma au nombre de 36 qui font d’une femme laïque un membre de l’ordre bouddhique26 ? Selon mes interlocuteurs, elles ne portaient par exemple pas la robe monastique, mais juste des vêtements qui faisaient référence à la couleur rouge-ocre qui est réservée à celle-ci. De même, la majorité des religieuses vivant dans un des ermitages devaient apporter leur aide aux travaux de ferme dans leurs domaines familiaux respectifs ; elles constituaient ainsi une force de travail supplémentaire non négligeable27. Toutefois, certaines religieuses se sont aussi distinguées par leur pratique religieuse. Un exemple fameux est la nonne Tashi Tsomo, née en 1916, qui s’est installée à l’âge de soixante ans dans une petite hutte au lieu sacré Gang Chumig, au-dessus du village de Poh, pour y méditer. Mariée autrefois malgré son désir de devenir nonne, elle est devenue célèbre dans toute la vallée du Spiti, les locaux venant régulièrement lui payer leur respect et apporter des denrées alimentaires en guise de dévotion.

Photo 2 – La nonne Tashi Tsomo dans son ermitage à Gang Chumig

Photo 2 – La nonne Tashi Tsomo dans son ermitage à Gang Chumig

Cliché Michael Dowad

  • 28 Serkong Rinpoche (1914-1983), d’origine tibétaine, était l’un des assistants et enseignants du 14. (...)
  • 29 L’existence d’un monastère à cet endroit n’est pas prouvée historiquement, mais il y a des ruines q (...)

17La première tentative de fondation d’un couvent remonte aux années 1970, à une époque où le Spiti était encore une région fermée, coupée du monde extérieur. Quelques religieuses se seraient rapprochées des deux grands dignitaires de la vallée leur demandant de l’aide : Serkong Rinpoche28, du monastère de Tabo, et Lochen Tulku, de celui de Kyi. Tous deux leur conseillèrent de réinvestir des lieux délaissés par des moines. Le premier proposa un site sacré situé au-dessus du village de Rangrik où, dit-on, se trouvent les ruines d’un ancien monastère29, tandis que l’assistant gestionnaire du deuxième, le moine Nyerwa Tsering Chöphel, suggéra de récupérer l’ermitage de son oncle, Mémé Yeshe Tsöndui. Installés en son temps sous forme de « grotte de méditation » (sgrub phug) au-dessus du village de Morang, mais celle-ci a été abandonnée depuis, cet ermitage et le terrain environnant semblaient présenter tous les avantages nécessaires à la fondation d’un couvent et quelques nonnes se mirent aussitôt à préparer les matériaux nécessaires à la construction. Mais l’été suivant, Nyerwa Tsering Chöphel décéda subitement et sans son soutien, le projet ne put finalement pas aboutir.

  • 30 Les fonds de la Jamyang Foundation proviennent principalement de donations occidentales. Pour plus (...)
  • 31 Rattaché au monastère de Kyi, Kachen Drugyal est un des rares moines à avoir effectué ses études au (...)
  • 32 Kachen Drugyal est resté à Yangchen Chöling jusqu’en 1995, année de sa retraite pour des raisons de (...)
  • 33 Rappelons que les monastères de Kyi, de Dankhar et de Tabo sont tous de l’école guélugpa.

18Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que le premier des quatre nouveaux couvents au Spiti a vu le jour. Il s’agit de Yangchen Chöling, situé dans le village de Pangmo, au nord de la vallée du Spiti (voir carte 3 ci-dessus). Fondé par la douzaine de nonnes qui occupaient auparavant l’ermitage installé au-dessus du village, il a été construit avec une partie des matériaux rassemblés par les disciples nonnes de Nyerwa Tsering Chöphel une décennie auparavant. Un moine du Spiti, Sertolo, qui a effectué ses études à Dharamsala, était déterminant dans la première phase : il a demandé tout d’abord de l’aide structurelle et financière à la nonne d’origine hawaïenne Karma Lekshe Tsomo pour faire intervenir son association, la Jamyang Foundation, soutenant des projets éducatifs dans plusieurs autres couvents himalayens, au Zanskar et au Ladakh30, puis auprès de l’éminent dignitaire Kachen Drugyal31 pour conférer des enseignements religieux aux nonnes32. Les villageois, ravis d’accueillir le nouveau projet, étaient également d’un grand soutien offrant des terres et la main d’œuvre. Depuis, Yangchen Chöling a été restauré et agrandi plusieurs fois et héberge aujourd’hui quarante-huit nonnes qui ont entre six et quarante-cinq ans. Il propose aux plus jeunes de suivre des enseignements bouddhiques de l’école guélugpa, celle du Dalaï-lama, qui est aussi la plus répandue au Spiti33 ; il est toutefois indépendant de tout monastère.

19Le second couvent, Sherab Chöling, est né du besoin d’accueillir des religieuses attendant leur admission à Yangchen Chöling. Il a été fondé en 1995 par quelques nonnes originaires des villages environnants, également aidées dans leur entreprise par la nonne occidentale Karma Lekshe Tsomo et le moine Sertolo. Il suit les enseignements de l’école guélugpa tout en restant indépendant de l’influence des monastères d’hommes existants. Aujourd’hui, ce couvent est dirigé par une nonne, Ani Bhuti, âgée d’une cinquantaine d’années qui est en train d’y créer un institut d’études bouddhiques supérieures exemplaire pour les femmes. Nous y reviendrons.

  • 34 Sur les danses religieuses cham, voir entre autres, Nebesky-Wojkowitz (1976), Helffer (1980) et Sch (...)

20Le succès de ces deux couvents guélugpa ainsi que le nombre croissant des nonnes de l’école nyingmapa dans la vallée de Pin ont mené à la construction du couvent de Dechen Chöling, près du village de Kungri et de son monastère appelé Kungri Gonpa ou Sangngag Chöling. Traditionnellement, la vallée de Pin héberge plusieurs ermitages dans lesquels vivaient et continuent de vivre des nonnes. Mais au début des années 2000, quelques-unes parmi elles ont décidé de fonder leur propre couvent pour pouvoir suivre des enseignements de façon plus régulière. C’est alors qu’elles ont décidé de construire Dechen Chöling en 2004. En 2017, la communauté compte 35 nonnes qui ont entre douze ans et une quarantaine d’années. Fait remarquable : en 2017, le lama du monastère-mère a invité les nonnes à participer à la représentation annuelle du cham – danses religieuses –, réalisée d’habitude exclusivement par les moines. Il s’agit à ma connaissance de la première fois dans l’histoire que des nonnes participent à ce genre d’activités religieuses, non seulement pour la région du Spiti, mais plus généralement pour le monde tibétain34.

  • 35 Au Spiti, plusieurs monastères reçoivent des fonds du gouvernement indien, plus exactement du minis (...)

21En 2013, les nonnes de l’école sakyapa ont également vu la fondation de leur couvent, Tsechen Chöling, à Kwang, le village qui est situé face à la capitale, Kaza, de l’autre côté de la rivière. C’est d’ailleurs à Kaza où est situé de nos jours son monastère-mère, Tengyud, le monastère affilié à la famille du nono, chef héréditaire de la vallée du Spiti. En tant que monastère-filière Tsechen Chöling reçoit de Tengyud des aides financières mais aussi logistiques. Une demande de subvention publique a été également déposée auprès du gouvernement local35. La majorité des quinze nonnes qui vivent aujourd’hui sur place sont venues de Dehra Dun où elles ont commencé à étudier avec les nonnes tibétaines du couvent Sakya Rinchen Chöling ; d’autres nonnes sont attendues dès que les bâtiments seront prêts pour les accueillir.

  • 36 Pour plus d’informations sur le monastère de Tabo et son histoire, voir Klimburg-Salter (1997).
  • 37 Cette école a été conçue et planifiée par le précédent Serkong Rinpoche et réalisée en 1999 par son (...)

22Enfin, la fondation d’un cinquième couvent est prévue à Tabo par l’actuel Serkong Rinpoche, chef spirituel du monastère du même nom. Il s’agit d’un des plus anciens monastères du monde tibétain, datant de 996, qui a fonctionné en continu depuis son existence36. Quelques nonnes ont déjà rejoint le village de Tabo où elles travaillent en tant que professeurs de bhoti (langue tibétaine) dans l’école privée également fondée par Serkong Rinpoche37. L’une d’elles est sa sœur. Elle a effectué ses études à Dharamsala avant de retourner au pays pour s’occuper de leurs parents âgés. Elle est pressentie comme future abbesse. Deux autres nonnes sont originaires des environs de Tabo ; elles ont aussi fait leurs études à Dharamsala, à l’institut d’études bouddhiques supérieures de Dolma Ling. Enfin, avant de lancer son projet, Serkong Rinpoche attend encore que les nonnes Thubten Chözin et Chunyi Dolma mentionnées ci-dessus passent leur diplôme de « docteure en philosophie bouddhique » (geshema), afin qu’elles puissent assurer les enseignements bouddhiques dans ce futur couvent.

L’éducation au centre de la vie conventuelle

23Qu’il s’agisse des filles parties du Spiti pour rejoindre un des couvents de la communauté tibétaine en exil ou de celles qui se sont rapprochées de l’un des couvents fondés récemment sur place, les entretiens révèlent que leur motivation principale est la même : recevoir une éducation plus en adéquation avec leur culture et leur identité imprégnées par la religion bouddhique. Et c’est pour répondre à cette demande que ces nouveaux couvents ont mis en place une structure qui permet aux nonnes de suivre un programme d’études bouddhiques.

  • 38 Certaines personnes originaires du Spiti et d’ailleurs étant très critiques envers le fait que des (...)

24Prenons l’exemple de Sherab Chöling, aujourd’hui le plus grand couvent du Spiti avec 59 nonnes résidantes auxquelles il faut ajouter quelques autres qui vivent au sein de leurs familles. À l’exception d’Ani Bhuti, la directrice, elles ont entre six et trente-six ans38. Une grande partie d’entre elles sont encore des étudiantes qui passent le plus clair de leur temps à suivre des enseignements bouddhiques. C’est pourquoi l’organisation de la vie conventuelle a été adaptée pour suivre le rythme de l’éducation : les repas, préparés par une équipe à tour de rôle pour éviter des absences trop longues pendant les cours, sont pris en commun ; le ménage est effectué chaque fin de semaine par la communauté entière ; et les sorties sont restreintes par le règlement. Les prières et rituels sont également tenus à un strict minimum, matin et soir durant une heure, sauf les jours fastes du calendrier ou à l’occasion d’une demande spécifique. C’est que Sherab Chöling, comme le couvent de Yangchen Chöling d’ailleurs, permet aux villageois de ce côté de la rivière d’adresser leurs demandes rituelles durant les hivers longs quand le monastère de Kyi, auquel cette partie du Spiti est rattachée, reste inaccessible en raison des conditions climatiques.

Photo 3 – Le couvent Sherab Chöling au Spiti, 2017

Photo 3 – Le couvent Sherab Chöling au Spiti, 2017

Cliché Nicola Schneider

  • 39 Ani Bhuti a été mariée contre son gré à une époque où cela était encore souvent le cas. N’ayant pu (...)

25L’organisation conventuelle a été mise en place par Ani Bhuti. Devenue nonne après avoir été mariée39 et à peine lettrée, elle essaie de donner aux jeunes femmes qui souhaitent suivre la voie monastique ce qu’elle n’a pu recevoir elle-même : une éducation qui permet de comprendre la philosophie bouddhique dans toute sa profondeur. Pour ce faire, elle a dû rassembler les compétences nécessaires autour d’elle. Elle a été d’abord aidée par différents moines du Spiti, puis par l’actuel maître spirituel ou geshe, un moine tibétain.

26Les nonnes étudiantes de Sherab Chöling suivent des classes religieuses en fonction de leur niveau d’étude. Les plus jeunes, c’est-à-dire celles qui ont entre six et dix ans, vont parallèlement à l’école du village. Elles sont au nombre de dix-sept et y représentent d’ailleurs la majeure partie des vingt élèves. En effet, le village de Morang étant constitué d’à peine cinq maisonnées, l’école publique fonctionne de nos jours grâce à ces jeunes nonnes. Elle a d’ailleurs une très bonne réputation, comme me l’a rapporté un des inspecteurs, puisque les deux enseignantes originaires elles-mêmes du Spiti sont rarement absentes et suivent scrupuleusement le programme scolaire indien officiel.

  • 40 Pour une description et analyse complètes de ce genre d’études bouddhiques, voir Dreyfus (2003). Po (...)
  • 41 Cf. Goldstein (1999) et Dreyfus (ibid.).

27Contrairement aux jeunes nonnes qui ne fréquentent leurs classes religieuses que dans l’après-midi quand elles ont terminé l’école ou encore pendant les vacances scolaires, les aînées sont engagées dans un programme plus régulier. Le matin, elles ont des cours de langue (tibétaine) religieuse (chos skad) – très différente du tibétain littéraire et du dialecte parlé au Spiti – et de philosophie bouddhique et, dans l’après-midi, elles pratiquent le débat bouddhique ou tsényi (mtshan nyid). Il s’agit du curriculum de l’école guélugpa, école qui s’est spécialisée dans un enseignement de type scolastique. Celui-ci consiste en deux étapes, considérées comme complémentaires : d’abord l’étude des textes bouddhiques, rassemblés généralement dans un manuel ou une charte écrite (proche des manuels scolastiques médiévaux européens), et ensuite, la pratique des débats ou de la dialectique pendant laquelle les textes et les questions traitées en cours et mémorisées par la suite sont débattus en groupe de deux ou plus40. Autrefois réservé à une petite élite de moines résidant dans l’une des six grandes universités monastiques du Tibet41, ce type de curriculum connaît un développement important parmi la communauté tibétaine en exil où il a été introduit dans nombre de monastères grâce au soutien et à la volonté du Dalaï-lama.

  • 42 Un autre professeur geshe de sa promotion a été engagé pour enseigner dans le couvent à côté, Yangc (...)
  • 43 À titre comparatif, les moines du monastère de Kyi ne font que commencer le cycle de la « Perfectio (...)

28La mise en place de ce cursus n’a pas été facile au départ, faute d’enseignants moines du Spiti prêts à séjourner pendant une longue durée dans le couvent. Mais depuis 2005, le professeur tibétain Geshe Lobsang Wangchug du monastère Ganden (dans le sud de l’Inde) dispense des enseignements de façon continue aux nonnes grâce au soutien financier de l’Association des nonnes tibétaines et de la Jamyang Foundation42. À cela s’ajoutent une professeure d’anglais et deux moines du monastère de Kyi qui apprennent aux nonnes à effectuer les rituels de l’école guélugpa. Aujourd’hui, les nonnes les plus avancées dans le programme viennent de terminer le cycle de la « Perfection de la sagesse », Pharchin, et doivent théoriquement encore étudier pendant six ans avant d’entamer la période d’examens qui durera quatre ans43.

29Comme dit précédemment, ce cursus d’études bouddhiques est très long : il dure un minimum de vingt ans pour les moines aujourd’hui et vingt et un ans, voire plus, pour les nonnes. Il mène théoriquement aux diplôme et titre de geshe, « docteur en philosophie bouddhique traditionnelle », conférés pour la première fois à des nonnes en 2016. L’une d’elles est Lobsang Chödrön, la religieuse partie du Spiti pour effectuer ses études dans un couvent près de la communauté tibétaine à Dharamsala. Elle est devenue aujourd’hui un modèle à suivre pour les nonnes de Sherab Chöling, et aussi pour celles de Yangchen Chöling, engagées dans le même cursus. Malgré le fait qu’elle revient rarement dans son pays natal, les nonnes la connaissent de nom et sont inspirées par son succès dans les études. Par ailleurs, Lobsang Chödrön a déjà eu l’occasion d’enseigner dans ces deux couvents, une première fois à la fin des années 1990, et elle est revenue l’été 2017 pour faire de même, avant d’être empêchée de dispenser des enseignements par la mort subite de son frère. Le rêve des religieuses du Spiti est qu’elle s’installe parmi elles pour devenir leur enseignante. Mais cela est pour l’instant compromis, puisque Lobsang Chödrön se sent redevable envers son couvent d’appartenance, également en demande d’enseignantes. Nonobstant, avec l’augmentation très probable des geshema pendant les années à venir, il est envisageable de trouver un jour une nonne capable d’enseigner la philosophie bouddhique à ses consœurs.

Photo 4 – Deux jeunes nonnes de Sherab Chöling en train de s’entraîner aux débats, 2017

Photo 4 – Deux jeunes nonnes de Sherab Chöling en train de s’entraîner aux débats, 2017

Cliché Nicola Schneider

Conclusion

30Le succès des nouveaux couvents au Spiti résulte de plusieurs facteurs : le désir des femmes de s’engager dans la voie religieuse, leur volonté de maintenir l’héritage culturel bouddhiste et l’aide apportée par des acteurs extérieurs. Depuis l’arrivée des réfugiés tibétains en Inde, on peut observer une « tibétanisation » accrue du Spiti. Nombreux sont les jeunes du Spiti qui rejoignent non seulement les monastères tibétains pour apprendre la philosophie bouddhique et la langue tibétaine, mais aussi les écoles et autres instituts d’éducation supérieure laïque tibétains – au point que certaines personnes influentes, comme le moine Tashi Namgyal, réfléchissent à la construction d’une université ou d’un institut d’études supérieures du bouddhisme et de la culture bhoti au Spiti même. Ils en rapportent des connaissances et un savoir qu’ils estiment plus en adéquation avec leur propre culture bouddhique comme me l’ont affirmé plusieurs d’entre eux. De leur côté, des maîtres bouddhistes tibétains se déplacent également dans la vallée du Spiti, diffusant les enseignements bouddhiques de manière plus large que ce qui était de coutume dans le passé.

  • 44 Il est intéressant de souligner que Lochen Tulku soutient également un couvent au Kinnaur, sa régio (...)

31Des moines du Spiti ont également joué un rôle déterminant dans le développement du monachisme féminin : d’abord les moines qui sont en étroit contact avec la communauté tibétaine et qui ont facilité l’accueil de leurs consœurs dans les couvents tibétains et ensuite les éminents dignitaires religieux comme Kachen Drugyal, Serkong Rinpoche ou Lochen Tulku44 qui ont soutenu les nonnes dans la fondation de leurs couvents. Enfin, sans le soutien moral et financier des associations comme la Jamyang Foundation et celle des nonnes tibétaines, ces couvents n’auraient pu créer des programmes d’études aussi sophistiquées. Il est encore trop tôt pour parler de succès des nonnes du Spiti dans leurs études, mais si celles qui sont en phase finale de leurs cursus dans les couvents tibétains retournent demain au pays pour aider leurs consœurs (ce que certaines prévoient), la donne pourra encore changer.

  • 45 Voir, entre autres, Van Beek et Bertelsen (1997) ; Pirie (2007, chapitre 9) ; Deboos (2013, 2015).

32On pourrait interpréter le succès des couvents au Spiti comme relevant d’un fondamentalisme religieux, un retour à certains « fondamentaux », comme cela a été relevé par des chercheurs pour des groupes bouddhistes au Ladakh ou au Zanskar par exemple45. Je ne pense cependant pas que l’on peut comparer la situation du Spiti avec celles de ces deux autres régions himalayennes où il y a cohabitation et parfois concurrence entre des confessions religieuses distinctes, avec les musulmans principalement. Le Spiti formant une société uniforme, il faudrait plutôt voir dans ce succès du monachisme féminin une forme d’essentialisme. S’il y a bel et bien un retour sur des « fondamentaux », notamment l’étude approfondie des textes philosophiques du bouddhisme, vus comme essence de la doctrine, ce retour est aussi accompagné par des idées modernistes. Ainsi, en introduisant des curriculums d’apprentissage tel que celui de l’école guélugpa dans les couvents, on reconnaît aux femmes l’égalité d’accès à un savoir qui était encore récemment réservé aux hommes.

  • 46 Il existe seulement une structure qui accueille des filles sans soutien familial désirant continuer (...)
  • 47 Voir aussi Tsomo (1999) pour un état de lieu à la fin des années 1990.

33Ainsi la fondation des couvents au Spiti rend également possible l’émancipation des femmes : autrefois exclues des seuls lieux d’éducation qu’étaient les monastères, les filles peuvent, certes, fréquenter les écoles publiques ou privées de nos jours. Elles restent toutefois encore désavantagées, puisque les parents hésitent souvent à leur permettre de poursuivre leur scolarité au lycée situé en ville, préférant à la place les marier précocement46. Se faire nonne et rejoindre un couvent qui permet de continuer des études supérieures devient donc une véritable alternative, inexistante dans le passé47.

34Enfin, ce développement du monachisme féminin au Spiti arrive à une époque où la plupart de monastères ont du mal à retenir leurs moines. Encore très nombreux à être envoyés au monastère par leurs familles, selon un système traditionnel où le deuxième fils doit rejoindre le monastère, beaucoup de moines finissent aujourd’hui par abandonner la robe monastique. De leur côté, les couvents semblent plutôt préoccupés par le nombre trop important de postulantes. On peut alors se poser la question de savoir si cette tendance continue dans les décennies à venir, il y aura bientôt autant de nonnes que de moines au Spiti.

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Notes

1 Des traces du Bon, l’autre religion tibétaine, sont également présentes au Spiti, mais je ne rentrerai pas dans les détails ici.

2 Chiffre donné par le gouvernement de l’Himachal Pradesh (https://hplahaulspiti.nic.in/population/, consulté en juin 2018) ; voir aussi Tashi Tsering (2014 : 45). Selon Lamb (1956), la population du Spiti ne comptait qu’environ 5 000 personnes en 1955.

3 Les deux autres monastères sont Tengyud et Kungri. Trois monastères sont de l’école guélugpa, un sakyapa et un nyingmapa.

4 Pour une plus ample présentation de cette organisation socio-économique, voir Jahoda (2007).

5 Dans le sud de l’Inde, plus précisément dans l’état de Karnataka, se trouvent les deux plus grands camps de réfugiés tibétains. C’est aussi à cet endroit que les Tibétains exilés ont reconstruit leurs plus grandes universités monastiques (Sera, Drépoung et Ganden). D’autres monastères tibétains hébergeant des moines du Spiti se trouvent dans le nord de l’Inde, principalement à Dharamsala, Manali et Shimla. Beaucoup de moines du Spiti profitent de ces institutions pour parfaire leur éducation religieuse. Certains d’entre eux reviennent au bout de quelques années pour transmettre leurs connaissances acquises et d’autres y restent en raison des nombreuses facilités qui y existent ou parce qu’ils trouvent le climat du sud plus clément. Pour plus d’informations sur les monastères tibétains en Inde et leur fonctionnement, voir Strøm (1997), Dreyfus (2003) et Sherab Gyatso (2003).

6 Principalement au monastère de Tashi Lhunpo, à Shigatse, voir Tashi Tsering et Ishimura
(op. cit. : 8).

7 Ainsi le 48 successeur du trône (sur 104), du nom de Dhankar Palden Gyaltsen, était originaire du Spiti ; cf. Tashi Tsering et Ishimura (ibid.).

8 J’utilise ici les termes « nonne » et « religieuse » pour désigner les femmes ordonnées dans le monachisme du bouddhisme tibétain. Sur l’ordination des nonnes et les différents types de religieuses, voir Schneider (2013, chapitre 4).

9 Dans le cadre de ce renouveau religieux, on observe également des « purifications » de certaines pratiques bouddhiques que je n’aborderai cependant pas ici.

10 Sur les liens existants entre le monastère de Kyi au Spiti et celui de Tashi Lhunpo dans le sud de l’Inde, voir par exemple Gupta (2016).

11 Je tiens à remercier chaleureusement mon laboratoire, le Centre de recherche sur les civilisations de l’Asie Orientale, et l’École française d’Extrême-Orient pour leurs soutiens financiers lors de ces deux missions.

12 Plusieurs nonnes du Spiti de ma connaissance, rencontrées dès 1996, m’ont guidé également dans cette recherche récente ; qu’elles soient vivement remerciées ici. Cet article a également profité de l’aide et des connaissances de nombreuses personnes du Spiti, en particulier Norbu Tsering, Ngawang et Lobsang Tsering décédé subitement en printemps 2018 ; je le dédie à ce dernier. Enfin, toute ma gratitude va aussi à Michael Dowad pour m’avoir introduit auprès de plusieurs interlocuteurs et la réalisation des cartes.

13 Les termes « ani » (littéralement « tante paternelle ») et « jomo » (littéralement « vénérable ») sont des termes d’adresse ou titres tibétains pour désigner une nonne bouddhiste ; ils sont parfois suivis de la syllabe de politesse « la ».

14 Sur le développement des monastères de femmes parmi la communauté tibétaine en exil en Inde et l’influence des femmes occidentales converties au bouddhisme tibétain, voir Schneider (2013).

15 Fondé en 1973, cet institut propose une éducation tibétaine qui combine les études religieuses traditionnelles avec des matières modernes.

16 La création des premières écoles publiques au Spiti remonte à l’indépendance de l’Inde (1947), mais celle des classes supérieures (classes 8 à 12) ne s’est faite que peu à peu. Pour une description plus complète du système éducatif au Spiti, voir Tashi Tsering et Ishimura (2012).

17 Dans les régions tibétophones en Inde, on parle plutôt de bhoti que de tibétain, ce qui permet le regroupement de plusieurs dialectes et ainsi de faire accepter cette langue comme l’une des langues officielles d’Inde.

18 Münseling accueille de nos jours près de 500 élèves, auxquels s’ajoutent environ 250 qui suivent leur scolarité dans une branche à Kaza, la capitale actuelle du Spiti. Münseling est considérée comme la meilleure école du Spiti, mais elle n’est pas accessible à tous en raison du prix élevé que les familles doivent payer.

19 Cette association tibétaine a été fondée en 1987 par l’ex-présidente de l’Association des femmes tibétaines (Tibetan Women’s Association) et belle-sœur du Dalaï-lama Rinchen Khandro Chögyal, la nonne tibétaine Lobsang Dechen et la bouddhologue américaine Elisabeth Napper. Elle œuvre pour le bien-être des nonnes tibétaines en exil et s’est fixée pour but d’améliorer l’éducation dans les couvents.

20 Pour plus d’informations sur l’Institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, voir Schneider 2013, chapitre 3.

21 Ce soulèvement a commencé en mars 2008 à Lhasa, la capitale du Tibet, avant de toucher les régions orientales. Il a été massivement suivi par des Tibétains qui réclamaient l’indépendance du Tibet de la Chine et le retour du Dalaï-lama, leur chef spirituel. Aussitôt réprimé par les autorités chinoises, il a eu pour conséquence un durcissement de la politique religieuse et la fermeture des frontières avec les pays adjacents, ce qui a provoqué un arrêt net du flux migratoire vers l’Inde et le Népal. Pour plus d’informations sur ce soulèvement, voir Barnett (2009).

22 Communication personnelle avec Kushu Lama, son père, juillet 2017.

23 Au sujet des réincarnations féminines, voir Schneider 2015.

24 Les réfugiés tibétains n’ayant pas le droit à la propriété de terre en Inde recourent souvent à un prête-nom, de préférence quelqu’un qui est également tibétophone et ceci notamment dans le cas des monastères.

25 Ce chiffre inclut les nonnes du Spiti résidant à Jamyang Chöling, Dolma Ling, Geden Chöling, Shugseb, Kopan, Changchub Chöling, ainsi que celles restées dans le couvent sakyapa de Dehra Dun.

26 Dans le bouddhisme tibétain, l’ordination plénière n’existe pas pour les femmes. Cependant, contrairement aux femmes des pays de l’Asie du Sud-Est, les nonnes tibétaines peuvent devenir getsülma (dge tshul ma), l’équivalent de śramaṇerī en sanskrit ; elles sont donc « semi-ordonnées ». (Schneider, 2012).

27 Ailleurs en Himalaya, au Zanskar, ces religieuses sont appelées « nonnes de maisonnée » (grong pa’i jo mo) (Riaboff, 1997 : 187 ; Dollfus, 1989 : 86).

28 Serkong Rinpoche (1914-1983), d’origine tibétaine, était l’un des assistants et enseignants du 14. Dalaï-lama. Ayant beaucoup œuvré pour le renouveau du bouddhisme au Spiti, il a été nommé chef spirituel du monastère de Tabo. Pour plus d’informations, voir Berzin, 2002.

29 L’existence d’un monastère à cet endroit n’est pas prouvée historiquement, mais il y a des ruines qui pourraient venir d’une ancienne fortification ou d’un palais ; des fouilles archéologiques étant attendues à ce sujet. Ce lieu est aussi appelé Ama Jomo Phug (« grotte de la mère ») faisant référence à la mère du grand saint local Rangrik Repa (1619-1683) qui y aurait résidé.

30 Les fonds de la Jamyang Foundation proviennent principalement de donations occidentales. Pour plus d’informations, voir leur site internet : http://jamyang.org (consulté en juin 2017).

31 Rattaché au monastère de Kyi, Kachen Drugyal est un des rares moines à avoir effectué ses études au Tibet. Il est rentré en 1951, après l’invasion du Tibet par la Chine. Son titre de « Kachen » signifie qu’il a obtenu l’équivalent d’un doctorat en philosophie bouddhique au monastère de Tashi Lhunpo (Tibet central).

32 Kachen Drugyal est resté à Yangchen Chöling jusqu’en 1995, année de sa retraite pour des raisons de santé, voir Coberly (2004 : 198).

33 Rappelons que les monastères de Kyi, de Dankhar et de Tabo sont tous de l’école guélugpa.

34 Sur les danses religieuses cham, voir entre autres, Nebesky-Wojkowitz (1976), Helffer (1980) et Schrempf (1994) ; sur le cham au Spiti, voir Gupta (2016).

35 Au Spiti, plusieurs monastères reçoivent des fonds du gouvernement indien, plus exactement du ministère de la culture et son département réservé à la culture bouddhiste. C’est remarquable, puisque les temples hindous ne reçoivent généralement pas d’aide gouvernementale.

36 Pour plus d’informations sur le monastère de Tabo et son histoire, voir Klimburg-Salter (1997).

37 Cette école a été conçue et planifiée par le précédent Serkong Rinpoche et réalisée en 1999 par son successeur, l’actuel Serkong Rinpoche (né en 1984) qui est originaire du Spiti mais réside à Dharamsala.

38 Certaines personnes originaires du Spiti et d’ailleurs étant très critiques envers le fait que des filles de six ans deviennent nonnes, il a été d’abord difficile d’obtenir l’âge de ces jeunes. Selon les nonnes plus âgées, ces jeunes ont été envoyées par leurs familles, trop pauvres pour subvenir à leurs besoins. Il n’est donc pas sûr si elles resteront des religieuses toute leur vie.

39 Ani Bhuti a été mariée contre son gré à une époque où cela était encore souvent le cas. N’ayant pu donner naissance à des descendants, son lama lui a conseillé de « libérer » son mari en se faisant nonne, ce qu’elle a accepté avec joie selon ses dires. Remarié aussitôt, son ex-mari n’a jamais eu d’enfants.

40 Pour une description et analyse complètes de ce genre d’études bouddhiques, voir Dreyfus (2003). Pour une présentation du cursus dans l’institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, voir Schneider (2013 : 215-236).

41 Cf. Goldstein (1999) et Dreyfus (ibid.).

42 Un autre professeur geshe de sa promotion a été engagé pour enseigner dans le couvent à côté, Yangchen Chöling. Leurs salaires sont relativement bas, environ 6 000 Rps (environ 72 €), mais représentent les frais les plus importants dans les deux couvents.

43 À titre comparatif, les moines du monastère de Kyi ne font que commencer le cycle de la « Perfection de la sagesse », Pharchin. Leur programme éducatif ayant été introduit plus récemment, ils ont donc du retard par rapport aux nonnes.

44 Il est intéressant de souligner que Lochen Tulku soutient également un couvent au Kinnaur, sa région natale, adjacente au Spiti.

45 Voir, entre autres, Van Beek et Bertelsen (1997) ; Pirie (2007, chapitre 9) ; Deboos (2013, 2015).

46 Il existe seulement une structure qui accueille des filles sans soutien familial désirant continuer leurs études en ville, le Girls’ Hostel qui a ouvert à Kaza en 2008. Ses places sont toutefois restreintes à 16, ce qui est insuffisant vu les demandes.

47 Voir aussi Tsomo (1999) pour un état de lieu à la fin des années 1990.

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Table des illustrations

Titre Carte 1 – La vallée du Spiti en Inde
Crédits © Michael Dowad
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Titre Carte 2 – La situation géographique des monastères bouddhiques du Spiti
Crédits © Michael Dowad
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Titre Carte 3 – La situation géographique des couvents du Spiti
Crédits © Michael Dowad
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Titre Photo 1 – Les nonnes Lobsang Chödrön (gauche) et Tenzin Chödrön (milieu) peu après leur arrivée à Dharamsala
Crédits Cliché Lobsang Chödrön
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Titre Carte 4 – Le couvent et l’institut d’études bouddhiques supérieures Dolma Ling, près de Dharamsala
Crédits © Nicola Schneider
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Titre Photo 2 – La nonne Tashi Tsomo dans son ermitage à Gang Chumig
Crédits Cliché Michael Dowad
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Titre Photo 3 – Le couvent Sherab Chöling au Spiti, 2017
Crédits Cliché Nicola Schneider
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Titre Photo 4 – Deux jeunes nonnes de Sherab Chöling en train de s’entraîner aux débats, 2017
Crédits Cliché Nicola Schneider
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Pour citer cet article

Référence papier

Nicola Schneider, « Le monachisme féminin AU SPITI (H.P. Inde) : un phénomène nouveau »Les Cahiers d’Outre-Mer, 276 | 2017, 51-76.

Référence électronique

Nicola Schneider, « Le monachisme féminin AU SPITI (H.P. Inde) : un phénomène nouveau »Les Cahiers d’Outre-Mer [En ligne], 276 | Juillet-Décembre, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/com/8352 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/com.8352

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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